La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2013 | BELGIQUE | N°S.12.0005.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 mai 2013, S.12.0005.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4448



NDEG S.12.0005.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITe SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,

contre

IMBUCO, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Bruxelles, rue de Cureghem, 44,

defenderesse

en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 sep...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4448

NDEG S.12.0005.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITe SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,

contre

IMBUCO, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Bruxelles, rue de Cureghem, 44,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 septembre2011 par la cour du travail de Bruxelles.

Le 23 avril 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* article 159 de la Constitution ;

* principes generaux du droit dit de bonne administration et du droit aurespect de la confiance legitime ;

* principe general du droit dit principe de legalite ;

* articles 5, 9, 21, alinea 1er (avant sa modification par la loi du 24fevrier 2003), 22, alinea 1er, et 42 (avant sa modification par la loidu 29 avril 1996) de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du28 decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs ;

- articles 33, S: 2, et 34, alineas 1er et 5 (ce dernier avant samodification par l'arrete royal du 25 juillet 1994), de l'arrete royal du28 novembre 1969 pris en execution de ladite loi du 27 juin 1969 ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque rejette la demande du demandeur portant sur lescotisations sociales arrierees afferentes aux deuxieme, troisieme etquatrieme trimestres 1991 et aux premier, deuxieme et troisieme trimestres1992 et condamne le demandeur à supporter ses depens, aux motifssuivants:

« En tant qu'autorite administrative, [le demandeur] est tenu deconformer son action aux principes de bonne administration et, notamment,au principe de confiance (ou de securite juridique) ainsi qu'au principedu delai raisonnable ;

[...] L'action administrative doit, par ailleurs, etre menee avec unecertaine celerite ;

Meme en l'absence de delai fixe par la reglementation, il appartient àl'autorite de statuer dans un delai raisonnable dont la duree doit etreappreciee sur la base de la complexite de l'affaire, des recherchesnecessaires et de l'urgence [...] ;

En l'espece, il n'y a pas eu d'erreur [du demandeur] dans l'application dela reglementation. Il y a seulement eu un retard dans l'application despourcentages exacts de reduction de cotisations sociales ;

Dans ces conditions, la [defenderesse] ne peut pretendre que sa confiancea ete violee : il ne resulte ni de l'attitude [du demandeur] ni d'aucunautre element que la [defenderesse] pouvait legitimement croire que,nonobstant les limites prevues par l'arrete royal nDEG 498, ellecontinuerait à beneficier d'une reduction complete de cotisations desecurite sociale ;

Il apparait par contre que le fait de n'avoir rectifie les declarationstrimestrielles du premier trimestre 1990 et des trimestres subsequentsqu'en mars et avril 1993 constitue une violation du delai raisonnable ;

Le retard [du demandeur] parait d'autant plus injustifiable que, commel'indique l'arret du 12 janvier 2011, le cadre comptable n'invitait pasl'employeur à appliquer lui-meme les limitations des reductions decotisations sociales, de sorte qu'il appartenait, en principe, [audemandeur] de les appliquer d'office ;

Dans ces conditions, il eut ete raisonnable, meme à une epoque ou lecontrole des declarations se faisait de maniere non automatisee, que larectification intervienne pour la fin de l'annee en cours. Ainsi, enl'espece, le depassement du delai raisonnable est etabli à partir de lafin de l'annee 1990 ;

Comme indique ci-dessus [...], la jurisprudence considere que le retard[du demandeur] n'a pas pour consequence automatique que les sommes qu'ilreclame cessent d'etre dues. En effet, meme si [le demandeur] avait agiplus vite, les reductions de cotisations sociales auraient ete soumisesaux limitations prevues par l'arrete royal nDEG 498 ;

La [defenderesse] fait toutefois valoir que, `si elle avait eteimmediatement informee qu'elle ne pouvait encore beneficier desreductions, elle aurait mis fin au contrat de travail de l'employee' ;

Pour convaincre que telle aurait ete sa reaction, la [defenderesse] faitvaloir qu'àpres le deces de l'employee (le 2 octobre 1992), elle n'a pasete remplacee', comme en temoigne le fait que plus aucune declarationtrimestrielle n'a ete envoyee ;

Cette circonstance est etablie avec un degre suffisant de certitude ;

En effet, l'affirmation que la personne concernee par les reductions decotisations sociales litigieuses n'a pas ete remplacee apres son deces etque la societe n'a jamais occupe d'autre travailleur que cette employeen'est pas contestee par [le demandeur], qui aurait pourtant ete en mesurede la contester sur la base de l'historique des declarationstrimestrielles de la [defenderesse] ;

