La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2013 | BELGIQUE | N°C.11.0634.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 juin 2013, C.11.0634.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1532



NDEG C.11.0634.F

ETABLISSEMENTS KARL BOUVE, societe anonyme dont le siege social est etablià Mons (Ghlin), rue de Douvrain, 3,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

LE VAL D'HEURE, societe cooperative à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Charleroi (Marchienne-au-Pont), rue deBeaumont, 262,
>defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret r...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1532

NDEG C.11.0634.F

ETABLISSEMENTS KARL BOUVE, societe anonyme dont le siege social est etablià Mons (Ghlin), rue de Douvrain, 3,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

LE VAL D'HEURE, societe cooperative à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Charleroi (Marchienne-au-Pont), rue deBeaumont, 262,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 novembre2010 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- articles 4, specialement S: 2, et 15, specialement alinea 1er, de la loidu 24 decembre 1993 relative aux marches publics et à certains marches detravaux, de fournitures et de services, telle que cette loi etaitd'application apres sa modification par la loi du 22 decembre 2003 etavant l'entree en vigueur (toujours indeterminee) de la loi du 15 juin2006 qui entrainera son abrogation ;

- article 130 du Code wallon du logement du 29 octobre 1998, telle quecette disposition etait en vigueur apres sa modification par les decretswallons du 15 mai 2003 et 20 juillet 2005.

Decisions et motifs critiques

L'arret, apres avoir condamne la defenderesse à payer à la demanderessela somme de 16.679 euros, majoree des interets au taux legal à partir du3 septembre 2008, jusqu'au parfait paiement, « deboute [la demanderesse]du surplus de sa demande ».

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« [La defenderesse] [...] est une personne morale de droit public dont laforme et les activites sont regies par les articles 130 et suivants duCode du logement [...]. La decision de renoncer provisoirement au marchepour proceder à une seconde adjudication a repose sur des faitsmateriellement inexacts [...]. L'article 15, alinea 1er, de la loi du 24decembre 1993 prevoit que, lorsque l'autorite competente decided'attribuer le marche, celui-ci doit etre attribue, en adjudicationpublique ou restreinte, au soumissionnaire qui a remis l'offre regulierela plus basse, sous peine d'une indemnite forfaitaire fixee à 10 p.c. dumontant, hors la taxe sur la valeur ajoutee, de cette offre [...]. Cettedisposition ne trouve pas à s'appliquer directement des lors qu'enl'espece, l'autorite competente, à savoir [la defenderesse], aprecisement decide de ne pas attribuer le marche [...]. Toutefois, enfondant sur des faits materiellement inexacts sa decision de renoncerprovisoirement au marche pour proceder à une nouvelle adjudication, [ladefenderesse] a commis une faute [...]. Sans celle-ci, le prejudice subipar [la demanderesse] ne se serait pas produit tel qu'il s'est realise[...]. En effet, [la demanderesse] etait, lors de la premiere procedured'adjudication, l'auteur de l'offre reguliere la plus basse [...]. C'estdonc à bon droit que celle-ci reproche une culpa in contrahendo à [ladefenderesse] [...]. La responsabilite aquilienne de cette derniere estdes lors engagee [...].

Le montant des dommages et interets revenant à [la demanderesse] ne peutpas exceder le montant de l'indemnite prevue par la disposition del'article 15, alinea 2 [lire : 1er], precite [...]. En effet, [lademanderesse] a droit à la reparation de l'integralite de son dommagemais pas davantage [...]. Sans la faute de [la defenderesse] et à defautd'obtenir le marche, [la demanderesse] n'aurait pas pu obtenir davantageque l'indemnite prevue par la disposition precitee [...].

