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18/03/2013 | BELGIQUE | N°S.09.0070.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mars 2013, S.09.0070.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

6277



NDEG S.09.0070.F

M. B. b. L. Z.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

OFFICE NATIONAL DES PENSIONS, etablissement public, dont le siege estetabli à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, Tour du Midi, place Bara, 3,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est

etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devan...

Cour de cassation de Belgique

Arret

6277

NDEG S.09.0070.F

M. B. b. L. Z.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

OFFICE NATIONAL DES PENSIONS, etablissement public, dont le siege estetabli à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, Tour du Midi, place Bara, 3,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mai 2009 parla cour du travail de Mons.

Le 27 fevrier 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 3, specialement alinea 3, et 6 du Code civil (l'article 3ayant ete abroge par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code dedroit international prive) ;

* article 570, specialement alinea 2, 2DEG, du Code judiciaire, telqu'il etait en vigueur avant sa modification par la loi du 16 juillet2004 portant le Code de droit international prive ;

* articles 2, 22 à 25, 29 et 55 de la loi du 16 juillet 2004 portant leCode de droit international prive ;

* article 10, specialement S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de surviedes travailleurs salaries ;

* articles 74, specialement S:S: 1er, 1DEG et 4DEG, a), 2, 3 et 8, et 75à 79 de l'arrete royal du 21 decembre 1967 portant reglement generaldu regime de pension de retraite et de survie des travailleurssalaries ;

* article 1er de la loi du 27 juin 1960 sur l'admissibilite du divorcelorsque l'un des conjoints au moins est etranger, abrogee par la loidu 16 juillet 2004 portant le Code de droit international prive ;

* article 44 à 81 du Code du statut personnel et des successions(Moudawana) du royaume du Maroc, dont le livre II (contenant cesarticles) a ete promulgue par le dahir nDEG 1-57-343 du 22 novembre1957, tels qu'ils etaient en vigueur anterieurement à leurmodification par le dahir nDEG 1-93-347 du 10 septembre 1993 et leurabrogation par l'article 397 du code de la famille porte par la loinDEG 70-03 promulguee par le dahir nDEG 1-04-22 du 3 fevrier 2004 ;

* principe general du droit aux termes duquel le mariage n'est pasindissoluble et tout conjoint est en droit, selon les regles enonceespar la loi, d'en demander et d'en obtenir la dissolution.

Decisions et motifs critiques

L'arret constate que le demandeur a epouse F. J. le 12 octobre 1974 ; que les deux conjoints sont de nationalite marocaine ; que, par actes des14 et 18 juillet 1980, le demandeur a repudie son epouse conformement auxdispositions legales visees de la Moudawana ; que, par decision du 30avril 2002, le defendeur a accorde au demandeur, à compter du 1er septembre 2000, une pension de retraite calculee au taux menage (ledemandeur a, apres la repudiation de sa premiere epouse, contracte unnouveau mariage) d'un montant annuel de 16.765,95 euros, et que, le 26mars 2004, F. J. a demande au defendeur de lui verser une part de lapension de retraite dont beneficiait le demandeur, en sa qualite de«conjoint separe de corps ou de fait », par application de l'article74, S: 2, de l'arrete royal nDEG 50 du 21 decembre 1967, ce que le defendeur a accepte par decision du 2 juin 2006, le demandeur ne percevant, à compter du 1er avril 2004, que la moitie de sa pension de retraite, l'autre moitie etant versee à F. J.

Saisi du recours du demandeur contre cette decision et statuant sur sonappel, l'arret, par confirmation de ce jugement, l'en deboute.

