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08/03/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0424.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 mars 2013, C.12.0424.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0424.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de l'Interieur, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 2,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

R R,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,agissant sur projet, dont le cabinet est etabli à Charle

roi, rue del'Athenee, 9, ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0424.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de l'Interieur, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 2,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

R R,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,agissant sur projet, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue del'Athenee, 9, ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 juin 2012par le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif.

Le 8 janvier 2013, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 13, 144 et 145 de la Constitution ;

- articles 8 et 556, alinea 1er, du Code judiciaire ;

- articles 7 et 14 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12janvier 1973 ;

- article 42, specialement S: 3, alinea 2, de la loi du 1er aout 1985portant des mesures fiscales et autres ;

- articles 2 et 8 de l'arrete royal du 23 janvier 1987 relatif à l'octroid'une indemnite speciale en cas d'acte intentionnel de violence contre desmembres des services de police et de secours et contre des particulierssecourant une victime d'acte intentionnel de violence.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque rejette le declinatoire de juridiction souleve par ledemandeur par les motifs suivants :

« Considerant que [le demandeur] fait valoir que l'arret nDEG 5/2012 dela Cour constitutionnelle du 11 janvier 2012, repondant à la questionprejudicielle qui lui a ete soumise, confirmerait l'absence de toutpouvoir d'appreciation quant aux conditions d'octroi de l'indemnite deslors que la Cour a estime que l'article 42, S: 3, alinea 2, de la loi du1er aout 1985 portant des mesures fiscales et autres viole les articles 10et 11 de la Constitution en tant qu'il a pour effet d'exclure la prise encompte d'actes intentionnels de violence qui s'inscrivent dans leprolongement direct de l'exercice des fonctions assumees par lefonctionnaire de police mais ont ete commis en dehors de l'exercice de sesfonctions ; qu'il en deduit que l'enjeu veritable du recours correspond àla reconnaissance d'un droit subjectif et echappe à la competence duConseil d'Etat ;

Considerant que l'arret nDEG 5/2012 de la Cour constitutionnelle doit etreanalyse en tenant compte du libelle de la question qui lui avait etesoumise ; que cette question etait libellee comme suit : `L'article 42, S:3, alinea 2, de la loi du 1er aout 1985 portant des mesures fiscales etautres est-il conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution en tantqu'il est interprete comme reservant l'indemnite speciale aux agentsvictimes d'un acte intentionnel de violence commis simultanement àl'exercice de leurs fonctions et comme excluant du droit à cetteindemnite les agents victimes d'un acte intentionnel de violence commis enrepresailles aux fonctions exercees mais subi en dehors de l'exercice decelles-ci ?' ;

Que la Cour constitutionnelle a considere que, sur la base d'une telleinterpretation restrictive de la notion de `faits commis lors del'exercice de leurs fonctions', la disposition en cause viole les articles10 et 11 de la Constitution, specialement en raison du fait qu'une telleinterpretation a pour effet d'exclure du benefice de l'indemnite specialeun agent victime d'un acte de represailles des lors que ces actess'inscrivent dans le cadre du prolongement direct de l'exercice desfonctions assumees par le fonctionnaire de police et doivent etreconsideres comme des risques inherents à cet exercice ; que, des lors, enrepondant positivement à la question qui lui a ete soumise, la Courconstitutionnelle n'a nullement exclu la possibilite d'une interpretationconforme du texte legislatif en cause mais a considere que, dans soninterpretation restrictive evoquee dans la question, la disposition violeles articles 10 et 11 de la Constitution ;

Considerant qu'un texte de loi doit etre interprete en tenant compte del'objectif poursuivi par le legislateur et de sa volonte exprimeenotamment dans les travaux preparatoires ; que, comme l'a souligne la Courconstitutionnelle, l'instauration d'une indemnite speciale au profitnotamment des fonctionnaires de police victimes d'actes intentionnels deviolence dans l'exercice de leurs fonctions est le fruit d'un amendementdepose par le gouvernement et destine à completer le regime generald'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence par une protectionspecifique des services de police et de secours ; que cet amendement a etejustifie de la maniere suivante dans les travaux preparatoires :

`Le comportement criminel des personnes qui commettent divers delitss'accompagne de plus en plus de violences volontaires vis-à-vis despersonnes qui ont pour mission d'empecher ces delits, d'en limiter lesconsequences ou d'en secourir les victimes.

Les vagues de terrorisme et de criminalite violente que connaitactuellement le pays necessitent, non seulement la prise de mesuresadequates pour les combattre ou pour en reduire les consequences nefastespour la population, mais egalement une protection accrue des agents del'autorite auxquels est confiee cette mission.

