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02/05/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0534.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mai 2013, C.12.0534.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

450



NDEG C.12.0534.F

J. G.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

HERTZ BELGIUM, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Zaventem, Excelsiorlaan, 20,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue d

e Loxum, 25, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige co...

Cour de cassation de Belgique

Arret

450

NDEG C.12.0534.F

J. G.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

HERTZ BELGIUM, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Zaventem, Excelsiorlaan, 20,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 fevrier 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 3 avril 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat general

Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

Articles 9, 601bis, 602, alinea 1er, et 643 du Code judiciaire

Decisions et motifs critiques

L'arret dit l'appel recevable et fonde, met à neant le jugemententrepris, sauf en ce qu'il a rec,u la demande et liquide les depens, et,statuant à nouveau, dit la demande originaire fondee et condamne ledemandeur à payer à la defenderesse la somme de 10.734,04 euros, outreles interets compensatoires depuis le 20 juillet 2002 « jusqu'à ce jouret ensuite des interets moratoires jusqu'au parfait paiement ».

Il condamne le demandeur aux depens des deux instances de la defenderesse,liquides, pour l'instance d'appel, à 186 euros + 1.100 euros.

[L'arret fonde ses decisions sur tous les motifs que le moyen reproduit].

Griefs

1. L'article 9, alinea 1er, du Code judiciaire dispose que la competenced'attribution est le pouvoir de juridiction determine en raison del'objet, de la valeur et, le cas echeant, de l'urgence de la demande ou dela qualite des parties.

En vertu de l'article 602, alinea 1er, 1DEG, du Code judiciaire, la courd'appel connait des decisions rendues en premier ressort par le tribunalde premiere instance et le tribunal de commerce.

La competence d'attribution est d'ordre public.

Le juge d'appel doit verifier, meme d'office, sa competence d'attributionainsi determinee, l'appel fut-il limite au fondement des demandes dont lepremier juge avait ete saisi (Cass., 19 avril 2002, Pas., 2002, I, 951).

L'article 643 du Code judiciaire enonce que, dans les cas ou le juged'appel peut etre saisi d'un declinatoire de competence, il statue sur lemoyen et renvoie la cause, s'il y a lieu, devant le juge d'appelcompetent.

Enfin, en vertu de l'article 1068, alinea 1er, du meme code, tout appeld'un jugement definitif ou avant dire droit saisit du fond du litige lejuge d'appel.

2. En l'espece, la cour d'appel s'est estimee competente pour connaitredu litige en degre d'appel sans proceder à un examen d'office de cettecompetence, comme permettent de le constater les motifs [reproduits par lemoyen].

Elle avait toutefois constate que le litige etait ne à la suite d'unaccident de la circulation.

Depuis l'entree en vigueur de l'article 601bis du Code judiciaire, letribunal de police est seul, à l'exclusion de toute autre juridiction,competent pour statuer sur les litiges afferents à l'indemnisation d'unprejudice ne d'un accident de roulage.

La competence d'attribution etant d'ordre public, il appartenait à lacour d'appel de soulever d'office le moyen tire de l'incompetence dupremier juge. En effet, dans la mesure ou, à tort, le tribunal depremiere instance ne s'est pas declare incompetent, l'appel interjete parla defenderesse ne peut avoir d'effet devolutif et la cour d'appel esttenue de renvoyer la cause devant le juge competent, statuant en degred'appel.

3. En consequence, en connaissant de l'appel forme contre le jugemententrepris du tribunal de premiere instance sans examiner sa competenced'attribution, et donc sans soulever d'office le moyen tire del'incompetence du premier juge, ce qui l'aurait amene à renvoyerl'affaire devant une autre juridiction, l'arret n'est pas legalementjustifie au regard des articles 9, 601bis, 602, alinea 1er, et 643 du Codejudiciaire.

Second moyen

Dispositions legales violees

* articles 1142, 1147 à 1151, 1315, 1382 et 1383 du Code civil ;

* article 870 du Code judiciaire ;

* article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

1. L'arret dit l'appel recevable et fonde, met à neant le jugemententrepris, sauf en ce qu'il a rec,u la demande et liquide les depens, et,statuant à nouveau, dit la demande originaire fondee et condamne ledemandeur à payer à la defenderesse la somme de 10.734,04 euros, outreles interets compensatoires depuis le 20 juillet 2002 « jusqu'à ce jouret ensuite des interets moratoires jusqu'au parfait paiement ».

