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25/04/2013 | BELGIQUE | N°C.11.0103.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 avril 2013, C.11.0103.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

886



NDEG C.11.0103.F

FORTIS LUXEMBOURG VIE, societe de droit luxembourgeois dont le siege estetabli à Luxembourg (Grand-Duche de Luxembourg), boulevard Royal, 16,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

G. R.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabi

net est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

en presence de

FORTIS BANQUE, ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

886

NDEG C.11.0103.F

FORTIS LUXEMBOURG VIE, societe de droit luxembourgeois dont le siege estetabli à Luxembourg (Grand-Duche de Luxembourg), boulevard Royal, 16,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

G. R.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

en presence de

FORTIS BANQUE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, Montagne du Parc, 3,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 14 septembre2010 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 6, 1121 et 1122 du Code civil ;

- articles 15, specialement S: 1er, 20 et 21 du Code de droitinternational prive ;

- article 111-1, specialement alinea 1er, de la loi luxembourgeoise du 6decembre 1991 sur le secteur des assurances ;

- principe general du droit selon lequel aucune personne residant àl'etranger ne doit etre forcee, par un acte de contrainte à porteeextraterritoriale, à enfreindre la legislation de son lieu de residence.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir releve :

« Que le litige concerne la demande, faite à titre principal, par (ledefendeur), en appel intime dans les deux causes, de communication, par la(demanderesse), premiere appelante, et par la (partie citee en declarationd'arret commun), seconde appelante, de documents contractuels souscrits,en juin 1998, par la mere (du defendeur), decedee le 5 avril 2002 à l'agede 86 ans ;

(...) Que, suite au deces de sa mere, (le defendeur) a appris que celle-ciavait souscrit, aupres de la (demanderesse) et à l'intervention de la(partie citee en declaration d'arret commun), une police d'assurancerepertoriee sous le numero 91041934, ayant pris effet au 30 juin 1998 ;

Qu'aux termes de l'acte de notoriete etabli le 8 juin 2002 par le notaireO. T., et en l'absence de disposition de dernieres volontes, la defunte alaisse pour seuls heritiers legaux et reservataires ses deux fils, ledefendeur et [son frere] ;

Que, en vertu de ses qualites d'ayant cause universel ou à titreuniversel et d'heriter reservataire de [sa mere], (le defendeur) asollicite aupres de la (demanderesse) (...) la communication desrenseignements relatifs au contrat souscrit ;

Que sa demande fut rejetee par la banque, par lettre adressee le

19 aout 2002, qui s'exprimait en ces termes : `Etant donne que vous n'etesen aucune maniere partie concernee, à quelque titre que ce soit, pourquelque contrat que ce soit, nous vous confirmons par la presente que nousne sommes pas legalement autorises en vertu des dispositions legalesrelatives au secret professionnel à vous donner d'eventuelsrenseignements' ;

Que, le 31 mars 2003, la banque fit, à la succession de [la mere dudefendeur], la declaration suivante (...) :

`Par la presente, nous certifions que le contrat de rente viagere suivanta ete souscrit aupres de notre compagnie :

Donnees personnelles du beneficiaire :

Nom et prenom : S. V.

Date de naissance : 22 novembre 1915

Numero national : ................

Adresse : ...

...

Epoux/epouse de : ................................

Donnees du contrat :

Police nDEG : 91041934

Date d'effet : 30 juin 1998

Capital abandonne : 136.341,44 euros

Periodicite du paiement des arrerages : mensuelle

Nombre d'arrerages payes en 2002 : 3' »,

l'arret decide que la demande en communication des documents contractuelsest recevable et fondee et condamne la demanderesse et la partie citee endeclaration d'arret commun à produire, sous peine d'astreinte, « unecopie des conditions generales et particulieres relatives au contratd'assurance souscrit par [la mere du defendeur] et repertorie sous lenumero 91041934 ».

La cour d'appel s'est declaree d'abord territorialement competente par lesmotifs enonces aux pages 11 à 17 de l'arret, tenus ici pour reproduits.L'arret releve notamment :

« Qu'il est en l'espece etabli, et non conteste, que (le defendeur) est,avec son frere, un ayant cause à titre universel de sa mere dont lepatrimoine, ou à tout le moins une quotite, lui fut transmis lors dudeces ; que les ayants cause deviennent, par le seul fait de cettetransmission, titulaires des droits et obligations de leur auteur etprennent de plein droit sa place dans les contrats conclus par le defunt(article 1122 du Code civil) ;

Que les ayants cause disposent ainsi, en principe, à l'egard del'assureur, des memes droits que leur auteur, que ce soit en qualite depreneur d'assurance ou d'assure, sauf lorsque la nature du contrats'oppose à une telle transmission ;

(...) Qu'il convient de constater que les (demanderesse et partie citee endeclaration d'arret commun) n'etablissent nullement la nature du contratqui aurait ete conclu en l'espece, le qualifiant tantot de contratd'assurance sur la vie, tantot de contrat de rente viagere ; qu'il leurappartient, en effet, d'etablir en quoi la regle de droit commun, quiassimile les heritiers et les ayants cause à la personne de leur auteur,ne trouverait pas à s'appliquer en l'espece ;

Qu'à supposer meme que le contrat litigieux ait pris fin avec le deces de[la mere du defendeur], cette circonstance ne suffit pas pour considererque l'ayant cause demeure un tiers au contrat conclu par son auteur alorsmeme que, par le seul effet du deces, il vient à ses droits etobligations ; que l'ayant cause peut, des lors, à ce titre, exercer lesdroits dont disposait son auteur, dont il occupe desormais la place, etdemander la communication, en tant que successeur du preneur d'assurance,des documents contractuels litigieux ;

(...) Que c'est en effet à tort que (la demanderesse) considere quel'assimilation de l'ayant cause universel ou à titre universel à sonauteur constituerait une interpretation extensive des exceptions à laregle generale qui prevoit la competence de principe des tribunaux du lieudu domicile du defendeur ; (...)

Que (la demanderesse) ne peut davantage etre suivie lorsqu'elle pretendque la question prejudicielle s'imposerait au motif que l'assimilation del'ayant cause au preneur d'assurance qui, en vertu de la police, avaitegalement la qualite d'assure, entrainerait une extension considerable duchamp d'application de l'article 9, b) (du reglement [CE] nDEG 44/2001 duConseil du 22 decembre 2000 dont question ci-apres [troisieme moyen]) etdes personnes visees ».

L'arret ecarte ensuite l'exception d'irrecevabilite opposee à la demandepar la demanderesse, tiree du defaut d'interet à agir du defendeur, parles motifs enonces aux pages 24 (dernier alinea) et 25, tenus icireproduits, et notamment :

« Que l'interet à agir en justice s'entend de tout avantage, materiel oumoral, effectif et non theorique que le demandeur peut retirer de lademande au moment ou il la forme ;

Qu'il ressort des developpements decrits ci-avant que (le defendeur), quiagit à la fois en sa qualite d'ayant cause universel ou à titreuniversel et d'heritier reservataire, presente manifestement un interetpersonnel et direct à agir afin de connaitre l'ensemble des actes posespar son auteur, de verifier leurs termes et conditions, ainsi que leurexecution ;

Que (le defendeur) a egalement interet à connaitre les actes de sonauteur qui seraient, le cas echeant, attentatoires à sa reservesuccessorale ».

