Cour de cassation de Belgique
Arret
8250
NDEG C.12.0031.F
La generale des carrieres et des mines, en abrege GECAMINES, societe dedroit congolais dont le siege est etabli à Lubumbashi (Republiquedemocratique du Congo), boulevard Kamanyola, 419, ayant un bureau àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 30-32,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,
contre
1. R. L.,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
2. UMICORE, societe anonyme dont le siege social est etabli à Bruxelles,rue du Marais, 31,
defenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelee endeclaration d'arret commun.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 septembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 4 mars 2013, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.
Le 1er mars 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- articles 1er et 152, specialement alinea 1er, a), du Code du travail dela Republique democratique du Congo constituant l'annexe àl'ordonnance-loi congolaise nDEG 67/310 du 9 aout 1967 portant Code dutravail, tel qu'il etait en vigueur avant son abrogation par la loicongolaise nDEG 015/2002 du 16 octobre 2002 ;
- article 33 du chapitre III du titre Ier du decret congolais du 30juillet 1888 traitant des contrats ou obligations conventionnelles ;
- article 1134 du Code civil ;
- articles 2 et 3 de la loi du 14 juillet 1987 portant approbation de laConvention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, duProtocole et de deux Declarations communes, faits à Rome le 19 juin1980 ;
- articles 15 et 98 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droitinternational prive ;
- articles 3 et 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles, approuvee par la loi du 14juillet 1987.
Decision et motifs critiques
Apres avoir constate que le defendeur et la demanderesse ont conclu uncontrat de travail, denomme « contrat d'engagement », dans lequel il eststipule que les contestations entre les parties seront tranchees selon ledroit congolais, l'arret decide que la demande formulee par le defendeurdans sa lettre recommandee du 5 juin 2000 et dans sa citation introductived'instance du 16 octobre 2000 tendant à obtenir paiement de son salairedu mois de mai 1999 n'est pas prescrite et condamne, par confirmation dujugement entrepris, la demanderesse in solidum avec la defenderesse à luipayer à ce titre un montant principal de 3.395,05 euros.
L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :
« Selon (l'article 152 du Code du travail congolais),
`Les actions qui naissent du contrat de travail se prescrivent partrois ans apres le fait qui a donne naissance à l'action, à l'exception :
a. des actions en paiement du salaire, qui se prescrivent par un an àcompter de la date à laquelle le salaire est du ;
b. des actions en paiement des frais de voyage et de transport, qui seprescrivent par deux ans apres la cessation du travail.
La prescription n'est interrompue que par :
a. une citation en justice ;
b. un arrete de compte intervenu entre les parties, mentionnant le soldedu au travailleur et demeure impaye ;
c. la reclamation formulee par le travailleur aupres de l'employeur parlettre recommandee avec avis de reception ;
d. la reclamation formulee par le travailleur devant l'inspecteur dutravail, sous reserve des dispositions de l'article 201 du presentcode' ;
(Le defendeur) soutient que le moyen (de prescription invoque par lademanderesse) est inoperant, des lors que la prescription annale estfondee sur une presomption de paiement et que (la demanderesse) reconnaitne pas avoir paye le salaire litigieux ;
La jurisprudence congolaise s'est recemment prononcee sur la nature dudelai de cette prescription, à deux reprises ;
Ainsi, la cour d'appel de Kinshasa-Gombe decide que `les courtesprescriptions' de l'article 317 du Nouveau Code du travail congolais,redige en termes identiques à ceux de l'article 152, `telles que celledes actions en paiement des frais de voyage et de transport', sont`fondees sur une presomption de paiement' ;
De meme, la cour d'appel de Kinshasa-Matete a, à propos de l'effet de lareclamation formulee à l'egard de l'employeur, visee à l'article 152,alinea 2, c), decide que, `par cette reclamation, la presomption depaiement disparait et la creance tombe sous l'empire de la prescriptiontrentenaire' ou, autrement dit, que cette reclamation opere l'interversionde la prescription, mecanisme propre aux prescriptions fondees sur lapresomption de paiement ;
