Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.0275.F
M. V. N.,
prevenu,
demandeur,
Me Eric Pringuet, avocat au barreau de Gand,
contre
ETAT BELGE, ministre des Finances,
partie poursuivante,
defendeur.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 11 janvier 2012 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur presente deux moyens dans un memoire annexe au present arret.
L'avocat general suppleant Marc De Swaef a depose des conclusions augreffe de la Cour le 19 avril 2013.
A l'audience du 7 mai 2013, le conseiller Luc Van hoogenbemt a faitrapport et l'avocat general suppleant precite a conclu.
II. La decision de la Cour
Sur le second moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 149 de laConstitution et 235ter, S: 2, du Code d'instruction criminelle, ainsi quela meconnaissance des droits de la defense : en l'espece (dossierd'Anvers) il est fait reference à une observation mise en oeuvre dans uneautre affaire (dossier de Gand) qui servait de base pour le presentdossier et pour les demandes d'autorisation de visite ; le demandeur n'apas ete convoque pour le controle de la mise en oeuvre des methodesparticulieres de recherche y afferentes (Gand) ; le defaut de controle dela mise en oeuvre des methodes particulieres de recherche avec convocationdu demandeur, soit à Gand, soit à Anvers, rend l'action publiqueirrecevable ou necessite l'application de l'article 189ter du Coded'instruction criminelle ; l'arret est motive de maniere contradictoirelorsqu'il decide, d'une part, que le demandeur est etranger au dossier deGand et qu'il se refere, d'autre part, à l'observation du hangar mise enoeuvre dans le cadre du dossier de Gand ; les juges d'appel ont finalementeffectue eux-memes un controle de l'observation mise en oeuvre, alorsqu'ils sont sans competence pour le faire.
2. Dans la mesure ou le moyen invoque que les juges d'appel ont effectueeux-memes un controle de la mise en oeuvre des methodes de recherche sansindiquer ou et comment ils y ont procede, le moyen est irrecevable àdefaut de precision.
3. Il n'est pas contradictoire de decider, d'une part, qu'une observationa ete mise en oeuvre dans un dossier dans lequel le demandeur n'etait pasimplique, d'autre part, que lors de cette observation, il a ete constateque le camion-citerne observe approchait d'un hangar pour lequel il a eteconstate lors d'une visite effectuee sur place quelques mois plus tard,qu'il renfermait une installation de decoloration de gasoil rouge, et ques'y trouvaient les inculpes parmi lesquels le demandeur, dont lesvetements etaient impregnes de gasoil.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
4. Le controle effectue en application de l'article 235ter du Coded'instruction criminelle vise uniquement les methodes particulieres derecherche qui ont donne lieu aux constatations sur lesquelles l'actionpublique est fondee.
5. Les juges d'appel ont constate souverainement que les constatationsfigurant dans le present dossier sont autonomes et independantes de laditeobservation dans l'autre affaire.
Ils ont ainsi legalement justifie leur decision suivant laquelle il n'y apas lieu, en application de l'article 189ter du Code d'instructioncriminelle, de transmettre l'affaire au ministere public afin qu'il portecelle-ci devant la chambre des mises en accusation competente en vue ducontrole de la mise en oeuvre des methodes particulieres de recherche.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
6. Dans la mesure ou le moyen critique une appreciation souveraine en faitdes juges d'appel, il est irrecevable.
Sur le premier moyen :
7. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 2 duCode penal et 39 de la loi du 10 juin 1997 relative au regime general, àla detention, à la circulation et aux controles des produits soumis àaccise : des lors que l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997a ete partiellement annule par l'arret nDEG 140/2008 du 30 octobre 2008 dela Cour constitutionnelle, il n'existait dans l'actuelle procedure aucunbase legale pour infliger une amende ; des lors qu'il y a lieu d'appliquerla peine la moins forte dans le temps, aucune amende ne pouvait etreinfligee ; la motivation de la peine est, des lors, viciee et la peineinfligee est illegale.
8. L'article 39, alineas 1er et 2, de la loi du 10 juin 1997 relative auregime general, à la detention, à la circulation et aux controles desproduits soumis à accise, telle qu'il etait applicable au moment desfaits, dispose que « Toute infraction aux dispositions de la presente loiayant pour consequence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amendeegale au decuple de l'accise en jeu avec un minimum de 250 EUR.
En outre, les contrevenants sont punis d'une peine d'emprisonnement dequatre mois à un an lorsque des produits d'accises livres ou destines àetre livres à l'interieur du pays sont mis à la consommation sansdeclaration ou, lorsque le transport s'effectue sous le couvert dedocuments faux ou falsifies ou, lorsque l'infraction est commise par banded'au moins trois personnes ».
9. Par son arret nDEG 140/2008 du 30 octobre 2008, la Courconstitutionnelle a annule l'article 39, alinea 1er, precite « en cequ'il ne permet pas au juge penal, lorsqu'existent des circonstancesattenuantes, de moderer l'amende prevue par cette disposition et en ceque, en ne prevoyant pas une amende maximale et une amende minimale, ilpeut avoir des effets disproportionnes ».
10. Ensuite de cet arret l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin1997 a ete remplace en vertu de l'article 43 de la loi du 21 decembre 2009portant des dispositions fiscales et diverses, entree en vigueur le 10janvier 2010 qui dispose que « Toute infraction aux dispositions de lapresente loi ayant pour consequence de rendre l'accise exigible, est punied'une amende comprise entre cinq et dix fois l'accise en jeu avec unminimum de 250 EUR ».
