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13/06/2013 | BELGIQUE | N°C.10.0064.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 juin 2013, C.10.0064.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

**101



**1867



NDEG C.10.0064.F

Comite de remembrement bleid, dont le siege est etabli àLibramont-Chevigny (Libramont), rue des Genets, 2,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

L B,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 de

cembre2009 par le Conseil d'etat, section du contentieux administratif.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat gener...

Cour de cassation de Belgique

Arret

**101

**1867

NDEG C.10.0064.F

Comite de remembrement bleid, dont le siege est etabli àLibramont-Chevigny (Libramont), rue des Genets, 2,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

L B,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 decembre2009 par le Conseil d'etat, section du contentieux administratif.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 10, 11, 13, 144 et 145 de la Constitution ;

* articles 591, 11DEG, et 609, 2DEG, du Code judiciaire ;

* articles 14, 28 et 33 des lois sur le Conseil d'etat, coordonnees du12 janvier 1973 ;

* article 33 de l'arrete du Regent du 23 aout 1948 reglant la proceduredevant la section d'administration du Conseil d'etat ;

* articles 26, S: 2, et 28 de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur laCour constitutionnelle ;

* articles 1er, 4, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 28, 29, 31,specialement alineas 3, 5 et 6, 34, 36, 39, 40, 41, 43 et 53, alinea1er, de la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement legal debiens ruraux.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque rejette l'exception d'incompetence opposee par ledemandeur au recours en annulation forme par le defendeur, dit ce recoursrecevable et fonde, en consequence, annule la « decision [du demandeur]d'aout 2006 d'arreter le plan de relotissement ainsi que des tableauxetablis conformement aux articles 26 et 34, 1DEG, 2DEG et 3DEG, de la loidu 22 juillet 1970 relative au remembrement legal de biens ruraux » etcondamne le demandeur aux frais et aux depens, aux motifs que :

« L'article 1er de la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrementlegal de biens ruraux enonce ce qui suit [...]. Aux termes des articles 4et suivants de cette loi, la procedure d'etablissement d'un plan deremembrement legal suppose l'etablissement, par un comite de remembrementad hoc, d'un plan parcellaire, qui regroupe les anciennes parcelles, etd'un plan de remembrement, qui regroupe les nouvelles parcelles, ainsi quedivers tableaux qui mentionnent le sort reserve aux proprietaires etexploitants en ce qui concerne les parcelles remembrees ; [...] dans lecadre de l'etablissement de ces plans, il est prevu que les personnestouchees par un projet de remembrement puissent emettre leurs observationsà ce propos, qu'une commission consultative ad hoc est chargee d'emettreun avis sur le projet de remembrement et les observations emises dans lecadre de l'enquete publique et que le pouvoir de decision revient aucomite de remembrement ad hoc ;

[...] En vertu de l'article 591, 11DEG, du Code judiciaire, `le juge depaix est competent, quel que soit le montant de la demande' [à propos]`des contestations en matiere de remembrement de biens ruraux' ; [...]l'article 43 de la loi du 22 juillet 1970 [... ] precise la competence dujuge de paix en ces termes [...] ;

[...] Par son arret nDEG 28.925 du 27 novembre 1987, le Conseil d'etat ajuge que `l'article 43 de la loi du 22 juillet 1970, interprete à lalumiere du rapprochement des lois successives et des travaux preparatoiresd'ou il ressort qu'une illegalite ou une injustice, si elles peuvent etresanctionnees, ne peuvent plus l'etre par une remise en cause dulotissement etabli par le comite, exclut formellement la competence duConseil d'etat pour connaitre du recours en annulation dirige contre ladecision finale du comite de remembrement ou, à plus forte raison, contrel'acte de remembrement par lequel cette decision est executee ; [...] il aegalement considere par son arret nDEG 30.549 du 30 juin 1988 que `la loidu 22 juillet 1970 sur le remembrement legal de biens ruraux, qui remplacela loi du 25 juin 1956, a supprime la possibilite, pour les interesses, decontester l'attribution des lots devant le juge de paix en casd'illegalite ou d'injustice evidente ; qu'elle a instaure une procedurespeciale de rectification qui exclut la competence du Conseil d'etat' » ;

