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21/03/2013 | BELGIQUE | N°C.11.0476.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 mars 2013, C.11.0476.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1539



NDEG C.11.0476.F

1. P. D. B. et

2. I. C.,

3. L. D. B.,

4. G. D. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

Banque CPH, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Tournai, rue Perdue, 7,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers,

avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La p...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1539

NDEG C.11.0476.F

1. P. D. B. et

2. I. C.,

3. L. D. B.,

4. G. D. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

Banque CPH, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Tournai, rue Perdue, 7,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 decembre2010 par la cour d'appel de Mons.

Le 6 fevrier 2013, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Disposition legale violee

Article 1384, alineas 1er et 3, du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret dit les appels des demandeurs contre le jugement entrepris lesayant deboutes de leurs demandes, notamment en ce que celles-ci etaientfondees sur l'article 1384 du Code civil, non fondes, sauf en ce quiconcerne la liquidation de l'indemnite de procedure, reformant quant àce, liquide l'indemnite de procedure de premiere instance à 5.000 euros,confirme le jugement entrepris pour le surplus, condamne les demandeursaux depens de l'instance d'appel, ramenes à 5.000 euros pour ladefenderesse, et leur delaisse leurs depens de cette instance. Cettedecision repose notamment sur les considerations suivantes :

« C. Article 1384, alinea 3, du Code civil

1. Abus de fonctions

a) Les fautes que les preposes commettent dans l'accomplissement de leurmission peuvent engager la responsabilite de la banque sur la base del'article 1384, alinea 3, du Code civil ;

La responsabilite de la banque est engagee en raison de la faute commisepar son prepose pendant la duree de ses fonctions lorsqu'elle est, memeindirectement ou occasionnellement, en relation avec celles-ci (Cass.,

4 novembre 1993, Pas., 1993, I, 446 ; Gand, 19 janvier 1996, R.D.C., 1997,795, et la note J.-P. Buyle et X. Thunis) ;

L'acte pose par le prepose ne doit pas relever par son objet de lafonction du prepose et l'abus de fonctions commis par le prepose, soitl'utilisation par celui-ci de sa fonction ou des moyens mis à sadisposition par le commettant à des fins etrangeres à celles qui sontassignees à sa mission, engage la responsabilite du commettant sur labase de l'article 1384, alinea 3 (J.-P. Buyle et O. Creplet, `Laresponsabilite bancaire', volume 1, in Responsabilites, Traite theoriqueet pratique, titre II, livre 22, p. 13, nDEG 7.1) ;

L'appreciation du lien requis entre la faute et la fonction peut cependantdonner lieu à des hesitations et est naturellement tributaire d'uneanalyse des circonstances de fait de chaque cause ;

Ainsi, il a ete juge que les actes d'escroquerie commis par le gerantd'une agence avaient ete accomplis dans le cadre du fonctionnement de labanque, en relevant notamment le fait que des documents à en-tete de labanque etaient delivres aux clients pendant les heures d'ouverture del'agence (Gand, 19 janvier 1996, precite) ;

En revanche, l'existence du lien entre la faute et les fonctions estgeneralement ecartee lorsque les circonstances de fait revelent que leprepose a agi à titre personnel, en dehors de sa mission, et que lesclients ont contracte avec lui à ce titre, en connaissance de cause (V.Callewaert, B. De Coninck, B. Dubuisson, G. Gathem, `La responsabilitecivile. Chronique de jurisprudence 1996-2007', volume I, `Le faitgenerateur et le lien causal', Les dossiers du J.T., p. 984, nDEG 1165);

Il a ete juge que le commettant ne saurait echapper à sa responsabiliteque pour autant qu'il demontre que le prepose a agi sans son autorisation,hors des limites de sa mission, et relativement à des faits qui sontetrangers à celle-ci (Cass., 26 octobre 1989, Pas., 1990, I, 241 ;Bruxelles, 27 mars 1995, A.J.T., 1995-1996, 225, et la note Wylleman) ;