La cour d'appel se refere, dans les deux cas, à la doctrine specialiseede M. Luwenyema Lule ;
Dans son precis de droit du travail de 1987, cet auteur range laprescription de l'article 152 du Code du travail dans la categorie desprescriptions fondees sur une presomption de paiement, à l'instar decelles qui sont visees par les articles 652 et suivants du decret du 30juillet 1888 sur les contrats ou obligations conventionnelles, en raisonde la brievete de son delai, qui s'explique par le fait que, `le salairedevant etre paye tres strictement à l'echeance, le legislateur a estimequ'au bout d'un temps, assez bref, le paiement devait etre presume avoirete effectue ; qu'en raison du caractere alimentaire du salaire, il estsuppose que le travailleur n'a pu faire credit à son employeur' ;
Il n'etait pas isole dans cette opinion puisque, dans un article publie en1974, intitule `Le probleme de la prescription en droit moderne ettraditionnel : droit ecrit et droit coutumier', M. Mbaya-Ngang Kumabuengaindiquait que : `Les courtes prescriptions ont un delai variant de sixmois à deux ans. Elles tirent leur rendement de la presomption depaiement. En effet, comme il s'agit ici de dettes qui, dans la pratiquedes choses, se reglent rapidement, on presume que le debiteur a paye sadette à l'expiration du terme. La loi suppose que le creancier a ete payedes lors qu'il n'a pas reclame son paiement dans un court delai. Ainsi, leCode zairois du travail etablit une presomption d'un an pour les actionsen paiement du salaire et de deux ans pour les actions en paiement desfrais de voyage' (...) ;
Il est exact (...) que M. Luwenyema Lule conforte son analyse de la naturede la prescription instauree par l'article 152 par une jurisprudence quisera ulterieurement renversee ;
Il convient, à cet egard, de rappeler qu'avant l'independance du Congo,la prescription des actions nees du contrat de travail etait regie parl'article 34 du decret colonial du 31 octobre 1931 et, ensuite, parl'article 48 du decret colonial du 25 juin 1949, qui disposaient tous deuxque `les actions naissant du contrat d'emploi sont prescrites un an apresla cessation du contrat' ;
En un premier temps, la jurisprudence a ete fixee en ce sens que cetteprescription, `en tant qu'elle vis[ait] l'action en paiement du salaire',etait basee sur une presomption de paiement, comme celle de l'article 652du Code civil, à l'inverse des autres actions qui naissaient du contratde travail qui, elles, etaient liberatoires. Elle a toutefois eterenversee par un important arret de la cour d'appel d'Elisabethville du 22octobre 1949 qui retint la filiation du decret de 1931 avec la loi belgedu 7 aout 1922 qui instaurait une prescription liberatoire absolue ;
Apres l'independance, deux textes ont successivement regi la prescriptiondes actions naissant du contrat de travail. Tout d'abord, l'article 101 dudecret-loi du 21 fevrier 1965 sur le contrat de louage de services, quidisposait que `les actions naissant du contrat de louage de services sontprescrites un an apres la cessation de celui-ci ou trois ans apres le faitqui a donne naissance à l'action' et, ensuite, l'article 152 du Code dutravail (1967), dont le texte est reproduit ci-dessus ;
La question qui se poserait donc au juge congolais saisi d'un litigeidentique à celui qui est soumis à la cour [d'appel] serait dedeterminer si l'article 152 du Code du travail, qui introduit uneprescription de courte duree pour les seules actions des travailleurs enpaiement de leur salaire et de leurs frais de voyage et de transport,prenant cours à la date à laquelle le salaire ou la creance de frais estdu, a, ou non, un lien de filiation direct avec les dispositionscoloniales et donc avec la jurisprudence rappelee ci-dessus ;
L'on trouve, en effet, dans la doctrine congolaise recente (2005 et 2008)les deux courants :
* celui qui considere comme pertinente pour l'application de l'article317 du Nouveau Code du travail, et donc de l'article 152 du Code dutravail, la jurisprudence qui s'est fixee apres 1949, mais avantl'entree en vigueur de l'article 152, dans le sens du caractereliberatoire de la prescription, sans toutefois justifier plusamplement son propos ;
