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18/03/2013 | BELGIQUE | N°S.12.0069.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mars 2013, S.12.0069.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1852



NDEG S.12.0069.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

P. B.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 decembre2011 pa

r la cour du travail de Bruxelles.

Le 1er mars 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greff...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1852

NDEG S.12.0069.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

P. B.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 decembre2011 par la cour du travail de Bruxelles.

Le 1er mars 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

* articles 1153, 2219, 2257, 2262 (ancien), 2262bis et 2277 du Codecivil ;

* articles 60, 62 et 64 de la loi du 28 decembre 1983 portant desdispositions fiscales et budgetaires, tels qu'ils etaient applicablesaux revenus imposables de 1987 (l'article 60 et l'article 62 telsqu'ils sont modifies par la loi du 31 juillet 1984 et, pour autant quede besoin, par les lois des 7 novembre 1987 et 30 decembre 1988) ;

* articles 2 et 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984 d'execution duchapitre III - Cotisation speciale de securite sociale - de la loi du28 decembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgetaires.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir considere que le delai de prescription de la demande enpaiement du montant en principal de la cotisation speciale de securitesociale due par le defendeur « a pris cours apres le dernier jour du moissuivant l'envoi de la feuille de calcul etablie à la suite de la decisiondefinitive sur la reclamation fiscale, soit en l'espece le 1er janvier1995 [...], [que] le delai de cinq ans n'etait donc pas echu à la date duproces-verbal de comparution volontaire du 2 juin 1998 » et que, deslors, cette demande n'etait pas prescrite, l'arret « deboute [ledemandeur] de sa demande de condamnation [du defendeur] à payer desinterets pour la periode anterieure au 3 juin 1998 ».

Il fonde sa decision sur la consideration que les interets echus avant le3 juin 1993 sont prescrits par application de l'article 2277 du Codecivil. Il souligne à cet egard que :

« Il resulte de l'arret de la Cour de cassation du 2 novembre 1998 quel'article 2277 du Code civil est applicable aux interets reclames par [ledemandeur] et ce, independamment de la prescription applicable à lacotisation speciale ;

La Cour a rejete le pourvoi dirige contre un arret ayant applique auxinterets l'article 2277 du Code civil. Cet arret de rejet etait motivecomme suit :

`Que le moyen soutient que l'interet prevu par l'article 62, alinea 3, dela loi du 28 decembre 1983, tel qu'il est applicable en l'espece, n'estpas soumis à la prescription quinquennale prevue à l'article 2277 duCode civil, parce que cet interet « constitue un tout avec lescotisations dues » ;

Qu'en vertu de l'article 62, alinea 1er, de la loi du 28 decembre 1983portant des disposition fiscales et budgetaires, la cotisation speciale desecurite sociale prevue par l'article 60 de cette loi doit faire l'objetd'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er decembre de l'anneeprecedant l'exercice d'imposition ;

Qu'en vertu de l'alinea 3 de cet article, à defaut ou en casd'insuffisance du versement provisionnel à la date prescrite, un interetde retard est du par mois de retard à partir de cette date, y compris lemois au cours duquel le paiement a lieu ;

Qu'il s'ensuit que la loi instaure un paiement anticipe de la cotisationpar voie de versement provisionnel et que l'interet prevu par l'article62, alinea 3, constitue l'indemnisation du retard dans l'execution dupaiement ;

Que, des lors, cet interet, contrairement à ce que soutient le moyen, estdistinct de la cotisation elle-meme' (Cass., 2 novembre 1998, Pas., 1998,I, nDEG 467) ;

Des lors que le premier acte interruptif de prescription est leproces-verbal de comparution volontaire du 2 juin 1998, les interets echusavant le 3 juin 1993 ne peuvent plus etre reclames ;

En l'absence de disposition legale en ce sens, la prescription desinterets n'a pas ete interrompue par la mise en demeure envoyee par leconseil [du demandeur] le 27 novembre 1996 ;

