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22/04/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0285.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 avril 2013, C.12.0285.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

589



37



NDEG C.12.0285.F

M. L.,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

M. H.,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret

rendu le 13 decembre2011 par la cour d'appel de Mons.

Par ordonnance du 18 fevrier 2013, le premier president a renvoye la caus...

Cour de cassation de Belgique

Arret

589

37

NDEG C.12.0285.F

M. L.,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

M. H.,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 decembre2011 par la cour d'appel de Mons.

Par ordonnance du 18 fevrier 2013, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens dont le premier est libelle dans lestermes suivants :

Premier moyen :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1108, 1131, 1174, 1304 et 1892 du Code civil.

Decision et motifs critiques :

Apres avoir constate les faits suivants : « aux termes de la citationintroductive d'instance signifiee le 15 avril 2008, (le defendeur)sollicitait la condamnation de (la demanderesse) `à lui restituer, enexecution d'une convention datee du 23 septembre 1997, nulle caretablissant une reconnaissance de dette d'un pret assortie d'une conditionpurement potestative', la somme principale de 39.662,96 euros à majorerdes interets judiciaires et des frais » ; « la remise de la somme de1.600.000 francs par (le defendeur) à (la demanderesse) n'est pascontestee et l'objet de la demande est sa restitution ; la conventionsignee entre les parties le 23 septembre 1997 stipule que la somme est`remboursable au plus tard le jour de la vente des 5.000 actions de lasociete anonyme Cofigraph que detient (la demanderesse)' ; la societeanonyme Cofigraph a ete declaree en faillite le 22 mars 2000 et la demandede la restitution est formulee pour la premiere fois par un courrier duconseil (du defendeur) du 5 fevrier 2008 »,

l'arret decide que la demande du defendeur n'est pas prescrite et, parconfirmation partielle du jugement du premier juge, condamne lademanderesse au paiement de la somme de 39.662,96 euros augmenteed'interets au taux de 3,5 p.c. à dater du 5 fevrier 2008, condamne lademanderesse aux frais et depens de premiere instance, compense lesindemnites de procedure d'appel et delaisse à la demanderesse ses frais.

L'arret fonde sa decision quant à la prescription sur les motifssuivants :

« La demande ne saurait etre soumise au delai de prescription de dix ansvise par l'article 1304 du Code civil, ne constituant pas une action ennullite ou en rescision de la convention de pret mais une action enrestitution de la somme pretee, la condition relative à cette obligationetant nulle car purement potestative ». « (La demanderesse) n'est pasfondee à invoquer, au stade de la recevabilite de l'action, (...) ledefaut de realisation d'une condition suspensive affectant sesengagements, cette condition etant purement potestative dans son chef ».

Griefs

Premiere branche

Sous le titre « antecedents de la procedure », l'arret enonce : « Auxtermes de la citation introductive d'instance signifiee le 15 avril 2008,(le defendeur) sollicitait la condamnation de (la demanderesse) à lui`restituer, en execution d'une convention datee du 23 septembre 1997,nulle car etablissant une reconnaissance de dette d'un pret assortie d'unecondition purement potestative', la somme de 39.662,96 euros à majorerdes interets judiciaires et des frais ».

L'arret decide ensuite que « la demande ne saurait etre soumise au delaide prescription de dix ans vise par l'article 1304 du Code civil, neconstituant pas une action en nullite ou en rescision de la convention depret mais une action en restitution de la somme pretee, la conditionrelative à cette obligation etant nulle car purement potestative ».

L'arret constate donc, dans un premier temps, que la demande etait fondeesur la nullite de la convention mais il considere ensuite que l'actionn'est pas prescrite en vertu de l'article 1304 du Code civil parce que lademande ne constitue pas une action en nullite de la convention. L'arretest donc entache d'une contradiction de motifs qui equivaut à une absencede motivation (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

Selon l'article 1174 du Code civil, « toute obligation est nullelorsqu'elle a ete contractee sous une condition potestative de la part decelui qui s'oblige », à savoir une condition purement potestative, dontla realisation depend uniquement de la volonte de celui qui s'oblige. Lanullite prevue à cette disposition frappe non pas la condition purementpotestative elle-meme mais bien l'obligation qu'elle affecte.

