Cour de cassation de Belgique
Arret
4531
NDEG S.11.0060.F
A. C.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,
contre
1. INSTITUT NATIONAL D'ASSURANCE MALADIE-INVALIDITE, etablissement publicdont le siege est etabli à Woluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren,211,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,
2. ASSOCIATION HOSPITALIERE DE BRUXELLES - HOPITAL UNIVERSITAIRE DESENFANTS REINE FABIOLA, association de droit public, dont le siegeest etabli à Bruxelles, avenue Jean-Joseph Crocq, 15,
defenderesse en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 fevrier 2011par la cour du travail de Liege, section de Neufchateau.
Le 23 avril 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
Articles 25 à 25decies, 37, 37bis et 97 de la loi relative à l'assurancesoins de sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, tels qu'ilsont ete modifies par l'article 2 de la loi du 27 avril 2005 relative à lamaitrise du budget des soins de sante et portant diverses dispositions enmatiere de sante
Decisions et motifs critiques
L'arret dit l'appel incident forme par le demandeur à l'encontre dudefendeur non fonde et confirme la decision administrative adoptee le 19novembre 2007 par le defendeur par le motif que :
« I. Demande [du demandeur contre le defendeur]
L'ensemble du materiel ECMO ne releve pas de la nomenclature INAMI aumoment de l'hospitalisation de l'enfant, de sorte que la demandeprincipale est non fondee en ce qu'elle est dirigee contre [le defendeur]et que la decision administrative querellee doit etre confirmee ».
Grief
Le Fonds special de solidarite a ete cree afin de permettre aux patientsde beneficier d'un traitement medical necessaire et onereux qui n'est pasrembourse par l'assurance maladie. La matiere est regie par les articles25 à 25decies de la loi relative à l'assurance soins de sante etindemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, dans la version introduite parl'article 2 de la loi du 27 avril 2005 relative à la maitrise du budgetdes soins de sante et portant diverses dispositions en matiere de sante.
Aux termes de l'article 25, alinea 3, de la loi precitee, « le Fondsspecial de solidarite accorde uniquement une intervention lorsque lesconditions fixees dans la presente section sont remplies lorsque lesbeneficiaires ont fait valoir leurs droits en vertu de la legislationbelge, etrangere, supranationale ou d'un contrat conclu à titreindividuel ou collectif. Le Fonds accorde uniquement des interventionsdans les couts de prestations de sante pour lesquelles, dans le cas concret, aucune intervention n'est prevue en vertu des dispositionsreglementaires de l'assurance soins de sante belge ou en vertu desdispositions legales d'un regime d'assurance obligatoire etranger ».L'article 25, alinea 4, prevoit que « ne sont pas pris en charge par leFonds special de solidarite : 1DEG les quotes-parts personnelles viseesaux articles 37 et 37bis et les supplements sur les prix et honorairesfixes en application de la reglementation de l'assurance obligatoire soinsde sante ; 2DEG les supplements vises à l'article 90 de la loi sur leshopitaux, coordonnee le 7 aout 1987, et les frais de confort ».
Il s'en deduit que l'intervention du Fonds special de solidarite estprevue lorsqu'une prestation de soins n'est pas integree dans lanomenclature des prestations de sante remboursables par le defendeur et iln'etait soutenu par aucune des parties que les frais du traitement ECMOlitigieux entreraient dans le champ d'application des articles 37, 37bisou 90 de la loi sur les hopitaux.
L'arret, qui decide que la demande dirigee contre le defendeur est nonfondee, au seul motif que « l'ensemble du materiel ECMO ne releve pas dela nomenclature INAMI au moment de l'hospitalisation de l'enfant », violeles dispositions de la loi sur l'assurance obligatoire soins de sante etindemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, visees au moyen.
Second moyen
Dispositions legales violees
- articles 30 et 580, 1DEG, du Code judiciaire ;
- article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
L'arret dit pour droit que les juridictions du travail sont incompetentespour connaitre de la demande en intervention forcee agressive du demandeurcontre la defenderesse et renvoie la cause devant la cour d'appel deLiege, au motif que :
« II. Demande en intervention [du demandeur contre la defenderesse] etdemande nouvelle [de la defenderesse contre le defendeur]
1. Par requete rec,ue au greffe du tribunal du travail deMarche-en-Famenne le 13 aout 2008, [le demandeur] demande de dire lejugement qui sera rendu dans le litige l'opposant [au defendeur] commun àla [defenderesse] et, dans l'hypothese ou le tribunal adopterait la thesesoutenue par [le defendeur], de condamner alors la [defenderesse] à luirembourser la somme de 6.515,48 euros.
2. Dans la mesure ou il s'agit en premier lieu d'une demande enintervention forcee conservatoire, il y a lieu de la dire recevable etfondee et de dire le present arret commun et opposable à la[defenderesse].
3. Dans la mesure toutefois ou il s'agit dans un second temps d'unedemande en intervention forcee agressive tendant à la condamnation d'unesomme, les juridictions du travail sont incompetentes pour connaitre decette cause.
4. [Le demandeur] soutient que, si un organisme assureur reclame unerepetition d'indu contre un debiteur mais qu'il a lui-meme, à l'origine,commis une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, le debiteurpourra valablement opposer l'exception de compensation fondee sur leditarticle 1382 et que la situation est identique dans la presente espece :il perd toutefois de vue que la [defenderesse], outre qu'elle n'est pas unorganisme assureur, n'est pas une partie à la cause dans la procedureoriginaire.