C'est à tort que [le demandeur] soutient que le delai de prescription desinterets n'a pu courir avant qu'une feuille de calcul rectificative aitete etablie alors que :

* l'article 3, alinea 2, de l'arrete royal du 4 juillet 1984 preciseexpressement que l'introduction d'une reclamation ne suspend pas laperiode durant laquelle les interets courent ;

* il resulte de l'article 62 de la loi que l'action en paiement desinterets nait à la date à laquelle une provision doit etre versee ;

* ni l'article 62 ni aucune autre disposition ne subordonne lareclamation des interets à l'etablissement d'une feuille decalcul ».

Griefs

1. Aux termes de l'article 62 de la loi du 28 decembre 1983, la cotisationspeciale visee à l'article 60 de ladite loi, dont l'Office national del'emploi est autorise à poursuivre le recouvrement par la voie judiciaire(article 64, alinea 1er, de la loi du 28 decembre 1983), « doit fairel'objet d'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er decembre del'annee precedant l'exercice d'imposition ».

A defaut ou en cas d'insuffisance de versement provisionnel à la dateprescrite, un interet de retard est du à partir de cette date (article62, alinea 2, de la loi du 28 decembre 1983, devenu article 62, alinea 3,à la suite de la loi du 30 decembre 1988, ci-apres, par facilite, article62, alinea 2, de la loi du 28 decembre 1983).

2. L'article 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984 prevoit que lespersonnes qui contestent l'imposition entrainant pour elles l'obligationde payer la cotisation speciale sont tenues de fournir à l'Officenational de l'emploi la preuve de l'introduction d'une reclamation ou d'unrecours contre cette imposition en lui communiquant une copie de l'accusede reception de la reclamation dont question à l'article 271 du Code desimpots sur les revenus (1964) ou de la notification de depot dont questionaux articles 281 et 290 du meme code et que l'introduction d'unereclamation ou d'un recours ne suspend pas la periode pendant laquellecourent les interets de retard.

3. Par ailleurs, d'une part, il suit de l'economie de l'institution de laprescription extinctive (articles 2219, 2262 (ancien), 2262bis et 2277 duCode civil) et plus particulierement de l'article 2257 du Code civil quece n'est qu'à l'expiration du delai de paiement prevu à l'article 2,alinea 2, de l'arrete royal du 4 juillet 1984 que prend cours laprescription de l'action en recouvrement de la cotisation speciale desecurite sociale. D'autre part, l'Office national de l'emploi ne peutproceder au recouvrement de celle-ci aussi longtemps que la dette fiscaledu redevable n'est pas definitivement etablie, de sorte que, en cas dereclamation ou de recours fiscal, le delai de prescription ne prend coursqu'à l'expiration du mois suivant celui au cours duquel une nouvellefeuille de calcul, etablie sur la base de la decision fiscale definitive,a ete adressee par l'Office au redevable de la cotisation speciale(articles 2 et 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984).

Or, l'Office national de l'emploi, à l'instar de tout creancier d'unedette de somme, ne peut proceder au recouvrement d'interets de retard surles montants qui lui sont dus au titre de la cotisation speciale avantqu'il puisse proceder au recouvrement du montant principal de cettederniere (articles 1153 du Code civil et 62, alinea 2, de la loi du 28decembre 1983), meme si ces interets - en raison d'un texte legalparticulier comme, en l'espece, l'article 62, alinea 2, de la loi du 28decembre 1983 - courent de plein droit avant meme que l'Office ait lapossibilite de proceder au recouvrement du principal.

4. Il suit des lors de la combinaison de l'ensemble des dispositionslegales et reglementaires qui precedent que la prescription des interetsdus en vertu de l'article 62, alinea 2, de la loi du 28 decembre 1983 etde l'article 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984, quoique soumise àl'article 2277 du Code civil, ne peut commencer à courir avant que prennecours la prescription du montant de la cotisation speciale due enprincipal.