Pour echapper à la responsabilite qui pese sur lui lorsque le prepose aagi dans le temps de ses fonctions, le commettant doit ainsi apporter lapreuve de trois elements :

- le defaut d'autorisation ;

- la finalite de l'acte, qui doit etre etrangere aux attributions duprepose ; cette condition est remplie lorsque celui-ci n'a pas agi dansl'interet du commettant ; il importe peu qu'il ait agi dans son interetpersonnel ou dans celui d'un tiers ;

- la rupture du cadre objectif des fonctions : le prepose qui agit dans letemps et au lieu de ses fonctions et qui utilise les moyens de sesfonctions pour causer un dommage à des tiers commet des fautes dont lecommettant doit repondre (J.-L. Fagnart, `Responsabilite du faitd'autrui', in Buitencontractuele aansprakelijkheid, p. 189, nDEG 45) ;

b) En l'espece, quoi qu'en disent les [demandeurs], l'abus de fonctionscommis par feu S. F. n'est pas serieusement contestable ;

En effet, les documents etablis par lui pour les placements litigieuxs'ecartent des standards bancaires habituels et des procedures de la[defenderesse] ;

Ainsi, il est anormal que ces placements soient effectues sur un compte àterme, dont le numero n'est pas communique aux clients, sans qu'aucunextrait de compte ne soit emis, ni lors des placements, ni lors du calculdes interets ;

En outre, les taux offerts, de plus de 10 p.c. l'an, etaient anormalementeleves, excedant largement les taux pratiques à l'epoque pour des comptesà terme ;

Toutefois, S. F. etait directeur d'une agence dont les [demandeurs]etaient clients ; des documents à l'en-tete [de la defenderesse] ont eteetablis par lui ; les operations, que ce soit le placement des fonds oudes retraits en liquide, ont eu lieu dans son agence bancaire durant lesheures d'ouverture ;

Les fautes commises par le prepose de [la defenderesse], pendant la dureede ses fonctions, sont ainsi en relation avec celles-ci, de sorte qu'ellespeuvent engager la responsabilite de son commettant sur la base del'article 1384, alinea 3, du Code civil, meme si elles procedent d'un abusde fonctions ;

2. Connaissance de l'abus de fonctions

[...] Il ressort des considerations qui precedent que c'est de maniereinvraisemblable que les [demandeurs] soutiennent qu'ils ont, de bonne foi,cru placer leurs economies aupres de [la defenderesse] ;

L'ensemble des elements rappeles ci-avant revele au contraire qu'ils n'ontraisonnablement pas pu croire que tel etait le cas et qu'ils savaient queS. F. abusait de ses fonctions en leur proposant de tels placements ;

3. Incidence de la connaissance

a) Une controverse subsiste quant à l'incidence de la connaissance par lavictime du fait que le prepose abusait de ses fonctions ;

Par un arret du 4 novembre 1993, la Cour de cassation a considere que laconnaissance de la victime lui interdit d'invoquer le benefice de lapresomption de responsabilite du commettant (Cass., 4 novembre 1993, J.T.,1994, 231) ;

Par un arret du 11 mars 1994, elle a par contre considere que la faute dela victime ne suffit pas pour exclure la responsabilite du commettant etqu'il y a lieu de prononcer un partage des responsabilites (Cass., 11 mars1994, J.T., 1994, 611, obs. Chr. Dalcq) ;

La premiere solution est justifiee par deux considerations :

- d'une part, la victime, qui connait l'abus de fonctions et qui participeà l'activite abusive, commet une faute qui est la cause determinante deson propre dommage ;

- d'autre part, la victime qui connait l'abus de fonctions sait, par lefait meme, que le prepose outrepasse sa mission et perd donc le droit àla protection que la loi reserve au tiers de bonne foi (J.-L. Fagnart, `Laresponsabilite du banquier du fait de ses preposes', in Hommage à JacquesHeenen, 1994, 136 ;

Pour d'autres, la seconde solution :

- apparait davantage conforme au droit commun de la responsabilite et àla theorie de l'equivalence des conditions ;

- ce n'est en effet que si la faute de la victime peut etre considereecomme la cause exclusive du dommage que le commettant doit etre exonere ;

