La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0344.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 mai 2013, C.12.0344.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

7827



NDEG C.12.0344.F

FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, dont le siege est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, rue de la Charite, 33,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. V. L.,

2. M. D.,

3. M. L.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le

cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pour...

Cour de cassation de Belgique

Arret

7827

NDEG C.12.0344.F

FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, dont le siege est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, rue de la Charite, 33,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. V. L.,

2. M. D.,

3. M. L.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 10 fevrier2012 par le tribunal de premiere instance de Charleroi, statuant en degred'appel.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 2, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 21, specialement S: 1er, de l'arrete royal du 11 juillet 2003fixant les conditions d'agrement et le fonctionnement du bureau belge etdu Fonds commun de garantie automobile ;

- article 29bis, specialement S: 2, de la loi du 21 novembre 1989 relativeà l'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere de vehiculeautomoteur, tel qu'il etait en vigueur avant sa modification par la loi du

19 janvier 2001 ;

- article 80, specialement S: 1er, alinea 1er, 3DEG, de la loi du 9juillet 1975 relative au controle des entreprises d'assurances, tel qu'iletait en vigueur avant son abrogation par la loi du 22 aout 2002 ;

- article 17, S: 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 16 decembre 1981 portantmise en vigueur et execution des articles 79 et 80 de la loi du 9 juillet1975 relative au controle des entreprises d'assurances, tel qu'il etaiten vigueur avant son abrogation par l'arrete royal du 11 juillet 2003.

Decisions et motifs critiques

Le tribunal [d'appel] etait saisi par l'appel des defendeurs des suitesd'un accident de la circulation survenu le 15 mars 1996, alors que lavoiture de marque Opel Corsa, propriete de N. C., volee le meme jour àLa Hestre, etait poursuivie par les gendarmes, un des occupants de lavoiture volee, S. L., trouvant la mort dans cet accident.

Le tribunal [d'appel] a notamment statue sur la demande d'indemnisationformee par les deux parents et la soeur de S. L. contre le demandeur enremboursement des frais funeraires supportes par eux et en reparation deleur dommage moral, sur le fondement de l'article 80,

S: 1er, alinea 1er, 3DEG, de la loi du 9 juillet 1975.

Aux termes de ce texte legal, en effet, « toute personne lesee peutobtenir du [demandeur] la reparation des dommages resultant de lesionscorporelles causees par un vehicule automoteur » notamment « lorsque, encas de vol [...], la responsabilite civile à laquelle le vehicule peutdonner lieu n'est pas assuree ».

Le demandeur a conteste son obligation d'intervenir, conformement àl'article 17, S: 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 16 decembre 1981 portantmise en vigueur et execution des articles 79 et 80 de la loi du 9 juillet1975 aux termes duquel « la personne qui s'est emparee par vol » duvehicule est sans droit contre le demandeur, de meme que « le coauteur duvol », ce texte trouvant à s'appliquer, a soutenu le demandeur, àl'egard des ayants droit du voleur et du coauteur du vol.

Le jugement attaque met à neant la decision du tribunal de police quiavait deboute les defendeurs et prononce condamnation du demandeur par lesmotifs suivants :

« Quant à la demande incidente des (defendeurs) contre le (demandeur)

Que c'est à tort que, se fondant sur les dispositions de l'article21,3DEG, de l'arrete royal du 11 juillet 2003, le premier juge a rejeteles pretentions des parents et de la soeur de S. L. ;

Que, si, certes, cet article dispose que `ne possedent pas de droit contrele fonds : [...] la personne qui s'est emparee par vol ou par violence duvehicule automoteur ayant cause le dommage, le receleur de ce vehicule etle coauteur ou complice du vol, de la violence ou du recel', force est deconstater que le dommage dont il est demande reparation est un dommagepropre aux [defendeurs] ».

Precedemment, statuant sur la demande de N. C., proprietaire de lavoiture volee, à l'encontre des defendeurs, en leur qualite d'heritiersde S. L., qui, sans etre le conducteur du vehicule vole, se trouvait àl'interieur de celui-ci, le tribunal [d'appel] avait releve :

« Que la discussion s'articule sur la participation ou non, en qualite decoauteur ou de complice, de S. L. au vol du vehicule accidente ;

[...] Que c'est à juste titre et par une motivation adequate que letribunal [d'appel] fait sienne que le premier juge, analysant, d'une part,les declarations figurant au dossier repressif et, d'autre part, cellesqui ont ete recueillies sous la foi du serment, a considere que S. L.avait participe en qualite de coauteur au vol du vehicule de madame C.;

Qu'en outre, il resulte à suffisance du dossier repressif que l'accidents'est produit dans le cadre de la poursuite par les services de policedont les auteurs du vol faisaient l'objet, de sorte que le lien causalentre le vol et l'accident ne peut etre remis en cause ».