5. Ayant considere « que le delai de prescription [de l'action enrecouvrement du montant de la cotisation speciale en principal] a priscours apres le dernier jour du mois suivant l'envoi de la feuille decalcul etablie à la suite de la decision sur la reclamation fiscale, soiten l'espece le 1er janvier 1995 », de sorte que la demande du demandeurtendant au paiement de ce montant en principal introduite le 2 juin 1998n'etait pas prescrite, l'arret n'a pu, par consequent, legalement deciderque le delai de prescription des interets sur ce meme montant, vise àl'article 2277 du Code civil, avait pris cours des le 1er decembre 1987 etque, « des lors que le premier acte interruptif de prescription est leproces-verbal de comparution volontaire du 2 juin 1998, les interets echusavant le 3 juin 1993 ne peuvent plus etre reclames » (violation de toutesles dispositions visees au moyen).

Second moyen

Dispositions legales violees

* articles 1er, 35, alinea 1er, 37, 96, 99, 149, 170, 171, 174 et 181 dela Constitution ;

* articles 1382, 1383, 1384, specialement alinea 1er, 2219, 2262(ancien), 2262bis et 2277 du Code civil ;

* article 7, S: 1er, specialement alinea 2, de l'arrete-loi du 28decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs ;

* articles 60, 62, 64 et 66 de la loi du 28 decembre 1983 portant desdispositions fiscales et budgetaires (les articles 60 et 62 telsqu'ils etaient applicables aux revenus imposables de 1987, donc telsqu'ils ont ete modifies par la loi du 31 juillet 1984 et, pour autantque de besoin, par les lois des 7 novembre 1987 et 30 decembre 1988) ;

* articles 2 et 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984 d'execution duchapitre III - Cotisation speciale de securite sociale - de la loi du28 decembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgetaires ;

* principe general du droit prohibant l'abus de droit ;

* pour autant que de besoin, principe general du droit relatif auxprincipes de bonne administration et, plus specialement, principe debonne administration dit du delai raisonnable.

Dispositions et motifs critiques

Apres avoir admis que le montant en principal de la cotisation specialelitigieuse n'etait pas prescrit et qu'il en etait de meme des interets dussur ce montant à compter du 3 juin 1993, l'arret « deboute [ledemandeur] de sa demande de condamnation [du defendeur] à payer desinterets pour la periode anterieure au 3 juin 1998 ».

Il fonde sa decision sur ce que le demandeur a commis un manquement à sondevoir de diligence en attendant novembre 1994 pour etablir une feuille decalcul apres la decision directoriale du 18 octobre 1989 revoyant lerevenu imposable du defendeur. Il souligne à cet egard que :

« 16. Pour le reste, [le defendeur] se prevaut de la lenteur extreme [dudemandeur] tant au stade de la phase administrative qu'apresl'introduction de la procedure judiciaire. Il sollicite une exonerationcomplete des interets ;

17. En ce qui concerne la procedure administrative, il est admis que touteautorite doit agir dans un delai raisonnable, c'est-à-dire dans un delaidont il ne se conc,oit pas qu'il ne soit pas respecte par uneadministration fonctionnant normalement ;

Dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, le principe de bonneadministration dit du delai raisonnable decoule du principe du raisonnablequi, de maniere generale, impose à l'administration de ne pas prendre unedecision qui defie la raison, c'est-à-dire une decision `dont il estimpensable qu'une administration fonctionnant normalement puisse laprendre' ;

En l'espece, il est invraisemblable que [le demandeur] ait mis plus decinq ans pour tirer les consequences de la decision directoriale du 18octobre 1989 et que, par la suite, il lui ait encore fallu de novembre1994 à juin 1998 pour instituer la procedure ;

Le depassement du delai administratif raisonnable constitue une faute ;

Sans cette faute, la feuille de calcul aurait ete etablie et la procedureaurait ete instituee peu de temps apres la decision directoriale, de sorteque, sans la faute [du demandeur], les interets echus avant le 2 juin 1998auraient ete evites ;

En guise de reparation du dommage cause par la faute [du demandeur], [ledefendeur] doit etre dispense des interets echus à la date du 2 juin 1998».