- comme ce n'est pas le cas, par definition, lorsque la presomption deresponsabilite du commettant peut etre invoquee, il est logique deconsiderer que la victime qui a commis une faute doit supporter la part dudommage imputable à son imprudence ou à sa negligence (V. Callewaert, B.De Coninck, B. Dubuisson, G. Gathem, `La responsabilite civile, chroniquede jurisprudence 1996-2007', volume 1, `Le fait generateur et le liencausal', op. cit., p. 147, nDEG 175) ;

A l'appui de cette these, les [demandeurs] citent un article de doctrinedont ils retiennent que `ni la connaissance ni l'ignorance fautive de lavictime de l'abus ou du depassement de fonctions par le prepose nejustifient donc la conclusion de l'inapplication de l'article 1384, alinea 3, ou d'un partage de responsabilite' (L. Cornelis, `Plaidoyer pourune responsabilite uniforme en cas d'abus de fonctions', R.C.J.B., 1997,p. 344, nDEG 25) ;

Il convient toutefois de relever que cet auteur precise que le lien quidoit exister entre la faute du prepose et l'exercice de ses fonctions està determiner de maniere objective (ibidem, nDEGs 32 à 34) et que :

- on doit ainsi rechercher comment un homme normalement prudent etraisonnable, se trouvant dans les memes circonstances que la victime,aurait perc,u les fonctions du prepose ou de l'employe ;

- s'il avait su que le prepose n'agissait plus dans le cadre de sesfonctions, on devrait en deduire que la victime aurait egalement du lesavoir et, de ce fait, que la faute dommageable se situe en dehorsdesdites fonctions. Dans ce cas, la victime ne dispose pas d'un recoursaquilien contre le commettant ;

- si l'homme normalement prudent et raisonnable, se trouvant dans lesmemes conditions de fait, avait, au contraire, cru que le prepose agissaittoujours dans les limites de ses fonctions, la victime pourra recourir àla responsabilite objective du commettant ;

- ces regles sont à nuancer lorsqu'il apparait que la victime connaissaiteffectivement la portee reelle des fonctions du prepose et, des lors, ledepassement de ce cadre. Dans ce cas, le recours à l'article 1384, alinea3, lui est interdit : en effet, la victime qui connait le depassement desfonctions et qui sait, des lors, que les conditions de l'article 1384,alinea 3, ne se trouvent pas reunies causerait frauduleusement un dommageau commettant en obtenant neanmoins sa condamnation en vertu de cettedisposition legale. Le principe general du droit `fraus omnia corrumpit'rend un tel recours inopposable au commettant (ibidem, nDEG 32, p. 354) ;

La cour [d'appel] considere que le recours contre le commettant ne peutetre exerce que par les victimes de bonne foi, ce qui suppose que leurerreur sur l'etendue des pouvoirs du prepose avec lequel elles ont traitesoit legitime ;

En effet, l'article 1384, alinea 3, surtout dans son interpretationextensive, ne se justifie qu'à l'egard des tiers de bonne foi (H. DePage, Traite elementaire de droit civil belge, tome II, 3e edition, p.1024, nDEG 990, note 2) ;

Seule cette solution apparait comme un juste temperament à la severite duregime qui s'applique aux commettants en cas d'abus de fonctions (Ch.Dalcq, `La responsabilite du fait des personnes agissant pour autrui', inResponsabilites, traite theorique et pratique, titre IV, livre 40, p. 14,nDEG 6) ;

[...] c) Comme dejà dit, les [demandeurs] ne pouvaient se meprendre quantà l'abus de fonctions commis par S. F. et, partant, quant au caractereirregulier des placements litigieux ;

Leur demande ne peut des lors etre accueillie sur pied de l'article 1384,alinea 3, du Code civil, à defaut d'erreur legitime dans leur chef quantà l'etendue des pouvoirs de ce prepose ».

Griefs

Aux termes de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil, on estresponsable, non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait,mais encore de celui qui est cause par le fait des personnes dont on doitrepondre ou des choses que l'on a sous sa garde.

