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11/03/2013 | BELGIQUE | N°S.12.0088.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2013, S.12.0088.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.12.0088.N

ALERIS ALUMINIUM DUFFEL s.p.r.l.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

W. S.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le16 decembre 2011 par la cour du travail d'Anvers.

IV. Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

V. L'avocat general delegue Henri Vanderlinden a conclu.

II. Le moyen de cassation

VI. La demanderesse prese

nte un moyen libelle dans les termessuivants :

VII. Dispositions legales violees

* article 149 de la Constitution coordonnee ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.12.0088.N

ALERIS ALUMINIUM DUFFEL s.p.r.l.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

W. S.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le16 decembre 2011 par la cour du travail d'Anvers.

IV. Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

V. L'avocat general delegue Henri Vanderlinden a conclu.

II. Le moyen de cassation

VI. La demanderesse presente un moyen libelle dans les termessuivants :

VII. Dispositions legales violees

* article 149 de la Constitution coordonnee ;

* articles 37, 39, S: 1er, et 82 de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

Decisions et motifs critiques

La cour du travail condamne la demanderesse au paiement d'uneindemnite de preavis complementaire.

Elle fonde cette decision sur les motifs suivants (...) :

« Il n'est pas conteste en l'espece que, le 30 juin 2009, (lademanderesse) a mis fin unilateralement et irregulierement au contratde travail conclu par les parties.

Ainsi, en application de l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail, (la demanderesse) est tenue de payerau (defendeur) une indemnite egale à la remuneration en courscorrespondant à la duree du delai de preavis.

(...)

Lorsque, comme c'est le cas en l'espece, la remuneration annuelle del'employe excede la limite prevue à l'article 82, S: 2, de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, les delais de preavisà observer par l'employeur et l'employe sont fixes soit parconvention conclue au plus tot au moment ou le conge est donne, soitpar le juge.

Des lors que les parties n'ont pas conclu d'accord à cet egard, ilincombe au juge de fixer le delai de preavis.

Le juge fixe ce delai en tenant compte de la possibilite pour le(defendeur), au moment de la notification du conge, de trouverrapidement un emploi approprie et equivalent eu egard à sonanciennete, son age, sa fonction et sa remuneration ainsi qu'auxelements propres à la cause (...).

La possibilite pour l'employe de trouver rapidement un emploiapproprie et equivalent est appreciee au moment du conge, de sorte quele delai de preavis à observer est fixe independamment du delaireellement necessaire à l'employe.

(...)

En outre, le juge appele à fixer le delai de preavis doit avoir egardaux seules circonstances existant au moment de la notification duconge, dans la mesure ou ces circonstances influencent la possibilitepour l'employe de trouver un emploi equivalent. (...)

Ainsi, par exemple, il ne peut tenir compte des manquements del'employe invoques par l'employeur des lors que ceux-ci ne sont pas denature à influencer les possibilites de remise au travail. (...)

Des lors qu'elle ne constitue pas une circonstance susceptibled'influencer la possibilite de trouver un emploi equivalent, lasituation economique difficile dans laquelle (la demanderesse) setrouve au moment du conge donne au (defendeur) ne peut davantage etreprise en consideration pour determiner le delai de preavis que (lademanderesse) est tenue d'observer.

Il peut eventuellement etre tenu compte de ces circonstanceseconomiques defavorables en vue d'autoriser l'entreprise à payerl'indemnite de preavis par mensualites en application de l'article39bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail,dont l'indemnite de reclassement constitue une application.

En revanche, une mauvaise conjoncture economique au moment du congeconstitue manifestement un element à prendre en consideration deslors qu'elle contribue à influencer les possibilites pour le(defendeur) d'une rapide remise au travail dans une fonctionequivalente.

Toutefois, la cour du travail considere qu'une mauvaise conjonctureeconomique influence plutot defavorablement les possibilites de remiseau travail et ne justifie certainement pas un delai de preavisinferieur au delai suppose necessaire au (defendeur) pour trouver unnouvel emploi equivalent.

