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25/04/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0114.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 avril 2013, C.12.0114.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

8156



NDEG C.12.0114.F

Federale assurance, SOCIeTe COOPeRATIVE D'ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS,L'INCENDIE, LA RESPONSABILITe CIVILE ET LES RISQUES DIVERS, societecooperative à responsabilite limitee dont le siege social est etabli àBruxelles, rue de l'Etuve, 12,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

C. F.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rend...

Cour de cassation de Belgique

Arret

8156

NDEG C.12.0114.F

Federale assurance, SOCIeTe COOPeRATIVE D'ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS,L'INCENDIE, LA RESPONSABILITe CIVILE ET LES RISQUES DIVERS, societecooperative à responsabilite limitee dont le siege social est etabli àBruxelles, rue de l'Etuve, 12,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

C. F.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 novembre2011 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1er, B, a), 1er, C, 1er, G, 1er, I, 22, alinea 1er, et 39 dela loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre ;

- articles 577-2, S:S: 5 et 6, 1121, 1165, 1319, 1320, 1322 et 1984 duCode civil ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne la demanderesse à payer au defendeur la somme de 120.500euros, à majorer des interets compensatoires au taux legal depuis le

3 septembre 2009 jusqu'au jour ou il a ete rendu et des interetsmoratoires jusqu'au complet paiement, mettant à sa charge la couverturede l'integralite des degats subis par le batiment situe rue ... à ... àla suite de l'incendie qui s'y est declare le 21 novembre 2004, par tousses motifs reputes integralement reproduits et notamment par les motifssuivants :

« 8. Quant au calcul du dommage resultant de l'incendie

8.1. L'assureur soutient que l'assure n'a droit qu'à la moitie de laprestation contractuelle, soit la hauteur de son droit propre dansl'immeuble sinistre, en vertu de l'article 39 de la loi du 25 juin 1992 ;

En l'espece, il n'est pas conteste que [le defendeur] est demeure enindivision avec son ex-epouse et que les operations de liquidation-partagene sont pas closes à ce jour ;

Apres la transcription de leur divorce, les interesses sont donc tombessous l'empire du regime ordinaire de la copropriete ;

Or, aux termes de l'article 577-2 du Code civil, qui regit les rapportsentre indivisaires, à defaut de conventions et de dispositions speciales- ce qui est le cas en l'espece -, la propriete d'une chose qui appartientindivisement à plusieurs personnes autorise chaque coproprietaire à useret à jouir de la chose commune, conformement à sa destination et dans lamesure compatible avec le droit de ses consorts, mais non d'en disposer,chacun pouvant toutefois accomplir seul tous les actes purementconservatoires et les actes d'administration provisoire ;

Le fait de conclure le contrat d'assurance `Incendie Multirisk 2003Habitation' releve dans le chef [du defendeur] de l'administrationprovisoire du bien indivis, acte juridique qui s'est, de fait, rapidementavere judicieux ;

En reclamant aujourd'hui la totalite de la prestation d'assurance, quoiqueles pieces du dossier de l'assureur demontrent que celui-ci est avise del'interet porte à la cause par le co-indivisaire (cfr lettre de MaitreDucarme du 17 janvier 2005), [le defendeur] agit toujours sous l'empire del'article 577-2 du Code civil ;

Dans cette mesure, il n'y a pas lieu de reduire de moitie les sommes quiseront allouees ci-apres ».

Griefs

En vertu de l'article 1er de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, on entend au sens de cette loi par :

« B. Assure : a) dans une assurance de dommages : la personne garantiepar l'assurance contre les pertes patrimoniales ; [...] C. Beneficiaire: la personne en faveur de laquelle sont stipulees des prestationsd'assurance ; [...] G. Assurance de dommages : celle dans laquelle laprestation d'assurance depend d'un evenement incertain qui cause undommage au patrimoine d'une personne ; [...] I. Assurance à caractereindemnitaire : celle dans laquelle l'assureur s'engage à fournir laprestation necessaire pour reparer tout ou partie d'un dommage subi parl'assure ou dont celui-ci est responsable ».

L'article 39, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 prevoit quant à luique « la prestation due par l'assureur est limitee au prejudice subi parl'assure ».

Enfin, en vertu de l'article 1165 du Code civil, « les conventions n'ontd'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point autiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prevu par l'article 1121 ».

Il ressort de ces articles qu'à defaut de dispositions contraires dans uncontrat d'assurance-incendie comme celui qui a ete conclu entre lademanderesse et le defendeur, seul l'assure est garanti par l'assurancecontre ses pertes patrimoniales et seules les personnes en faveurdesquelles sont stipulees les prestations d'assurance peuvent s'enrevendiquer beneficiaires.

