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08/03/2013 | BELGIQUE | N°C.11.0770.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 mars 2013, C.11.0770.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0770.N

COMMUNE DE HOUTHULST, representee par le college des bourgmestre etechevins,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. A. F.

2. I. R.,

3. D. F.,

4. S. D.,

5. FEDERALE VERZEKERINGEN,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu en degred'appel le 5 mai 2011 par le tribunal de premiere instance de Bruges,statuant en tant que juridiction

de renvoi en execution de l'arret de laCour du 4 mai 2009.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrite...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0770.N

COMMUNE DE HOUTHULST, representee par le college des bourgmestre etechevins,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. A. F.

2. I. R.,

3. D. F.,

4. S. D.,

5. FEDERALE VERZEKERINGEN,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu en degred'appel le 5 mai 2011 par le tribunal de premiere instance de Bruges,statuant en tant que juridiction de renvoi en execution de l'arret de laCour du 4 mai 2009.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrites le 30novembre 2012.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution coordonnee ;

- articles 2244, 2246, 2247 et 2262bis, alinea 2, du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare la demanderesse responsable des dommages subispar les defendeurs sub 1 à 4 inclus et condamne la demanderesse aupaiement des dommages-interets (somme principale + interets compensatoires+ interets judiciaires) et des depens, par la consideration que la demandedes defendeurs sub 1 à 4 inclus n'est pas prescrite.

Le jugement considere à cet egard :

« La commune de Houthulst oppose que la demande des (defendeurs sub 1 à4 inclus) est prescrite.

L'accident s'est produit le 25 mai 1999 et, conformement àl'article 2262bis, S: 1er, du Code civil, toute action en reparation d'undommage fondee sur une responsabilite extracontractuelle se prescrit parcinq ans à partir du jour qui suit celui ou la personne lesee a euconnaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identite de lapersonne responsable.

Quelle qu'ait ete la date precise à laquelle (les defendeurs) ont euconnaissance du dommage et de l'identite de la personne responsable (lacommune de Houthulst), il y a lieu de relever que (les defendeurs) ontcite la commune de Houthulst en justice par l'exploit de citation directedu 14 mai 2002, soit, en tout cas, dans un delai de cinq ans, de sorte quela citation a interrompu la prescription (article 2244 du Code civil).

Toutefois, par jugement du 28 octobre 2002, confirme en degre d'appel parjugement du 28 septembre 2004, le juge de police s'est declare incompetentpour connaitre des actions exercees par (les defendeurs) contre la communede Houthulst.

Et ce, au motif que le prevenu avait ete acquitte.

Cette circonstance n'est pas de nature à reduire l'effet interruptif dela prescription à neant.

En effet, la citation en justice, donnee meme devant un juge incompetent,interrompt la prescription (article 2246 du Code civil). Toutefois, si lademande est rejetee, l'interruption est regardee comme non avenue(article 2247 du Code civil).

La decision de se declarer incompetent n'implique pas que la demande estrejetee, de sorte que l'article 2247 du Code civil n'est pas applicable etque la citation directe a interrompu la prescription.

Ainsi, à l'heure actuelle, les actions (des defendeurs) ne sont pasprescrites ».

et

« Il ne resulte pas de la circonstance que le juge penal s'est declareincompetent pour connaitre des actions civiles exercees contre lebourgmestre et la commune de Houthulst (l'echevin cite ayant ete acquitteet la commune ayant ete mise hors de cause) que l'autorite de la chosejugee au penal s'oppose à ce qu'il soit statue sur la responsabilite dela commune (ainsi que la cinquieme defenderesse le suggere) ».

Griefs

(...)

Seconde branche

1. En vertu de l'article 2262bis, alinea 2, du Code civil, toute action enreparation d'un dommage fondee sur une responsabilite extracontractuellese prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui ou la personnelesee a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identitede la personne responsable.

Conformement au troisieme alinea de cette disposition, ces actions seprescrivent en tout cas par vingt ans à partir du jour qui suit celui ous'est produit le fait qui a provoque le dommage.

Aux termes de l'article 2244 du Code civil, une citation en justice, uncommandement ou une saisie, signifies à celui qu'on veut empecher deprescrire, forment l'interruption civile.

Aux termes de l'article 2246 du Code civil, la citation en justice, donneememe devant un juge incompetent, interrompt la prescription.

En vertu de l'article 2247 du Code civil, l'interruption est regardeecomme non avenue si la demande est rejetee.

En application de l'article 2247 du Code civil, l'interruption estregardee comme non avenue si la demande est rejetee et ce, sans aucunedistinction suivant le motif de rejet de la demande.

Toutefois, le juge est tenu d'examiner la portee de la decision de rejet.

2. La decision par laquelle le juge penal acquitte le prevenu et, à lasuite de cet acquittement, rejette l'action en reparation exercee contrela partie civilement responsable citee directement en cette qualite devantlui - fut-ce en decidant qu'il y a lieu de mettre la partie civilementresponsable hors de cause et en se declarant "incompetent" pour connaitrede l'action en reparation exercee contre la partie civilement responsable- constitue une decision au fond sur l'action exercee contre la partiecivilement responsable citee directement qui epuise la juridiction du jugepenal à cet egard et fait obstacle à ce que l'action soit à nouveauexercee contre la partie civilement responsable devant une autrejuridiction (civile).