L'article 1384, alinea 3, de ce code precise que les maitres et lescommettants sont responsables du dommage cause par leurs domestiques etpreposes dans les fonctions auxquelles ils les ont employes.

Il resulte des termes de cette disposition qu'il suffit, pour que laresponsabilite du commettant soit engagee, que son prepose commette unacte illicite, que cet acte illicite soit commis pendant le temps desfonctions et soit, meme indirectement et occasionnellement, en relationavec celles-ci et que cet acte cause un dommage à un tiers.

L'article 1384, alinea 3, du Code civil n'impose que ces trois conditionset ne fait aucunement dependre la mise en oeuvre de ce regime deresponsabilite de l'absence (legitime) de connaissance de la victime del'abus de fonctions.

Il s'ensuit que, lorsque, pendant le temps de sa fonction, un preposecommet une faute qui est, fut-ce indirectement et occasionnellement, enrelation avec sa fonction, le commettant doit, en application de l'article1384, alinea 3, du Code civil, repondre de la faute de son prepose et ce,independamment de la connaissance que la victime aurait eue ou pu avoir del'abus des fonctions.

La propre faute de la personne lesee, consistant en ce qu'elle savait oudevait savoir que le prepose abusait de sa fonction, ne suffit point àexclure cette responsabilite mais pourra entrainer, le cas echeant, unpartage de responsabilites.

En l'occurrence, l'arret considere que « S. F. etait directeur d'uneagence dont les [demandeurs] etaient clients ; des documents à en-tete[de la defenderesse] ont ete etablis par lui ; les operations, que ce soitle placement des fonds ou des retraits en liquide, ont eu lieu dans sonagence bancaire durant les heures d'ouverture ; les fautes commises par leprepose de [la defenderesse], pendant la duree de ses fonctions, sontainsi en relation avec celles-ci, de sorte qu'elles peuvent engager laresponsabilite de son commettant sur la base de l'article 1384, alinea 3,du Code civil, meme si elles procedent d'un abus de fonctions ».

Il constate ainsi explicitement, non seulement qu'il y a eu des fautescommises par le prepose mais, en outre, que ces fautes ont ete commisespar celui-ci pendant la duree de ses fonctions et sont en relation aveccelles-ci.

Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article 1384, alinea 3,du Code civil etaient remplies, de sorte que la defenderesse etait tenuede dedommager les demandeurs du dommage cause par son prepose.

Partant, l'arret, qui constate que les fautes commises par l'anciendirecteur de l'agence de la defenderesse l'ont ete pendant la duree de sesfonctions et etaient en relation avec ses fonctions, n'a pu legalementdecider que les demandes, basees sur l'article 1384, alinea 3, du Codecivil, n'etaient point fondees au motif que les demandeurs n'ont pu semeprendre quant à l'abus de fonctions commis par S. F. et ne pouvaientse prevaloir d'une ignorance legitime (violation de l'article 1384,alineas 1er et 3, du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse et deduitedu defaut d'interet :

La defenderesse fait valoir que l'arret, se ralliant à l'enseignement duprofesseur Cornelis, considere comme frauduleux le comportement de lavictime qui sollicite la reparation de son prejudice par le commettantalors qu'elle sait que le prepose avec lequel elle a traite a outrepasseses fonctions et qu'il fait, ce faisant, une application legale duprincipe general du droit fraus omnia corrumpit pour fonder sa decision.

S'il est vrai que l'arret se refere à l'enseignement du professeurCornelis lorsqu'il expose les elements de reflexion ayant determine ladecision de la cour d'appel, ce n'est toutefois pas sur le principe frausomnia corrumpit qu'il fonde celle-ci mais sur la consideration que « lerecours contre le commettant ne peut etre exerce que par les victimes debonne foi, ce qui suppose que leur erreur sur l'etendue des pouvoirs duprepose avec lequel elles ont traite soit legitime ».

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 1384, alinea 3, du Code civil, les maitres etcommettants sont responsables du dommage cause par leurs domestiques etpreposes dans les fonctions auxquelles ils les ont employes.