L'arret decide que « la demande ne saurait etre soumise au delai deprescription de dix ans vise par l'article 1304 du Code civil, neconstituant pas une action en nullite ou en rescision de la convention depret mais une action en restitution de la somme pretee, la conditionrelative à cette obligation etant nulle car purement potestative ».

En considerant que c'est la condition purement potestative qui est nulleet non l'obligation dont cette condition est assortie, soit en l'espece,l'obligation de restituer la somme pretee soumise à une conditionpurement potestative de la part de la debitrice de cette obligation,l'arret viole l'article 1174 du Code civil et, par voie de consequence,l'article 1304 du Code civil dont il refuse de faire application.

Troisieme branche

En vertu de l'article 1108 du Code civil, « une cause licite dansl'obligation » est une condition essentielle pour la validite d'uneconvention.

En vertu de l'article 1131 du meme Code, « l'obligation sans cause, ousur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucuneffet ».

La nullite d'une convention pour absence de cause est une nullite relativevisee à l'article 1304 du Code civil. En vertu du premier alinea de cettedisposition, « dans tous les cas ou l'action en nullite ou en rescisiond'une convention n'est pas limitee à un temps moindre par une loiparticuliere, cette action dure dix ans ».

La prescription de l'action en nullite d'une convention et en restitutiondes sommes remises à l'occasion de la convention nulle commence à courirà la date de conclusion de cette convention (sauf suspension pour lescauses visees aux alineas 2 et 3 dudit article 1304).

En vertu de l'article 1174 du Code civil, « toute obligation est nullelorsqu'elle a ete contractee sous une condition potestative de la part decelui qui s'oblige », c'est-à-dire une condition purement potestativedont la realisation depend uniquement de la volonte de celui qui s'oblige.

Le pret d'une somme d'argent est un pret de consommation defini parl'article 1892 du Code civil, qui oblige l'emprunteur à restituer lasomme pretee.

Si, dans le pret d'une somme d'argent, l'obligation de l'emprunteur derendre la somme d'argent est affectee d'une condition suspensive purementpotestative, l'obligation de remboursement est nulle en vertu de l'article1174 du Code civil. La nullite de l'obligation de remboursement de lasomme pretee a pour consequence l'absence de cause de la remise de lasomme pretee, puisque celle-ci pourrait ne pas etre remboursee si telleetait la volonte de l'emprunteur. Cette nullite entraine des lors lanullite du pret de consommation lui-meme en vertu des articles 1108 et1131 du Code civil.

En l'espece, l'arret considere que l'obligation de remboursement souscritepar la demanderesse « au plus tard au jour de la vente des 5.000 actionsde la societe anonyme Cofigraph que detient (la demanderesse) » etaitaffectee d'une « condition purement potestative dans son chef ».

Une telle obligation etant nulle en vertu de l'article 1174 du Code civil,[du fait que] la remise de la somme de 1.600.000 francs [...] etaitremboursable par la demanderesse sous cette condition purementpotestative, il ressort des constatations de l'arret que l'obligation dela demanderesse de rembourser le pret etait denuee de cause et que le pretconsenti à la demanderesse etait nul.

Si le defendeur avait droit au remboursement de la somme remise à lademanderesse, ce ne pouvait etre qu'en vertu de la nullite du contrat depret et non de la seule nullite de l'engagement de la demanderesse derembourser la somme pretee, car si seule cette obligation etait nulle pouretre assortie d'une condition purement potestative de la part de lademanderesse, il en serait resulte que celle-ci ne serait pas tenue auremboursement. L'arret constate d'ailleurs que, « aux termes de lacitation introductive d'instance signifiee le 15 avril 2008, (ledefendeur) sollicitait la condamnation de (la demanderesse) `à luirestituer, en execution d'une convention datee du 23 septembre 1997, nullecar etablissant une reconnaissance de dette d'un pret assortie d'unecondition purement potestative', la somme principale de 39.662,93euros ». Des lors, l'arret aurait du constater que la citationintroductive d'instance avait ete signifiee à la demanderesse plus de dixans apres la conclusion de la convention du 23 septembre 1997, soit à unmoment ou l'action en nullite du pret etait prescrite, en vertu del'article 1304 du Code civil.