Il n'est malheureusement plus à prouver que ce sont eux qui constituentles premieres victimes, meme les victimes de predilection du terrorisme etde la violence.

En cas de deces en service, le conjoint survivant beneficie bien sur desavantages du regime des pensions de survie et des accidents du travailmais ces regimes n'assurent qu'une indemnisation fort partielle etinsuffisante pour donner aux agents, charges de partir au-devant dudanger, l'assurance qu'ils peuvent le faire sans plonger leur famille dansla detresse financiere.

Faute de pouvoir proteger les agents de l'autorite contre toute attaque oupiege, il s'indique donc de creer une indemnisation supplementaire auprofit des agents qui decederaient ou seraient victimes d'une incapacitede travail complete suite à l'execution de leurs missions' (Doc. parl,Senat, 1984-1985, nDEG 873-17, pp. 3-4) ;

Que, toujours dans les travaux preparatoires, il a ete precise que `legouvernement espere que cette mesure aura pour effet de motiver lesmembres des services concernes et de lutter efficacement contre ledecouragement qui risque de s'installer dans les corps particulierementatteints' (Doc. parl., Chambre, 1984-1985, nDEG 1281/16, p. 7) ;

Qu'un acte intentionnel de violence, commis à titre de represailles enraison d'un acte pose par un agent dans l'exercice de ses fonctions estdonc implicitement vise dans le regime de protection voulu par lelegislateur ;

Considerant qu'il resulte des considerations qui precedent que la notiond'actes de violence subis par un agent dans l'exercice de ses fonctionsdoit etre interpretee de maniere large et englobe un acte de violence quia ete commis en relation causale directe avec des actes poses par l'agentdans l'exercice de ses fonctions alors meme qu'il a ete subi à un momentou l'agent n'etait plus en service ; que, des lors, et dans le cadre desdecisions relatives à l'octroi de l'indemnite speciale, [le demandeur]dispose d'un reel pouvoir d'appreciation, notamment quant au lien causalunissant l'acte de violence et les fonctions de police exercees parl'agent victime de cet acte ; que le declinatoire de competence estrejete ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ontpour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.Celles qui ont pour objet des droits politiques relevent, en vertu del'article 145 de la Constitution, des cours et tribunaux, sauf lesexceptions etablies par la loi.

En vertu des articles 7 et 14, S: 1er, des lois sur le Conseil d'Etat,coordonnees le 12 janvier 1973, la section du contentieux administratif duConseil d'Etat statue par voie d'arrets sur les recours en annulation pourviolation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine denullite, exces ou detournement de pouvoir, formes contre les actes etreglements des diverses autorites administratives.

Il suit de ces dispositions que le Conseil d'Etat n'est pas competentlorsque l'objet direct et veritable du recours vise la reconnaissance d'undroit subjectif. L'existence de pareil droit suppose que la partiedemanderesse fasse etat d'une obligation juridique determinee qu'une regledu droit objectif impose directement à un tiers et à l'execution delaquelle cette partie a un interet.

Pour qu'une partie puisse se prevaloir d'un tel droit à l'egard del'autorite administrative, il faut que la competence de cette autoritesoit liee.

Un tel pouvoir existe lorsque la competence de l'autorite administrativeest entierement liee, ce qui suppose que les conditions à la reuniondesquelles est subordonne l'exercice de la competence soient definies demaniere objective par la regle de droit, de sorte que l'autorite nedispose d'aucun pouvoir d'appreciation.

L'article 42, S:S: 1er à 3, de la loi du 1er aout 1985 portant desmesures fiscales et autres dispose que :

« S: 1er. Sans prejudice des avantages accordes en vertu de lalegislation sur les accidents du travail ou les pensions de reparation, ilest octroye, en temps de paix, aux conditions et selon les modalitesfixees par le Roi, une indemnite pour dommage moral de 53.200 euros,ci-apres denommee `indemnite speciale', aux personnes visees au paragraphe3 qui sont contraintes de quitter definitivement le service pourinaptitude physique ou, en cas de deces, à leurs ayants droit.

S: 2. L'indemnite speciale est octroyee :

1DEG lorsque le dommage resulte d'actes intentionnels de violence ou del'explosion d'un engin de guerre ou d'un engin piege lors de l'executiond'une mission de police, de protection, de secours ou de deminage.

Par mission de deminage, il faut entendre les operations de recherche, deneutralisation, de transport ou de destruction d'engins de guerre oud'engins pieges ;

2DEG lorsque le dommage resulte du sauvetage de personnes dont la vieetait en danger.