Les allegations de (la demanderesse) suivant lesquelles « il seraitinjuste que le travailleur qui a beneficie d'une remunerationsubstantielle pendant toute sa carriere perc,oive une indemnite deconge d'un montant excessif pour une entreprise en restructuration etsans proportion avec les indemnites de preavis des autres travailleursde l'entreprise » ne sauraient etre admises (...). En effet, l'equiten'est pas un critere à prendre en consideration lors de ladetermination du delai de preavis (comp. Cass., 14 mai 1990, R.W.1990-91, 565).

Si meme les interets respectifs des deux parties devaient etre pris enconsideration pour determiner le delai de preavis que (lademanderesse) est tenue d'observer lors du licenciement du(defendeur), la cour du travail ne constate aucun motif justifiant laprimaute de l'interet de (la demanderesse) sur l'interet du(defendeur).

Eu egard à l'anciennete du [defendeur] (23 ans et 8 mois), son age(47 ans et 4 mois), à sa fonction (directeur de projets en matiere deprocessus et de produits) et sa remuneration annuelle (109.348,10euros) ainsi qu'aux elements propres à la cause au moment dulicenciement, la cour du travail considere que (la demanderesse)aurait du observer un delai de preavis de 25 mois.

Ainsi, (le defendeur) a droit à une indemnite de preavis de109.348,10 euros x 25/12 = 227.808,54 euros.

Apres deduction de la somme de 78.601,96 euros payee à titred'indemnite de preavis et compte tenu de la somme de 5.810,40 eurospayee à titre de versement complementaire à l'assurance de groupeainsi que de la somme de 52.278,90 euros payee à titre d'indemnite dereclassement - sommes que (le defendeur) reconnait formellement commedevant etre deduites de l'indemnite de preavis - (la demanderesse)reste redevable d'une indemnite de preavis complementaire s'elevant àla somme de 91.117,28 euros ».

Griefs

L'article 37 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail accorde à chacune des parties à un contrat de travail conclupour une duree indeterminee le droit de resilier ce contrat,moyennant un preavis. Conformement à l'article 39, S: 1er, de la memeloi, la partie qui resilie un contrat de travail conclu pour une dureeindeterminee, sans motif grave ou sans respecter de delai de preavis,est tenue de payer à l'autre une indemnite egale à la remunerationen cours correspondant à la duree du delai de preavis qui n'a pas eterespecte.

L'article 82 de la meme loi prevoit en faveur des employes dont laremuneration annuelle excede les limites fixees qu'à defaut deconvention entre les parties, les delais de preavis à observer sontfixes par le juge. Si toutefois, comme c'est le cas en l'espece, leconge est donne par l'employeur, le delai de preavis ne peut etreinferieur aux delais fixes à l'article 82.

Le juge est tenu de fixer le delai de preavis en ayant egard auxinterets des deux parties et, en consequence, à la lumiere, notammentmais non exclusivement, de la possibilite existant pour l'employe aumoment du licenciement de trouver rapidement un emploi approprie etequivalent, compte tenu de son anciennete, de son age, de sa fonctionet de sa remuneration. Le delai de preavis doit egalement etre fixe euegard aux difficultes economiques ou financieres rencontrees parl'employeur, qui empechent celui-ci d'accorder de longs delais depreavis ou de payer d'importantes indemnites de conge, ainsi qu'auxpossibilites correspondantes de sauvegarder l'emploi des travailleursnon licencies. En effet, ces elements sont propres à la cause etdoivent etre pris en consideration. Cela est conforme à la volonte dulegislateur qui, pour ces motifs, autorise les entreprises endifficulte ou en restructuration à reduire les delais de preavis(actuel article 18, S: 3, de l'arrete royal du 3 mai 2007 fixant leregime de chomage avec complement d'entreprise) ou à payer lesindemnites de preavis par mensualites (article 39bis de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail).