En decidant au contraire que l'action du defendeur contre la demanderessen'etait pas une action soumise au delai de prescription de dix ans visepar l'article 1304 du Code civil, parce que la demande « ne constituaitpas une action en nullite ou en rescision de la convention de pret, maisune action en restitution de la somme pretee, la condition relative àcette obligation etant nulle car purement potestative », l'arret violetoutes les dispositions du Code civil visees en tete du moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par le defendeur et deduite dudefaut d'interet :

Le defendeur soutient qu'à defaut de pouvoir etre declaree nulle, enraison de la prescription de l'action en nullite, la convention de pret,dont l'arret constate l'existence, devrait sortir ses effets et que ledefendeur pourrait des lors demander l'execution par la demanderesse deson obligation de rembourser la somme pretee, de sorte que la condamnationpar l'arret de la demanderesse à payer cette somme demeurerait legalementjustifiee par une substitution de motifs.

L'arret decide toutefois, par un motif que le moyen ne critique pas etauquel la Cour ne saurait des lors en substituer un autre sans exceder sespouvoirs, que « la condition [suspensive] relative à cette obligation[de restituer la somme pretee est] nulle car purement potestative », cequi est susceptible d'affecter la validite de l'obligation soumise àcette condition.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Quant à la troisieme branche :

Aux termes de l'article 1174 du Code civil, toute obligation est nullelorsqu'elle a ete contractee sous une condition potestative de la part decelui qui s'oblige.

En vertu de l'article 1108 du meme code, une cause licite dansl'obligation est une condition essentielle pour la validite d'uneconvention.

Suivant l'article 1131 de ce code, l'obligation sans cause ne peut avoiraucun effet.

Aux termes de l'article 1892 de ce code, le pret de consommation est uncontrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certainequantite de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par cettederniere de lui en rendre autant de meme espece et qualite.

Il s'ensuit que l'obligation de l'emprunteur de rendre la somme preteeaffectee d'une condition suspensive purement potestative est nulle. Cettenullite, qui prive de cause la remise de la somme pretee, entraine lanullite du contrat de pret lui-meme.

L'article 1304 du Code civil dispose que, dans tous les cas ou l'actionen nullite ou en rescision d'une convention n'est pas limitee à unmoindre temps par une loi particuliere, cette action dure dix ans.

Si la nullite d'une convention produit ses effets ex tunc, c'est lejugement qui la prononce qui fait naitre des obligations nouvelles, lesparties devant restituer ce qu'elles ont obtenu. La nullite del'obligation de remboursement qui ne s'accompagne pas de l'annulation dela convention de pret n'entraine donc aucune obligation de restitution dela part de l'emprunteur.

L'arret constate que, « aux termes de la citation introductive d'instancesignifiee le 15 avril 2008, [le defendeur] sollicitait la condamnation de[la demanderesse] à lui `restituer, en execution d'une convention dateedu 23 septembre 1997, nulle car etablissant une reconnaissance de detted'un pret assortie d'une condition potestative', la somme principale de39.662,93 euros à majorer des interets judiciaires et des frais » etconsidere que l'obligation de remboursement souscrite par la demanderesseetait affectee d'une condition purement potestative dans son chef.

En decidant que cette action du defendeur contre la demanderesse n'etaitpas prescrite bien qu'intentee dix ans apres la conclusion du pretlitigieux, au motif que cette demande ne constituait en realite « pas uneaction en nullite ou en rescision de la convention de pret, mais uneaction en restitution de la somme pretee, la condition relative à cetteobligation etant

nulle car purement potestative », l'arret ne justifie pas legalement sadecision de condamner la demanderesse au remboursement de cette somme.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autre griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du premier moyen ni lesecond moyen qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en ce qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du

fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononceen audience publique du vingt-deux avril deux mille treize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+------------------------------------+
| L. Body | M. Lemal | M. Delange |
|----------+-----------+-------------|
| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
+------------------------------------+

22 AVRIL 2013 C.12.0285.F/9

4 MARS 2013 C.12.0285.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0285.F
Date de la décision : 22/04/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-04-22;c.12.0285.f ?
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