Griefs

1. Le demandeur faisait valoir dans ses conclusions en replique deposeesau greffe de la cour du travail le 21 novembre 2011 que :

« Ne recevant plus aucun paiement, le `service des cotisations speciales'du [demandeur] a adresse le 10 mai 1991 le questionnaire d'usage auservice de taxation de Tubize afin d'etre informe de l'etat de solvabilitedes debiteurs ;

La reponse du 24 juin 1991 faisait mention de l'existence de lareclamation fiscale et de la decision directoriale du 18 octobre 1989. Or,elle ne contenait aucune information quant au resultat de la reclamationfiscale. Il n'etait mentionne ni que la decision directoriale etaitdefinitive, ni que le contribuable avait introduit un recours, ni que lesdonnees fiscales avaient ete maintenues ou modifiees ;

[Le demandeur] ignorait donc tout de l'etat d'avancement de la reclamationfiscale introduite par [le defendeur] ;

On ne peut en consequence reprocher au [demandeur] d'avoir attendujusqu'en 1994 pour s'enquerir de la modification eventuelle de la baseimposable ;

[Le demandeur] n'est pas partie à la procedure de reclamation, ou seulsle contribuable lui-meme et l'administration fiscale interviennent ;

Le [demandeur] n'est meme pas tenu au courant de l'etat d'avancement decette procedure ni du contenu des contestations soulevees par lescontribuables et il n'existe aucune obligation legale [lui] imposant desurveiller la progression des contestations fiscales ;

Ce domaine ne releve pas de la competence [du demandeur], qui se chargeuniquement du recouvrement des cotisations litigieuses sur la base desdonnees fiscales qui lui sont transmises par l'administration fiscale ;

Ce n'est qu'en 1994, au moment de la reception de la reponse auquestionnaire du 29 septembre 1994, que le [demandeur] a appris pour lapremiere fois que le revenu imposable globalement [du defendeur] avait etereduit à 6.992.719 francs et que ces donnees etaient definitives ;

Les renseignements que [le demandeur] a rec,us en juin 1991 n'etaient pascomplets et ne lui permettaient pas de poursuivre le recouvrement de sacreance. Ce n'est qu'en 1994, lorsqu'il a ete informe du nouveau revenuimposable global definitif, que [le demandeur] a ete en mesure d'etablirune feuille de calcul rectificative ;

Aucune negligence ne peut etre reprochee [au demandeur]. Des qu'il a eteinforme des donnees fiscales definitives, il a adresse une feuille decalcul rectificative [au defendeur] ».

2. La cotisation speciale visee à l'article 60 de la loi du 28 decembre1983 et donnant lieu aux interets prevus à l'article 62, alinea 2, decette loi (devenu article 62, alinea 3, à la suite de la loi du 30decembre 1988) est fonction du montant net des revenus imposablesglobalement à l'impot des personnes physiques du redevable. L'Officenational de l'emploi est charge du recouvrement de cette cotisation, lecas echeant par la voie judiciaire (article 64, alinea 1er, de la loi du28 decembre 1983).

L'article 66 impose aux administrations publiques, et notamment à cellesqui relevent du ministere des Finances, du ministere des Classes moyenneset du ministere des Affaires sociales, de fournir à l'Office national del'emploi les renseignements qui lui sont necessaires en vue del'application des dispositions relatives à cette cotisation speciale.