Les pieces justificatives produites par les deux parties etablissent quela soumission [de la demanderesse], lors de la premiere adjudication,s'elevait à la somme de 166.790 euros, hors la taxe sur la valeur ajoutee[...]. Le prejudice [de la demanderesse] resultant de son manque à gagnerdoit necessairement etre calcule sur la base d'un certain pourcentage dela somme precitee [...]. Il ne s'agit pas là d'une evaluation en equite,operee à defaut de pieces justificatives [...]. Le dommage subi [par lademanderesse] sera des lors evalue par reference au critere contenu dansla disposition de l'article 15, alinea 1er, precite et non en applicationde celle-ci [...]. En effet, [la defenderesse] ne formule aucuneobservation permettant de supposer, et n'allegue d'ailleurs pas, que leprejudice subi reellement par [la demanderesse] et consistant dans laperte du benefice et dans la perte sur amortissement des frais fixespourrait etre inferieur à l'indemnite forfaitaire de 10 p.c. prevue parla disposition precitee [...]. Le montant en principal de l'indemniterevenant [à la demanderesse] sera des lors evalue à la somme de 16.679euros ».

Griefs

I. La cour d'appel etait saisie de conclusions par lesquelles lademanderesse soutenait 1. « quant au fondement legal de la demande :[...] la defenderesse s'interrogeait sur le bien-fonde de la reference àl'article 15 de la loi du 24 decembre 1993, en soutenant en substance quecet article ne visait pas l'hypothese d'une readjudication abusive maisprecisement l'hypothese ou le marche est attribue sans readjudication[...]. Tout autre fondement legal [serait] plus avantageux pour [lademanderesse], qui ne serait plus tenue par le carcan de l'indemniteforfaitaire de l'article 15 (10 p.c. du montant de la soumission). Eneffet, la perte du chiffre d'affaires implique non seulement une perte dubenefice (raisonnablement evalue à 6,5 p.c.) mais aussi une perte surl'amortissement de ses frais fixes (c'est-à-dire les frais auxquelsl'entrepreneur doit faire face, qu'il ait ou qu'il n'ait pas de travail :personnel employe, leasing, chauffage, assurance, taxes ... ; ces fraisfixes representent au minimum 17 p.c. du chiffre d'affaires annuel, detelle sorte qu'une indemnite veritable et integrale ne pourrait etreinferieure à 23,5 p.c., hors la taxe sur la valeur ajoutee, de lasoumission [...]. [La demanderesse] [...] introduisit, à titre tressubsidiaire, une demande d'indemnite fondee sur la culpa in contrahendo de[la defenderesse] et reclamera à titre d'indemnite non pas

10 p.c. mais 23,5 p.c. du cout de sa soumission injustement ecartee », et2. « quant au montant reclame [...] : la [demanderesse] reclame quant àelle 50.037 euros, à savoir 10 p.c. de sa premiere offre (166.790 eurosmultiplies par la periode totale du marche, à savoir trois ans). La[defenderesse] objectait que s'il est exact que le contrat peut porter surtrois ans, il n'y a qu'un minimum garanti d'une annee. L'avis de marche[...] precise : `En cas de satisfaction, le contrat pourra etre prolongechaque annee pendant trois ans maximum'. Il s'agit bien d'un engagementprecis du pouvoir organisateur qui aura pour consequence que [lademanderesse] ni personne d'autre ne sera plus admis à soumissionner cestravaux d'entretien pour les annees 2010 et 2011. La probabilite quel'adjudicataire des travaux de 2009 ne donne pas satisfaction estinfinitesimale, comme le demontre le fait qu'il n'y a pas 5 p.c. demarches publics qui donnent lieu à resiliation ou à mesures d'office. Sidonc, formellement, la commande de travaux d'entretien 2010 et 2011 n'estpas garantie à 100 p.c. au benefice de l'adjudicataire de 2009, ellel'est reellement à 95 p.c. au moins [...]. Dans cette mesure, [lademanderesse], sur la base de la theorie jurisprudentielle de la perted'une chance, peut à tout le moins revendiquer [...] 48.369,10 euros ».Dans le dispositif desdites conclusions, la demanderesse reclamait àtitre principal la condamnation de la defenderesse au paiement d'uneindemnite egale à 50.037 euros, à titre subsidiaire, la condamnation dela defenderesse au paiement d'une somme de 48.369,10 euros et, à titretres subsidiaire, qu'il lui soit donne acte « qu'elle se reserve, sur labase de la theorie de la culpa in contrahendo, de porter sa revendicationà 23,5 p.c. du chiffre d'affaires perdu, soit une indemnite de 117.586,95euros ; dans ce cas, ordonner la reouverture des debats pour permettre auxparties de conclure et plaider sur la hauteur du dommage ».