5. Il convient des lors de renvoyer la demande en intervention forceeagressive de meme que la demande nouvelle de la [defenderesse] contre [ledefendeur] devant la cour d'appel de Liege et de reserver les depens deces demandes ».
Griefs
En vertu de l'article 580, 1DEG, du Code judiciaire, le tribunal dutravail connait des contestations relatives à l'assurance obligatoiremaladie-invalidite.
L'article 30 du meme code dispose que « des demandes en justice peuventetre traitees comme connexes lorsqu'elles sont liees entre elles par unrapport si etroit qu'il y a interet à les instruire et juger en memetemps, afin d'eviter des solutions qui seraient susceptibles d'etreinconciliables si les causes etaient jugees separement ».
Premiere branche
En l'espece, le demandeur soutenait que les juridictions du travailetaient competentes pour statuer sur la demande en intervention forcee,s'agissant d'une demande connexe à la demande principale formulee àl'encontre du defendeur. Il faisait valoir que :
« La demande de condamnation de [la defenderesse] au paiement d'une sommed'argent est l'accessoire de la demande principale. Partant, cette demandeest recevable et les juridictions du travail sont competentes pour enconnaitre.
Le [demandeur] conteste en ordre principal une decision administrative [dudefendeur] lui refusant l'intervention du Fonds special de solidarite etce, au seul motif que la prestation dont le remboursement est solliciteaupres du Fonds serait dejà incluse dans le cout de la journeed'entretien. Si la cour [du travail] devait faire droit à la position [dudefendeur] et, partant, debouter le [demandeur] de sa demande originaireà l'encontre [du defendeur], il conviendrait alors de condamner [ladefenderesse] au remboursement de la prestation puisque, par hypothese,celle-ci sera alors consideree comme partie integrante de la journeed'entretien. Cette demande etant l'accessoire de la demande principaledirigee contre [le defendeur], elle est recevable.
Il est de jurisprudence constante des cours et tribunaux du travail,notamment en securite sociale, que, si une demande ne releve pas de leurcompetence (par exemple parce qu'elle serait fondee sur l'article 1382 duCode civil), le juge du travail peut valablement statuer sur semblabledemande si elle est l'accessoire d'une demande principale relevant de lajuridiction du travail ».
L'arret, qui decide que les juridictions du travail sont incompetentespour connaitre de la demande en intervention forcee agressive dirigee àl'encontre de la defenderesse, sans se prononcer sur la connexite,invoquee par le demandeur, de cette demande à la demande principaleformee contre le defendeur, n'est pas regulierement motive et ne permetpas à la Cour de controler la legalite de la decision d'incompetence(violation de l'article 149 de la Constitution). Par voie de consequence,il n'est pas legalement justifie (violation des articles 30 et 580, 1DEG,du Code judiciaire).
Seconde branche
S'il doit etre lu en ce sens qu'il decide que les juridictions du travailne sont pas competentes pour connaitre d'une demande en repetition del'indu, fut-elle connexe à la demande pour laquelle elles sontcompetentes en vertu de l'article 580, 1DEG, du Code judiciaire, qui n'estpas dirigee contre un organisme assureur ou une partie à la procedureadministrative, l'arret viole les articles 30 et 580, 1DEG, du Codejudiciaire.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
L'article 25, alinea 3, de la loi relative à l'assurance obligatoiresoins de sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, limitel'intervention du Fonds special de solidarite aux prestations de santepour lesquelles, dans le cas concret, aucune intervention n'est prevue envertu des dispositions reglementaires de l'assurance soins de sante belgeou des dispositions legales d'un regime d'assurance obligatoire etranger.
La nomenclature des prestations de sante, etablie par le Roi, vise lesprestations de sante auxquelles ont droit les beneficiaires de l'assurancesoins de sante.
En rejetant le recours forme par le demandeur contre le refusd'intervention du Fonds de solidarite au seul motif que la prestation desante litigieuse « ne releve pas de la nomenclature », l'arret violel'article 25, alinea 3.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
Suivant l'article 30 du Code judiciaire, des demandes liees entre ellespar un rapport si etroit qu'il y a interet à les instruire et les jugeren meme temps, afin d'eviter des solutions qui seraient susceptiblesd'etre inconciliables, peuvent etre traitees comme connexes.
Dans ses conclusions, le demandeur exposait avoir introduit sa demandecontre la defenderesse devant la cour du travail parce qu'elle etaitl' « accessoire » de sa demande principale dirigee contre le defendeur,qui relevait de la competence speciale des juridictions du travail.
Il invoquait ainsi la connexite de sa demande en intervention avec sademande principale.
En se declarant incompetente pour connaitre de la demande en interventiondu demandeur, sans examiner la connexite entre ces demandes, invoquee parle demandeur pour justifier sa competence, la cour du travail n'a pasregulierement motive sa decision.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du second moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declare les appels recevables ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Martine Regout,Alain Simon, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte et prononce enaudience publique du vingt-sept mai deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
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| A. Simon | M. Regout | Chr. Storck |
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27 MAI 2013 S.11.0060.F/1