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse faisait valoir que ledelai de preavis auquel elle est tenue envers le defendeur doit etrefixe à la lumiere des elements propres à la cause et dans le respectdes interets des deux parties, qu'elle avait ete contrainte deproceder à un licenciement collectif à la suite de difficulteseconomiques et que seule la compression des couts de restructurationavait permis d'eviter la fermeture de l'entreprise, que, dans cescirconstances, l'indemnite de preavis correspondant à 25 moisreclamee par le defendeur est excessive pour l'entreprise enrestructuration et sans proportion avec les indemnites de preavisd'autres travailleurs et que des indemnites de preavis de cetteimportance menacent bien d'autres emplois. Selon la demanderesse,compte tenu de circonstances propres à la cause et des interets desdeux parties, un delai de preavis de 15 mois etait convenable.

La cour du travail a toutefois considere qu'il n'y avait pas lieud'avoir egard à la situation financiere de l'employeur et a decide àla lumiere des autres elements de fait de la cause que la demanderesseetait tenue d'observer un delai de preavis de 25 mois.

La cour du travail a rendu cette decision sans repondre ni tenircompte du moyen de la demanderesse suivant lequel il y avait egalementlieu d'avoir egard aux interets de ses autres travailleurs. La cour dutravail a en outre refuse de tenir compte des difficultes economiquesrencontrees par la demanderesse dont l'entreprise etait menacee defermeture et s'est bornee aux seuls interets du defendeur pour fixerle delai de preavis à observer et l'indemnite correspondante.

Ainsi, en ne repondant pas aux conclusions de la demanderesse suivantlesquelles il y a egalement lieu d'avoir egard aux interets descollegues du defendeur lors de la determination du delai de preavisauquel elle est tenue, les juges d'appel ont viole l'article 149 de laConstitution. En refusant d'avoir egard tant aux interets des autrestravailleurs de la demanderesse qu'aux interets de la demanderesseelle-meme lors de la determination du delai de preavis à observer etde l'indemnite correspondante, les juges d'appel n'ont pas eu egard àtous les elements de la cause ni aux interets des deux parties aucontrat de travail et n'ont pas justifie legalement la decision que lademanderesse est tenue d'observer un delai de preavis de 25 mois et depayer l'indemnite correspondante (violation des articles 37, 39,S: 1er, et 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail).

III. La decision de la Cour

1. Contrairement à ce que soutient le moyen, l'arret a repondu aux conclusions de la demanderesse qui faisait valoir qu'il y avait lieud'avoir egard egalement aux interets de ses autres travailleurs, parles motifs qu'il a enonces et qui sont reproduits au moyen, notammentpar le motif qu'il y a uniquement lieu d'avoir egard aux circonstancesexistant au moment de la notification du conge « dans la mesure ouces circonstances influencent la possibilite pour l'employe de trouverun nouvel emploi equivalent ».

Dans la mesure ou il invoque un defaut de motivation, le moyen manqueen fait.

2. Le juge, appele en application de l'article 82, S: 3, de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail à fixer le delai depreavis à accorder à un employe, est tenu d'avoir egard à lapossibilite pour cet employe de trouver rapidement un emploi approprieet equivalent eu egard à son anciennete, son age, sa fonction et saremuneration ainsi qu'aux elements propres à la cause. A cetteoccasion, il doit tenir compte des circonstances existant au moment dela notification du conge, dans la mesure ou ces circonstancesinfluencent la possibilite pour l'employe de trouver un emploiequivalent.

3. Le moyen qui fait valoir que le juge, appele à fixer le delai depreavis à accorder à un employe, est egalement tenu d'avoir egard àdes elements etrangers à la possibilite pour cet employe de trouverun emploi equivalent, tels que la situation economique ou financierede l'employeur ou les interets des travailleurs non licencies, estfonde sur une conception juridique erronee.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne la demanderesse aux depens.

* Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, àBruxelles, ou siegeaient le conseiller Beatrijs Deconinck,faisant fonction de president, les conseillers Alain Smetryns,Koen Mestdagh, Mireille Delange et Antoine Lievens, et prononceen audience publique du onze mars deux mille treize par leconseiller Beatrijs Deconinck, en presence de l'avocat generaldelegue Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier JohanPafenols.

* Traduction etablie sous le controle du conseiller MireilleDelange et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

Le greffier, Le conseiller,

11 mars 2013 S.12.0088.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0088.N
Date de la décision : 11/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-11;s.12.0088.n ?
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