Griefs

Premiere branche

Par application de l'article 80, S: 1er, alinea 1er, 3DEG, de la loi du

9 juillet 1975, applicable en l'espece, toute personne lesee « peutobtenir du Fonds commun de garantie automobile la reparation des dommagesresultant de lesions corporelles causees par un vehicule automoteur [...]lorsque, en cas de vol [...], la responsabilite civile à laquelle levehicule peut donner lieu n'est pas assuree ».

Aux termes de l'article 80, S: 1er, alinea 2, de la meme loi, applicableen l'espece, « l'etendue et les conditions d'octroi de ce droit àreparation sont determinees par le Roi ».

L'article 17, S: 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 16 decembre 1980, applicable en l'espece, pris en execution de la loi precitee, dispose quene disposent pas de droit contre le Fonds « la personne qui s'est empareepar vol [...] du vehicule automoteur ayant cause le dommage » de meme que« le coauteur du vol ».

En vertu de l'article 29bis, S: 1er, alinea 1er, de la loi du

21 novembre 1989, applicable en l'espece, à l'exception des degatsmateriels, tous les dommages resultant de lesions corporelles ou du deces,causes à toute victime d'un accident de la circulation ou à ses ayantsdroit, dans lequel est implique un vehicule automoteur, sont indemnisespar l'assureur qui couvre la responsabilite du proprietaire, du conducteurou du detenteur de ce vehicule automoteur conformement à la loi.

L'article 29bis, S: 1er, alinea 3, de la meme loi, applicable enl'espece, dispose que l'article 80 de la loi du 9 juillet 1975 s'appliqueà cette indemnisation.

Cette reference par l'article 29bis, S: 1er, alinea 3, de la loi du

21 novembre 1989 à l'article 80 de la loi du 9 juillet 1975 rend aussi,par le fait meme, l'article 17, S: 1er, precite de l'arrete royal du 16decembre 1981, qui en est l'execution, applicable.

En outre, l'article 29bis, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 21 novembre1989 entend mettre les droits des ayants droit en concordance avec lesdroits de la victime directe.

Il resulte des dispositions legales precitees que « la personne qui s'estemparee par vol » du vehicule automoteur ou « le coauteur du vol » nepeut reclamer la reparation du dommage vise à l'article 29bis, S: 1er, dela loi du 21 novembre 1989 au Fonds commun de garantie automobile.

Il en est ainsi meme si est invoquee, à l'appui de cette reclamation, lafaute du conducteur du vehicule par application des articles 1382 et 1383du Code civil.

La regle vaut non seulement à l'egard de cette personne mais aussi àl'egard des ayants droit de celle-ci qui subissent un dommage propre enraison de leur lien avec cette personne.

Les ayants droit sont les personnes qui subissent un dommage « parricochet », c'est-à-dire un dommage personnel qui resulte de lesionscorporelles ou du deces de la victime « directe ».

Lorsque la victime « directe » ne peut pretendre à l'indemnisation dudommage vise à l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, ses ayantsdroit ne pourront davantage pretendre à celle-ci pour le dommage qu'ilssubissent personnellement en raison de la lesion ou du deces de la victime« directe ».

Il s'ensuit que le jugement attaque qui decide, d'une part, que S. L. a« participe en qualite de coauteur au vol du vehicule » qui a causel'accident, d'autre part, que les defendeurs sont respectivement lesparents et la soeur de S. L. - c'est-à-dire ses ayants droit - n'a pulegalement condamner le demandeur à indemniser les defendeurs des fraisfuneraires exposes par eux et de leur dommage moral sur le fondement destextes legaux cites ci-avant.

