Cour de cassation de Belgique
Arret
1552
NDEG P.12.1596.F
I. 1. F. V.,
2. G. J.,
3. M. J.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
C. S., ne à Toulon (France) le 2 avril 1949,
prevenu,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,
II. C. S.
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Alfred Tasseroul, avocat au barreau de Namur,dont le cabinet est etabli à Namur, rue Pepin, 21, ou il est faitelection de domicile,
contre
1. F. V.
2. G. J.
3. M.L J.
parties civiles,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois de V. F., J. G. et J. M. sont diriges contre des jugementsrendus les 21 mai 2007 et 7 mai 2012 par le tribunal correctionnel deDinant, statuant en degre d'appel, et celui de S. C. est dirige contre lesecond jugement precite.
Les demandeurs V. F.et consorts invoquent quatre moyens et le demandeur S.C. en fait valoir un, dans deux memoires annexes au present arret, encopie certifiee conforme.
Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
A. Sur les pourvois de V. F., J. G. et J. M. :
1. En tant que les pourvois sont diriges contre le jugement du 21 mai2007 :
Les demandeurs ne font valoir aucun moyen.
2. En tant que les pourvois sont diriges contre le jugement du 7 mai2012 :
Sur le premier moyen :
Il n'y a pas lieu d'avoir egard au moyen des lors que les demandeurs ontdeclare s'en desister par acte rec,u au greffe le 19 fevrier 2013.
Sur le deuxieme moyen :
Quant à la seconde branche :
La demanderesse J. G., epouse de la victime decedee dans l'accident,reproche notamment aux juges d'appel, en refusant l'indemnisation du« prejudice d'accompagnement », d'avoir viole le droit à la reparationintegrale prevu par l'article 1382 du Code civil franc,ais.
Le juge doit examiner la nature juridique des faits et actes invoques parles parties. Il peut, quelle que soit la qualification juridique que lesparties leur ont donnee, suppleer d'office aux motifs qu'elles ontproposes.
Applicable aux faits de la cause, l'article 1382 du Code civil franc,aisconsacre le droit de la victime à la reparation integrale du dommage enrelation causale avec la faute dont l'auteur s'est rendu coupable.
La demanderesse avait postule l'allocation d'une indemnite au titre deprejudice d'accompagnement, consistant en la perte, durant sa survieprobable, de l'aide de la victime dans l'accomplissement des taches quiincombent normalement à deux epoux.
Les juges d'appel ont rejete l'indemnisation de ce prejudice au motif quela reclamation, ainsi qualifiee, ne tombe pas sous la definition qu'endonne le droit franc,ais. Le jugement se refere à cet egard à un« referentiel indicatif regional » et à un dictionnaire juridiquefranc,ais. Citant ces sources, il enonce que le prejudice d'accompagnementcorrespond au dommage moral subi par les proches de la victime durant lamaladie traumatique jusqu'au deces. Il en conclut que, la victime etantdecedee dans l'accident, la demande relative à ce dommage n'est pasfondee.
Ainsi, les juges d'appel n'ont pas vise la nature juridique reelle desfaits ni examine si cette demande pouvait, en droit franc,ais, constituerun prejudice indemnisable au titre de dommage materiel.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Sur le troisieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen fait grief au jugement de rejeter l'indemnisation du « deficitfonctionnel partiel » du demandeur J. M.. Selon celui-ci, ce prejudicecorrespondait à celui subi durant la periode pendant laquelle il n'avaitpu, pour des raisons medicales en relation avec l'accident, exercer unepartie de son activite remuneratrice.
Pour justifier le rejet de cette demande, le jugement enonce que « lanotion de deficit fonctionnel partiel n'est pas reprise dans lanomenclature visee par le referentiel indicatif regional des cours d'appelde France exposant le droit franc,ais, lequel s'impose au tribunal ».
Par cette consideration, les juges d'appel ont attribue à l'ouvrageauquel ils se sont referes une portee obligatoire dont il est depourvu.
Le moyen est fonde.
Sur le quatrieme moyen :
Le jugement rejette l'indemnisation du prejudice professionnel permanentdu demandeur J. M.au motif que, sans emploi au moment de l'accident,celui-ci ne beneficiait d'aucun revenu professionnel.