Conformement à l'article 2, alinea 1er, de l'arrete royal du 4 juillet1984 d'execution du chapitre III - Cotisation speciale de securite sociale- de la loi du 28 decembre 1983 portant des dispositions fiscales etbudgetaires, sur le vu de ces renseignements, l'Office national del'emploi adresse aux personnes assujetties à la cotisation speciale unefeuille de calcul mentionnant le montant de la cotisation due, leselements sur la base desquels elle est etablie, le solde eventuel qui,compte tenu du versement provisionnel prevu à l'article 62, alinea 1er,de la loi, reste à percevoir ou à restituer par l'Office et les interetsde retard relatifs à ce solde.

Le solde doit, aux termes du second alinea de l'article 2 de cet arrete,etre acquitte par les personnes assujetties au plus tard le dernier jourdu mois suivant celui au cours duquel la feuille de calcul leur estadressee.

L'article 3 du meme arrete ajoute que les personnes qui contestentl'imposition entrainant pour elles l'obligation de payer la cotisationspeciale sont tenues de fournir à l'Office national de l'emploi la preuvede l'introduction d'une reclamation ou d'un recours contre cetteimposition en lui communiquant une copie de l'accuse de reception de lareclamation visee à l'article 271 du Code des impots sur les revenus(1964) ou de la notification de depot visee aux articles 281 et 290 dumeme code et que l'introduction d'une reclamation ou d'un recours nesuspend pas la periode pendant laquelle courent les interets de retard.

Il suit ainsi de l'article 66 de la loi du 28 decembre 1983 et desarticles 2 et 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984 qu'il appartient àl'administration fiscale saisie d'une reclamation ou d'un recours detransmettre d'initiative à l'Office la decision qui a statue sur cettereclamation ou ce recours. Il n'appartient des lors pas à l'Office desurveiller l'evolution des cotisations fiscales. Ainsi qu'il le faisaitvaloir en termes de conclusions, aucune disposition legale ne lui imposecette mission.

3. L'institution de la prescription extinctive implique que le titulaired'une action en justice puisse, en regle, differer l'introduction de sademande jusqu'à la fin du delai de prescription sans commettre de fauteni abuser de son droit (articles 2219, 2262 (ancien), 2262bis et 2277 duCode civil).

4. La faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil consiste soitdans la violation d'une norme imposant un comportement determine, soit enun manquement au devoir general de prudence. Il n'y a abus de droit quelorsque le titulaire d'un droit en use d'une maniere qui excedemanifestement les limites de l'usage de ce droit par une personneraisonnable (principe general du droit prohibant l'abus de droit).Pareille faute (articles 1382 et 1383 du Code civil) ou pareil abus dedroit (principe general du droit prohibant l'abus de droit) ne peut etresusceptible d'engager la responsabilite d'une personne physique ou moraleque s'il lui est personnellement imputable ou si la loi prevoit qu'elledoit en repondre, l'article 1384, alinea 1er, du Code civil ne comportantà cet egard aucun principe general de responsabilite du fait d'autrui.

5. Enfin, l'Office national de l'emploi constitue une personne morale dedroit public disposant d'une individualite distincte (article 7, S: 1er,specialement alinea 2, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant lasecurite sociale des travailleurs), notamment, de l'Etat federal auquelappartient l'administration qui releve du ministere des Finances (article1er, 35, alinea 1er, 37, 96, 99, 170, 171, 174 et 181 de la Constitution).

Il s'ensuit qu'un manquement au devoir de diligence imputable àl'administration fiscale constitutif d'un manquement au principe de bonneadministration dit du delai raisonnable, et donc d'une faute au sens desarticles 1382 et 1383 du Code civil, ne peut, en regle, etre impute àl'Office national de l'emploi.