On doit des lors admettre, dans les circonstances tout à faitparticulieres de la cause, que l'employee concernee n'etait plusreellement indispensable au fonctionnement de la societe et que, si larectification etait intervenue dans un delai raisonnable, soit avant lafin 1990, la [defenderesse] aurait notifie un preavis qui serait venu àecheance à la fin du premier trimestre 1991 ;

Dans ces conditions, la cour [du travail] estime que le dommage en liencausal avec le depassement du delai raisonnable correspond aux cotisationset accessoires reclames pour le deuxieme trimestre 1991 et les trimestressubsequents qui, sans la faute, auraient ete evites ;

Il y a donc lieu de compenser les sommes normalement dues pour le deuxiemetrimestre 1991 et les trimestres subsequents et le dommage reparable quicorrespond à ces sommes ;

Ainsi, la [defenderesse] ne reste devoir que les montants reclames pour lequatrieme trimestre 1990 et le premier trimestre 1991, soit, selonl'extrait de compte joint à la citation introductive d'instance, 22.944francs ou 568,77 euros ».

Griefs

Premiere branche

Le demandeur est, selon les articles 5 et 9 de la loi du 27 juin 1969relative à la securite sociale des travailleurs, charge de percevoir lescotisations des employeurs et des travailleurs.

L'article 21, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loidu 28 decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs imposeà tout employeur assujetti de faire parvenir à l'Office national desecurite sociale une declaration justifiant le montant des cotisationsdues.

En vertu de l'article 33, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 prisen execution de ladite loi du 27 juin 1969, l'employeur fait parvenir àl'Office national de securite sociale la formule de declaration visee àl'article 21 de la loi au plus tard le dernier jour du mois qui suitchaque trimestre civil auquel la declaration se rapporte.

Aux termes de l'article 34, alinea 1er, de cet arrete royal, le montantdes cotisations est du par l'employeur à l'Office national de securitesociale aux quatre dates suivantes de chaque annee: 31 mars, 30 juin, 30septembre et 31 decembre.

Le cinquieme alinea de cet article dispose que les cotisations dues pourchaque trimestre venu à expiration doivent etre payees par l'employeur auplus tard le dernier jour du mois qui suit ce trimestre.

L'article 22 de la loi du 27 juin 1969 prevoit, à l'alinea 1er, qu'enl'absence de declaration ou en cas de declaration incomplete ou inexacte,l'Office national de securite sociale etablit d'office le montant descotisations dues et, au second alinea, que le montant de la creance ainsietablie est notifie à l'employeur par lettre recommandee à la poste.

Enfin, l'article 42, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1969, dans saversion applicable aux faits, dispose que les creances de l'Officenational de securite sociale à charge des employeurs assujettis à cetteloi se prescrivent par trois ans.

Il se deduit de ces dispositions qu'en presence d'une declaration inexacteou incomplete, le principe de bonne administration et de confiancelegitime en l'administration n'impose nullement à l'Office national desecurite sociale d'agir dans un delai raisonnable en recouvrement descotisations dues. L'Office national de securite sociale est uniquementtenu d'agir dans le delai legal de prescription. C'est ce delai deprescription qui constitue pour l'Office national de securite sociale ledelai raisonnable pour agir en rectification de la declaration et enrecouvrement des cotisations dues.

Il n'existe au surplus pas de principe general du droit du respect dudelai raisonnable.

La violation des principes de bonne administration suppose que l'autoriten'a pas agi comme une autorite administrative normalement soigneuse etprudente placee dans les memes conditions (articles 1382 et 1383 du Codecivil).

En l'occurrence, le demandeur s'etait comporte comme une autoriteadministrative normalement soigneuse et prudente puisqu'il etait tenu derecuperer les cotisations non declarees par la defenderesse et que ledelai pour agir en recuperation de ces cotisations n'etait pas expire.

C'est la defenderesse qui n'a pas agi comme un employeur soigneux etprudent en ne respectant pas ses obligations de declarer les cotisationsdues et de les payer. La defenderesse est par consequent seule responsabledu dommage qu'elle pretend avoir subi du fait de l'enrolement pretendumenttardif des cotisations dues.

Il s'ensuit que la decision selon laquelle le demandeur aurait meconnu lesprincipes de la bonne administration et de la confiance legitime enomettant de statuer dans un delai raisonnable à propos du montant descotisations restant dues par la defenderesse n'est pas legalementjustifiee (violation des dispositions legales et des principes generaux dudroit cites en tete du moyen, à l'exception de l'article 159 de laConstitution et du principe de legalite).