Mais, sur la base de l'arret de la Cour constitutionnelle du 11 juin 2003,et plus precisement d'une consideration emise en ses motifs, l'arretattaque poursuit en disant que, « par cet arret (B.9.4 : `les decisionsfinales du comite de remembrement, qui sont des actes administratifs, sontsusceptibles de recours devant le Conseil d'etat'), la Courconstitutionnelle a estime que l'article 43 de la loi du 22 juillet 1970est conforme à la Constitution en raison notamment de la possibilitequ'ont les interesses d'introduire un recours devant le Conseil d'etatcontre la decision par laquelle le comite de remembrement etablit un plande remembrement. [...] La decision du comite de remembrement est un acteadministratif faisant grief dont le Conseil d'etat peut en principeconnaitre conformement à l'article 14 des lois coordonnees sur le Conseild'etat ; [...] il n'apparait pas que l'objet reel du litige porterait surune contestation qui, aux termes des articles 144 et 145 de laConstitution, serait de la competence des cours et tribunaux de l'ordrejudiciaire »,

et surtout que « la competence du Conseil d'etat ne pourrait etre exclueque si les interesses [avaient] la possibilite d'introduire devant unejuridiction de l'ordre judiciaire une action de nature à aboutir à unresultat equivalent à celui d'un recours pour exces de pouvoir ; [...] àcet egard, il y a lieu d'observer que, si la loi du 25 juin 1956 relativeau remembrement permettait de contester devant le juge judiciairel'attribution meme des parcelles, la loi du 22 juillet 1970 a supprimecette possibilite, l'interesse ne pouvant plus contester que le montantdes soultes et des indemnites, [...] le juge de paix ne [pouvant] plusremettre en cause le remembrement lui-meme »,

et encore que « c'est des lors à juste titre que la Cour[constitutionnelle] [...] a considere que cette protectionjuridictionnelle n'etait complete que parce que le Conseil d'etat etaitcompetent pour annuler le cas echeant les decisions du comite deremembrement ; [...] l'affirmation de la Cour [constitutionnelle] selonlaquelle `les decisions definitives du comite de remembrement sont desactes administratifs susceptibles de recours devant le Conseil d'etatconstitue un complement necessaire permettant la conclusion selon laquelleles garanties juridictionnelles offertes par l'article 43, S: 1er, sontsuffisantes ; [...] en effet, il y a lieu de rappeler que les questionsprejudicielles qui avaient ete posees mettaient en cause le fait que lejuge de paix ne pouvait apporter de modifications au remembrement etablipar le comite ainsi que l'absence de garanties de controle de legaliteexterne et interne' »,

et, enfin, que « l'article 26, S: 2, de la loi sur la Courconstitutionnelle [...] prevoit [...] ; en l'espece, il ressort dulibelle des deux questions prejudicielles soulevees par [le demandeur] queleur objet est identique à celui, d'une part, de la deuxieme et, d'autrepart, de la troisieme question prejudicielle, à ceci pres qu'il seraitdemande à la Cour constitutionnelle d'envisager l'hypothese selonlaquelle le Conseil d'etat ne serait pas competent ; [...] comme il a eteexpose ci-avant, la Cour constitutionnelle a dejà repondu à cesquestions dans l'arret nDEG 83/2003 precite ; [...] la motivation del'arret de la Cour constitutionnelle [...] etait suffisamment claire etunivoque sur ce point ; il n'y a, des lors, pas lieu de poser lesquestions prejudicielles proposees par [le demandeur] ».

Griefs

En vertu des articles 144 et 145 de la Constitution, le Conseil d'etat nepeut connaitre des demandes dont l'objet veritable tend à lareconnaissance d'un droit civil ou, plus generalement, d'un droitsubjectif. Les contestations qui ont pour objet des droits civils sontexclusivement du ressort des tribunaux de l'ordre judiciaire. Il en va dememe des contestations qui ont pour objet des droits politiques, sauf lesexceptions prevues par la loi.