L'arret dit alors la demande fondee et justifie cette decision par tousses motifs reputes ici integralement reproduits et en particulier par lesmotifs suivants :

« Que, si (le defendeur) avait la qualite de tiers au moment de laconclusion du contrat, sa qualite d'ayant cause universel ou à titreuniversel le fait venir aux droits et obligations de son auteur à la datede son deces ; que, tout comme son auteur, l'ayant cause universel ou àtitre universel a le droit d'obtenir toutes les informations relatives àla conclusion et à l'execution du contrat ; que ce droit ne cesse pasavec le deces du preneur d'assurance, à supposer que le contrat aitreellement pris fin à ce moment ; que, meme dans cette dernierehypothese, le droit d'obtenir les renseignements requis ne s'eteint pas ;que seuls s'eteignent les droits et obligations relatifs au paiement de larente viagere, dont [le defendeur] ne demande evidemment pas l'executionà son profit ;

Que, compte tenu de l'existence des nombreux produits diffuses par lescompagnies d'assurance, il ne peut etre exclu que, nonobstant saqualification, le contrat litigieux constitue un simple produit d'epargnerenfermant, le cas echeant, une donation indirecte susceptible de porteratteinte à la reserve hereditaire des heritiers legaux, qui ontincontestablement le droit, à tout le moins, de proceder auxverifications utiles ;

Que, contrairement à ce qu'affirme (la demanderesse), le droit au respectde la vie privee de l'auteur, dans le cadre de la conclusion de ce type decontrat, ne peut etre valablement oppose aux ayants cause universels ou àtitre universel qui ont, en outre, la qualite d'heritiers reservataires etdont les droits à la reserve sont consacres par des dispositions d'ordrepublic ;

(...) Qu'il n'est en outre nullement etabli, des lors que le contrat ainsique les documents relatifs à son execution ne sont pas produits, quecelui-ci a reellement pris fin avec le deces de [la mere du defendeur] ;que la nature exacte du contrat souscrit n'est, à ce jour, pas connue,les parties le qualifiant, en outre, tantot de contrat d'assurance sur lavie, tantot de contrat de rente viagere ;

Qu'à supposer meme qu'il en fut ainsi, il ne peut davantage etre excluqu'un beneficiaire a pu etre designe, hypothese d'ailleurs expressementvisee par (la partie citee en declaration d'arret commun), qui indiqueque, sur la base des renseignements fournis par (la demanderesse), lecontrat litigieux constituerait `une assurance sur la vie entiereclassique sur la tete de [la mere du defendeur] et assortie d'une renteviagere prevoyant le paiement d'un capital au moment de son deces' ;

Que, compte tenu de ces elements, l'ayant cause universel ou à titreuniversel et heritier reservataire est en principe fonde à requerir lacommunication des documents sollicites (...) ;

Que (la demanderesse) invoque encore l'existence du secret professionnelprevu par l'article 111-1, alinea 1er, de la loi luxembourgeoise du 6decembre 1991 sur le secteur des assurances (...) ;

Que, meme à supposer que la loi luxembourgeoise trouve à s'appliquer enBelgique en tant qu'elle prevoit et sanctionne le secret professionnel del'assureur luxembourgeois, il conviendrait de constater, en l'espece,qu'il ne peut y avoir de violation du secret professionnel lorsquel'assureur communique, à un ayant cause universel ou à titre universel,egalement heritier reservataire, des documents contractuels souscrits parson auteur ; qu'exerc,ant de la sorte l'actio ex heredito et, parconsequent, les droits de son auteur, (le defendeur) ne peut se voiropposer le secret professionnel de l'assureur luxembourgeois ;

Qu'il est generalement admis, au Grand-Duche de Luxembourg, que le secretbancaire doit ceder à l'egard des heritiers (...) ;

Que l'objection faite à cet egard par (la demanderesse), en cela relayeeegalement par (la partie citee en declaration d'arret commun), que cesprincipes ne seraient pas applicables mutatis mutandis au secret del'assureur, au motif que les comptes bancaires du de cujus font partie dupatrimoine successoral, au contraire de l'assurance sur la vie et ducontrat de rente viagere, qui prennent fin avec le deces du preneurd'assurance et qui n'entrent pas dans son patrimoine successoral, n'estpas pertinente en l'espece ; qu'il a en effet dejà ete vu ci-dessus quecette circonstance, à la supposer reelle et qui n'est pas encore avereeà l'heure actuelle, ne fait pas obstacle à ce que l'ayant causeuniversel ou à titre universel, egalement heritier reservataire,sollicite les renseignements requis dans le cadre de la presenteinstance ;

Qu'en communiquant les documents contractuels requis, (la demanderesse) neviolerait pas l'article 111-1, alinea 1er, de la loi luxembourgeoise du 6decembre 1991 sur le secteur de l'assurance ;

Que c'est en vain que (la demanderesse) invoque encore la communication,faite le 5 avril 2001 par l'Association des compagnies d'assurances duGrand-Duche de Luxembourg (ACA) à l'attention des compagnies etablies auGrand-duche, qui confirmerait la nette distinction à faire entre lesecret professionnel du banquier et le secret professionnel del'assureur ;

Que cette communication, certes collective, outre qu'elle apparait plusnuancee, est depourvue de toute valeur normative et ne peut etre opposeedans le cadre d'un litige pendant devant une juridiction etrangere ;qu'elle ne prevoit en outre aucune sanction ;

Que cette communication fait le point en matiere de secret professionnelde l'assureur et envisage certaines exceptions au principe ;

Que, si, en effet, cette communication precise, en son point 2.3, alinea2, que `les heritiers du souscripteur assure n'ont en effet aucun droit,ni sur le contrat d'assurance, du fait du caractere personnel du droit derachat, ni sur la prestation d'assurance, qui ne fait pas partie de lasuccession de la personne assuree', ` de sorte que l'assureur doit leuropposer son secret professionnel s'il est questionne sur un contratd'assurance souscrit par leur auteur et dont ils ne sont pasbeneficiaires', elle indique, cependant, à l'alinea 6 du meme point,qu'il convient de mentionner une hypothese particuliere : celle ou lesheritiers reservataires du souscripteur estimeraient que les primesversees par ce dernier sont excessives et portent atteinte à leursdroits. En pareil cas, il appartient à ces heritiers - par hypothese aucourant de l'existence du contrat - d'engager devant la juridictionluxembourgeoise une procedure tendant à obtenir de l'assureur lesrenseignements correspondants' ;

Qu'il ressort de la lecture de ces points que l'assureur peut etre delie,selon l'ACA, de son secret professionnel sur injonction juridictionnellelorsque la demande de production emane d'un heritier, dans les conditionsqui y sont precisees ;

Que, toujours selon l'ACA, l'exception ne pourrait cependant etreappliquee, en matiere d'assurance sur la vie, qu'à l'egard desbeneficiaires, et seulement dans la mesure de leurs droits ; que l'ACAjustifie cette restriction par le fait que ` l'assurance sur la vie estgeneralement presentee à nos clients comme un moyen d'organiser unetransmission de fac,on discrete dans un endroit sur, ou le secretprofessionnel est conc,u comme un instrument de protection de la vieprivee. Or, le contenu de la clause beneficiaire d'un contrat d'assurancesur la vie touche au plus profond de la sphere d'intimite du preneur, caril devoile l'ordre de ses affections. Une obligation generale de reveleraux heritiers du preneur le contenu du contrat qu'il a souscrit serait encontradiction avec les engagements de confidentialite legitimementcontractes par les assureurs luxembourgeois' ;