Pour justifier cette decision, les juges d'appel ont considere, sur labase du « referentiel indicatif regional » precite auquel ils ontattribue une portee reglementaire qu'il n'a pas, que l'indemnisation duprejudice professionnel du demandeur supposait l'existence de telsrevenus.
Le moyen est fonde.
B. Sur le pourvoi de S. C. :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee contre le demandeur par V. F. :
Le demandeur se desiste de son pourvoi.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions rendues sur lesactions civiles exercees contre le demandeur par J. G. et J. M. :
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen reproche d'abord aux juges d'appel d'avoir alloue aux defendeursune indemnite de procedure de premiere instance alors que le premier jugea statue avant le 1er janvier 2008.
L'article 1022, alinea 1er, du Code judiciaire, tel qu'il a ete remplacepar l'article 7 de la loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite deshonoraires et des frais d'avocat, dispose que l'indemnite de procedure estune intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de lapartie ayant obtenu gain de cause. L'article 13 de ladite loi prevoit queles articles 2 à 12 de cette loi sont applicables aux affaires en coursau moment de leur entree en vigueur.
Ainsi que le demandeur le releve, ces dispositions sont entrees en vigueurle 1er janvier 2008.
Les affaires en cours sont celles dans lesquelles il doit encore etrestatue lors de l'entree en vigueur de la loi nouvelle. Il s'ensuit que,lorsque le premier juge a statue avant le 1er janvier 2008 mais que sadecision a fait l'objet d'un appel non vide à cette date, le juge d'appelest tenu d'appliquer ladite loi aux deux instances.
Des lors que les juges d'appel ont donne, fut-ce partiellement, gain decause aux defendeurs, ils pouvaient leur attribuer une indemnite deprocedure pour les deux instances.
Le demandeur reproche encore au jugement de ne pas repondre à sa defenseselon laquelle l'indemnite de procedure du defendeur devait etre reduite.
Le juge ne doit donner de motivation specifique que lorsqu'il s'ecarte dumontant de base de l'indemnite de procedure.
Les juges d'appel ayant condamne le demandeur au montant de base de cetteindemnite, ils n'etaient pas tenus de repondre à la defense proposee.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
Le demandeur soutient qu'en application de l'article 1017, alinea 4, duCode judiciaire, les juges d'appel etaient tenus de compenser les depensdes lors que les defendeurs ont succombe quant à la plus grande partie deleurs demandes.
Il ressort des termes de la disposition dont la violation est invoquee,que la compensation des depens, lorsque les parties succombent sur quelquechef, constitue pour le juge une faculte et non une obligation.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, en tant qu'il critique l'appreciation souveraine desjuges du fond, le moyen est irrecevable.
Quant à la troisieme branche :
La circonstance que le juge n'accueille pas l'ensemble des pretentionsd'une partie ne lui interdit pas d'allouer à cette partie les depens.
En accordant aux defendeurs les indemnites de base qu'ils avaientsollicitees par reference au montant initial de leurs demandes, les jugesd'appel ont legalement justifie leur decision.
Le moyen ne peut etre accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Decrete le desistement du pourvoi de S. C. en tant qu'il est dirige contrela decision rendue sur l'action civile exercee par V. F. contre lui ;
Casse le jugement attaque du 7 mai 2012 en tant qu'il statue surl'indemnisation du « prejudice d'accompagnement » de J. G.et surl'indemnisation du « deficit fonctionnel partiel » et du « prejudiceprofessionnel permanent » de J. M. ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;
Condamne chacun des demandeurs V. F. et Serge C. aux frais de sonpourvoi ;
Condamne chacun des demandeurs J. G.et J. M. aux deux tiers des frais deson pourvoi et S. C. au tiers restant ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, au tribunal correctionnel de Namur,siegeant en degre d'appel.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de quatre cent quarante-troiseuros soixante-cinq centimes dont I) sur le pourvoi de V. F. et consorts :cent nonante euros trente-deux centimes dus et trente euros payes par cesdemandeurs et II) sur le pourvoi de S. C. : deux cent vingt-trois eurostrente-trois centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, BenoitDejemeppe, Pierre Cornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen,conseillers, et prononce en audience publique du six mars deux milletreize par le chevalier Jean de Codt, president de section, en presence deDamien Vandermeersch, avocat general, avec l'assistance de Tatiana Fenaux,greffier.
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| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
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| P. Cornelis | B. Dejemeppe | J. de Codt |
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6 MARS 2013 P.12.1596.F/8