Aux termes de l'article 7 des lois coordonnees sur le Conseil d'etat, lasection du contentieux administratif statue par voie d'arrets dans les casprevus par ces lois ou par des lois particulieres. Et, en vertu del'article 14, S: 1er, desdites lois, la section du contentieuxadministratif statue par voie d'arrets sur les recours en annulation pourviolation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine denullite, exces ou detournement de pouvoir, formes contre les actes etreglement des diverses autorites administratives.

Suivant l'article 33 des lois coordonnees sur le Conseil d'etat, confirmepar l'article 609, 2DEG, du Code judiciaire, peuvent etre deferes à laCour de cassation, les arrets par lesquels la section du contentieuxadministratif du Conseil d'etat decide ne pouvoir connaitre de la demandepar le motif que la connaissance de celle-ci rentre dans les attributionsdes autorites judiciaires, ainsi que les arrets par lesquels cette sectionrejette un declinatoire de competence fonde sur le motif que la demandereleve des attributions de ces autorites.

En outre, en vertu des articles 28 des lois coordonnees sur le Conseild'etat et 33 de l'arrete du Regent du 23 aout 1948, les arrets de lasection du contentieux administratif doivent etre regulierement motives,repondre aux moyens des parties et permettre à la Cour de cassationd'exercer son controle de legalite.

Si la competence du Conseil d'etat est determinee par l'objet veritable etdirect du recours dont il est saisi, en sorte que, en regle, les demandesd'annulation des actes administratifs des autorites relevent de cettecompetence, la loi peut, explicitement ou implicitement, supprimer lapossibilite de poursuivre l'annulation d'un acte administratif ou d'unecategorie d'actes de l'autorite, exclure la competence du Conseil d'etatet reserver la connaissance de tous les litiges auxquels ce ou ces actespeuvent donner lieu aux seuls tribunaux de l'ordre judiciaire.

Premiere branche

Suivant l'article 1er de la loi du 22 juillet 1970 relative auremembrement legal de bien ruraux,

« Afin d'assurer, dans l'interet general, une exploitation pluseconomique des biens ruraux, il peut etre procede, conformement auxdispositions de la presente loi, au remembrement de terres morcelees et deterres dispersees.

Le remembrement tend à constituer des parcelles continues, regulieres,aussi rapprochees que possible du siege de l'exploitation et jouissantd'acces independants.

Le remembrement peut etre accompagne de la creation et de l'amenagement dechemins et voies d'ecoulement d'eau et de travaux d'amelioration fonciere,tels que travaux d'assechement, d'irrigation, de nivellement et dedefrichement, ainsi que de travaux d'amenagement des sites et de travauxd'adduction de l'eau et de l'electricite.

Avec l'accord des proprietaires, usufruitiers et preneurs interesses, leremembrement peut etre accompagne d'autres ameliorations renduesnecessaires par la restructuration fonciere ou par la reorientation de laproduction, tels que la demolition, la construction, l'agrandissement,l'amelioration et le raccordement au reseau electrique et à ladistribution d'eau de batiments de ferme, y compris les locauxd'habitation, ainsi que l'adduction de l'eau et du courant electrique dansles prairies et paturages ».

Il se deduit de la combinaison des articles 4 et suivants de ladite loi,vises en tete du moyen, que les divers actes accomplis au cours de laprocedure d'etablissement d'un remembrement legal de biens ruraux nepeuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'etat,toutes les contestations en matiere de remembrement ruraux etant de lacompetence exclusive des tribunaux de l'ordre judiciaire et plusparticulierement de celle du juge de paix, en vertu de l'article 591,11DEG, du Code judiciaire, l'article 43 de la loi du 22 juillet 1970determinant d'ailleurs les limites de cette competence de la manieresuivante :

« S: 1er. Tout interesse peut contester les superficies des nouvellesparcelles qui lui sont attribuees dans chaque zone de valeur, le calculdes valeurs globales et de la soulte qui en resulte, le montant desindemnites pour plus-values ou moins-values, ainsi que l'indemnite pourperte de jouissance.

Il peut egalement contester la part contributive dans les frais, mise àsa charge selon les dispositions de l'article 40, alineas 1er et 2.