Que cette conception du secret professionnel de l'assureur luxembourgeois,meme si elle fut confirmee par la cour d'appel luxembourgeoise dans unarret prononce le 17 avril 2002, heurte cependant l'ordre publicinternational belge au double motif que le droit belge ne prevoit pas lesecret professionnel des assureurs et que la Cour constitutionnelle adeclare inconstitutionnel l'article 124 de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat [...] d'assurance terrestre, considerant qu'il n'existait pas dejustification pour traiter les heritiers reservataires, beneficiaires d'uncontrat d'assurance sur la vie, autrement, pour ce qui concerne le rapportet la reduction, que les heritiers reservataires, beneficiaires d'uneautre liberalite, comme une donation ;

Que, s'agissant en l'espece de la demande de communication des documentscontractuels souscrits en Belgique par un preneur d'assurance belge àl'intervention d'un intermediaire belge, demeure etabli en Belgique ou ilest egalement decede, cette demande doit etre declaree fondee afin depermettre à l'heritier reservataire de determiner s'il a ete porteatteinte à sa reserve hereditaire, qu'il s'agisse ou non d'un contratqualifie d'assurance sur la vie, et dont le contenu ne peut rester secretà son egard ».

Griefs

Premiere branche

L'article 1121 du Code civil dispose que l'« on peut (...) stipuler auprofit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation quel'on fait pour soi-meme ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celuiqui a fait cette stipulation ne peut plus la revoquer si le tiers adeclare vouloir en profiter ».

L'article 1122 du meme code dispose que l'« on est cense avoir stipulepour soi et pour ses heritiers et ayants cause, à moins que le contrairene soit exprime ou ne resulte de la nature de la convention ».

Il suit de l'article 1121 qu'une stipulation pour autrui fait naitre, enfaveur du tiers beneficiaire de ladite stipulation, un droit propre, deslors que le benefice de la creance revient exclusivement au tiersbeneficiaire. Ainsi, les successeurs universels du stipulant nepeuvent-ils elever aucune pretention sur le droit du tiers beneficiaire audeces de leur auteur, des lors que, dans l'hypothese d'une assurance surla vie en faveur d'un tiers beneficiaire, le capital que l'assureur verseau deces du preneur d'assurance au tiers beneficiaire ne transite pas parle patrimoine du stipulant. En d'autres termes, ce droit ne lui est pastransfere par le stipulant qui l'aurait, en un premier temps, acquis pourson compte en qualite de partie à la convention de base, de laquelleresulte necessairement la stipulation pour autrui.

Il suit par ailleurs de l'article 1121 et de l'article 1122 (a contrario)que la transmission des droits et obligations aux successeurs universelsne trouve pas à s'appliquer lorsque le contrat conclu par le defunt estaffecte par le deces de celui-ci, comme tout contrat d'assurance. Il en vaainsi, a fortiori, lorsqu'il s'agit, comme en l'espece, d'une obligationviagere ; dans ce cas en effet, les heritiers et autres successeursuniversels ne succedent pas à la creance ou à l'obligation qu'avait ledefunt, lorsque celle-ci etait viagere.

L'arret constate que la mere du defendeur avait conclu une policed'assurance aupres de la demanderesse.

Par le mecanisme de la stipulation pour autrui, qui est la techniquejuridique sur laquelle est fonde un tel contrat d'assurance (qu'ils'agisse d'un contrat d'assurance sur la vie ou d'assurance de renteviagere), le capital assure ne fait plus partie des biens que lesheritiers du preneur d'assurance sont appeles à recueillir, des lors queledit capital a ete acquis des le jour de la signature du contrat par lapersonne gratifiee. Les heritiers ne sont pas, à cet egard et dans cettemesure, les ayants droit de leur auteur, preneur d'assurance.

L'arret, qui dispose, pour dire la demande du defendeur de production dudocument recevable et fondee, qu'ont ete transmis au defendeur des droitsqui, en vertu d'une stipulation pour autrui, ont en realite ete transmisà un tiers, n'est pas legalement justifie. Il viole les articles 1121 et1122 du Code civil.

Seconde branche

L'article 111-1, alinea 1er, de la loi luxembourgeoise du

6 decembre 1991 sur le secteur des assurances dispose que « lesadministrateurs, les membres des organes directeurs et de surveillance,les dirigeants et les autres employes des entreprises d'assurances etleurs agents ainsi que les courtiers sont obliges de garder secretes lesinformations confidentielles confiees à eux dans le cadre de leuractivite professionnelle. La revelation de tels renseignements est puniedes peines prevues à l'article 458 du Code penal ».

Cette disposition, telle qu'elle est interpretee par les juridictionsluxembourgeoises, fait obstacle à la transmission aux heritiers dusouscripteur assure, par une entreprise d'assurances, du contratd'assurance souscrit, sauf s'ils en sont les beneficiaires, et dans cettemesure seulement. En presence d'une stipulation faite en faveur d'un tiersdetermine, les heritiers du preneur d'assurance sont sans qualite pouragir ; en effet, le capital assure n'a pas fait partie des biens qu'ilssont appeles à recueillir alors qu'il a ete acquis des le jour de lasignature du contrat par la personne gratifiee.

Et, aux termes de l'article 15, S: 1er, du Code de droit internationalprive, « le droit etranger est applique selon l'interpretation rec,ue àl'etranger ».

De surcroit, l'article 111-1 de la loi luxembourgeoise est d'ordre public,ce qui justifie son application, s'agissant du secret professionnel qu'ilprotege, en vertu de l'article 20, alinea 2, du Code de droitinternational prive, et prevoit une obligation de resultat. Par ailleurs,la doctrine enonce - sur la base de la jurisprudence de divers pays - unprincipe de droit international selon lequel « aucune personne residantà l'etranger ne doit etre forcee, directement ou indirectement, par unacte de contrainte de portee extraterritoriale, à enfreindre lalegislation de son lieu de residence ».

Il s'ensuit que le secret professionnel impose à l'assureur par cettedisposition legale trouve à s'appliquer dans ce cas. En decidant lecontraire et en ecartant l'application de cette disposition legale par lesmotifs critiques, c'est-à-dire en substance aux motifs qu'il agit exhaerede et exerce les droits de son auteur alors qu'il exerce un droitpropre, l'arret ne justifie pas legalement sa decision (violation desarticles 1121, 1122 du Code civil, 15, specialement S: 1er, 20,specialement alinea 2, du Code de droit international

prive, 111-1 de la loi luxembourgeoise du 6 decembre 1991 et du principegeneral du droit vises au moyen).

L'arret ecarte en outre le secret professionnel de l'assureurluxembourgeois - et l'application de la disposition de droitluxembourgeois qui le prevoit - au motif qu'il heurte l'ordre publicinternational, puisque, d'une part, le droit belge ne prevoit pas lesecret professionnel des assureurs et, d'autre part, la Courconstitutionnelle a declare inconstitutionnel l'article 124 de la loi du25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, considerant qu'iln'existait pas de justification pour traiter les heritiers reservataires,beneficiaires d'un contrat d'assurance sur la vie, autrement, pour ce quiconcerne le rapport et la reduction, que les heritiers reservataires,beneficiaires d'une autre liberalite, comme une donation.