Il en ressort egalement que les prestations d'assurance sont limitees àla reparation d'un dommage subi par l'assure lui-meme.

Ainsi, en application de ces principes, si l'assure est coproprietaire dubien assure, l'assurance qu'il souscrit en son nom personnel n'est valableque pour sa part de copropriete.

Il en est autrement uniquement s'il resulte du contrat d'assurance que lepreneur a agi « pour compte » des autres coproprietaires.

Or, l'arret ne constate pas que le defendeur a agi « pour compte » deson ex-epouse, co-indivisaire du batiment sinistre. Il ne constate pasdavantage l'existence d'un mandat par lequel le defendeur aurait ete fondeà conclure des contrats au nom de son ex-epouse, ni l'existence d'unequelconque cause de stipulation pour autrui.

L'article 1984 du Code civil definit le contrat de mandat comme « un actepar lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelquechose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que parl'acceptation du mandataire ».

En l'occurrence, l'arret n'etablit d'aucune maniere l'existence d'unmandat et, en consequence, ne constate nullement que le defendeur aaccepte une mission de mandataire.

L'article 1121 du Code civil renferme le principe general de validite dela stipulation pour autrui et l'article 22, alinea 1er, de la loi du 25juin 1992 en est un cas d'application. Ce dernier dispose que « lesparties peuvent convenir à tout moment qu'un tiers peut pretendre aubenefice de l'assurance aux conditions qu'elles determinent ».

L'arret ne constate pas, de meme, que le contrat d'assurance conclu entrela demanderesse et le defendeur contient une stipulation pour autrui. Ilne ressort pas davantage des constatations qu'en l'espece unedisposition legale particuliere a fait naitre un droit direct au profitd'un tiers.

De plus, il est constant que la stipulation pour autrui ne se presume paset est de stricte interpretation.

Il en resulte que seul le dommage effectivement subi par le defendeurensuite de l'incendie doit etre couvert par les prestations d'assurance.Le defendeur etant coproprietaire du batiment sinistre, la demanderesse nedoit intervenir que pour sa fraction d'interet, à savoir la moitie desdegats occasionnes par l'incendie relative à sa part de propriete.

Par consequent, en decidant que la demanderesse etait tenue d'indemniserle defendeur pour l'integralite des degats d'incendie, l'arret condamne enrealite la demanderesse à couvrir egalement le dommage de l'ex-epouse dudefendeur, et etend de la sorte le benefice de l'intervention de lademanderesse à un tiers au contrat, violant ainsi l'article 1165 du Codecivil.

En decidant que la demanderesse devait indemniser l'integralite des degatsoccasionnes par l'incendie, alors qu'il constate pourtant que le defendeuretait co-indivisaire, et sans faire etat de l'existence d'un mandat oud'une quelconque cause de stipulation pour autrui, l'arret meconnait aussiles articles 1er, B, a), 1er, C, 1er, G, 1er, I, 22, alinea 1er, et 39 dela loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, ainsi que lesarticles 1121 et 1984 du Code civil.

De meme, l'arret meconnait les termes du contrat d'assurance en conferantimplicitement à l'ex-epouse du defendeur le statut de co-assuree, deco-beneficiaire, voire de mandante. Or, le contrat d'assurance definitlimitativement qui a la qualite d'assure et de beneficiaire, à savoir ledefendeur et lui-seul.

Ce faisant, l'arret fait mentir le contrat d'assurance en vertu duquel lesprestations sont limitees au prejudice subi par le patrimoine propre dudefendeur. Il lui donne une interpretation inconciliable avec ses termes.

L'arret viole donc la foi due au contrat d'assurance conclu entre lesparties et meconnait les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Par ailleurs, l'arret justifie sa decision de ne pas reduire de moitie lessommes allouees en vertu du contrat d'assurance en se fondant sur lesparagraphes 5 et 6 de l'article 577-2 du Code civil.

Ceux-ci enoncent que :

« S: 5. Le coproprietaire peut user et jouir de la chose communeconformement à sa destination et dans la mesure compatible avec le droitde ses consorts.

Il fait valablement les actes purement conservatoires et les actesd'administration provisoire.

S: 6. Ne sont valables que moyennant le concours de tous lescoproprietaires les autres actes d'administration et les actes dedisposition. Neanmoins, l'un des coproprietaires peut contraindre lesautres à participer aux actes d'administration reconnus necessaires parle juge ».

S'il est vrai que le fait de conclure un contrat d'assurance releve dansle chef du defendeur de l'administration provisoire du bien indivis, etqu'à ce titre, le defendeur n'avait pas besoin de l'accord de laco-indivisaire, il n'en resulte cependant pas que le contrat d'assurance aete conclu au benefice de tous les co-indivisaires.