II. Il ressort des motifs precites de l'arret que les juges du fond ontinterprete les conclusions d'appel de la demanderesse comme signifiantque, s'il n'etait fait droit ni à sa these principale selon laquelle ellepouvait pretendre à une indemnite forfaitaire de 50.037 euros, ni à sathese subsidiaire selon laquelle elle avait droit à une indemnite pourperte d'une chance de 48.369,10 euros, elle reclamait, à titre plussubsidiaire, sur la base de la theorie de la responsabilite pour fauteprecontractuelle, une indemnite egale au prejudice reellement subi parelle, prejudice qu'elle estimait egal à la perte d'un benefice estime à6,5 p.c. du montant de sa soumission initiale, augmente de l'amortissementdes frais fixes, soit au total 23,5 p.c. du montant de ladite soumission.

L'arret statue sur cette demande « tres subsidiaire », mais la rejettepartiellement, pour les motifs ci-avant reproduits.

Premiere branche

L'article 4, S: 2, de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marchespublics et à certains marches de travaux, de fournitures et de servicesenumere les organismes autres que l'Etat, les communautes, regions,provinces ou communes auxquels la loi est applicable. Il s'agit notammentdes associations de droit public (article 4, S: 2, 2DEG) et des personnescreees pour satisfaire des besoins d'interet general (ayant un caractereautre qu'industriel ou commercial), dont la gestion est soumise aucontrole d'organismes de droit public (article 4, S: 2, 8DEG).

Aux termes de l'article 130 du Code wallon du logement, la societe delogement de service public est une personne morale de droit public quidoit etre agreee par la Societe wallonne du logement. L'arret constate quela defenderesse, qui a mis en adjudication le marche litigieux, selonpremier avis de marche du 21 mars 2008, est « une personne morale dedroit public, dont la forme et les activites sont regies par les articles130 et suivants du Code du logement ».

Aux termes de l'article 15, alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993,« lorsque l'autorite competente decide d'attribuer le marche, celui-cidoit etre attribue, en adjudication publique ou restreinte, ausoumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plus basse, sous peined'une indemnite forfaitaire fixee à 10 p.c. du montant, hors la taxe surla valeur ajoutee, de cette offre ».

La limitation forfaitaire de l'indemnite à 10 p.c. du montant de l'offrereguliere la plus basse ne s'applique, selon les termes explicites del'article 15, alinea 1er, de la loi, que « lorsque l'autorite competentedecide d'attribuer le marche » mais ne l'adjuge pas au soumissionnairequi a remis l'offre reguliere la plus basse. En revanche, lorsquel'autorite competente decide, fautivement, de ne pas attribuer le marcheet de proceder à une nouvelle adjudication, ni l'article 15, alinea 1er,precite, ni aucune autre disposition de la loi ne fixe de maniereforfaitaire l'indemnite revenant au soumissionnaire qui a remis l'offrereguliere la plus basse, de sorte que le montant de l'indemnite revenantà ce soumissionnaire ne peut etre fixe qu'en application du droit communde la responsabilite aquilienne, resultant des articles 1382 et 1383 duCode civil.