Or, l'institution de la reserve hereditaire, qui est ainsi protegee, nefait pas partie de l'ordre public belge et, en tout cas, de l'ordre publicinternational belge. Ainsi, dans la proposition de loi du 24 novembre 2010completant l'article 124 de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre en ce qui concerne la reduction du capital d'uneassurance sur la vie en cas de succession, destine à remplacer l'articleannule par la Cour constitutionnelle dans son arret du 26 juin 2008, ilest dit que, « si elle n'est pas d'ordre public, l'institution de lareserve releve du moins du droit imperatif » (p. 5-528/1). La doctrineconsidere egalement que l'institution de la reserve est sanctionnee pardes dispositions legales imperatives et que la production qu'elle assureà l'heritier reservataire n'est pas d'ordre public international.

L'arret, qui ecarte l'article 111-1, alinea 1er, de la loi luxembourgeoisedu 6 decembre 1991 sur le secteur des assurances, applicable en l'especeen vertu de l'article 20, specialement alinea 2, du Code de droitinternational prive et du principe general du droit vise au moyen, aumotif qu'il est contraire à l'ordre public international belge, alors quetel n'est pas le cas, viole à nouveau ladite disposition, les articles 6du Code civil, 20, alineas 1er et 2, 21 du Code de droit internationalprive et le principe general du droit vise.

Ledit article n'etant pas contraire à l'ordre public international belge,il n'y avait pas lieu, pour l'arret, d'en ecarter l'application et, enconsequence, d'ordonner la production des documents litigieux, des lorsque ledit article s'y oppose.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

* article 1er du reglement (CE) nDEG 1206/2001 du Conseil du 28 mai2001 relatif à la cooperation entre les juridictions des Etatsmembres dans le domaine de l'obtention des preuves en matiere civileou commerciale ;

- article 877 du Code judicaire.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir releve :

« Que le litige concerne la demande, faite à titre principal, par (ledefendeur), dans les deux causes, de communication, par la (demanderesse)et par la (partie citee en declaration d'arret commun), de documentscontractuels souscrits, en juin 1998, par la mere (du defendeur), decedeele

5 avril 2002 à l'age de 86 ans ;

(...) Que, suite au deces de sa mere, (le defendeur) a appris que celle-ciavait souscrit, aupres de la (demanderesse) et à l'intervention de la(partie citee en declaration d'arret commun), une police d'assurancerepertoriee sous le numero 91041934, ayant pris effet au 30 juin 1998 ;

Qu'aux termes de l'acte de notoriete etabli le 8 juin 2002 par le notaireO. T., et en l'absence de disposition de dernieres volontes, la defunte alaisse pour seuls heritiers legaux et reservataires ses deux fils, le(defendeur) et [son frere] ;

Que, en vertu de ses qualites d'ayant cause universel ou à titreuniversel et d'heriter reservataire de [sa mere], (le defendeur) asollicite aupres de la (demanderesse) (...) la communication desrenseignements relatifs au contrat souscrit »,

l'arret decide que la demande en communication des documents contractuelsest fondee et condamne la demanderesse et la partie appelee en declarationd'arret commun à produire, sous peine d'astreinte, « une copie desconditions generales et particulieres relatives au contrat d'assurancesouscrit par [la mere du defendeur] et repertorie sous le numero91041934 ».

L'arret considere que « la procedure relative à la demande de productiondes documents contractuels requis demeure regie, notamment, par lesarticles 870 et suivants du Code judiciaire, et non par le reglementCE », et fait application de la procedure prevue au Code judiciaire etnon au reglement pour ordonner la production des documents litigieux.

Il justifie sa decision par tous ses motifs reputes ici integralementreproduits et en particulier par les motifs suivants :

« Que (la demanderesse) soutient que le juge belge ne serait pasmateriellement competent pour lui enjoindre, sur la base des articles 870et suivants du Code judiciaire et à peine d'astreinte, la communicationdes documents contractuels requis ;

Que la legislation nationale serait en l'espece supprimee par le reglement1206/2001 du Conseil relatif à la cooperation entre les juridictions desEtats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matiere civileou commerciale, qui prevoit une procedure specifique pourl'accomplissement des mesures d'instruction ;

Que la demande d'une communication de pieces, sous peine d'astreinte,constituerait ainsi un acte d'instruction au sens dudit reglement, desorte que les juridictions belges ne pourraient ordonner directement à unressortissant d'un autre Etat membre la production d'une piece maisdevraient s'adresser aux autorites competentes de l'Etat ou la mesurerequise doit etre accomplie, autorites qui devront alors faire applicationde leur droit national ;

Que, s'il est exact, à ce stade, que (le defendeur) limite sa demande àl'obtention de documents contractuels, il ne peut cependant en etre infereque ceux-ci ne seront pas, le cas echeant et ulterieurement, destines àservir de moyen de preuve necessaire dans le cadre d'une procedure quipourrait alors etre `envisagee', comme le prevoit cette disposition ;

Que la circonstance que la demande est formee à titre principal au stadeactuel n'exclut pas en soi que les documents requis puissent ensuiteservir de moyen de preuve dans une procedure ulterieure, quand bien memecelle-ci ne presente actuellement qu'un caractere hypothetique ;

Que la demande faite, meme eventuellement ad futurum, n'est des lors pasexclue par l'article 1er, alinea 2, du reglement, à peine de vider de sonsens la notion de `procedure envisagee' et de contourner ainsi lesdispositions du droit europeen en recourant prealablement à une demandede communication de documents contractuels faite à titre principal ;

Que, si la demande litigieuse apparait ainsi, prima facie, entrer dans lechamp d'application du reglement, il convient de determiner si la demandelitigieuse porte sur la realisation d'un àcte d'instruction' au sens de(l'article 1er, alinea 1er, du reglement precite), à accomplir par lajuridiction competente d'un autre Etat membre ou auquel il serait procededirectement dans un autre Etat membre par la juridiction belge ;

Que le reglement ne definit pas la notion d'acte d'instruction ;

(...) Qu'il ressort de l'article 1er, alinea 1er, du reglement que lesactes d'instruction qui y sont vises sont, soit des actes à accomplir parune autorite etrangere sur son propre territoire, soit des actes àaccomplir directement dans le territoire d'un autre Etat membre, comme lesont les enquetes, l'audition de temoins, la descente sur les lieux ouencore la mesure d'expertise ;

Que la demande, faite devant le juge belge par une partie litigante àl'egard d'une autre partie au proces relevant d'un autre Etat membre, enl'espece le Grand-Duche de Luxembourg, de communiquer des documentscontractuels qu'elle detient personnellement ne s'identifie ni à unedemande qui devrait etre faite à la juridiction competente d'un autreEtat membre de proceder à un acte d'instruction sur son propre territoireni à une demande faite par la juridiction belge de proceder directementà un acte d'instruction sur le territoire luxembourgeois ; qu'enl'espece, la production de documents entre les parties à la cause nenecessite ni de recourir à une autorite etrangere ni de se rendre sur leterritoire d'un autre etat membre pour y faire executer un acte ; que lademande ne porte pas atteinte aux competences et à la souverainete del'etat dont releve (la demanderesse) ;

Que la circonstance que, selon le droit belge, la demande de production dedocuments, telle qu'elle est regie par les articles 870 et suivants duCode judiciaire, constitue une mesure d'instruction ne permet pas del'assimiler à la notion d'acte d'instruction en droit europeen, quandbien meme serait-elle assortie, le cas echeant, d'une peine d'astreinte àl'egard d'une partie mise en cause, puisque celle-ci ne modifie pas lanature de la mesure qui, en outre et à ce stade, presente un caractereessentiellement conservatoire ».