L'acte illicite, fut-il intentionnel, doit certes rentrer dans lesfonctions du prepose ; il suffit toutefois que cet acte ait ete accomplipendant le temps de la fonction et qu'il soit, meme indirectement etoccasionnellement, en relation avec celle-ci ; si cet acte resulte d'unabus de fonctions, le commettant n'est exonere de sa responsabilite que sison prepose a agi hors des fonctions auxquelles il etait employe, sansautorisation, et à des fins etrangeres à ses attributions.

Lorsque l'acte illicite resulte d'un abus de fonctions, est accomplipendant le temps de la fonction et est, meme indirectement etoccasionnellement, en relation avec celle-ci, le commettant doit, deslors, repondre civilement de la faute de son prepose.

La faute de la personne lesee, consistant en ce qu'elle savait ou devaitsavoir que le prepose abusait de sa fonction, ne suffit pas à exclure laresponsabilite du commettant.

Il ressort des motifs du jugement entrepris que l'arret s'approprie, ainsique des motifs propres de celui-ci, que les deux premiers demandeurs« sont clients depuis plusieurs annees de la [defenderesse] [...] parl'entremise de l'agence de ... [...] dirigee par un sieur [...] F. », queles demandeurs « ont effectue des operations de placement àl'intervention du sieur F. », que la defenderesse « expose que, dans lecourant du mois de novembre 2007, [...] elle a informe [les demandeurs]qu'elle contestait la realite des placements effectues et qu'elle nes'estimait pas liee par les obligations souscrites par le sieurF. [...] entre-temps decede » et que, « la [defenderesse] ayant [...]refuse d'indemniser [les demandeurs], ces derniers ont introduit uneprocedure [à son encontre] ».

L'arret deduit des elements de fait qu'il releve, d'une part, que« l'abus de fonctions commis par F. n'est pas serieusement contestable »et que « les fautes commises par le prepose de [la defenderesse], pendantla duree de ses fonctions, sont [...] en relation avec celles-ci, de sortequ'elles peuvent engager la responsabilite de son commettant sur la basede l'article 1384, alinea 3, du Code civil, meme si elles procedent d'unabus de fonctions », et, d'autre part, que « c'est de maniereinvraisemblable que [les demandeurs] soutiennent qu'ils ont, de bonne foi,cru placer leurs economies aupres de [la defenderesse], qu'« ils n'ontraisonnablement pas pu croire que tel etait le cas », qu'« ils savaientque F. abusait de ses fonctions en leur proposant de tels placements » etqu'« [ils] ne pouvaient se meprendre quant à l'abus de fonctions commispar F. et, partant, quant au caractere irregulier des placementslitigieux ».

Il ressort de ces enonciations que l'arret considere, d'une part, que lesactes illicites commis par le prepose de la defenderesse n'ont pas eteaccomplis en dehors de sa fonction et, d'autre part, que les demandeurssavaient que ces actes illicites etaient le resultat d'un abus defonctions de ce prepose accompli pendant le temps de ses fonctions et enrelation, fut-ce indirectement et occasionnellement, avec celles-ci.

L'arret, qui, apres avoir considere que « le recours contre le commettantne peut etre exerce que par les victimes de bonne foi, ce qui suppose queleur erreur sur l'etendue des pouvoirs du prepose avec lequel elles onttraite soit legitime », et que « l'article 1384, alinea 3, du Code civil[...] ne se justifie qu'à l'egard des tiers de bonne foi », decide que« [la] demande [des demandeurs] ne peut des lors etre accueillie sur piedde l'article 1384, alinea 3, du Code civil, à defaut d'erreur legitimedans leur chef quant à l'etendue des pouvoirs de ce prepose », violecette disposition legale.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il rejette la demande des demandeursfondee sur l'article 1384, alinea 3, du Code civil et qu'il statue sur lesdepens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Alain Simon,Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du vingt et un mars deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | A. Simon | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

21 MARS 2013 C.11.0476.F/14


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0476.F
Date de la décision : 21/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-21;c.11.0476.f ?
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