à peine de forclusion, l'interesse ou son avocat adresse au juge unerequete en nomination d'expert dans les trente jours de l'envoi de l'avisprevu à l'article 35, alinea 5, s'il s'agit d'un recours fonde sur lepremier alinea du present paragraphe, ou dans les trente jours de l'envoide l'avis prevu à l'article 42, alinea 5, s'il s'agit d'un recours fondesur le deuxieme alinea du present paragraphe.

La liste estampillee des lettres recommandees ou les recepisses del'administration des postes, afferents aux notifications prevuesrespectivement aux articles 35, alinea 5, et 42, alinea 5, sont deposes augreffe par le comite, au plus tard le jour de l'expiration du delai pourl'introduction des requetes.

Les dispositions des alineas 3, 4 et 6 à 12 de l'article 23 sontapplicables aux actions en justice visees ci-dessus.

Si le juge estime les griefs fondes, il rectifie, selon le cas, la soulte,les indemnites pour plus-values ou moins-values, l'indemnite pour perte dejouissance ou le montant des frais mis à charge de l'interesse ; ladifference fait partie des frais d'execution du remembrement.

Lorsque le jugement est prononce au moins trente jours avant la date fixeepour la passation de l'acte de remembrement, le comite apporte auxtableaux prevus à l'article 34, 1DEG, 2DEG et 3DEG, les corrections quien decoulent. Dans le cas contraire, il apporte ces corrections auxtableaux prevus à l'article 41, 1DEG et 2DEG, ainsi qu'aux documentsetablis sur la base de l'article 44.

S: 2. Tout interesse peut contester le report des droits reels tels qu'ilsont ete arretes conformement à l'article 36, alinea 4.

Pour introduire l'action, une citation à comparaitre devant le juge est,à peine de forclusion, notifiee au comite dans les trente jours del'envoi de l'avis prevu à l'article 36, alinea 5. La citation, à peined'irrecevabilite, mentionne l'objet de l'action et contient un exposesuccinct des moyens.

à peine de decheance, cette citation est notifiee au moins quinze joursd'avance.

Sont applicables à ces actions en justice les dispositions des alineas 11et 12 de l'article 23, ainsi que les dispositions des alineas 7 à 10 dumeme article au cas ou le juge designe un ou plusieurs experts.

Le juge determine, s'il y a lieu, les nouvelles parcelles ou parties denouvelles parcelles sur lesquelles les droits reels sont reportes ; ilpeut ordonner à la partie demanderesse d'appeler à la cause toutepersonne interessee qu'il designe.

Lorsque le jugement est prononce au moins trente jours avant la date fixeepour la passation de l'acte de remembrement, le comite apporte auxtableaux prevus à l'article 34, 4DEG et 5DEG, les corrections qui endecoulent. Dans le cas contraire, le jugement est transcrit ou inscrit àla conservation des hypotheques, à la requete de la partie la plusdiligente ».

Le remembrement et le relotissement ne peuvent donc pas etre contestes ensoi, seuls les indemnites allouees ou les frais reclames aux interessespouvant etre modifies ; la volonte du legislateur de conferer à toutesles contestations pouvant naitre dans le cadre du remembrement legal debiens ruraux un caractere strictement civil est certaine, la decisionfinale du comite de remembrement ne pouvant etre ni attaquee en annulationdevant le Conseil d'etat, qui n'a pas competence pour connaitre d'un telrecours, ni contestee, au visa de l'article 159 de la Constitution, devantle juge judiciaire.

Il s'ensuit que l'arret attaque, qui decide le contraire, rejette ledeclinatoire de competence et annule la decision administrative querellee,n'est pas legalement justifie et viole toutes les dispositions visees aumoyen, sauf les articles 10 et 11 de la Constitution, 26 et 28 de la loispeciale sur la Cour constitutionnelle.

Seconde branche

Les arrets de la Cour constitutionnelle rendus sur question prejudiciellene sont revetus que d'une autorite de chose jugee relative, la solutiondegagee par la Cour ne s'imposant qu'au juge qui a pose la question etaux juridictions statuant dans la meme cause.