6. Des lors que la cour du travail etait saisie des conclusionsreproduites ci-dessus, l'arret n'a pu dispenser le defendeur des interetsechus à la date du 2 juin 1998 en guise de reparation de la faute que ledemandeur aurait commise en manquant au principe du delai raisonnable auxmotifs qu' « il est invraisemblable que [le demandeur] ait mis plus decinq ans pour tirer les consequences de la decision directoriale du 18octobre 1989 et que, par la suite, il lui ait encore fallu de novembre1994 à juin 1998 pour instituer la procedure », et que, « sans cettefaute, la feuille de calcul aurait ete etablie et la procedure aurait eteinstituee peu de temps apres la decision directoriale, de sorte que, sansla faute [du demandeur], les interets echus avant le 2 juin 1998 auraientete evites ».

En effet, ce faisant, l'arret :

1DEG impose à l'Office national de l'emploi une obligation de suivre lesprocedures de reclamation ou de recours fiscaux alors qu'il appartient àl'administration fiscale de prendre l'initiative de l'informer etqu'aucune disposition legale ou reglementaire n'impose à l'Office de cefaire (violation de l'article 66 de la loi du 28 decembre 1983, desarticles 2 et 3 de l'arrete royal du 4 juillet 1984 et, pour autant que debesoin, des articles 1382 et 1383 du Code civil et des articles 60, 62 et64 de la loi du 28 decembre 1983 ainsi que du principe general du droitprohibant l'abus de droit) ;

2DEG impute à l'Office national de l'emploi, pour la periode precedant lemois de novembre 1994, un retard dans la transmission des donnees parl'administration fiscale, meconnaissant ainsi la personnalite distinctedont il dispose en confondant la personnalite de ce dernier avec celle del'Etat federal (violation de l'article 7, S: 1er, specialement alinea 2,de l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs et, pour autant que de besoin, des articles 1er, 35, alinea1er, 37, 96, 99, 170, 171, 174 et 181 de la Constitution) et viole, deslors, les articles 1382 et 1383 du Code civil et le principe general dudroit prohibant l'abus de droit en imputant une faute, une negligence ouun abus de droit à une personne à laquelle ces reproches ne peuvent etreimputes ;

3DEG impose à l'Office national de l'emploi une responsabilite du faitd'autrui qu'aucun texte legal ne prevoit (violation des articles 1382,1383 et 1384, alinea 1er, du Code civil et du principe general du droitprohibant l'abus de droit) ;

4DEG meconnait le droit du demandeur d'agir en paiement de la cotisationspeciale et des interets sur celle-ci jusqu'à l'expiration des delais deprescription qui leur sont applicables (violation des articles 2219, 2262(ancien), 2262bis et 2277 du Code civil), et

5DEG des lors, ne justifie pas legalement sa decision (violation de toutesles dispositions et principes generaux du droit vises au moyen).

A tout le moins :

1DEG à defaut d'indiquer dans ses motifs pourquoi, en l'espece, en depitde l'obligation imposee à l'administration fiscale en vertu de l'article66 de la loi du 28 decembre 1983 et des articles 2 et 3 de l'arrete royaldu 4 juillet 1984, le demandeur aurait commis un abus de droit ou unefaute ou une negligence au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil etaurait donc manque à son devoir general de prudence avant la transmissionen octobre 1994 par l'administration fiscale des donnees necessaires aucalcul de la cotisation speciale litigieuse, l'arret ne permet pas à laCour d'exercer son controle de legalite et n'est des lors pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution) ;

2DEG de meme, à defaut d'indiquer dans ses motifs pourquoi le demandeuraurait commis une faute ou une negligence ou encore un abus de droit enattendant juin 1998 pour agir en paiement du principal et des interetsalors que les delais de prescription n'etaient pas expires pour leprincipal et, partiellement en tout cas, pour les interets, l'arret nepermet pas à la Cour d'exercer son controle sur la legalite du reprocheformule par l'arret, specialement pour la periode comprise entre novembre1994 et le 3 juin 1998, et n'est, des lors, pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

L'arret decide que l'action du demandeur en recouvrement de la cotisationspeciale de securite sociale due par le defendeur pour l'exerciced'imposition 1988, qui a ete introduite par un proces-verbal decomparution volontaire du 2 juin 1998, n'est pas prescrite des lors que ledelai de prescription « a pris cours apres le dernier jour du moissuivant l'envoi de la feuille de calcul etablie à la suite de la decisiondefinitive sur la reclamation fiscale [du defendeur], soit en l'espece le1er janvier 1995 », mais lui denie en revanche, par les motifs que lesmoyens reproduisent et critiquent, les interets echus sur cette cotisationavant le 3 juin 1998.