S: 3. L'indemnite speciale est octroyee :

1DEG aux membres du personnel du cadre operationnel et du cadreadministratif et logistique des services de police vises à l'article 116de la loi du 7 decembre 1998 organisant un service de police integre,structure à deux niveaux ;

2DEG aux membres des services exterieurs de la section `Surete de l'Etat'de l'administration de la Surete publique du service public federal de laJustice ;

3DEG aux membres du personnel des forces armees et aux agents civils duministere de la Defense ;

4DEG aux membres des services de la protection civile ;

5DEG aux membres des services publics d'incendie ;

6DEG aux membres des services exterieurs de l'administration desetablissements penitentiaires.

L'indemnite speciale est octroyee aux personnes enumerees à l'alinea 1erpour autant que le dommage vise au paragraphe 2 ait ete cause lors del'exercice de leurs fonctions ».

Il suit de cette disposition que chaque membre du cadre operationnel et ducadre administratif et logistique des services de police dispose d'undroit subjectif au paiement d'une indemnite speciale de 53.200 euros(montant à indexer) lorsqu'il est contraint de quitter definitivement leservice pour inaptitude physique à la suite d'un acte intentionnel deviolence subi lors de l'exercice de ses fonctions.

L'arrete royal du 23 janvier 1987 relatif à l'octroi d'une indemnitespeciale en cas d'acte intentionnel de violence contre des membres desservices de police et de secours et contre des particuliers secourant unevictime d'acte intentionnel de violence, pris en execution de l'article42, S: 1er, de la loi du 1er aout 1985 portant des mesures fiscales etautres, n'ajoute aucune condition à l'octroi de l'indemnite specialeprevue par le legislateur.

Les conditions à l'octroi de l'indemnite speciale, dont le montant estforfaitairement fixe, sont objectivement definies par le legislateur,etant en l'espece le fait que l'agent soit contraint de quitterdefinitivement le service pour inaptitude physique, l'existence d'un acteintentionnel de violence subi par l'agent et un rapport entre l'acteintentionnel de violence et l'exercice des fonctions de police exerceespar l'agent victime de cet acte.

Il s'ensuit que l'administration ne dispose, lorsqu'elle est regulierementsaisie d'une demande d'indemnite speciale, d'aucune marge d'appreciation.Elle ne peut que constater la reunion ou non des conditions legales, sansdisposer d'un pouvoir discretionnaire d'appreciation de ce chef. End'autres termes, dans chaque cas d'espece, il n'y a qu'une decision legalepossible.

En particulier, la condition relative au rapport entre l'acte intentionnelde violence et l'exercice des fonctions de police de l'agent victime decet acte ne confere pas de pouvoir d'appreciation à l'autoriteadministrative lui permettant d'opter, entre plusieurs solutionsjuridiquement fondees, pour celle qui lui semble la plus adequate auregard de l'interet general. Si la verification de cette condition conduitl'autorite à la conclusion qu'un tel rapport existe, la condition doitetre reputee satisfaite. Dans l'hypothese inverse, l'autorite doit refuserd'octroyer l'indemnite speciale demandee.

La competence de l'autorite administrative en cette matiere est donccompletement liee et la naissance du droit subjectif à l'octroi del'indemnite speciale ne depend pas d'une decision prealable de l'autoriteadministrative relevant de son pouvoir discretionnaire. Il s'ensuit que ledefendeur peut se prevaloir d'un droit subjectif à l'octroi del'indemnite speciale prevue à l'article 42 de la loi du 1er aout 1985s'il reunit les conditions objectives consacrees par cette disposition, ensorte que seuls les tribunaux de l'ordre judiciaire peuvent connaitre descontestations relatives à la reconnaissance de ce droit.

En rejetant le declinatoire de juridiction par les considerations reprisesau moyen, le Conseil d'Etat s'est declare à tort competent pour connaitrede contestations concernant des droits civils et a, partant, viole lesarticles 13, 144 et 145 de la Constitution, 7 et 14 des lois coordonneessur le Conseil d'Etat, ainsi que les autres dispositions visees au moyen.

Seconde branche

Aux termes de l'article 8 du Code judiciaire, la competence est le pouvoirdu juge de connaitre d'une demande portee devant lui.

Aux termes de l'article 556, alinea 1er, du meme code, les cours ettribunaux connaissent de toutes les demandes, sauf celles qui sontsoustraites par la loi à leur juridiction.

En vertu des articles 7 et 14, S: 1er, des lois sur le Conseil d'Etat,coordonnees le 12 janvier 1973, la section du contentieux administratif duConseil d'Etat statue par voie d'arrets sur les recours en annulation pourviolation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine denullite, exces ou detournement de pouvoir, formes contre les actes etreglements des diverses autorites administratives.