Apres avoir releve que « le litige pose exclusivement la question deseffets en Belgique d'une repudiation intervenue à l'etranger, en l'espece au Maroc », et rappele les conditions enoncees par l'article570 du Code judiciaire de la reconnaissance, en Belgique, d'un jugementprononce à l'etranger, etant « que la decision ne peut contrevenir auxprincipes d'ordre public ni aux regles du droit public belge,c'est-à-dire aux regles de l'ordre public international belge », et «que la decision etrangere ne peut produire ses effets en Belgique que siles droits de la defense ont ete respectes », l'arret releve que la repudiation, par le demandeur, de son epouse, s'agissant de l'applicationde l'article 74 de l'arrete royal nDEG 50 du 21 decembre 1967, n'est pascontraire à l'ordre public international belge mais que l'epouse dudemandeur « a ete repudiee en violation des droits de la defense lesplus elementaires », l'accord, que constate l'arret, qu'a pu consentircelle-ci « a posteriori sur ladite repudiation », par plusieurs actesrecenses par l'arret, ne couvrant pas cette violation initiale, l'epousedu demandeur n'ayant fait « que reconnaitre une situation de fait qui, legalement, s'imposait à elle au Maroc ».

L'arret decide en consequence qu' « il n'y a, des lors, pas lieu deconsiderer que la repudiation intervenue au Maroc a pu entrainer ladissolution du lien conjugal, de sorte que c'est à bon droit que [ledefendeur] a [...] accorde [au demandeur] et à son conjoint la moitie dela pension de retraite, calculee au taux menage, soit 8.895,80 euros àpartir du 1er avril 2004 ».

Griefs

Aux termes de l'article 10, specialement S: 1er, alinea 1er, de l'arreteroyal nDEG 50 du 24 octobre 1967, le demandeur est en droit de beneficierd'une pension de retraite, calculee, selon les regles legales, enfonction du travail accompli au cours des annees de sa vie active.

Aux termes de l'article 74, specialement S:S: 1er, 1DEG et 4DEG, a), 2, 3et 8, de l'arrete royal du 21 decembre 1967, « le conjoint separe decorps ou de fait peut obtenir le paiement d'une part de la pension deretraite de son conjoint » aux conditions enoncees par la loi et, auxtermes des articles 75 à 79 du meme arrete, le conjoint divorce peutobtenir une pension de retraite, en nom propre et sans imputation sur lapension de retraite versee à son ex-conjoint, aux conditions enoncees.

Il se deduit des motifs de l'arret que la repudiation, par le demandeur,de F. J. etait soumise à la loi marocaine, c'est-à-dire la Moudawana.

L'existence de la decision de repudiation s'impose au juge belge, independamment des conditions de sa reconnaissance (voyez specialementl'article 29 de la loi du 16 juillet 2004).

Or, par application des dispositions visees de la Moudawana, larepudiation de F. J. par le demandeur est definitive et irrevocable.L'arret le reconnait en relevant, notamment, que « les effets [de larepudiation] ont ete consommes ».

Il s'en deduit que le mariage du demandeur et de F. J. a ete dissous au regard de la loi marocaine, applicable.

En consequence, s'agissant du droit de l'ex-epouse du demandeur à unepension de retraite, sont d'application les articles 75 à 79 de l'arreteroyal du 21 decembre 1967, qui reglent le droit du conjoint divorce àune pension de retraite, et non l'article 74, qui regle le droit duconjoint separe de corps ou de fait à une part prelevee sur la pensionde retraite de son conjoint.

Cette consequence s'impose meme si, par application des articles 570,alinea 2, 2DEG, du Code judiciaire et 25, specialement S: 1er, 2DEG, de laloi du 16 juillet 2004, la repudiation par le demandeur de F. J. ne peutetre reconnue en Belgique. Du seul fait qu'au regard de la loi marocaine,applicable, le mariage des conjoints est dissous, il resulte quel'article 74 de l'arrete royal du 21 decembre 1967 ne peut trouverapplication.

En attribuant à l'ex-epouse du demandeur la moitie de la pension deretraite à laquelle celui-ci a droit, l'arret meconnait donc lesdispositions visees de la Moudawana (violation des articles 3 du Codecivil, 1er de la loi du 27 juin 1960, 2 et 55 de la loi du 16 juillet2004 et des dispositions legales visees de la Moudawana), tout enreconnaissant le caractere definitif et irrevocable de la dissolution dumariage du demandeur et de son ex-conjoint, au regard de cette loi. Ilampute illegalement, en en distrayant un montant egal à la moitie au profit de son ex-epouse, la pension de retraite à laquelle le [demandeur]à droit (violation des articles 10 de l'arrete royal nDEG 50 du 24octobre 1967 et 74 de l'arrete royal du 21 decembre 1967).