Certes, il resulte de la combinaison des articles 26, S: 2, alinea 2,2DEG, et 28 de la loi du 6 janvier 1989 que toute juridiction appelee àstatuer sur un objet identique à celui qui a fait l'objet de la reponsed'inconstitutionnalite est dispensee de reiterer la question prejudicielleet de reinterroger la Cour, pour autant qu'elle se conforme à la reponsedonnee par celle-ci ; il est donc exige que la regle dont laconstitutionnalite est suspectee soit identique à celle qui a faitl'objet du controle precedent et, surtout, que les reproches faits à lanorme en cause soient exactement les memes que ceux qui lui avaient eteimputes.

Toute interpretation par analogie est, en raison de la modificationapportee à l'article 26, S: 2, alinea 2, 2DEG, par la loi du 9 mars 2003,qui exige que l'objet soit identique et non simplement semblable,interdite ; s'il n'y pas parfaite identite, une nouvelle questionprejudicielle doit etre posee à la Cour.

Et tel etait le cas en l'espece. En effet, la deuxieme et la troisiemequestion prejudicielle qui ont ete posees à la Cour constitutionnelledans le cadre de l'affaire ayant donne lieu à l'arret nDEG 83/2003 du 11juin 2003 etaient les suivantes :

« L'article 43, S: 1er, de la loi du 22 juillet 1970 relative auremembrement legal de biens ruraux viole-t-il l'article 16 de laConstitution, des lors qu'une forme d'expropriation a lieu en dehors descas determines par la loi et d'une maniere non autorisee par la loi, vul'impossibilite de proceder au controle de legalite externe et interne del'expropriation demandee ?

Les articles 20 et 43 de la loi du 22 juillet 1970 relative auremembrement legal de biens ruraux violent-ils les articles 10 et 11 de laConstitution, combines avec l'article 1er du Premier Protocole additionnelà la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales du 20 mars 1952, signe à Paris et approuve par la loi du 13mai 1955, en ce que la moins-value resultant de l'attribution des terres,dans le cadre du remembrement, ne serait pas indemnisee parce que cesterres n'auraient pas de valeur culturale ou d'exploitation et en tantqu'ils entrainent ainsi une discrimination par rapport à l'indemnitejuste et prealable qui, dans le droit commun, est octroyee aux autresexpropries » ?

Ces deux questions ne formulent pas de reproche d'inconstitutionnaliteaux dispositions de la loi du 22 juillet 1970, et singulierement àl'article 43, parce que l'acte de remembrement et la decision finale sontou non susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation devant leConseil d'etat.

Il est indifferent que l'arret prejudiciel, qui s'est borne à dire pourdroit que « l'article 20 de la loi du 22 juillet 1970 relative auremembrement legal de biens ruraux ne viole pas les articles 10 et 11 dela Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 1er du PremierProtocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, et que les articles 23, 29, alinea 2, et43, S: 1er, de la meme loi ne violent pas les articles 10 et 11, lus ounon en combinaison avec l'article 16 de la Constitution », ait,incidemment, indique dans ses motifs que « les decisions finales ducomite de remembrement, qui sont des actes administratifs, sontsusceptibles de recours devant le Conseil d'etat ».

Il s'ensuit que l'arret attaque, qui considere, pour cette seule raison,que le Conseil d'etat est competent pour connaitre du recours enannulation du defendeur, qu'il y a lieu de rejeter le declinatoire decompetence oppose par le demandeur et qu'il ne s'impose pas d'interrogerla Cour constitutionnelle relativement à la constitutionnalite del'article 43 de la loi du 22 juillet 1970 des lors que celui-ci exclut lapossibilite de former un recours en annulation contre l'acte deremembrement devant le Conseil d'etat, viole toutes les dispositionsvisees en tete du moyen.