* celui qui, se fondant notamment sur la jurisprudence de la courd'appel de Kinshasa de 2004 et 2005, estime que le bref delai de laprescription instauree par l'article 152 implique qu'elle est fondeesur une presomption de paiement ;
Ainsi, selon M. Mukadi Bonyi, `les courtes prescriptions prevues par leCode du travail n'ont pas une nature liberatoire ; elles n'eteignent pasla dette de salaire'. Il est d'avis que `cette solution est la seule quiva dans le sens de la finalite poursuivie par le Code du travail : laprotection du travailleur. Elle est d'autant plus logique que, dans lapratique, certains employeurs restent en defaut de payer la remunerationdepuis plusieurs annees. Admettre qu'ils sont liberes de leur obligationde payer ladite remuneration apres ecoulement d'un certain laps de tempsreviendrait à nier la finalite ci-dessus. Pareille solution serait aussiinequitable et immorale. Elle s'inscrirait en marge de la tendance de laplupart des pays francophones d'Afrique qui admettent que les courtesprescriptions en matiere de salaire sont fondees sur une presomption depaiement' ;
Meme si ce ne fut pas la seule inspiration du legislateur congolais, onlit dans l'expose des motifs qui precede l'ordonnance-loi du 9 aout 1967portant Code du travail que le groupe de travail qui a redige le texte duCode s'est notamment inspire des `codes du travail en vigueur dans denombreux pays d'Afrique francophone, surtout en vue de permettre, lemoment venu, l'harmonisation des legislations sociales souhaitee parl'Organisation de l'Union africaine' ;
La difference notable qui existe entre le texte de l'article 152 du Codedu travail et celui des decrets coloniaux, de meme que la jurisprudence etla doctrine examinees ci-dessus, conduisent la cour [d'appel] à serallier à celles-ci ».
Griefs
Premiere branche
Afin de conclure au caractere liberatoire de la prescription annale del'article 152 du Code du travail congolais, la demanderesse ne se limitaitpas à invoquer de la doctrine et de la jurisprudence arrivant à cetteconclusion mais faisait egalement valoir un argument tire du texte meme decette disposition et de son caractere d'ordre public, et ce, dans lestermes suivants :
« L'hypothese d'une prescription liberatoire absolue est en outre laseule coherente au regard des causes d'interruption prevues par l'article152, alinea 2, du Code du travail congolais lui-meme. Notamment, lamention comme cause interruptive d'un arrete de compte mentionnant lesolde du au travailleur et reste impaye s'oppose directement à l'ideed'une prescription reposant sur une presomption de paiement. En effet, sitelle etait la nature de la prescription, il aurait ete inutile de prevoirce mode particulier d'interruption de la prescription puisqu'un tel arretede compte constitue precisement une reconnaissance du non-paiement qui,lorsqu'il s'agit d'une prescription fondee sur une presomption depaiement, cause l'interversion de la prescription et non soninterruption : `ce mode special d'interruption de prescription aurait etecompletement superflu et incoherent dans cette hypothese puisqu'un telarrete de compte aurait eu pour effet d'intervertir la prescription quiserait devenue trentenaire, conformement à l'article 654 du Code civilzairois, identique à l'article 2274 du Code civil belge' (...).L'hypothese d'une prescription fondee sur une presomption de paiementserait en outre incompatible avec le caractere d'ordre public reconnu parla jurisprudence congolaise à l'article 152 du Code du travail congolais.En pareil cas (presomption de paiement), tout acte interruptif de laprescription aurait en effet pour consequence, non de faire courir unnouveau delai de meme duree et meme nature, mais de provoquerl'interversion de la prescription, c'est-à-dire de substituer à laprescription d'un an une prescription differente de celle voulue par lelegislateur ».
Pour condamner la demanderesse in solidum avec la defenderesse à payer audefendeur le salaire du mois de mai 1999, l'arret decide que laprescription annale de l'article 152 du Code du travail congolais n'a pasun caractere liberatoire mais est basee sur une presomption de paiementsans repondre à l'argumentation susdite invoquee par la demanderesse, nemotive des lors pas regulierement sa decision et viole l'article 149 de laConstitution.