De surcroit, des lors qu'au regard de la loi marocaine applicable à ladissolution du mariage entre le demandeur et F. J. - c'est-à-dire lesdispositions visees de la Moudawana -, leur mariage est dissous, il s'endeduit necessairement que le demandeur ne serait plus recevable àdemander, à nouveau, la dissolution de ce mariage, sur quelque fondementque ce soit, à defaut d'objet. Il s'ensuit qu'en qualifiant de «separation de fait des conjoints », au sens de l'article 74 de l'arrete royal du 21 decembre 1967, les relations actuelles du demandeur et de F. J., l'arret meconnait cette notion, en lui attribuant un contenu et uneportee qu'elle n'a pas. La « separation de fait », au sens de ce textelegal, est par nature temporaire : elle peut prendre fin par l'obtentiondu divorce demande par un des conjoints. Des lors que cette perspectiveest refusee au demandeur, dont le mariage est dissous irrevocablement auregard de la loi marocaine applicable, l'arret donne à cette situationun caractere permanent, l'amputation de la moitie de la pension deretraite du demandeur devant perdurer jusqu'à la mort d'un des conjoints. Il meconnait donc, à nouveau et pour cette raison, lesarticles 10 de l'arrete royal nDEG 50 du 24 octobre 1967, 74 et 75 à 79de l'arrete royal du 21 decembre 1967. De plus, il attribue au mariagecontracte par F. J. et le demandeur un caractere totalementindissoluble, à tout le moins s'agissant de l'application desdispositions visees de l'arrete royal nDEG 50 du 24 octobre 1967 et del'arrete royal du 21 decembre 1967, ce qui est contraire à l'ordre public(violation de l'article 6 du Code civil) et meconnait le principe generaldu droit vise.

III. La decision de la Cour

L'arret constate que le demandeur s'oppose à la decision du defendeur depayer, en vertu de l'article 74, S: 2, de l'arrete royal du 21 decembre1967 portant reglement general du regime de pension de retraite et desurvie des travailleurs salaries, une part de sa pension de retraite à ladame F. J., tenue pour son epouse separee de corps ou de fait, en faisantvaloir qu'il l'avait repudiee.

Considerant que la repudiation est intervenue « en violation des droitsde la defense les plus elementaires », l'arret decide que le mariage dudemandeur et de la dame J. ne peut « etre considere comme rompu ».

Pour soutenir que l'existence de la repudiation s'impose au juge belgeindependamment des conditions de sa reconnaissance, le moyen se prevaut del'effet de fait des decisions judiciaires et des actes authentiquesetrangers, que l'article 29 du Code de droit international prive consacreen disposant qu'il peut etre tenu compte en Belgique de l'existence d'unedecision judiciaire etrangere ou d'un acte authentique etranger, sansverification des conditions necessaires à sa reconnaissance, à ladeclaration de sa force executoire ou à sa force probante.

De ce qu'il peut etre tenu compte en Belgique de l'existence d'unerepudiation, il ne se deduit pas que le juge belge puisse, sans verifierla reunion des conditions auxquelles elle peut etre reconnue en Belgique,donner quelque effet à cette repudiation dans l'ordonnancement juridiquebelge.

Pour le surplus, le refus de reconnaitre les effets en Belgique d'unedecision judiciaire etrangere mettant fin au mariage n'a pas pourconsequence de rendre cette union indissoluble.

Le moyen, qui repose sur les soutenements contraires, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le defendeur auxdepens.

Les depens taxes à la somme de quatre-vingt-trois euros cinq centimes àl'egard de la partie demanderesse et à la somme de deux cent trente-cinqeuros vingt-deux centimes à l'egard de la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du dix-huit mars deux mille treize par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M. Delange |
|----------+------------+-------------|
| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
+-------------------------------------+

18 MARS 2013 S.09.0070.F /2


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.09.0070.F
Date de la décision : 18/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-18;s.09.0070.f ?
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