Griefs

La demande qui vise à obtenir d'une des parties à la cause qu'elleproduise un document qu'elle detient est une mesure d'instruction au sensde l'article 1.1 du reglement. La notion d'acte d'instruction doit etreentendue de maniere large et vise toute mesure destinee à recolter despreuves et egalement les demandes visant à collecter des pieces, des lorsqu'une telle mesure a pour objet de conserver ou d'etablir des elements depreuve en vue de la solution d'un litige.

En outre, la decision qui accueillerait une telle demande impose uneprestation qui, à l'evidence, est certes de nature à se concretiser austade ultime par un depot de documents en Belgique mais dont l'execution -à savoir le rassemblement de ces documents en vue de leur transmission àune autorite judiciaire etrangere - a lieu en dehors du territoire belge.

La demande qui, comme en l'espece, vise à l'obtention d'une preuvesituee à l'etranger est donc necessairement soumise aux procedures etgaranties prevues par le reglement CE nDEG 1206/2001, dont l'applicationn'est pas facultative et dont la primaute par rapport au droit nationals'impose. Ainsi, le regime institue vise à permettre le respect desregles d'ordre public en vigueur dans les differents Etats membres,notamment celles qui sont relatives au secret professionnel.

Or, l'arret justifie sa decision par le motif que la demande de productionde documents entre les parties à la cause ne necessite ni de recourir àune autorite etrangere ni de se rendre sur le territoire d'un autre Etatmembre pour y faire executer un acte.

Ce disant, l'arret exclut la demande litigieuse du champ d'applicationratione materiae du reglement en decidant qu'elle ne necessite pas lesprocedures prevues par ledit reglement alors que les criteres definissantce champ d'application, c'est-à-dire l'obtention d'une preuve situee àl'etranger dans un litige - entame ou envisage - en matiere civile oucommerciale sont rencontres et, par voie de consequence, sans la soumettreaux procedures specifiques de cooperation prevues par le reglement,c'est-à-dire recourir à une autorite etrangere ou se rendre sur leterritoire de l'autre Etat membre pour y faire executer l'acte.

L'arret, qui considere que « la procedure relative à la demande deproduction des documents contractuels requis demeure regie, notamment, parles articles 870 et suivants du Code judiciaire et non par le reglementCE », n'est des lors pas legalement justifie.

Il viole autant l'article 1er dudit reglement, qui en definit le champd'application, en excluant de ce dernier une demande qui devrait y etreincluse, que l'article 877 du Code judicaire, qui est le droit applicableà la demande litigieuse, selon l'arret, alors que tel n'est pas le cas,l'application de l'article cite du reglement se substituant, in casu, àcelle de ce texte du Code judiciaire.

A titre subsidiaire, la demanderesse demande à la Cour de poser,prealablement à sa decision, deux questions prejudicielles à la Cour dejustice de l'Union europeenne. Cette derniere n'a en effet jamais eul'occasion de se prononcer sur le reglement 1206/2001, alors que denombreuses questions d'interpretation et de coexistence avec d'autresnormes se posent.

Ces questions sont celles, sous la reserve de legeres modifications, quietaient suggerees par la demanderesse dans ses conclusions d'appel :

1. Y a-t-il lieu d'interpreter la notion d' « acte d'instruction » ausens du reglement 1206/2001 du Conseil relatif à la cooperation entreles juridictions des Etats membres dans l'obtention des preuves enmatiere civile ou commerciale en ce sens qu'elle comprend laproduction de documents detenus par une personne, partie à la cause,etablie dans un autre Etat membre que la juridiction qui en ordonne laproduction ?

2. Dans l'affirmative, une juridiction nationale, saisie à titreprincipal d'une demande visant à voir ordonner au defendeur - etablidans un autre Etat membre - de produire certains documents, peut-elleenjoindre directement pareille production audit defendeur, sous peined'astreinte, sans faire application de la procedure prevue par lereglement 1206/2001 du Conseil relatif à la cooperation entre lesjuridictions des Etats membres dans l'obtention des preuves en matierecivile ou commerciale ?

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 2, 3, 6 et 9 du reglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du 22decembre 2000 concernant la competence judiciaire, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale ;

- articles 1121 et 1122 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir releve :

« Que le litige concerne la demande, faite à titre principal, par (ledefendeur), de communication, par la (demanderesse) et par la (partiecitee en declaration d'arret commun), de documents contractuels souscrits,en juin 1998, par la mere (du defendeur), decedee le 5 avril 2002 à l'agede 86 ans ;

(...) Que, suite au deces de sa mere, (le defendeur) a appris que celle-ciavait souscrit, aupres de la (demanderesse) et à l'intervention de la(partie citee en declaration d'arret commun), une police d'assurancerepertoriee sous le numero 91041934, ayant pris effet au 30 juin 1998 ;

Qu'aux termes de l'acte de notoriete etabli le 8 juin 2002 par le notaireO. T., et en l'absence de disposition de dernieres volontes, la defunte alaisse pour seuls heritiers legaux et reservataires ses deux fils, ledefendeur et [son frere] ;

Que, en vertu de ses qualites d'ayant cause universel ou à titreuniversel et d'heriter reservataire de [sa mere], (le defendeur) asollicite aupres de la (demanderesse) (...) la communication desrenseignements relatifs au contrat souscrit ;

Que sa demande fut rejetee par la banque, par lettre adressee le 19 aout2002, qui s'exprimait en ces termes : `Etant donne que vous n'etes enaucune maniere partie concernee, à quelque titre que ce soit, pourquelque contrat que ce soit, nous vous confirmons par la presente que nousne sommes pas legalement autorises, en vertu des dispositions legalesrelatives au secret professionnel, à vous donner d'eventuelsrenseignements' ;

Que, le 31 mars 2003, la banque fit, à la succession de [la mere dudefendeur] la declaration suivante (...) :

`Par la presente, nous certifions que le contrat de rente viagere suivanta ete souscrit aupres de notre compagnie :

Donnees personnelles du beneficiaire :

Nom et prenom : S. V.

Date de naissance : 22 novembre 1915

Numero national : ..............................

Adresse : ...

...

Epoux/epouse de : ................................

Donnees du contrat :

Police nDEG : 91041934

Date d'effet : 30 juin 1998

Capital abandonne : 136.341,44 euros

Periodicite du paiement des arrerages : mensuelle

Nombre d'arrerages payes en 2002 : 3' »,

l'arret decide que la demande en communication des documents contractuelsest fondee et condamne la demanderesse et la partie citee en declarationd'arret commun à produire, sous peine d'astreinte, « une copie desconditions generales et particulieres relatives au contrat d'assurancesouscrit par [la mere du defendeur] et repertorie sous le numero91041934 ».

