Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.0416.N
I.
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
demandeur,
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. G. L.,
prevenu,
Me Tom Decaigny, avocat au barreau d'Anvers,
2. R. V. D. K.,
prevenu,
3. ETABLISSEMENTS STUKO cvba,
prevenue et civilement responsable,
defendeurs,
II.
R. V. D. K., precite,
prevenu,
demandeur,
contre
ETAT BELGE, precite,
partie poursuivante,
defendeur.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 31 janvier 2013 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur I fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le demandeur II ne fait valoir aucun moyen.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat general suppleant Marc De Swaef a conclu.
II. La decision de la Cour :
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 2, alinea2, du Code penal, 39 de la loi du 10 juin 1997 relative au regime general,à la detention, à la circulation et aux controles des produits soumis àaccise, tel que modifie par l'article 43 de la loi du 21 decembre 2009portant des dispositions fiscales et diverses, 26, 37, 43 de la loiprecitee du 21 decembre 2009, 45 de la loi du 22 decembre 2009 relative auregime general d'accise, 220 et 221 de la Loi generale sur les douanes etaccises du 18 juillet 1977 : l'arret decide, à tort, qu'aucune amende nepeut etre infligee aux defendeurs 1 et 2 du chef des infractions declareesetablies ; en effet, il decoule de l'annulation partielle de l'article 39,alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997 par l'arret nDEG 26/2013 rendu le 28fevrier 2013 par la Cour constitutionnelle, que, dans l'attente del'intervention du legislateur, le juge peut prononcer du chef de faitscommis le 27 fevrier 2009 une amende s'il estime que les faits sontsuffisamment graves pour entrainer une telle peine ou prononcer une amendemoins forte, soit en raison de l'existence de circonstances attenuantes,soit en application du principe de proportionnalite contenu à l'article1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales.
2. L'article 39, alineas 1er et 2, de la loi du 10 juin 1997, telqu'applicable avant l'arret d'annulation nDEG 140/2008 rendu le 30 octobre2008 par la Cour constitutionnelle, disposait :
« Toute infraction aux dispositions de la presente loi ayant pourconsequence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amende egale audecuple de l'accise en jeu avec un minimum de 250,00 EUR.
En outre, les contrevenants sont punis d'une peine d'emprisonnement dequatre mois à un an lorsque des produits d'accises livres ou destines àetre livres à l'interieur du pays sont mis à la consommation sansdeclaration ou, lorsque le transport s'effectue sous le couvert dedocuments faux ou falsifies ou, lorsque l'infraction est commise par banded'au moins trois personnes. »
3. Par l'arret nDEG 140/2008 rendu le 30 octobre 2008, la Courconstitutionnelle a annule ledit article 39, alinea 1er, « en ce qu'il nepermet pas au juge penal, lorsqu'existent des circonstances attenuantes,de moderer l'amende prevue par cette disposition et en ce que, en neprevoyant pas une amende maximale et une amende minimale, il peut avoirdes effets disproportionnes (...). »
4. L'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997, apres avoir eteremplace par l'article 43 de la loi du 21 decembre 2009, dispose àcompter du 10 janvier 2010 : « Toute infraction aux dispositions de lapresente loi ayant pour consequence de rendre l'accise exigible, est punied'une amende comprise entre cinq et dix fois l'accise en jeu avec unminimum de 250 EUR. »
L'article 37 de cette meme loi du 21 decembre 2009 insere l'article 281-2à la Loi generale sur les douanes et accises qui prevoit : « Lesdispositions du Livre premier du Code penal, y compris l'article 85, àl'exception cependant de l'article 68, sont applicables aux infractionsprevues par la presente loi et les lois speciales en matiere de douane etaccises. »
5. L'article 39 de la loi du 10 juin 1997, tel que modifie, a ete remplacepar l'article 45, alineas 1er et 2, de la loi du 22 decembre 2009 entreeen vigueur le 1er avril 2010, qui dispose :
« Toute infraction aux dispositions de la presente loi ayant pourconsequence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amende compriseentre cinq et dix fois l'accise en jeu avec un minimum de 250 euros.