Seconde branche
Le juge, saisi d'un litige soumis au droit etranger en vertu de laconvention conclue entre les parties, doit appliquer ce droit etranger(articles 1134 du Code civil, 2 et 3 de la loi du 14 juillet 1987, 3 et 4de la Convention de Rome, 98 du Code de droit international prive, 1er duCode du travail congolais et 33 du chapitre III du titre Ier du decretcongolais) et doit en determiner le sens et la portee. Cette recherche ducontenu de la loi etrangere doit etre realisee en tenant compte del'interpretation que ce droit rec,oit dans l'etat d'origine par lesautorites etrangeres et specialement par les cours et tribunaux de cetetat (application des dispositions legales citees ci-avant et de l'article15 du Code de droit international prive).
L'article 152 du Code du travail congolais de 1967 a entre autres succedeaux decrets coloniaux des 31 octobre 1931 et 25 juin 1949, comme leconstate d'ailleurs l'arret.
Celui-ci constate egalement que, bien que la jurisprudence relative auxdecrets coloniaux se fut, dans un premier temps, prononcee en faveur d'uneprescription fondee sur une presomption de paiement, elle fut renverseepar un arret de la cour d'appel d'Elisabethville du
22 octobre 1949 qui a decide que la prescription prevue par l'article 34du decret du 31 octobre 1931 ne repose pas sur une presomption de paiementmais est liberatoire et absolue. Cette cour [d'appel] retient la filiationdu decret de 1931 avec la loi belge du 7 aout 1922 qui instaure uneprescription liberatoire absolue et ecarte expressement la these de lapresomption de paiement deduite de la nature de la prescription instaureepar la loi belge du 10 mars 1900 sur le contrat de travail des ouvriers.
Il est vrai que l'expose des motifs du Code du travail congolais de 1967precise que le groupe de travail s'est inspire des codes du travail envigueur dans de nombreux pays d'Afrique francophone, surtout en vue depermettre, le moment venu, l'harmonisation des legislations socialessouhaitee par l'Organisation de l'Unite africaine. Le legislateur declaretoutefois dans ce meme expose des motifs s'etre d'abord et surtout inspiredes textes intervenus depuis le 30 juin 1960 et des principes contenusdans les dispositions anterieures (« le texte du Code a ete redige entenant compte, d'une part, des textes d'ordre legislatif intervenus depuisle 30 juin 1960, d'autre part, des principes contenus dans lesdispositions anterieures mais adaptes aux circonstances et, enfin, desdispositions des projets prepares par le ministere du Travail et de laPrevoyance sociale »), en maniere telle que le legislateur n'a pas vouluderoger à la nature liberatoire de la prescription, instauree par lesdecrets coloniaux et reconnue anterieurement à 1967 et plus precisementdepuis l'arret susdit de la cour d'appel d'Elisabethville de 1949.
L'enseignement de cet arret de la cour d'appel d'Elisabethville a etesuivi par les cours et tribunaux congolais (notamment Lubumbashi, 1erfevrier 1983 ; Lubumbashi, 4 fevrier 1986 ; Kinshasa, 28 novembre 1986 ;Kinshasa-Gombe, 16 aout 2001 ; Kinshasa-Gombe, 13 septembre 2001 ;Lubumbashi, 25 juin 2003, B.C.D.C. c/ Kashala) pour decider que laprescription d'un an de l'action en paiement du salaire prevue parl'article 34 du decret du 31 octobre 1931, l'article 48 du decret du 29juin 1949 et l'article 152, alinea 1er, a), du Code du travail congolaisrevet un caractere liberatoire absolu.
La doctrine n'est tout d'abord pas une « autorite etrangere » qui puissefixer la portee et l'interpretation de la legislation de son pays. Deplus, en l'occurrence, une partie de la doctrine congolaise recente estegalement etablie en ce sens que la prescription annale dont question a uncaractere liberatoire absolu.
Ce caractere liberatoire absolu de la prescription annale de l'article 152du Code du travail congolais, qui est une disposition d'ordre public, estencore confirme par le texte meme de cet article qui prevoit entre autrescomme cause d'interruption un « arrete de compte intervenu entre lesparties mentionnant le solde du au travailleur et demeure impaye ». Cet« arrete de compte » est constitutif d'une reconnaissance denon-paiement par l'employeur et n'aurait pas de raison d'etre comme caused'interruption si la prescription annale, prevue par ledit article 152,etait fondee sur une presomption de paiement.