La situation d'indivision n'autorise le defendeur qu'à accomplir desactes conservatoires sans l'autorisation de sa co-indivisaire mais enaucune fac,on ces actes ne sont-ils conclus « pour compte » de celle-ci.Le fait pour le defendeur d'agir sous l'empire de l'article 577-2, S:S: 5et 6, du Code civil n'implique pas pour autant qu'il assure chacun desco-indivisaires.

L'application de cette disposition n'empeche donc pas que le defendeur nedoive etre indemnise que jusqu'à la hauteur de son dommage propre.

L'arret confere à l'article 577-2, S:S: 5 et 6, du Code civil un sens etune portee qu'il n'a pas et, par consequent, le meconnait.

Enfin, l'arret refuse de diviser par moitie l'intervention de lademanderesse pour les motifs qu' « en reclamant aujourd'hui la totalitede la prestation d'assurance, quoique les pieces du dossier de l'assureurdemontrent que celui-ci est avise de l'interet porte à la cause par leco-indivisaire (cfr lettre de Maitre Ducarme du 17 janvier 2005), [ledefendeur] agit toujours sous l'empire de l'article 577-2 du Codecivil ».

Ces motifs ne permettent cependant pas de comprendre les raisons pourlesquelles la demanderesse a ete condamnee à indemniser le defendeur pourl'integralite des degats occasionnes par l'incendie.

Il ne ressort en effet pas clairement de ces motifs que la cour d'appel aconsidere que le defendeur a agi « pour compte » de son ex-epouse, laco-indivisaire, se limitant à souligner un « interet » de celle-ci àla cause.

Il s'ensuit que la motivation de l'arret est imprecise et ne permet pas àla Cour d'en controler la legalite. L'arret, partant, viole l'article 149de la Constitution.

III. La decision de la Cour

D'une part, l'article 39, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre prevoit que la prestation due par l'assureuren vertu d'une assurance à caractere indemnitaire est limitee auprejudice subi par l'assure.

D'autre part, en vertu de l'article 1er, B, a), de la meme loi, on entendpar assure, dans une assurance de dommages, la personne garantie parl'assurance contre les pertes patrimoniales.

Aux termes de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effetqu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers etelles ne lui profitent que dans le cas prevu par l'article 1121.

Il suit de ces dispositions qu'en regle, l'assurance contre le perild'incendie souscrite en nom personnel par un coproprietaire indivis dubien assure ne couvre que sa part de propriete et ne beneficie pas auxautres coproprietaires, sauf s'il resulte de l'assurance que le preneur aagi pour leur compte.

L'arret constate qu'il n'est pas conteste que « [le defendeur] (ci-apres`l'assure') n'etait proprietaire du batiment sinistre [...], ainsi que deson contenu, [que jusqu'à] concurrence d'une moitie indivise, l'autremoitie appartenant à l'epouse divorcee du precite, qui n'est pas attraiteà la cause », et qu' « il n'est pas conteste que [le defendeur] estdemeure en indivision avec son ex-epouse et que les operations deliquidation-partage ne sont pas closes à ce jour ».

Il releve que le contrat d'assurance a ete souscrit par le seul defendeurle 21 octobre 2004, soit, selon les constatations du jugement dont appelque l'arret s'approprie, apres la transcription du divorce des interesseset que le questionnaire d'assurance « ne mentionne pas [...] l'indivisionde l'immeuble entre l'assure et son ex-epouse ».

Il considere qu' « apres la transcription de leur divorce, les interessessont donc tombes sous l'empire du regime ordinaire de la copropriete »,qu'en vertu de l'article 577-2 du Code civil, chaque coproprietaire peut« accomplir seul tous les actes purement conservatoires et les actesd'administration provisoire » et que « le fait de conclure le contratd'assurance `Incendie Multirisk 2003 Habitation' releve dans le chef [dudefendeur] de l'administration provisoire du bien indivis ».

Il ne resulte pas de ces enonciations que le defendeur a agi pour lecompte de son ex-epouse.

L'arret, qui condamne la demanderesse à payer au defendeur une indemnitereparant l'integralite des degats causes par l'incendie, etend le beneficedu contrat d'assurance à un tiers à celui-ci et alloue une indemnitesuperieure au prejudice subi par le defendeur, partant, viole les articles1165 du Code civil, 1er, B, a), et 39 de la loi du 25 juin 1992.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il ne reduit pas jusqu'à concurrence dudroit propre du defendeur sur la chose assuree le montant de l'indemnitede 125.000 euros en principal auquel il fixe le dommage et qu'il statuesur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du

fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal etSabine Geubel, et prononce en audience publique du vingt-cinq avril deuxmille treize par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

25 AVRIL 2013 C.12.0114.F/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0114.F
Date de la décision : 25/04/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-04-25;c.12.0114.f ?
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