En outre, les contrevenants sont punis d'une peine d'emprisonnement dequatre mois à un an lorsque des produits soumis à accise livres oudestines à etre livres à l'interieur du pays sont mis à la consommationsans declaration ou, lorsque le transport s'effectue sous le couvert dedocuments faux ou falsifies ou, lorsque l'infraction est commise par banded'au moins trois personnes. »
6. En vertu de l'article 2, alinea 2, du Code penal, si la peine etablieau temps du jugement differe de celle qui etait portee au temps del'infraction, la peine la moins forte sera appliquee.
7. Determiner la loi la moins forte applicable en l'espece, souleve laquestion des consequences de l'arret nDEG 140/2008 rendu le 30 octobre2008 par la Cour constitutionnelle, qui a annule l'article 39, alinea 1er,de la loi du 10 juin 1997, « en ce qu'il ne permet pas au juge penal,lorsqu'existent des circonstances attenuantes, de moderer l'amende prevuepar cette disposition et en (...) ne prevoyant pas une amende maximale etune amende minimale (...) ».
8. Par son arret nDEG 26/2013 rendu le 28 fevrier 2013, la Courconstitutionnelle a elle-meme determine les consequences de l'annulationpartielle dudit article 39, alinea 1er, par l'arret nDEG 140/2008 precite,ainsi qu'il suit :
« B.15. Il decoule de l'annulation partielle de l'article 39 precite que,dans l'attente d'une intervention du legislateur, le juge pouvait encoreprononcer l'amende prevue par cette disposition s'il estimait que lesfaits etaient suffisamment graves pour entrainer une telle peine ou qu'ilpouvait prononcer une amende moins forte, soit en raison de l'existence decirconstances attenuantes, soit en application du principe deproportionnalite contenu à l'article 1er du Premier Protocole additionnelà la Convention europeenne des droits de l'homme.
B.16. Il appartient des lors au juge a quo de determiner en l'espece sil'amende etablie au moment du jugement est ou non une peine moins forte,au sens de l'article 2, alinea 2, du Code penal, que celle que ladisposition legislative partiellement annulee par la Cour permettait deprononcer. »
9. Ainsi, le juge pouvait encore, dans l'attente d'une intervention dulegislateur, prononcer l'amende que prevoyait l'article 39, alinea 1er, dela loi du 10 juin 1997, s'il estimait que les faits etaient suffisammentgraves pour entrainer une telle peine ou eventuellement prononcer uneamende moins forte, soit en raison du depassement du delai raisonnable,soit en raison de l'existence de circonstances attenuantes, soit enapplication du principe de proportionnalite contenu à l'article 1er duPremier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales.
10. L'arret qui se prononce autrement ne justifie pas legalement cettedecision.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Quant à la premiere branche :
11. Il n'y a pas lieu de repondre au moyen, en cette branche, qui nepourrait entrainer une cassation plus etendue ou sans renvoi.
Sur l'etendue de la cassation :
12. L'illegalite de la decision de ne pas infliger une amende auxdefendeurs I.1 et I.2 entraine la cassation de leur condamnation à unepeine d'emprisonnement principale et aux frais, ainsi que de la decisionpar laquelle la defenderesse I.3 a ete declaree, conformement à l'article265 de la Loi generale sur les douanes et accises, civilement etsolidairement responsable des frais prononces à charge du defendeur I.2.Elle ne porte pas atteinte à la decision rendue sur la culpabilite desdefendeurs I.1 et I.2 ni à la confiscation particuliere ordonnee en cequi les concerne.
Le controle d'office
13. Pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peinede nullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, en tant qu'il decide qu'une amende ne peut etreinfligee aux defendeurs I.1 et I.2 et les condamne à une peined'emprisonnement principale et aux frais, ainsi que la decision parlaquelle la defenderesse I.3 est declaree, conformement à l'article 265de la Loi generale sur les douanes et accises, civilement et solidairementresponsable des frais prononces à charge du defendeur I.2 ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Laisse les frais du pourvoi I à charge de l'Etat ;
Condamne le demandeur II aux frais de son pourvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers FilipVan Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Antoine Lievens, et prononce enaudience publique du onze juin deux mille treize par le president desection Paul Maffei, en presence de l'avocat general suppleant Marc DeSwaef, avec l'assistance du greffier delegue Veronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
11 juin 2013 P.13.0416.N/1