L'arret rejette l'exception d'incompetence territoriale soulevee par lademanderesse en considerant en substance que la competence territorialedes tribunaux belges est justifiee, en l'espece, autant par l'article 9que l'article 6 du reglement vise.

Il justifie cette decision par tous ses motifs reputes ici integralementreproduits et singulierement par les motifs suivants :

« Qu'il est en l'espece etabli, et non conteste, que (le defendeur) est,avec son frere, un ayant cause à titre universel de sa mere dont lepatrimoine, ou à tout le moins une quotite, lui fut transmis lors dudeces ; que les ayants cause deviennent, par le seul fait de cettetransmission, titulaires des droits et obligations de leur auteur etprennent de plein droit sa place dans les contrats conclus par le defunt(article 1122 du Code civil) ;

Que les ayants cause disposent ainsi, en principe, à l'egard del'assureur, des memes droits que leur auteur, que ce soit en qualite depreneur d'assurance ou d'assure, sauf lorsque la nature du contrats'oppose à une telle transmission ;

Que (la demanderesse et la partie citee en declaration d'arret commun)font valoir à cet egard que l'article 1122 du Code civil ne trouveraitpas à s'appliquer au contrat conclu en l'espece, qui a pris fin par ledeces (...) ;

Qu'ils invoquent encore le mecanisme de la stipulation pour autrui quicaracterise l'assurance sur la vie et qui, creant un droit propre dans lechef du beneficiaire, a pour effet d'exclure le contrat d'assurance dupatrimoine successoral, de sorte que l'ayant cause, s'il n'est pas en memetemps le beneficiaire, ne peut faire valoir aucun droit à cet egard ;

Qu'il convient de constater que (la demanderesse et la partie citee endeclaration d'arret commun) n'etablissent nullement la nature du contratqui aurait ete conclu en l'espece, le qualifiant tantot de contratd'assurance sur la vie, tantot de contrat de rente viagere ; qu'il leurappartient, en effet, d'etablir en quoi la regle de droit commun, quiassimile les heritiers et les ayants cause à la personne de leur auteur,ne trouverait pas à s'appliquer en l'espece ;

Qu'à supposer meme que le contrat litigieux ait pris fin avec le deces de[la mere du defendeur], cette circonstance ne suffit pas pour considererque l'ayant cause demeure un tiers au contrat conclu par son auteur alorsmeme que, par le seul effet du deces, il vient à ses droits etobligations ; que l'ayant cause peut, des lors, à ce titre, exercer lesdroits dont disposait son auteur, dont il occupe desormais la place, etdemander la communication, en tant que successeur du preneur d'assurance,des documents contractuels litigieux ;

Que, dans cette analyse, l'ayant cause etant assimile au preneurd'assurance, les regles de competences prevues à l'article 9, 1, b), dureglement CE trouvent à s'appliquer et fondent la competence destribunaux belges ;

Qu'il ne se justifie pas de poser à la Cour de justice des Communauteseuropeennes la question prejudicielle formulee par la (demanderesse) ;

Que c'est en effet à tort que celle-ci considere que l'assimilation del'ayant cause universel ou à titre universel à son auteur constitueraitune interpretation extensive des exceptions à la regle generale quiprevoit la competence de principe des tribunaux du lieu du domicile dudefendeur ;

Qu'il ressort de la lecture de l'article 9 du reglement invoque que lesdifferentes competences territoriales qui y sont prevues sont presenteessous la forme d'une alternative, se rencontrant, notamment, lorsque ledemandeur revet l'une des qualites prevues à son article 9, 1, b) ; quele principe de la competence des tribunaux du lieu du domicile dudefendeur ne constitue pas une regle de competence superieure à laquelleil ne pourrait etre deroge que de maniere tres restrictive mais une reglede competence generale ; que le reglement prevoit en effet, outre diversesregles de competence speciales, d'autres exceptions comme en matiered'assurances (articles 10, 11 et 12) ; que, en d'autres termes, lereglement prevoit un critere de competence generale et des criteresparticuliers poursuivant une finalite specifique ; que ces derniersdoivent etre interpretes à la lumiere de leur finalite propre, finaliteen l'espece respectee ;

Que (la demanderesse) ne peut davantage etre suivie lorsqu'elle pretendque la question prejudicielle s'imposerait au motif que l'assimilation del'ayant cause au preneur d'assurance qui, en vertu de la police, avaitegalement la qualite d'assure entrainerait une extension considerable duchamp d'application de l'article 9, 1, b), et des personnes visees et quecette extension ne pourrait se concevoir que sous le controle de la Courde justice des Communautes europeennes afin d'assurer l'objectifd'harmonisation poursuivi par le reglement ;

Qu'il a dejà ete vu ci-dessus que l'assimilation de l'ayant causeuniversel ou à titre universel à la personne de son auteur ne constituepas une extension des notions prevues à l'article 9, 1, b) ;

Qu'il n'y a des lors pas lieu de poser à la Cour de justice la questionprejudicielle requise par (la partie citee en declaration d'arretcommun) ;

Que, s'il devait etre considere - quod non - que la competence destribunaux belges ne peut se fonder sur l'article 9, 1, b), du reglement,encore conviendrait-il de constater que leur competence se justifie enoutre sur la base de l'article 6, 1, dudit reglement, applicable dansl'hypothese de la pluralite de defendeurs et qui prevoit la competence dutribunal du domicile de l'un d'eux ».

Et l'arret ecarte la contestation de la demanderesse qui soutenait, pourecarter l'application de l'article 6, 1, du reglement, que la partie citeeen declaration d'arret commun n'avait « ete attraite devant les tribunauxbelges que de maniere purement fictive, permettant ainsi (au defendeur) derecourir à la pratique deloyale du `forum shopping' », et « que lesdemandes du defendeur dirigees contre (la demanderesse et la partie citeeen declaration d'arret commun) n'etaient pas connexes au sens de l'article6, 1, du reglement ».

L'arret ecarte ensuite l'exception d'irrecevabilite opposee à la demandenotamment par la demanderesse, tiree du defaut d'interet à agir dudefendeur, par les motifs enonces aux pages 24 (dernier alinea) et 25,tenus ici pour reproduits.

Et il dit la demande non fondee par les motifs, tenus ici pour reproduits,enonces aux pages 25 à 38.

Griefs

Premiere branche

L'article 9, 1, b), du reglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du

22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale dispose que « l'assureur domicilie sur le territoire d'un Etat membre peut etreattrait dans un autre Etat membre (que celui du lieu de son domicile), encas d'action intentee par le preneur d'assurance, l'assure ou unbeneficiaire, devant le tribunal du lieu ou le demandeur a son domicile».

L'article 1121 du Code civil dispose que l' « on peut (...) stipuler auprofit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation quel'on fait pour soi-meme ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celuiqui a fait cette stipulation ne peut plus la revoquer si le tiers adeclare vouloir en profiter ».

L'article 1122 du meme code dispose que l' « on est cense avoir stipulepour soi et pour ses heritiers et ayants cause, à moins que le contrairene soit exprime ou ne resulte de la nature de la convention ».