à tout le moins l'arret attaque n'est-il pas regulierement motive et nerepond-il pas au memoire en reponse du demandeur qui faisait specialementvaloir que les questions prejudicielles ayant donne lieu à l'arret de laCour constitutionnelle n'avaient pas un objet identique à la question siles dispositions de la loi du 22 juillet 1970, et singulierement l'article43, etaient conformes à la Constitution en ce qu'elles n'autorisaient pasde recours en annulation devant le Conseil d'etat contre l'acte deremembrement arrete par le demandeur (violation des articles 28 des loiscoordonnees sur le Conseil d'etat et 33 de l'arrete du Regent du 23 aout1948).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. En vertu de l'article 14, S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseild'etat, la section du contentieux administratif de ce conseil statuepar voie d'arrets sur les recours en annulation pour violation desformes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullite,exces ou detournement de pouvoir, formes contre les actes etreglements des diverses autorites administratives.

Cette competence est determinee par l'objet veritable et direct du recoursen annulation.

L'arret attaque constate que le recours du defendeur tend à« l'annulation de la decision du comite de remembrement de Bleid, de dateinconnue, d'arreter le plan de relotissement ainsi que des tableauxetablis conformement aux articles 26 et 34, 1DEG, 2DEG et 3DEG, de la loidu 22 juillet 1970 relative au remembrement legal de biens ruraux ».

Si, aux termes de l'article 591, 11DEG, du Code judiciaire, le juge depaix connait, quel que soit le montant de la demande, des contestations enmatiere de remembrement de biens ruraux, cette disposition ne vise que lescontestations qui sont expressement enumerees par la loi du 22 juillet1970.

Ni l'article 43 de cette loi, qui contient cette enumeration, ni aucuneautre disposition n'attribue au pouvoir judiciaire la connaissance d'unecontestation portant sur la decision de remembrement elle-meme et n'exclutqu'un recours en annulation puisse etre forme devant le Conseil d'etatcontre l'acte administratif portant cette decision.

2. Le demandeur, qui conteste cette interpretation, propose que deuxquestions prejudicielles soient posees à la Cour constitutionnelle.

La premiere est ainsi libellee : « l'article 43, S: 1er, de la loi du 22juillet 1970 viole-t-il l'article 16 de la Constitution des lors qu'uneforme d'expropriation a lieu en dehors des cas determines par la loi etd'une maniere non autorisee par la loi, vu l'impossibilite de proceder aucontrole de legalite externe et interne de l'expropriation, dansl'interpretation suivant laquelle l'acte de remembrement n'est passusceptible de recours en annulation devant le Conseil d'etat et dansl'interpretation suivant laquelle l'acte de remembrement est susceptiblede recours en annulation devant le Conseil d'etat » ?

Le moyen, en cette branche, ne saurait mener à cassation que si la Courconstitutionnelle decidait que l'existence d'un recours en annulationdevant le Conseil d'etat emporte violation de la Constitution.

Par l'arret nDEG 83/2003 du 11 juin 2003, la Cour constitutionnelle a,pour decider que l'article 43, S: 1er, de la loi du 22 juillet 1970 neviole pas les articles 10 et 11, lus ou non en combinaison avec l'article16, de la Constitution, considere que « [cette] loi [...] - enparticulier les articles 23 et

43 - prevoit plusieurs garanties permettant aux interesses de contestercertaines decisions relatives à la determination de certaines valeurs etde certaines indemnites » et que, « en outre, les decisions finales ducomite de remembrement sont susceptibles de recours devant le Conseild'etat ».

Des lors que la deuxieme question du juge de paix du canton deTermonde-Hamme sur laquelle statue cet arret demandait à la Courconstitutionnelle si « l'article 43, S: 1er, [precite] viol[ait]l'article 16 de la Constitution, des lors qu'une forme d'expropriation alieu en dehors des cas determines par la loi et d'une maniere nonautorisee par la loi, vu l'impossibilite de proceder au controle delegalite externe et interne de l'expropriation demandee », il n'y a, parapplication de l'article 26, S: 2, alinea 2, 2DEG, de la loi speciale du 6janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, pas lieu de poser une nouvellequestion à celle-ci mais de considerer qu'elle ne saurait tenirl'existence d'un recours en annulation devant le Conseil d'etat pourcontraire à la Constitution.