Deuxieme branche

En vertu de l'article 159 de la Constitution, il releve de la competencedu pouvoir judiciaire de controler la legalite d'une demande, enl'occurrence la demande de la defenderesse en reparation du dommagedecoulant de ce que le demandeur aurait depasse le delai raisonnable pourrectifier les declarations de la defenderesse se rapportant aux trimestres1990, 1991 et 1992.

L'application des principes generaux de bonne administration et deconfiance legitime ne peut justifier de derogation à la loi, le principede legalite consacre par l'article 159 de la Constitution prevalant.

L'arret attaque ne constate pas que la defenderesse pouvait beneficier dereductions de cotisations prevues par les arretes royaux nDEG 495 et 498mais au contraire admet qu'« il n'y a pas eu d'erreur [du demandeur]dans l'application de la reglementation » et, dans un arret preparatoiredu 12 janvier 2011, la cour [du travail] a reconnu le caractere

« fonde » de l'argumentation du demandeur et de sa demande en paiementdes cotisations sociales litigieuses.

Des lors qu'il admet que la defenderesse ne satisfaisait pas auxconditions legales d'obtention des reductions susdites ou qu'en tout casil ne l'exclut pas, l'arret attaque n'a pu, sans violer l'article 159 dela Constitution, le principe general du droit dit principe de legalite,ainsi que les autres principes generaux du droit et dispositions legalesvises en tete du moyen, decider que les cotisations « normalement dues » pour le deuxieme trimestre 1991 et les trimestres subsequentscompensent le dommage subi par la defenderesse du fait du calcul et de larectification au-delà d'un delai raisonnable des cotisations restantdues.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Il ressort des dispositions des articles 21, alinea 1er, de la loi du 27juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs, 33, S: 2, et 34, alinea 1er, de l'arrete royaldu 28 novembre 1969 pris en execution de cette loi qu'il incombe àl'employeur assujetti à celle-ci, dans les delais prescrits par cestextes, de faire parvenir à l'Office national de securite sociale unedeclaration justifiant le montant des cotisations dues et de payer cesdernieres.

L'article 22 de la loi du 27 juin 1969 dispose qu'en l'absence dedeclaration ou en cas de declaration incomplete ou inexacte, l'Officenational de securite sociale etablit le montant des cotisations dues etque le montant de la creance ainsi etablie est notifie à l'employeur parlettre recommandee.

En vertu de l'article 42, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1969, dans saversion applicable au litige, les creances de l'Office à charge desemployeurs assujettis à cette loi se prescrivent par trois ans.

Apres que la cour du travail eut, par un premier arret du 12 janvier 2011,decide que l'argumentation developpee par le demandeur à l'appui de lacreance non prescrite dont celui-ci reclamait le paiement à ladefenderesse etait, « en principe, fondee », l'arret attaque considere,par les motifs que le moyen reproduit et, en cette branche, critique, quele fait, pour le demandeur, « de n'avoir notifie les declarationstrimestrielles du premier trimestre 1990 et des trimestres subsequentsqu'en mars et avril 1993 constitue une violation du delai raisonnable »et que, « si la rectification etait intervenue dans un delai raisonnable,soit avant la fin de 1990 », la defenderesse eut pu determiner soncomportement de maniere à eviter de devenir debitrice des montantsreclames pour le deuxieme trimestre 1991 et les trimestres subsequents.

L'arret attaque decide en consequence « de compenser les sommesnormalement dues pour [ces trimestres] et le dommage reparable quicorrespond à ces sommes ».

Des lors que le demandeur a rectifie les declarations de la defenderesseet introduit sa reclamation dans le delai de prescription prevu àl'article 42, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1969, l'arret attaque n'apu, sans violer cette disposition legale, lui imputer une faute deduite duseul depassement d'un delai raisonnable justifiant de dispenser ladefenderesse des cotisations dues.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il deboute le demandeur de sa demande enpaiement des cotisations dues par la defenderesse pour le deuxiemetrimestre de 1991 et les trimestres subsequents, et qu'il statue sur lesdepens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Martine Regout,Alain Simon, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte et prononce enaudience publique du vingt-sept mai deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-----------------------------------------+
| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|----------+----------------+-------------|
| A. Simon | M. Regout | Chr. Storck |
+-----------------------------------------+

27 MAI 2013 S.12.0005.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0005.F
Date de la décision : 27/05/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-05-27;s.12.0005.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award