Il suit de l'article 1121 qu'une stipulation pour autrui fait naitre, enfaveur du tiers beneficiaire de ladite stipulation, un droit propre, deslors que le benefice de la creance revient exclusivement au tiersbeneficiaire. Ainsi les successeurs universels du stipulant ne peuvent-ilselever aucune pretention sur le droit du tiers beneficiaire au deces deleur auteur, des lors que, dans l'hypothese d'une assurance sur la vie enfaveur d'un tiers beneficiaire, le capital que l'assureur verse au decesdu preneur d'assurance au tiers beneficiaire ne transite pas par lepatrimoine du stipulant. En d'autres termes, ce droit ne lui est pastransfere par le stipulant qui l'aurait, en un premier temps, acquis pourson compte en qualite de partie à la convention de base, de laquelleresulte necessairement la stipulation pour autrui.

Il resulte par ailleurs de l'article 1121 et de l'article 1122

(a contrario) que la transmission des droits et obligations auxsuccesseurs universels ne trouve pas à s'appliquer lorsque le contratconclu par le defunt est affecte par le deces de celui-ci, comme toutcontrat d'assurance. Il en va ainsi, a fortiori, lorsqu'il s'agit, commeen l'espece, d'une obligation viagere ; dans ce cas en effet, lesheritiers et autres successeurs universels ne succedent pas à la creanceou à l'obligation qu'avait le defunt, lorsque celle-ci etait viagere.

L'arret constate que la mere du defendeur avait conclu une policed'assurance aupres de la demanderesse.

Par le mecanisme de la stipulation pour autrui, qui est la techniquejuridique sur laquelle est fonde un tel contrat d'assurance, le capitalassure ne fait plus partie des biens que les heritiers du preneurd'assurance sont appeles à recueillir, des lors que ledit capital a eteacquis des le jour de la signature du contrat par la personne gratifiee.Les heritiers ne sont pas, à cet egard et dans cette mesure, les ayantsdroit de leur auteur, preneur d'assurance.

L'arret, qui dispose qu'ont ete transmis au defendeur des droits qui, envertu d'une stipulation pour autrui, ont en realite ete transmis à untiers, n'est pas legalement justifie. Il viole les articles 1121 et 1122du Code civil.

Et, par voie de consequence, l'arret viole egalement l'article 9, 1, b),du reglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000, des lorsqu'il considere à tort que le defendeur est assimile au preneurd'assurance et est donc fonde à se prevaloir de la regle derogatoireprevue dans cet article.

A titre subsidiaire, la demanderesse invite la Cour, avant de rendre sadecision, à poser une question prejudicielle à la Cour de justice del'Union europeenne. Cette question est celle qui etait suggeree par lademanderesse dans ses conclusions d'appel :

« Y a-t-il lieu d'interpreter l'article 9, 1, b), du reglement CE44/2001 du 22 decembre 2000 sur la competence judiciaire, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale en ce sens que la possibilite donnee au preneur d'assuranced'assigner l'assureur - par exception au principe general - devant letribunal du lieu ou le demandeur a son domicile peut etre egalementinvoquee, dans le cadre d'une assurance sur la vie, qui repond aumecanisme particulier de la stipulation pour autrui, par l'heritier dupreneur d'assurance, qui n'a ni la qualite d'assure ni celle debeneficiaire, apres le deces du preneur d'assurance qui, en vertu de lapolice, avait egalement la qualite d'assure » ?

Seconde branche

L'article 9, 1, a), du reglement vise dispose que l'assureur est attraitdevant les tribunaux de l'Etat membre ou il a son domicile.

L'article 9, 1, b), du meme reglement prevoit cependant que l'assureurpeut etre cite dans un autre Etat, « en cas d'actions intentees par lepreneur d'assurance, l'assure ou un beneficiaire, devant le tribunal dulieu ou le demandeur a son domicile ».

L'article 2 du reglement vise enonce la regle generale de competence : «Sous reserve des dispositions du present reglement, les personnesdomiciliees sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle quesoit leur nationalite, devant les juridictions de cet Etat membre ».

L'article 3 dispose que « les personnes domiciliees sur le territoired'un Etat membre ne peuvent etre attraites devant les tribunaux d'un autreEtat membre qu'en vertu des regles enoncees », notamment, aux articles 5et suivants.

Sous le titre « Competence speciale », l'article 6 prevoit que, s'il y aplusieurs defendeurs, une personne domiciliee sur le territoire d'un Etatmembre peut etre attraite devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, àla condition que les demandes soient liees entre elles par un rapport sietroit qu'il y a interet à les instruire et à les juger en meme tempsafin d'eviter des solutions qui pourraient etre inconciliables si lescauses etaient jugees separement.

Sous le titre « Competence en matiere d'assurance », l'article 8 disposequ' « en matiere d'assurance, la competence est determinee par lapresente section, sans prejudice des dispositions de l'article 4 et del'article 5, point 5 ».

L'article 9 du reglement, cite ci-avant, est donc une regle attributive decompetence specifique - une lex specialis - en matiere d'assurance,derogatoire aux autres regles prevues dans le reglement et notamment à laregle enoncee à l'article 6.

Ainsi, dans le preambule du reglement, est-il dit :

« (12) Le for du domicile du defendeur doit etre complete par d'autresfors autorises en raison du lien etroit entre la juridiction et le litigeou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.

(13) S'agissant des contrats d'assurance, de consommation et de travail,il est opportun de proteger la partie la plus faible au moyen de regles decompetence plus favorables à ses interets que ne le sont les reglesgenerales. (...)

(15) Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de reduire aumaximum la possibilite de procedures concurrentes et d'eviter que desdecisions inconciliables ne soient rendues dans deux Etats membres. Ilimporte de prevoir un mecanisme clair et efficace pour resoudre les cas delitispendance et de connexite et pour parer aux problemes resultant desdivergences nationales quant à la date à laquelle une affaire estconsideree comme pendante. Aux fins du present reglement, il convient dedefinir cette date de maniere autonome ».

Des lors que l'article 8 du reglement dispose qu' « en matiered'assurance, la competence est determinee par la presente section, sansprejudice des dispositions de l'article 4 et de l'article 5, point 5 »,à l'exception de ces deux articles, aucune autre disposition duditreglement, notamment l'article 6, ne peut intervenir pour determiner lacompetence en matiere d'assurance.

L'article 9 constituant une lex specialis par rapport à l'article 6,l'arret, qui fonde la competence des juridictions belges sur l'article 6du reglement, viole les dispositions visees du reglement.

A titre subsidiaire, la demanderesse demande à la Cour, avant de rendresa decision, de poser une question prejudicielle à la Cour de justice del'Union europeenne :

« Y a-t-il lieu d'interpreter l'article 9, 1, b), du reglement (CE)44/2001 du 22 decembre 2000 sur la competence judiciaire, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale en ce sens qu'il exclut, en matiere d'assurance, lorsque ledemandeur n'est ni le preneur d'assurance, ni l'assure, ni lebeneficiaire, la possibilite, prevue par l'article 6, 1, du memereglement, d'assigner deux assureurs de nationalites differentes devant letribunal du domicile de l'un d'eux, lorsque les demandes sont liees entre elles par un rapport si etroit qu'il y a interet à les instruire et àles juger en meme temps afin d'eviter des solutions qui pourraient etreinconciliables si les causes etaient jugees separement » ?