Un acte d'une autorite administrative peut en regle, lorsque lelegislateur n'a pas confere cette competence à un juge de l'ordrejudiciaire, etre controle par le Conseil d'Etat, section du contentieuxadministratif. En revanche, le Conseil d'Etat est sans pouvoir dejuridiction lorsque la competence est attribuee aux cours et tribunaux del'ordre judiciaire.

En vertu de l'article 2 de l'arrete royal du 23 janvier 1987 relatif àl'octroi d'une indemnite speciale en cas d'acte intentionnel de violencecontre des membres des services de police et de secours et contre desparticuliers secourant une victime d'acte intentionnel de violence, ledemandeur qui sollicite l'octroi de l'indemnite speciale prevue par cettedisposition legale peut porter immediatement sa demande devant lesjuridictions de l'ordre judiciaire. L'article 8 du meme arrete precise quela notification de la decision du ministre doit mentionner que cettedecision ne fait pas obstacle à une action devant les cours et tribunauxde l'ordre judiciaire.

Il suit de ces dispositions que la contestation soumise au Conseil d'Etatpar le demandeur releve du pouvoir de juridiction des cours et tribunauxet ce, meme si l'existence d'un pouvoir d'appreciation devait etre reconnuau demandeur.

En decidant, par tous ses motifs repris au moyen, que le Conseil d'Etatest competent pour connaitre du recours du defendeur contre la decision dudemandeur de lui refuser l'octroi de l'indemnite speciale prevue àl'article 42 de la loi du 1er aout 1985, alors que suivant les articles 2et 8 de l'arrete royal du 23 janvier 1987, cette competence revient auxcours et tribunaux de l'ordre judiciaire, l'arret viole ces dernieresdispositions ainsi que les autres dispositions visees au moyen.

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par le defendeur et deduite,soit de sa tardivete, soit de son defaut d'interet :

La requete en cassation, signifiee le 12 septembre 2012, est dirigeecontre l'arret rendu le 18 juin 2012 par le Conseil d'Etat.

L'arret rendu le 23 fevrier 2011 par le Conseil d'Etat considere que « le declinatoire de competence souleve par [le demandeur] est [...] lie aufond » et decide de poser à la Cour constitutionnelle une questionprejudicielle sur la conformite aux articles 10 et 11 de la Constitutionde l'article 42, S: 3, alinea 2, de la loi du 1er aout 1985 portant desmesures fiscales et autres.

Contrairement à ce que fait valoir le defendeur pour considerer que lepourvoi est tardif, cet arret ne statue pas de maniere definitive sur ledeclinatoire de competence en le rejetant.

Contrairement à ce que fait valoir le defendeur pour considerer que lepourvoi est premature, l'arret attaque du 18 juin 2012 statue de manieredefinitive sur le declinatoire de competence en decidant que celui-ci« est rejete » et cause, ainsi, grief au demandeur qui, des lors, ainteret à le critiquer.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

1. Aux termes de l'article 144 de la Constitution, les contestations quiont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort destribunaux.

En vertu de l'article 14, S: 1er, des lois sur le Conseil d'Etat,coordonnees le 12 janvier 1973, la section du contentieux administratifstatue par voie d'arrets sur les recours en annulation pour violation desformes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullite, exces oudetournement de pouvoir, formes contre les actes et reglements desdiverses autorites administratives.

Cette competence est determinee par l'objet veritable et direct du recoursen annulation.

2. Les cours et tribunaux connaissent de la demande d'une partie fondeesur un droit subjectif.

L'existence de pareil droit suppose que la partie demanderesse fasse etatd'une obligation juridique determinee qu'une regle du droit objectifimpose directement à un tiers et à l'execution de laquelle cette partiea un interet.

Pour qu'une partie puisse se prevaloir d'un tel droit à l'egard del'autorite administrative, il faut que la competence de cette autoritesoit liee.

3. L'article 42 de la loi du 1er aout 1985 portant des mesures fiscales etautres dispose que :

« S: 1er. Sans prejudice des avantages accordes en vertu de lalegislation sur les accidents du travail ou les pensions de reparation, ilest octroye, en temps de paix, aux conditions et selon les modalitesfixees par le Roi, une indemnite pour dommage moral de 53.200 euros,ci-apres denommee `indemnite speciale', aux personnes visees au paragraphe3 qui sont contraintes de quitter definitivement le service pourinaptitude physique ou, en cas de deces, à leurs ayants droit.

S: 2. L'indemnite speciale est octroyee :

1DEG lorsque le dommage resulte d'actes intentionnels de violence ou del'explosion d'un engin de guerre ou d'un engin piege lors de l'executiond'une mission de police, de protection, de secours ou de deminage.