En consequence, l'arret, qui constate que la defenderesse etait soumise àla loi du 24 decembre 1993, des lors qu'elle etait « une personne moralede droit public dont la forme et les activites sont regies par lesarticles 130 et suivants du Code (wallon) du logement », et qui constateen outre que la decision de la defenderesse de ne pas attribuer le marcheayant donne lieu à l'avis du 21 mars 2008 et de proceder à unereadjudication etait fautive, n'a pu legalement decider « que le montantdes dommages et interets revenant [à la demanderesse] ne peut pas excederle montant de l'indemnite prevue par la disposition de l'article 15,alinea 2 (lire : alinea 1er), precite » et n'a pu legalement ecarter, parce motif, la demande « tres subsidiaire » de la demanderesse, quitendait à obtenir une indemnite egale à 23,5 p.c. du montant de lasoumission faisant suite à l'avis de marche precite du 21 mars 2008. Enecartant, par le motif precite, cette demande subsidiaire fondee sur ledroit commun de la responsabilite precontractuelle, l'arret applique illegalement l'article 15 de la loi à une hypothese n'entrant pas dans lechamp d'application de cette disposition (violation de l'article 15,specialement alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993, vise en tete dumoyen, et, pour autant que de besoin, des articles 4, specialement S: 2,de la meme loi, vise en tete du moyen, et 130 du Code wallon du logement,vise en tete du moyen, ces deux dispositions entrainant l'applicabilite àla defenderesse de la loi precitee) et refuse illegalement à lademanderesse la reparation integrale de son prejudice (violation desarticles 1382 et 1383 du Code civil).

Deuxieme branche

Par les motifs precites, l'arret considere 1. « que cette disposition(l'article 15, alinea 1er, de la loi) ne trouve pas à s'appliquerlorsque, comme en l'espece, l'autorite competente, à savoir [ladefenderesse], a precisement decide de ne pas attribuer le marche » et 2.« que le montant des dommages et interets revenant [à la demanderesse]ne peut pas exceder le montant de l'indemnite prevue par la disposition del'article 15, alinea 2 (lire : alinea 1er) ». L'arret enonce donc, pardeux considerants successifs, 1. que la limitation forfaitaire del'indemnite à 10 p.c. du montant de l'offre, prevue par l'article 15 dela loi, ne s'applique pas à la presente espece, parce qu'il s'agit d'uncas ou l'autorite competente a decide, fautivement, de ne pas adjuger lemarche et de proceder à une nouvelle adjudication, et 2. que lalimitation forfaitaire de l'indemnite à 10 p.c. du montant de l'offre,prevue par l'article 15 de la loi, s'applique en l'espece.

La decision repose ainsi sur deux motifs entierement contradictoires.Cette contradiction de motifs equivaut à l'absence de motifs (violationde l'article 149 de la Constitution).

Troisieme branche

Lorsqu'une partie commet une faute dans la phase precedant la conclusiond'un contrat et engage ainsi sa responsabilite aquilienne, la partieprejudiciee par cette faute a droit à la reparation integrale de sondommage.

Des lors, en limitant le montant des dommages et interets alloues à lademanderesse à dix pour cent du montant de son offre, sans rechercher lemontant reel du prejudice subi par cette partie, tout en admettantqu'ainsi que celle-ci l'invoquait en conclusions, « le prejudice subireellement par [la demanderesse] [consistait] dans la perte du benefice etdans la perte sur amortissement des frais fixes », l'arret limiteillegalement la reparation accordee à la victime d'une faute aquilienne,en violation des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Quatrieme branche

I. Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage obligecelui par la faute duquel il est arrive à le reparer.

Pour determiner le montant du prejudice subi par la victime de la faute,il y a lieu de comparer sa situation, non pas avec ce qu'elle aurait etesi l'auteur avait commis une faute differente de celle qu'il a commise inconcreto, mais avec la situation qui aurait ete la sienne si l'auteur dufait dommageable n'avait commis aucune faute, c'est-à-dire avec lasituation qui aurait ete la sienne si cet auteur avait adopte lecomportement d'un bon pere de famille et avait respecte toutes lesobligations legales et reglementaires qui s'imposaient à lui.