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret considere qu'« il est [...] etabli, et non conteste, que [ledefendeur] est [...] un ayant cause à titre universel de sa mere dont lepatrimoine, ou à tout le moins une quotite, lui fut transmis lors dudeces », que « les ayants cause deviennent, par le seul fait de cettetransmission, titulaires des droits et obligations de leur auteur etprennent de plein droit sa place dans les contrats conclus par le defunt», que, « si [le defendeur] avait la qualite de tiers au moment de laconclusion du contrat, sa qualite d'ayant cause universel ou à titreuniversel le fait venir aux droits de son auteur à la date de sondeces », et que « l'ayant cause peut, des lors, à ce titre, exercer lesdroits dont disposait son auteur, dont il occupe desormais la place, etdemander la communication, en tant que successeur du preneur d'assurance,des documents contractuels litigieux ».

Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arret neconsidere pas, pour dire la demande du defendeur recevable et fondee,qu'ont ete transmis à celui-ci des droits qui, en vertu d'une stipulationpour autrui, ont en realite ete transmis à un tiers.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

D'une part, il n'existe pas de principe general du droit selon lequelaucune personne residant à l'etranger ne doit etre forcee, par un acte decontrainte à portee extraterritoriale, à enfreindre la legislation deson lieu de residence.

D'autre part, l'article 20, alinea 2, du Code de droit international priven'impose pas au juge belge d'appliquer les dispositions imperatives oud'ordre public du droit d'un autre Etat avec lequel la situation presenteun lien etroit mais lui donne seulement la faculte de leur donner effet.

Le moyen, qui, en cette branche, considere que l'article 111-1 de la loiluxembourgeoise sur le secteur des assurances est applicable en vertu del'article 20, alinea 2, dudit code et du principe general du droitprecite, manque en droit.

Pour le surplus, la Cour n'est saisie de la violation de la loi etrangereque par le truchement de la regle de conflit.

Des lors qu'il fait grief à l'arret de violer l'article 111-1 de la loiluxembourgeoise du 6 decembre 1991 alors que la regle de conflit dont ilinvoque la violation ne rend pas cette disposition applicable, le moyen,en cette branche, est irrecevable.

En outre, en tant qu'il est dirige contre la consideration surabondanteque l'article 111-1 de la loi luxembourgeoise du 6 decembre 1991heurterait l'ordre public international belge, le moyen, en cette branche,est irrecevable à defaut d'interet.

Sur le deuxieme moyen :

L'article 1er, paragraphe 1er, 3, du reglement (CE) nDEG 1206/2001 duConseil relatif à la cooperation entre les juridictions des Etats membresdans le domaine de l'obtention des preuves en matiere civile etcommerciale dispose que ce reglement est applicable en matiere civile oucommerciale, lorsqu'une juridiction d'un Etat membre, conformement auxdispositions de sa legislation, demande a) à la juridiction competented'un autre Etat membre de proceder à un acte d'instruction ou b) àproceder directement à un acte d'instruction dans un autre etat membre.

Dans l'arret Lippens du 6 septembre 2012 (C-170/11), la Cour de justice del'Union europeenne, apres avoir considere que « le champ d'applicationmateriel du reglement nDEG 1206/2001, tel qu'il est defini par [l'article1er, paragraphe 1er], et tel qu'il resulte du systeme de ce reglement, estlimite aux deux moyens d'obtention des preuves, à savoir, d'une part,l'execution d'un acte d'instruction par la juridiction requiseconformement aux articles 10 à 16 dudit reglement à la suite d'unedemande de la juridiction requerante d'un autre Etat membre et, d'autrepart, l'execution directe d'un tel acte par la juridiction requerante dansun autre etat membre, dont les modalites sont determinees par l'article 17du meme reglement. En revanche, le reglement nDEG 1206/2001 ne contientaucune disposition regissant ou excluant la possibilite, pour lajuridiction d'un etat membre, de citer une partie residant dans un autreetat membre, de comparaitre et de deposer un temoignage directement devantelle ; qu'il s'ensuit que le reglement nDEG 1206/2001 n'est applicable, enprincipe, que dans l'hypothese ou la juridiction d'un etat membre decidede proceder à l'obtention des preuves selon l'un des deux moyens prevuspar ce reglement, cas dans lequel elle est tenue de suivre les proceduresafferentes à ces moyens », a decide que « les dispositions du reglement(CE) n-o 1206/2001 [...], notamment l'article 1er, paragraphe 1er, decelui-ci, doivent etre interpretees en ce sens que la juridictioncompetente d'un etat membre qui souhaite entendre, en tant que temoin, unepartie residant dans un autre etat membre a la faculte, afin de procederà une telle audition , de citer cette partie devant elle et de l'entendreconformement au droit de l'etat membre dont cette juridiction releve ».

Il resulte manifestement de cet arret qu'une juridiction d'un etat membrepeut condamner une partie residant dans un autre etat membre à produireun document devant elle conformement à son droit national.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

La question prejudicielle proposee par la demanderesse ne doit, des lors,pas etre posee à la Cour de justice de l'Union europeenne.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Ainsi qu'il a ete dit en reponse à la premiere branche du premier moyen,l'arret considere qu'« il est [...] etabli, et non conteste, que [ledefendeur] est [...] un ayant cause à titre universel de sa mere dont lepatrimoine, ou à tout le moins une quotite, lui fut transmis lors dudeces », que « les ayants cause deviennent, par le seul fait de cettetransmission, titulaires des droits et obligations de leur auteur etprennent de plein droit sa place dans les contrats conclus par le defunt», que « si [le defendeur] avait la qualite de tiers au moment de laconclusion du contrat, sa qualite d'ayant cause universel ou à titreuniversel le fait venir aux droits de son auteur à la date de sondeces », que « l'ayant cause peut, des lors, à ce titre, exercer lesdroits dont disposait son auteur, dont il occupe desormais la place, etdemander la communication, en tant que successeur du preneur d'assurance,des documents contractuels litigieux » et que, « dans cette analyse,l'ayant cause [est] assimile au preneur d'assurance ».

Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arret neconsidere pas, pour dire la demande du defendeur recevable et fondee,qu'ont ete transmis au defendeur des droits qui, en vertu d'unestipulation pour autrui, ont en realite ete transmis à un tiers.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Pour le surplus, la violation pretendue de l'article 9, 1, b), dureglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 est entierementdeduite de celle, vainement invoquee, des articles 1121 et 1122 du Codecivil.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

La question prejudicielle proposee par la demanderesse ne doit, des lors,pas etre posee à la Cour de justice de l'Union europeenne.

Quant à la seconde branche :

La consideration, vainement critiquee par la premiere branche du moyen,que « l'ayant cause [est] assimile au preneur d'assurance », justifielegalement la decision de l'arret que « les regles de competences prevuesà l'article 9, 1, b), du reglement trouvent à s'appliquer et fondent lacompetence des tribunaux belges ».

Dirige contre une consideration surabondante, le moyen, en cette branche,est irrecevable à defaut d'interet.

La question prejudicielle proposee par la demanderesse ne doit, des lors,pas etre posee à la Cour de justice de l'Union europeenne.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent seize euros quatre-vingt-troiscentimes envers la partie demanderesse et à la somme de trois centvingt-sept euros trente-quatre centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal etSabine Geubel, et prononce en audience publique du vingt-cinq avril deuxmille treize par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

25 AVRIL 2013 C.11.0103.F/36


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0103.F
Date de la décision : 25/04/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-04-25;c.11.0103.f ?
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