La « declaration d'incompetence » du juge penal qui, dans cescirconstances, se declare "incompetent" pour connaitre de l'action enreparation exercee contre la partie civilement responsable en raison del'acquittement du prevenu, constitue en realite un rejet de la demande ausens de l'article 2247 du Code civil et non une declaration d'incompetenceau sens de l'article 2246 du Code civil, de sorte que l'interruption de laprescription de l'action exercee contre la partie civilement responsablepar la citation de cette partie devant le juge penal est regardee commenon avenue.

3. En examinant en l'espece, dans le cadre de la procedure civile, laquestion de savoir si les actions en reparation exercees par lesdefendeurs sub 1 à 4 inclus contre la demanderesse etaient prescrites ousi, au contraire, la citation directe de la demanderesse devant le jugepenal faite le 14 mai 2002 a interrompu la prescription, le jugementattaque rendu le 5 mai 2011 a releve que l'accident litigieux s'estproduit le 25 mai 1999 et que, par le jugement rendu en premiere instancele 28 octobre 2002, confirme en degre d'appel par le jugement rendu le28 septembre 2004, le juge penal s'est declare incompetent pour connaitredes actions exercees par les defendeurs sub 1 à 4 inclus contre lademanderesse en raison de l'acquittement du prevenu, plus specialement aumotif que « l'echevin cite (lire : le bourgmestre) a ete acquitte et lacommune mise hors de cause ».

Apres avoir releve dans le cadre de la procedure civile que le juge penala decide que le bourgmestre, prevenu devant le juge penal, n'avait pascommis d'infraction et a mis la demanderesse hors de cause, les jugesd'appel ne decident pas legalement dans le cadre de cette procedure civileque le juge penal s'est ainsi declare "incompetent" au sens del'article 2246 du Code civil : le rejet par le juge penal de l'actioncivile en reparation exercee contre la demanderesse, partie civilementresponsable, à la suite de l'acquittement du bourgmestre, le prevenu,constitue un rejet de la demande au sens de l'article 2247 du Code civilmeme si - comme cela se produit souvent - en raison de l'acquittement duprevenu, le juge penal se declare "incompetent" pour connaitre de l'actionen reparation dirigee contre la demanderesse.

Ainsi, par ces constatations de fait, le jugement attaque ne decide paslegalement qu'à la suite de l'accident litigieux du 25 mai 1999, lacitation directe faite le 14 mai 2002 devant le juge penal a interrompu laprescription des actions exercees par les defendeurs sub 1 à 4 incluscontre la demanderesse, qu'en l'espece, l'article 2246 du Code civil estapplicable et qu'en consequence, les actions de ces defendeurs ne sont pasprescrites.

En l'espece, le jugement attaque n'est pas legalement justifie et violeles articles 2262bis, alinea 2, 2244, 2246 et 2247 du Code civil.

(...)

III. La decision de la Cour

(...)

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

2. Conformement à l'article 2244 du Code civil, une citation en justice,un commandement ou une saisie, signifies à celui qu'on veut empecher deprescrire, forment l'interruption civile.

En vertu de l'article 2246 du Code civil, la citation en justice, donneememe devant un juge incompetent, interrompt la prescription.

Conformement à l'article 2247 du Code civil, si la demande est rejetee,l'interruption est regardee comme non avenue.

Cette disposition ne fait pas de distinction suivant le motif de rejet dela demande.

3. Le juge penal qui decide qu'aucune infraction n'est etablie dans lechef du prevenu et qui se declare par ce motif incompetent pour connaitrede l'action civile exercee contre le prevenu et la partie civilementresponsable statue au fond et cette decision implique le rejet de l'actioncivile des lors que l'infraction sur laquelle celle-ci est fondee n'estpas etablie.

4. Le jugement attaque a constate que :

- la demanderesse a ete citee directement en justice par les defendeurssub 1 à 4 inclus par exploit du 14 mai 2002 ;

- par jugement rendu le 18 octobre 2002, confirme en degre d'appel parjugement rendu le 28 septembre 2004, le tribunal de police s'est declareincompetent pour connaitre des actions exercees par les defendeurs sub 1à 4 inclus contre la demanderesse ;

- la declaration d'incompetence est fondee sur le fait que le prevenu aete acquitte.

5. Les juges d'appel qui ont decide que la citation directe a interrompula prescription des actions des defendeurs sub 1 à 4 inclus au motif quele juge penal s'est declare incompetent et que cette "declarationd'incompetence" n'implique pas le rejet de la demande, n'ont paslegalement justifie leur decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

(...)

Par ces motifs,

La Cour, en chambres reunies,

Casse le jugement attaque sauf en tant qu'il statue sur la responsabilitedu motocycliste ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Courtrai,siegeant en degre d'appel, qui se conformera à la decision de la Cour surle point de droit juge par cette Cour lors de l'examen du premier moyen,en sa seconde branche.

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambre reunies, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Etienne Goethals, president, presidentChristian Storck, president de section Eric Dirix, conseiller DidierBatsele, president de section Albert Fettweis, les conseillers BeatrijsDeconinck, Alain Smetryns, Koen Mestdagh, Martine Regout, Geert Jocque etMireille Delange, et prononce en audience publique du huit mars deux milletreize par le premier president Etienne Goethals, en presence de l'avocatgeneral Christian Vandewal, avec l'assistance du greffier en chef ChantalVan Der Kelen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Alain Simon ettranscrite avec l'assistance du greffier en chef Chantal Van Der Kelen.

Le greffier en chef, Le conseiller,

8 mars 2013 C.11.0770.N/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0770.N
Date de la décision : 08/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-08;c.11.0770.n ?
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