Il condamne le demandeur en outre aux depens des deux instances de ladefenderesse, liquides, pour l'instance d'appel, à 186 euros + 1.100euros.

2. L'arret repose sur les motifs qui suivent :

« [La defenderesse] fait valoir à bon escient qu'en ne se presentant pasdirectement à la police, [le demandeur] l'a empechee de demontrer descirconstances qui auraient permis de constater un manquement au contrat delocation, en particulier à l'article 6 qui interdit au locataire deconduire sous l'effet de l'alcool ou de la drogue, et a compromis uneventuel recours subrogatoire.

Elle souligne egalement à bon droit que [le demandeur] a contrevenu àl'article 8 des conditions generales, qui prevoit que tout accident doitetre declare `immediatement' à la police.

Si le tribunal de police a estime, au vu des circonstances de l'accident,pouvoir acquitter [le demandeur] de la prevention de delit de fuite, ilfaut constater que cette decision penale, à laquelle la [defenderesse]n'est pas partie, ne lie pas la cour [d'appel] et ne l'empeche pas deconsiderer que [le demandeur] a manque à ses obligations contractuelles.

Il faut du reste constater que ce n'est pas [le demandeur] qui a prisl'initiative de contacter la police mais que ce sont les policierseux-memes qui l'ont contacte, ainsi qu'ils l'ont mentionne au dossierrepressif.

[Le demandeur] a lui-meme reconnu, dans sa seconde audition, qu'il avait`panique', ce qui se comprend aisement vu les circonstances de l'accidentet le fait que, ainsi qu'il l'a egalement declare, il avait consomme desboissons alcoolisees.

Rien n'empechait [le demandeur] de declarer l'accident immediatement à lapolice, plutot que de rentrer chez lui et d'aller dormir, jusqu'à ce quela police le contacte ».

Griefs

1. Selon l'article 1142 du Code civil, toute obligation de faire ou de nepas faire se resout en dommages et interets, en cas d'inexecution de lapart du debiteur.

En application de l'article 1147 du Code civil, le debiteur est condamne,s'il y a lieu, au payement de dommages et interets, soit à raison del'inexecution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'execution,toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexecution provient d'unecause etrangere qui ne peut lui etre imputee, encore qu'il n'y ait aucunemauvaise foi de sa part.

L'article 1148 du Code civil enonce qu'il n'y a lieu à aucuns dommages etinterets lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, ledebiteur a ete empeche de donner ou de faire ce à quoi il etait oblige,ou a fait ce qui lui etait interdit.

En vertu de l'article 1149 du Code civil, en cas d'inexecution fautived'une obligation contractuelle, la reparation due par le debiteur de cetteobligation au creancier doit, sous reserve de l'application des articles1150 et 1151 du Code civil, etre integrale tant pour la perte subie quepour le gain dont ce dernier est prive.

L'article 1150 du Code civil prevoit que le debiteur n'est tenu que desdommages et interets qui ont ete prevus ou qu'on a pu prevoir lors ducontrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est pointexecutee.

En application de l'article 1151 du Code civil, les dommages et interetsdus au creancier en raison d'un manquement du debiteur ne doiventcomprendre que ce qui est une suite immediate et directe, c'est-à-direune suite necessaire de l'inexecution de la convention.

Il est constant que le juge constate souverainement les faits d'ou ildeduit l'existence ou l'inexistence d'un lien de causalite entre la fauteet le dommage, mais que [la Cour] controle cependant si, de cesconstatations, le juge a pu legalement deduire cette decision (Cass., 21mai 1999, Arr. Cass., 1999, 713).

Par ailleurs, en vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire, il incombe au demandeur en reparation d'etablir l'existenced'un lien de causalite entre la faute et le dommage tel qu'il s'estrealise ; ce lien suppose que, sans la faute, le dommage n'eut pu seproduire tel qu'il s'est produit (Cass., 1er avril 2004, Pas., 2004, I,527, concl. Th. Werquin).