Par mission de deminage, il faut entendre les operations de recherche, deneutralisation, de transport ou de destruction d'engins de guerre oud'engins pieges ;

2DEG lorsque le dommage resulte du sauvetage de personnes dont la vieetait en danger.

S: 3. L'indemnite speciale est octroyee :

1DEG aux membres du personnel du cadre operationnel et du cadreadministratif et logistique des services de police vises à l'article 116de la loi du 7 decembre 1998 organisant un service de police integre,structure à deux niveaux ;

2DEG aux membres des services exterieurs de la section `Surete de l'Etat'de l'administration de la Surete publique du service public federal de laJustice ;

3DEG aux membres du personnel des forces armees et aux agents civils duministere de la Defense ;

4DEG aux membres des services de la protection civile ;

5DEG aux membres des services publics d'incendie ;

6DEG aux membres des services exterieurs de l'administration desetablissements penitentiaires.

L'indemnite speciale est octroyee aux personnes enumerees à l'alinea 1erpour autant que le dommage vise au paragraphe 2 ait ete cause lors del'exercice de leurs fonctions ».

L'arrete royal du 23 janvier 1987 relatif à l'octroi d'une indemnitespeciale en cas d'acte intentionnel de violence contre des membres desservices de police et de secours et contre des particuliers secourant unevictime d'acte intentionnel de violence, pris en execution de l'article42, S: 1er, de la loi du 1er aout 1985, n'ajoute aucune condition àl'octroi de l'indemnite speciale prevue par le legislateur.

4. Il suit de ces dispositions que les conditions de l'octroi del'indemnite speciale, dont le montant est forfaitairement fixe, sontentierement definies par le legislateur, à savoir dans l'espece 1DEG lefait que l'agent soit decede ou contraint de quitter definitivement leservice pour inaptitude physique, 2DEG l'existence d'un acte intentionnelde violence subi par l'agent ou l'explosion d'un engin de guerre ou piegeet 3DEG un rapport entre la cause du dommage et l'exercice de certainesfonctions, telles les fonctions de police exercees par l'agent victime decet acte.

L'administration qui est saisie d'une demande d'indemnite speciale ne peutque constater que ces conditions legales sont ou non reunies et ne disposed'aucun pouvoir d'appreciation.

La competence de l'autorite administrative est, en l'occurrence,entierement liee et interdit la moindre parcelle d'appreciation.

5. L'arret, qui, apres avoir considere que « la notion d'actes deviolence subis par un agent dans l'exercice de ses fonctions doit etreinterpretee de maniere large et englobe un acte de violence qui a etecommis en relation causale directe avec des actes poses par l'agent dansl'exercice de ses fonctions alors meme qu'il a ete subi à un moment oul'agent n'etait plus en service », decide que, « des lors [...], dans lecadre des decisions relatives à l'octroi de l'indemnite speciale, [ledemandeur] dispose d'un reel pouvoir d'appreciation, notamment quant aulien causal unissant l'acte de violence et les fonctions de policeexercees par l'agent victime de cet acte » et que, partant, « ledeclinatoire de competence est rejete », viole les dispositions visees aumoyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour, statuant en chambre reunies,

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que le present arret sera transcrit dans les registres du Conseild'etat et qu'il en sera fait mention en marge de l'arret casse ;

Condamne le defendeur aux depens ;

Renvoie la cause devant le Conseil d'etat, section du contentieuxadministratif, autrement compose, aux seules fins de statuer sur lesdepens de la procedure devant le Conseil d'etat.

Les depens taxes à la somme de mille quatre cent septante eurostrente-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent trente et un euros vingt-quatre centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambres reunies, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Etienne Goethals, president, le presidentChristian Storck, le president de section Eric Dirix, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers BeatrijsDeconinck, Alain Smetryns, Martine Regout, Geert Jocque, Mireille Delangeet Sabine Geubel, et prononce en audience publique du huit mars deux milletreize par le premier president Etienne Goethals, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier en chef Chantal VanDer Kelen.

+----------------------------------------------------+
| Ch. Van Der Kelen | S. Geubel | M. Delange |
|-------------------+------------------+-------------|
| G. Jocque | M. Regout | A. Smetryns |
| | | |
| B. Deconinck | A. Fettweis | D. Batsele |
| | | |
| E. Dirix | Ch. Storck | E. Goethals |
+----------------------------------------------------+

8 MARS 2013 C.12.0424.F/4


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0424.F
Date de la décision : 08/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-08;c.12.0424.f ?
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