Pour decider que la prescription annale de l'article 152 du Code dutravail congolais relatif à l'action en paiement du salaire est uneprescription fondee sur une presomption de paiement et condamner lademanderesse in solidum avec la defenderesse à payer au defendeur lesalaire du mois de mai 1999, l'arret retient 1. deux arrets des coursd'appel de Kinshasa-Gombe du 12 juillet 2005 et de Matete du 23 decembre2004 dont elle constate elle-meme que ces arrets sont fondes sur ladoctrine de l'auteur Luwenyema Lule, qui base son analyse sur unejurisprudence depassee car anterieure à l'arret de la cour d'appeld'Elisabethville, ainsi que 2. une partie de la doctrine congolaise, alorsque la cour d'appel constate qu'il existe dans la doctrine congolaise deuxcourants : prescription liberatoire et prescription basee sur unepresomption de paiement et ce, au motif que celle-ci rejoint la volonte dulegislateur congolais, exprimee dans l'expose des motifs dont l'arret neretient pas l'integralite ni meme la partie la plus importante, quidemontre que le legislateur congolais de 1967 n'a pas voulu deroger aucaractere liberatoire de la prescription, et 3. le texte de l'article 152,sans avoir egard à l'integralite de cette disposition, y compris lescauses d'interruption.
L'arret n'applique des lors pas l'article 152, specialement alinea 1er,a), du Code du travail congolais selon l'interpretation que cettedisposition doit recevoir compte tenu du texte de l'article 152, de lavolonte reelle du legislateur et des decisions des cours et tribunauxcongolais et viole ainsi cette disposition legale. Pour autant que debesoin, la demanderesse invoque en outre la violation de toutes les autresdispositions legales invoquees en tete du moyen, à l'exception del'article 149 de la Constitution.
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
L'arret qui, par l'ensemble des motifs que reproduit le moyen, repond, enles contredisant, aux conclusions de la demanderesse contestant que laprescription de l'article 152 , alinea 1er, a), du Code du travailcongolais soit fondee sur une presomption de paiement, n'etait pas tenu derepondre distinctement aux arguments que cette partie deduisait à l'appuide sa contestation de ce que l'interpretation de cette disposition legalequ'elle combattait est incompatible avec le fait que le legislateurcongolais a erige l'etablissement d'un arrete de compte en caused'interruption de la prescription qu'elle institue et que celle-ci revetun caractere d'ordre public.
Quant à la seconde branche :
Lorsqu'il applique la loi etrangere, le juge du fond doit en determiner laportee en tenant compte de l'interpretation qu'elle rec,oit dans le paysdont elle emane.
La Cour verifie la conformite de la decision du juge du fond à cetteinterpretation.
Aux termes de l'article 152, alinea 1er, a), du Code du travail congolais,les actions qui naissent du contrat de travail se prescrivent par troisans apres le fait qui a donne naissance à l'action, à l'exception desactions en paiement du salaire, qui se prescrivent par un an à compter dela date à laquelle le salaire est du.
Par les motifs que le moyen reproduit et critique, l'arret, qui fait etatdes controverses auxquelles l'interpretation de cette disposition legaledonne lieu au Congo, decide de se rallier à l'interpretation suivantlaquelle la prescription qu'elle institue est fondee sur une presomptionde paiement en se referant à l'evolution legislative qui s'est produiteen la matiere, à l'expose des motifs du Code du travail congolais, à ladoctrine congolaise et à la jurisprudence recente des cours d'appel deKinshasa-Gombe et Kinshasa-Matete.
Il ne ressort pas de l'examen des elements d'interpretation sur lesquelss'appuie le moyen que l'arret donne de l'article 152, alinea 1er, a),precite une interpretation qui, en l'etat partage de la jurisprudencecongolaise, ne pourrait manifestement pas etre tenue pour conforme àl'interpretation que cette disposition rec,oit au Congo.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de sept cent cinquante-huit euros quarantecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de centquatre-vingts euros cinquante-neuf centimes envers la premiere partiedefenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, et prononce enaudience publique du dix-huit mars deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
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| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
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18 MARS 2013 C.12.0031.F/12