Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.0118.N
J. V.,
prevenu,
demandeur,
Me Mark De Zutter, avocat au barreau de Hasselt et me Hans VanBavel,avocat au barreau de Bruxelles.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi est dirige contre le jugement rendu le 13 decembre 2012 par letribunal correctionnel de Hasselt, statuant en degre d'appel.
Le demandeur fait valoir un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
L'avocat general suppleant Marc De Swaef a depose des conclusions ecritesrec,ues au greffe le 24 mai 2013.
A l'audience du 11 juin 2013, le conseiller Erwin Francis a fait rapportet l'avocat general suppleant precite a conclu.
II. La decision de la Cour :
Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 59 de la Constitution et 41du Code d'instruction criminelle : le jugement attaque decide, à tort,que l'action publique exercee à charge du demandeur qui jouit del'immunite parlementaire, sans conge de la Chambre dont il fait partie,est recevable dans le cadre du flagrant delit ; une infraction constitueun flagrant delit si elle se commet actuellement ou si elle vient de secommettre ; il ne s'agit de cette derniere occurrence que lorsquel'infraction est encore actuelle et que le temps ecoule entre sacommission et les actes d'instruction et de poursuites se limite à laperiode necessaire à leur execution ; l'ordre de citation directe a etedonne le 13 octobre 2011, alors que le jugement attaque constate que ledernier acte d'instruction a ete effectue le 3 juillet 2011 ; cetteconstatation est incompatible avec la decision du jugement attaque selonlaquelle le ministere public a procede « sans delai » à la citation.
2. L'article 59 de la Constitution dispose : « Sauf le cas de flagrantdelit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant laduree de la session, en matiere repressive, etre renvoye ou citedirectement devant une cour ou un tribunal, ni etre arrete, qu'avecl'autorisation de la Chambre dont il fait partie. »
Il ressort du jugement attaque que l'article 120 de la Constitution estapplicable au demandeur en sa qualite de membre du Parlement flamand.
3. En vertu des dispositions precitees, le ministere public ne peutpoursuivre un parlementaire que sur la base d'un flagrant delit lorsquel'infraction est encore actuelle. Cela implique que la periode courantentre l'acte de poursuites et l'infraction ayant eventuellement donne lieuà l'execution immediate d'actes d'instruction doit correspondre au tempsmateriellement necessaire pour proceder aux poursuites. Les poursuitesengagees apres une interruption qui ne s'avere pas necessaire à leur miseen oeuvre ne concernent pas une infraction actuelle et sont irrecevablessans l'accord de l'assemblee parlementaire dans laquelle siege leparlementaire.
4. Le juge apprecie souverainement en fait si, au moment des poursuites,l'infraction faisant l'objet d'un flagrant delit est encore actuelle dansle sens precedemment defini. La Cour verifie uniquement si le juge ne tirepas des faits et circonstances qu'il constate des consequences sans lienavec eux ou qu'ils ne peuvent justifier.
5. Le jugement attaque decide que :
- l'agent de police a constate le 3 juillet 2001 aux alentours de 2h45 quele demandeur a heurte un panneau et un cone de signalisation et apoursuivi sa route ;
- la police, ensuite avertie par cet agent de police, a procede cette memenuit à un certain nombre d'actes d'instruction de maniere ininterrompue,dont les auditions du demandeur aux alentours de 6h05 et 6h24 ;
- le ministere public a procede sans delai à la citation.
6. Il ressort par ailleurs des pieces auxquelles la Cour peut avoir egardque :
- le jugement attaque ne mentionne pas d'autres actes d'instruction, outreles auditions precitees du 3 juillet 2011, aux alentours de 6h05 et 6h24 ;
- le ministere public a emis l'ordre de citation du demandeur le 13octobre 2011, à savoir plus de trois mois apres les auditions precitees.
7. Le delai ainsi ecoule de plus de trois mois entre le dernier acted'instruction constate par le jugement attaque effectue juste apres ladecouverte de l'infraction et la citation directe n'est pas compatibleavec la condition qu'au moment des poursuites, l'infraction faisantl'objet d'un flagrant delit, puisse encore etre actuelle. Le jugementattaque ne pouvait davantage deduire des faits qu'il constate que leministere public a procede sans delai à la citation du demandeur.
8. Par consequent, le jugement attaque ne justifie pas legalement ladecision que, sans le conge du Parlement dont fait partie le demandeur,l'action publique exercee contre lui en raison du flagrant delit constatepour l'infraction mise à sa charge, est recevable.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause au tribunal correctionnel de Tongres, siegeant en degred'appel.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers AlainBloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, et prononce enaudience publique du onze juin deux mille treize par le president desection Paul Maffei, en presence de l'avocat general suppleant Marc DeSwaef, avec l'assistance du greffier delegue Veronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Gustave Steffens ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
11 juin 2013 P.13.0118.N/1