L'article 37 de la meme loi du 21 decembre 2009 insere l'article 281-2 laloi generale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 qui dispose que« Les dispositions du Livre premier du Code penal, y compris l'article85, à l'exception cependant de l'article 68, sont applicables auxinfractions prevues par la presente loi et les lois speciales en matierede douane et accises ».
11. L'article 39 de la loi du 10 juin 1997, tel que modifie, a eteremplace par l'article 45, alineas 1er et 2, de la loi du 22 decembre 2009relative au regime general d'accise entree en vigueur le 1er avril 2010qui dispose que « Toute infraction aux dispositions de la presente loiayant pour consequence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amendecomprise entre cinq et dix fois l'accise en jeu avec un minimum de 250euros.
En outre, les contrevenants sont punis d'une peine d'emprisonnement dequatre mois à un an lorsque des produits soumis à accise livres oudestines à etre livres à l'interieur du pays sont mis à la consommationsans declaration ou, lorsque le transport s'effectue sous le couvert dedocuments faux ou falsifies ou, lorsque l'infraction est commise par banded'au moins trois personnes ».
12. Si la peine etablie au moment du jugement differe de celle qui etaitportee au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquee,en vertu de l'article 2, alinea 2, du Code penal.
Lorsque trois lois penales se succedent dans le temps et que la peineetablie par la premiere loi qui etait en vigueur au temps de l'infractionest plus forte que la peine etablie par la troisieme loi qui est envigueur au moment de la decision, mais que cette peine est, à son tour,eventuellement plus forte que la peine applicable à l'infraction entre lemoment de sa commission et la decision, il y a lieu d'appliquer la peineetablie pour l'infraction par la deuxieme loi intermediaire la moinssevere.
13. Afin de decider quelle est, en l'espece, la loi la moins severe plusparticulierement si la seconde peine intermediaire est ou non la peine lamoins forte se pose la question de savoir quelles sont les consequences del'arret nDEG 140/2008 du 30 octobre 2008 de la Cour constitutionnelle quiannule partiellement l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997,tel qu'il etait applicable au moment des faits, "en ce qu'il ne permet pasau juge penal, lorsqu'existent des circonstances attenuantes, de modererl'amende (...) et en ce qu'il ne prevoit pas une amende maximale et uneamende minimale".
14. Dans son arret nDEG 26/2013 du 28 fevrier 2013, la Courconstitutionnelle a defini elle-meme les consequences de l'annulationpartielle de l'article 39, alinea 1er,par l'arret nDEG 140/2008 precite,de la maniere suivante :
« B.15.Il decoule de l'annulation partielle de l'article 39 precite que,dans l'attente d'une intervention du legislateur, le juge pouvait encoreprononcer l'amende prevue par cette disposition s'il estimait que lesfaits etaient suffisamment graves pour entrainer une telle peine ou qu'ilpouvait prononcer une amende moins forte, soit en raison de l'existence decirconstances attenuantes, soit en application du principe deproportionnalite contenu à l'article 1er du Premier Protocoleadditionnel à la Convention europeenne des droits de l'homme.
B.16. Il appartient des lors au juge a quo de determiner en l'espece sil'amende etablie au moment du jugement est ou non une peine moins forte,au sens de l'article 2, alinea 2, du Code penal, que celle que ladisposition legislative partiellement annulee par la Cour permettait deprononcer.
15. Ainsi le juge pouvait dans l'attente d'une intervention dulegislateur, encore prononcer l'amende prevue par l'article 39, alinea1er, de la loi du 10 juin 1997, tel qu'il etait applicable au moment desfaits, s'il estimait que les faits etaient suffisamment graves pourentrainer une telle peine, ou eventuellement prononcer une amende moinsforte, soit en raison du depassement du delai raisonnable, soit en raisonde l'existence de circonstances attenuantes, soit en application duprincipe de proportionnalite contenu à l'article 1er du Premier protocoleadditionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales.
16. Les juges d'appel ont declare le demandeur coupable de s'etresoustrait au paiement des accises dues sur 20.000 litres de gasoilproduits en-dehors d'un entrepot fiscal en enlevant le colorant rouge etla marque chimique « Solvent yellow 124 » du gasoil rouge « extra » aumoyen d'une poudre contenant de l'acide sulfurique « entre le 16 avril2008 et le 24 juin 2008, toujours dans la meme intention , le dernier faitayant ete commis le 23 juin 2008 ».
Ils l'ont condamne de ce chef « à une peine d'emprisonnement principalede dix mois et, par admission de circonstances attenuantes, ils l'ontcondamne solidairement (avec un coprevenu) à une amende fiscale de13.315,80 euros, soit les double de l'accise, accise speciale etcotisation energetique eludees sur 20.000 litres de gasoil diesel ou àune peine d'emprisonnement subsidiaire d'un mois ».
17. La peine prononcee est ainsi legalement justifiee tant sur la base del'article 39, alineas 1er et 2, de la loi du 10 juin 1997, tel qu'annulepar la Cour constitutionnelle, que sur la base de l'article 39, alinea1er, de la loi du 10 juin 1997, remplace par l'article 43 de la loi du 21decembre 2009 precitee et complete par l'article 37 de la meme loi, quesur la base de l'article 39 de la loi du 10 juin 1997, remplace parl'article 45, alineas 1er et 2, de la loi du 22 decembre 2009 precitee.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
18. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers LucVan hoogenbemt, Filip Van Volsem, Antoine Lievens et Erwin Francis, etprononce en audience publique du sept mai deux mille treize par lepresident de section Paul Maffei, en presence de l'avocat generalsuppleant Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le president de section,
7 mai 2013 P.12.0275.N/1