Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.0387.N
A. H. C.,
* prevenu,
* demandeur,
Me Raf Jespers, avocat au barreau d'Anvers.
I. la procedure devant la Cour
III. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 26 janvier 2012 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
IV. Le demandeur fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
V. Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
VI. Le premier avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la Cour
(...)
Sur le troisieme moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 16 de la loi du 17 avril1878 contenant le Titre preliminaire du Code de procedure penale, 331,332, 333 et 334 de la loi-programme (I) du 27 decembre 2006 : l'arretcondamne le demandeur sur la base d'une relation d'autorite et, parconsequent, d'une relation de travail ; cependant, il se fonde sur descriteres etrangers à ceux de l'article 333 de la loi-programme du 27decembre 2006 et qui, de surcroit ne peuvent justifier la requalificationd'une convention en qualite de travailleur independant en contrat detravail ; les conditions de travail sont incompatibles avec le statutsocial de travailleur independant ; l'arret ne demontre pas que lescriteres ainsi pris en consideration sont incompatibles avec l'existenced'une convention en qualite de travailleur independant.
(...)
13. La relation d'autorite dont l'existence d'un contrat de travail peutetre deduite, à l'exclusion de toute autre convention, doit etreappreciee à la lumiere des criteres actuellement enonces dans laloi-programme (I) du 27 decembre 2006, plus precisement à l'article 333de ladite loi, à savoir la liberte d'organisation du travail, lapossibilite d'exercer un controle hierarchique sur ce travail et laliberte ou non d'organisation du temps de travail.
14. Il appartient au juge d'examiner si les elements invoques à l'appuide l'existence d'une relation d'autorite demontrent un exercice d'autoriteou la possibilite d'un exercice d'autorite sur l'execution du travailrelevant d'un contrat de travail, qui est incompatible avec le simpleexercice d'un controle ou la simple communication de directives dans lecadre d'une convention en qualite de travailleur independant.
15. L'arret decide, non seulement ainsi que le moyen l'enonce, maisegalement : « A cet egard, la Cour renvoie notamment à l'absence dechoix de prester ou non l'activite et au fait que [le demandeur] ait puexercer un controle et une surveillance directs sur les prestationsexecutees par les personnes concernees qui avaient exclusivement unefonction d'executant en mettant uniquement à disposition leur maind'oeuvre.
Il ressort clairement des declarations des personnes concernees qu'ellesne jouissaient de la liberte propre au statut de travailleur independanten ce qui concerne leur travail et leur temps de travail ».
16. Sur la base de ces constatations de fait, l'arret decide legalementque ces elements constates demontrent un exercice d'autorite ou lapossibilite d'un exercice d'autorite sur l'execution du travail relevantd'un contrat de travail, qui est incompatible avec le simple exercice d'uncontrole ou la simple communication de directives dans le cadre d'uneconvention en qualite de travailleur independant.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
17. Pour le surplus, le moyen impose à la Cour un examen des faits pourlequel elle est sans pouvoir.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Sur le quatrieme moyen :
Quant à la premiere branche :
20. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1 et6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales : l'arret se fonde, à tort, sur les declarations dudemandeur faites en l'absence de son avocat et sans avoir ete informe dudroit à l'assistance d'un avocat ; il y a lieu de conclure àl'irrecevabilite de l'action publique ; l'observation de la doctrineSalduz peut uniquement etre garantie par la presence d'un avocat lors del'audition.
18. L'irregularite de la preuve due au fait qu'un prevenu a fait desdeclarations sans l'assistance d'un avocat, ne donne pas lieu àl'irrecevabilite de l'action publique.
En effet, le droit d'exercer l'action publique nait de la commission del'infraction, nonobstant son mode d'exercice ulterieur et independammentde la maniere dont les preuves sont recueillies.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
22. Le droit d'etre assiste d'un avocat consacre à l'article 6.3 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, tel que l'interprete la Cour europeenne des droits del'homme, implique que l'assistance d'un avocat doit etre accordee durantl'integralite de l'information, sous reserve de la demonstration, à lalumiere des circonstances particulieres de la cause, de raisonsimperieuses ayant conduit à restreindre ce droit. Meme dans ce cas, unetelle restriction, quelle qu'en soit sa justification, ne peut restreindreillegalement les droits du prevenu consacres aux articles 6.1 et 6.3 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.
Le droit à un proces equitable garanti par l'article 6.1 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, telqu'interprete par la Cour europeenne des droits de l'homme, exigeuniquement que l'acces à un avocat soit accorde à un suspect lorsqu'ilest entendu par la police, dans la mesure ou il se trouve dans uneposition particulierement vulnerable.
Dans la mesure ou il est deduit de la premisse qu'un suspect doit toujoursetre assiste d'un conseil lors de son audition, le moyen, en cettebranche, manque tout autant en droit.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
23. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1 et6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales : l'arret se fonde, à tort, sur des declarations destravailleurs ou associes concernes, qui ne peuvent servir de preuve deslors qu'elles ont ete faites en l'absence d'un avocat et sans avoir eteinforme du droit à l'assistance d'un avocat, bien qu'au moment de leuraudition, ces personnes ne pouvaient etre considerees comme temoins ouparties civiles, mais comme suspects potentiels.
24. Dans la mesure ou il invoque que les personnes susmentionnees nepouvaient, au moment de leur audition, etre considerees comme temoins ouparties civiles, mais comme suspects potentiels, le moyen, en cettebranche, impose à la Cour un examen des faits pour lequel elle est sanspouvoir.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
23. Une personne peut uniquement invoquer le droit à l'assistance d'unavocat lorsqu'il est entendu à propos d'infractions susceptibles d'etremises à sa charge. Il s'ensuit que ce droit à l'assistance, tout commele devoir d'information, le droit de se taire et le droit de ne pass'auto-incriminer auxquels est lie le droit à l'assistance, sontuniquement valables in personam.
Un suspect ne peut pas invoquer la violation de ces droits relativement àdes declarations incriminantes faites à sa charge par une personne qui neconstitue qu'un temoin à son egard, sauf si, lors de son audition, cettepersonne devait beneficier de ces memes droits et retracte, sur la base deleur violation, les declarations incriminantes qui ont ete faites.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
Le controle d'office
24. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers LucVan hoogenbemt, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, et prononceen audience publique du vingt-six mars deux mille treize par le presidentde section Paul Maffei, en presence du premier avocat general PatrickDuinslaeger, avec l'assistance du greffier delegue Veronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
26 mars 2013 P.12.0387.N/1