Lorsque l'autorite publique soumise à la loi decide fautivement de ne pasattribuer un marche mais de proceder à une readjudication, la faute ainsicommise oblige cette autorite, en vertu des articles 1382 et 1383 du Codecivil, à reparer integralement le prejudice subi par le soumissionnairequi avait remis l'offre reguliere la plus basse à la suite du premieravis du marche. Ce prejudice se determine en comparant la situation dusoumissionnaire, non pas avec ce qu'elle aurait ete si l'autorite publiqueavait commis une faute differente, notamment si elle avait fautivementattribue le marche à un autre soumissionnaire, auquel cas lesoumissionnaire ayant remis l'offre reguliere la plus basse aurait perc,uune indemnite forfaitaire egale à 10 p.c. du montant de son offre, maisavec la situation qui aurait ete celle de cette victime si l'autoritepublique n'avait commis aucune faute, et avait donc attribue le marche ausoumissionnaire ayant remis l'offre reguliere la plus basse, auquel casledit soumissionnaire aurait perc,u l'avantage integral resultant del'attribution du marche (c'est-à-dire, ainsi que l'admet l'arret, samarge beneficiaire augmentee de l'amortissement de ses frais fixes).

II. En l'espece, pour limiter à 16.679 euros (soit 10 p.c. du montant deson offre) l'indemnite en principal allouee à la demanderesse, l'arret sefonde sur les motifs dejà cites « que le montant des dommages etinterets revenant [à la demanderesse] ne peut pas exceder le montant del'indemnite prevue par la disposition de l'article 15, alinea 2 (lire :alinea 1er), precite ; qu'en effet, (la demanderesse) a droit à lareparation de l'integralite de son dommage mais pas davantage ; que, sansla faute de [la defenderesse] et à defaut d'obtenir le marche, [lademanderesse] n'aurait pas pu obtenir davantage que l'indemnite prevue parla disposition precitee ».

Il ressort de ces motifs que, pour determiner le montant du prejudicereparable de la demanderesse, l'arret compare sa situation presente à cequ'elle aurait ete, non si la defenderesse n'avait commis aucune faute etlui avait donc attribue le marche (puisque sa soumission etait lasoumission reguliere la plus basse), mais à ce que cette situation auraitete si la defenderesse avait commis une faute differente de celle qui aete constatee in concreto, c'est-à-dire si elle avait attribue le marcheà un autre soumissionnaire, auquel cas la demanderesse n'auraiteffectivement « pas pu obtenir davantage que l'indemnite prevue » parl'article 15, alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993.

En limitant ainsi le montant du prejudice reparable par reference à lasituation qui aurait ete celle de la demanderesse si la defenderessen'avait pas respecte la loi mais avait commis une faute differente decelle qui lui a ete effectivement reprochee, l'arret viole la notion dedommage reparable dans le cadre de la responsabilite aquilienne de droitcommun (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la quatrieme branche :

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui, par sa faute,a cause à autrui un dommage est tenu de le reparer, ce qui implique leretablissement du prejudicie dans l'etat ou il serait demeure si cettefaute n'avait pas ete commise.

L'arret considere que la defenderesse, qui avait mis un marche enadjudication, a commis une faute en decidant de ne pas attribuer ce marchemais de le remettre en adjudication, et que cette faute a cause à lademanderesse, qui avait remis l'offre la plus basse, un dommage« consistant dans la perte du benefice et dans la perte suramortissements des frais fixes ».

En decidant d'evaluer le dommage par reference au critere de l'article 15,alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fournitures et de services, qui limiteà 10 p.c. de son offre l'indemnisation forfaitaire à laquelle a droit lesoumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plus basse lorsque lepouvoir adjudicataire attribue le marche à un autre soumissionnaire,l'arret n'evalue pas le dommage par rapport à la situation qui eut etecelle de la demanderesse si la defenderesse n'avait pas commis la fauteretenue contre elle, mais en fonction d'une autre faute et viole, partant,les articles 1382 et 1383 precites.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Et il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel de ladefenderesse ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal etMarie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du treize juin deuxmille treize par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

13 JUIN 2013 C.11.0634.F/12


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0634.F
Date de la décision : 13/06/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-06-13;c.11.0634.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award