2. En l'espece, par les motifs precites, l'arret se rallie à la these dela defenderesse selon laquelle le demandeur l'aurait empechee de prouverun manquement au contrat de location et aurait viole l'article 8 desconditions generales, selon lequel tout accident doit etre declareimmediatement à la police, d'une part, et considere que l'acquittement dudemandeur par le tribunal de police ne fait pas obstacle à ce que la courd'appel considere qu'il aurait manque à ses obligations contractuelles,d'autre part.

La seule faute que retient donc l'arret avec certitude est la violation,par le demandeur, de l'article 8 des conditions generales de location.

L'arret dit ensuite « l'appel fonde » et condamne le demandeur aupaiement de 10.734,04 euros à majorer des interets, sans toutefoisproceder à la moindre constatation quant à la preuve et l'etendue dudommage que la defenderesse pretendait avoir subi, ou quant à l'existenced'un lien de causalite entre la faute consistant pour le demandeur àavoir omis de declarer immediatement l'accident à la police et cepretendu dommage de la defenderesse.

3. En consequence, en condamnant le demandeur au paiement d'une somme de10.734,04 euros, sans avoir constate qu'un dommage etait etabli dans lechef de la defenderesse et sans constater que, sans la faute contractuelledu demandeur consistant en une violation de l'article 8 des conditionsgenerales de location selon lequel il avait l'obligation d'immediatementdeclarer l'accident à la police, le dommage dont faisait etat ladefenderesse ne se serait pas produit de la meme maniere, l'arretmeconnait les notions legales de « dommage » et de « lien decausalite » (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil) et n'estpas legalement justifie au regard des articles 1142 et 1147 à 1151 duCode civil. En outre, en ne se prononc,ant davantage ni sur la preuve ousur l'etendue du dommage pretendument subi par la defenderesse ni sur lelien de causalite entre la faute du demandeur et ce dommage, l'arretmeconnait les regles regissant la charge de la preuve (violation desarticles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire) et met, à tout lemoins, [la Cour] dans l'impossibilite de controler la legalite de sadecision.

L'arret n'est, en consequence, pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Si, aux termes de l'article 1068, alinea 1er, du Code judiciaire, toutappel d'un jugement definitif ou avant dire droit saisit du fond du litigele juge d'appel, ce sont les parties elles-memes qui, par l'appelprincipal ou incident, fixent les limites dans lesquelles le juge d'appeldoit statuer sur les contestations dont le premier juge a ete saisi.

Il ressort des pieces de la procedure auxquelles la Cour peut avoir egardque, d'une part, le premier juge a statue sur sa competence d'attribution,en ecartant l'application de l'article 601bis du Code judiciaire, et que,d'autre part, aucun appel n'a ete forme contre le jugement entrepris surce point.

En ne statuant pas sur la competence du premier juge, l'arret ne viole deslors aucune des dispositions legales visees au moyen.

Celui-ci ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

L'arret constate, sans etre critique, que « c'est à bon droit que [ladefenderesse] demande l'ecartement des conclusions deposees par [ledemandeur] le 1er avril 2010 et de ses conclusions de synthese deposees le5 octobre 2011, [le demandeur] ne s'etant pas conforme aux delais fixespar l'ordonnance rendue sur la base de l'article 747 du Code judiciaire».

Dans la mesure ou il invoque la violation de dispositions legales autresque l'article 149 de la Constitution, le moyen est nouveau, partant,irrecevable.

Pour le surplus, en l'absence de conclusions du demandeur et, partant, enl'absence de contestation quant à la preuve et à l'etendue du dommage ouquant à l'existence d'un lien de causalite entre la faute imputee audemandeur et le dommage, l'arret n'etait pas tenu de constaterexpressement que toutes les conditions d'application de la responsabilitecontractuelle etaient reunies dans le chef du demandeur.

Dans la mesure ou il est recevable, le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent septante-huit eurosquatre-vingt-neuf centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent quatre-vingt-quatre euros septante et un centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Martine Regout,Alain Simon, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du deux mai deux mille treize par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| A. Simon | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

2 MAI 2013 C.12.0534.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0534.F
Date de la décision : 02/05/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-05-02;c.12.0534.f ?
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