La seconde question prejudicielle proposee par le demandeur est ainsilibellee : « les articles 20 et 43 de la loi du 22 juillet 1970violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, combines avecl'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, en ce quela moins-value resultant de l'attribution de terres dans le cadre duremembrement ne serait pas indemnisee parce que ces terres n'auraient pasde valeur culturale ou d'exploitation et en tant qu'ils entrainent ainsiune discrimination par rapport à l'indemnite juste et prealable qui, dansle droit commun, est octroyee aux autres expropries, dans l'interpretationsuivant laquelle l'acte de remembrement n'est pas susceptible de recoursen annulation devant le Conseil d'etat et dans l'interpretation suivantlaquelle l'acte de remembrement est susceptible de recours en annulationdevant le Conseil d'etat » ?

La disposition de l'article 26, S: 2, de la loi speciale du 6 janvier 1989en vertu de laquelle la Cour n'est pas dispensee de demander à la Courconstitutionnelle de statuer sur une question soulevee devant elle, memelorsqu'elle estime que la reponse à la question n'est pas indispensablepour rendre sa decision, ne peut s'entendre que dans les limites du moyendont la Cour est saisie.

La question prejudicielle est etrangere au moyen, en cette branche.

3. En considerant, apres avoir rappele l'objet du recours en annulation,« que la decision du comite de remembrement est un acte administratiffaisant grief dont le Conseil d'etat peut en principe connaitreconformement à l'article 14 des lois coordonnees sur le Conseil d'etat ;qu'au vu des moyens de la requete [en annulation], il n'apparait pas quel'objet reel du litige porterait sur une contestation qui, aux termes desarticles 144 et 145 de la Constitution, serait de la competence des courset tribunaux de l'ordre judiciaire », et « que la competence du Conseild'etat ne pourrait etre exclue que si les interesses avaient lapossibilite d'introduire devant une juridiction de l'ordre judiciaire uneaction de nature à aboutir à un resultat equivalent à celui d'unrecours pour exces de pouvoir », ce qu'il exclut en rappelant « que lejuge de paix ne peut [...] remettre en cause le remembrement lui-meme »,l'arret attaque justifie legalement sa decision de rejeter le declinatoirede competence souleve par le demandeur.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

En considerant qu' « il ressort du libelle des deux questionsprejudicielles soulevees par [le demandeur] que leur objet est identiqueà celui, d'une part, de la deuxieme et à celui, d'autre part, de latroisieme question prejudicielle, à ceci pres qu'il serait demande à laCour constitutionnelle d'envisager l'hypothese selon laquelle le Conseild'etat ne serait pas competent ; que [...] [cette] cour a dejà repondu àces questions dans l'arret

nDEG 83/2003 precite, et que, la motivation de [cet] arret [...] etantsuffisamment claire et univoque sur ce point, il n'y a, des lors, pas lieude poser les questions prejudicielles proposees par [le demandeur] »,l'arret attaque repond au memoire en reponse du demandeur soutenant lecontraire et motive regulierement sa decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Pour le surplus, il suit de la reponse à la premiere branche que, dans lamesure ou il se limite à faire grief à l'arret attaque de se dispenserde demander à la Cour constitutionnelle de statuer sur les questionsprejudicielles soulevees devant le Conseil d'etat et reiterees devant laCour, le moyen, en cette branche, est denue d'interet, partant,irrecevable.

Par ces motifs

La Cour, statuant en chambres reunies,

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent quatre-vingt-cinq euros trenteet un centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambres reunies, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Etienne Goethals, presidant, le presidentChristian Storck, le president de section Eric Dirix, le conseiller DidierBatsele, les presidents de section Eric Stassijns et Albert Fettweis, lesconseillers Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns, Martine Regout, MireilleDelange et Michel Lemal, et prononce en audience publique du treize juindeux mille treize par le premier president Etienne Goethals, en presencede l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier-chef deservice Karin Merckx.

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| K. Merckx | M. Lemal | M. Delange |
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| M. Regout | A. Smetryns | B. Deconinck |
| | | |
| A. Fettweis | E. Stassijns | D. Batsele |
| | | |
| E.Dirix | Ch. Storck | E. Goethals |
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13 JUIN 2013 C.10.0064.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0064.F
Date de la décision : 13/06/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-06-13;c.10.0064.f ?
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