Sur le premier moyen :

L'article 62, alinea 1er, de la loi du 28 decembre 1983 portant desdispositions fiscales et budgetaires dispose que la cotisation speciale desecurite sociale visee à l'article 60 de cette loi doit faire l'objetd'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er decembre de l'anneeprecedant l'exercice d'imposition.

En vertu de l'alinea 2, devenu l'alinea 3, dudit article 62, à defaut ouen cas d'insuffisance de versement provisionnel à la date prescrite, uninteret de retard est du à partir de cette date.

D'une part, la prescription des interets ne peut, lors meme que ceux-cicourent de plein droit en vertu de la loi, prendre cours avant que soitdetermine le montant de la creance en principal.

D'autre part, il resulte tant du principe que la prescription, qui est unedefense opposee à une action tardive, ne peut prendre cours avant quecette action soit nee que des articles 2 et 3 de l'arrete royal du 4juillet 1984 d'execution du chapitre III - Cotisation speciale de securitesociale - de la loi du 28 decembre 1983 portant des dispositions fiscaleset budgetaires que, comme le decide du reste l'arret s'agissant de lacotisation elle-meme, l'Office national de l'emploi ne peut proceder aurecouvrement de la cotisation speciale de securite sociale aussi longtempsque la dette fiscale n'est pas definitivement etablie, de sorte que, encas de reclamation ou de recours fiscal, le delai de prescription ne prendcours qu'à l'expiration du mois suivant celui au cours duquel unenouvelle feuille de calcul etablie sur la base de la decision fiscaledefinitive a ete adressee par l'Office au redevable de la cotisationspeciale.

L'arret, qui constate qu'une nouvelle feuille de calcul a ete adressee audefendeur par le demandeur en novembre 1994 et qui considere leproces-verbal de comparution volontaire du 2 juin 1998 comme interruptifde la prescription, n'a pu, sans confondre le delai de la prescriptionavec la prise de cours de celle-ci, legalement decider que les interetsechus avant le 3 juin 1993 ne pouvaient plus etre reclames par applicationde l'article 2277 du Code civil.

Le moyen est fonde.

Sur le second moyen :

L'arret decide de dispenser le defendeur des interets echus le 2 juin 1998en considerant que le demandeur a commis une faute en mettant plus de cinqans pour etablir une nouvelle feuille de calcul apres la decision dudirecteur des contributions directes du 18 octobre 1989 fixantdefinitivement la dette fiscale du defendeur et en tardant ensuitejusqu'au 2 juin 1998 à introduire la procedure.

Des lors qu'il ressort de la reponse au premier moyen que les interetsechus avant le 3 juin 1993 n'ont pas legalement ete declares prescrits etque l'arret ne considere pas comme prescrits les interets echus entrecette date et l'introduction de l'instance, il n'a pu, sans meconnaitre ledroit du demandeur d'agir en recouvrement de sa creance aussi longtempsque celle-ci n'est pas atteinte par la prescription, lui imputer une fautejustifiant de dispenser le defendeur de ces interets.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur les interets echus avant le3 juin 1998 et sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du dix-huit mars deux mille treize par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M. Delange |
|----------+------------+-------------|
| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
+-------------------------------------+

18 MARS 2013 S.12.0069.F/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0069.F
Date de la décision : 18/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-18;s.12.0069.f ?
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