Seconde branche

Le demandeur n'a pas fonde sa contestation de la demande des defendeurssur « les dispositions de l'article 21, 3DEG, de l'arrete royal du

11 juillet 2003 » mais sur l'article 17, S: 1er, 5DEG, de l'arrete royaldu

16 decembre 1981, precisant il est vrai que ce texte se retrouveaujourd'hui sous « l'article 21, 3DEG », de l'arrete royal du 11 juillet2003 :

« Que, cependant, le [demandeur] ne doit pas indemniser les ayants droitde S. L., celui-ci etant coauteur du vol ;

Que les voleurs de vehicules sont en effet sans droit contre le[demandeur] en application de l'article 17, S: 1er, 5DEG, de l'arreteroyal du

16 decembre 1981 portant mise en vigueur et execution des articles 49 et50 de la loi du 9 juillet 1975 relative au controle des entreprisesd'assurances, modifie par l'arrete royal du 6 mai 1991 (actuel article 21,3DEG, de l'arrete royal du 11 juillet 2003 fixant les conditionsd'agrement et le fonctionnement du bureau belge et du Fonds commun degarantie automobile) :

`Ne possedent pas de droit contre le Fonds : [...] la personne qui s'estemparee par vol ou par violence du vehicule automoteur ayant cause ledommage, le receleur de ce vehicule et le coauteur ou complice du vol, dela violence ou du recel' ».

Il s'ensuit qu'en decidant que le demandeur se fonde sur l'article 21,3DEG, de l'arrete royal du 11 juillet 2003 à l'appui de sa contestation,le jugement attaque meconnait la foi due à ce passage des conclusions dudemandeur (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

En tout etat de cause, il se deduit des constatations du jugement et despieces de la procedure que l'accident litigieux est du 15 mars 1996.

Et l'arrete royal du 11 juillet 2003, qui lui est posterieur, ne contientaucune disposition qui lui confererait effet retroactif.

Il s'ensuit qu'en deboutant le demandeur sur le fondement d'unedisposition de cet arrete qui ne saurait etre d'application, le tribunalne justifie pas legalement sa decision (violation des articles 2 du Codecivil et 21, 3DEG, de l'arrete royal du 11 juillet 2003).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

En vertu de l'article 80, S: 1er, alinea 1er , 3DEG, de la loi relative aucontrole des entreprises d'assurances, tel qu'il etait applicable lors del'accident de la circulation litigieux du 15 mars 1996, toute personnelesee peut obtenir du Fonds commun de garantie automobile la reparationdes dommages resultant de lesions corporelles causees par un vehiculeautomoteur lorsque, en cas de vol, la responsabilite civile à laquelle levehicule peut donner lieu n'est pas assuree, conformement à l'exclusionlegalement permise.

Suivant l'alinea 2 dudit article 80, S: 1er, l'etendue et les conditionsd'octroi de ce droit à reparation sont determinees par le Roi.

En vertu de l'article 17, S: 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 16 decembre1980, portant mise en vigueur et execution des articles 79 et 80 de la loidu 9 juillet 1975 relative au controle des entreprises d'assurances,applicable au litige, la personne qui s'est emparee par vol du vehiculeautomoteur ayant cause le dommage et le coauteur ou complice du vol nepossedent pas de droit contre le Fonds.

Les proches d'une victime qui, en vertu de l'article 17, S: 1er, 5DEG,precite n'a pas droit à reparation, n'ont pas davantage droit de la partdu Fonds commun de garantie automobile à la reparation des dommagesqu'ils ont subis par repercussion du fait des lesions ou du deces de lavictime, ces dommages trouvant leur cause dans les liens de famille etd'affection qui les unissaient à la victime.

Le jugement attaque qui, apres avoir admis que la victime S. L., decedeedans l'accident litigieux, avait participe comme coauteur au vol duvehicule ayant cause l'accident, condamne le demandeur à indemniser lesdefendeurs, pere, mere et soeur de cette victime, en reparation desdommages moraux subis à la suite de ce deces et en outre les deuxpremiers defendeurs pour les frais funeraires qu'ils ont supportes, aumotif que ces dommages leur sont propres, viole les dispositions legalesprecitees.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque en tant qu'il declare fondees les demandesincidentes des defendeurs contre le demandeur, qu'il condamne ce dernierà payer des indemnites aux defendeurs et qu'il statue sur les depensafferents à ces demandes incidentes ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Mons, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le president de section AlbertFettweis, les conseillers Martine Regout, Michel Lemal et Marie-ClaireErnotte, et prononce en audience publique du trente mai deux mille treizepar le president Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

30 MAI 2013 C.12.0344.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0344.F
Date de la décision : 30/05/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-05-30;c.12.0344.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award