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04/03/2013 | BELGIQUE | N°C.11.0675.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 mars 2013, C.11.0675.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1094



NDEG C.11.0675.F

M. G.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

S. B. B.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 juin 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 18 fevrier 2013, le premier president a renvoye la

causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conc...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1094

NDEG C.11.0675.F

M. G.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

S. B. B.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 juin 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 18 fevrier 2013, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret « observe que seul [le demandeur] demande, formellement, de luiattribuer le droit de `garde' de l'enfant, plus precisement le droitd'heberger principalement l'enfant à Bruxelles ». Il considere que ladefenderesse « demande pour sa part uniquement de declarer les demandesoriginaires [du demandeur] irrecevables ou à tout le moins non fondees »et qu'« à supposer qu'il ne soit pas fait droit aux demandes [dudemandeur] de se voir attribuer la `garde' de l'enfant, ceci impliquenecessairement l'attribution de cette `garde' à [la defenderesse] ».

L'arret ne considere pas ainsi que la defenderesse a formule enconclusions une demande tendant à obtenir la garde ou l'hebergement del'enfant.

Le moyen qui, en cette branche, repose sur une interpretation inexacte del'arret, manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

Dans son dispositif, l'arret se borne à declarer les demandes dudemandeur, tendant à obtenir l'hebergement principal de l'enfant enBelgique et le retour de celui-ci en Belgique, recevables mais nonfondees, sans se prononcer sur l'attribution de l'autorite parentaleexclusive, de la garde ou de l'hebergement principal de l'enfant à ladefenderesse.

Il ressort des motifs de l'arret reproduits en reponse à la premierebranche du moyen, que l'arret entend par la `garde' de l'enfant demandeepar le demandeur, le droit d'heberger principalement l'enfant àBruxelles.

Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard et desconstatations de l'arret que les seules options d'hebergement de l'enfantenvisagees etaient soit chez le demandeur, soit chez la defenderesse. Parailleurs, un seul des deux parents peut exercer materiellementl'hebergement principal.

Il s'ensuit qu'en l'espece, si l'enfant n'etait pas heberge principalementchez le demandeur, il l'etait necessairement chez la defenderesse.

En considerant qu'« à supposer qu'il ne soit pas fait droit aux demandes[du demandeur] de se voir attribuer la `garde' de l'enfant, [c'est-à-direson hebergement principal], ceci implique necessairement l'attribution decette `garde' à la [defenderesse] » et que « l'on peut raisonnablementesperer que l'attribution par [l'arret attaque] de la garde,[c'est-à-dire de l'hebergement principal], de la petite L. à [ladefenderesse] permettra d'apaiser le conflit, et que [la defenderesse], ouà defaut les juridictions espagnoles desormais competentes, auront àcoeur de restaurer des liens normaux entre L. et [le demandeur] etd'attribuer à ce dernier un droit de visite respectueux de sa place et deson role de pere », l'arret se borne à examiner les consequences durefus d'attribution de l'hebergement principal de l'enfant au demandeursans statuer sur une pretendue demande de la defenderesse relative à lagarde exclusive, l'exercice exclusif de l'autorite parentale oul'hebergement principal de l'enfant chez elle.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

La cour d'appel a decide, sans etre critiquee, qu'elle etait competentepour statuer au fond sur la `garde' de l'enfant, conformement à l'article11, points 6 à 8, du reglement Bruxelles IIbis.

L'article 2, 9), de ce reglement definit le droit de garde au sens de cetinstrument comme les droits et obligations portant sur les soins de lapersonne d'un enfant, et en particulier le droit de decider de son lieu deresidence.

La cour d'appel a considere, sans etre davantage critiquee, que,conformement à l'article 35 du Code de droit international prive, tant lefait de savoir si le demandeur etait investi de l'autorite parentaleenvers l'enfant L. que l'exercice de cette autorite parentale etaientregis par le droit belge.

Suivant l'article 374, S: 1er, du Code civil, lorsque les pere et mere nevivent pas ensemble, l'exercice de l'autorite parentale reste conjoint. Adefaut d'accord sur l'organisation de l'hebergement de l'enfant, le jugecompetent peut confier l'exercice exclusif de l'autorite parentale à l'undes pere et mere. Dans tous les cas, il determine les modalitesd'hebergement de l'enfant et le lieu ou il est inscrit à titre principaldans les registres de la population.

Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que les partiesn'etaient pas d'accord sur les modalites d'hebergement de l'enfant en cecompris son lieu de residence, le demandeur demandant l'hebergementprincipal de l'enfant à Bruxelles et la defenderesse, hebergeant l'enfanten Espagne, s'opposant à cette demande. Il appartenait des lors à lacour d'appel de les departager.

L'arret considere que le retour de la defenderesse en Belgique paraitexclu et que l'hebergement principal de l'enfant en Belgique alors que samere resterait en Espagne n'est pas conforme à l'interet de l'enfant. Ilen deduit que « les demandes tant principale que subsidiaire [dudemandeur] de se voir attribuer l'hebergement principal de L. en Belgiquedoivent etre declarees non fondees ».

Ainsi que cela ressort de la reponse à la deuxieme branche du moyen,d'une part, l'arret ne statue pas ainsi sur une demande de la defenderesserelative à la garde exclusive, l'exercice exclusif de l'autoriteparentale ou l'hebergement principal de l'enfant chez elle et, d'autrepart, dans les circonstances de l'espece, si l'enfant n'est pas hebergeprincipalement en Belgique chez le demandeur, cela implique qu'il le seraen Espagne chez la defenderesse.

L'arret justifie des lors legalement sa decision « qu'en consequence [aurejet de la demande d'hebergement principal du demandeur], il n'y a paslieu d'ordonner le retour de L. en Belgique ».

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

La defenderesse faisait valoir dans ses conclusions additionnelles et desynthese d'appel deposees le 19 mars 2010 qu'elle « a toujours gardetoutes ses attaches, tant sociales que professionnelles, amicales,culturelles et familiales en Espagne, pays ou elle est nee, ou elle avecu, ou elle a etudie et ou elle a travaille ; [...] que la majorite deses effets personnels est restee en Espagne ou elle rentrait regulierementet pour des periodes les plus longues possibles ; [...] qu'au vu de sasituation à Bruxelles (sans emploi, sans famille, sans reel avenir decouple) et de l'etat de sante degrade de sa maman, [elle] a decide dereintegrer son pays d'origine le 17 decembre 2008 ; [...] que le seulmotif pouvant la convaincre de revenir en Belgique etait l'accord [dudemandeur] de vivre en couple [...] ; que [le demandeur] a refuse deprendre cet engagement [...] ; qu'elle a trouve un job et travailleactuellement [en Espagne] ; qu'elle s'est mariee et attend un secondenfant ».

L'arret, qui considere qu'il est illusoire d'esperer que la defenderesserevienne s'installer en Belgique avec L. au motif notamment qu'elle s'estmariee en Espagne avec un tiers dont elle a eu un deuxieme enfant, n'elevepas d'office une contestation qui n'etait pas invoquee dans lesconclusions de la defenderesse.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

L'arret enonce que la defenderesse « a deplace illicitement la petite L.vers l'Espagne au mois de decembre 2008 ».

Il rejette la demande d'hebergement principal formee par le demandeur eten consequence sa demande de retour de l'enfant en Belgique aux motifs« qu'il est illusoire d'esperer que [la defenderesse] reviennes'installer en Belgique avec L. » des lors que la defenderesse « devrait[...] abandonner en Espagne son mari et eventuellement son secondenfant », que « le fait que le retour de [la defenderesse] en Belgiqueparait exclu n'empeche pas le retour de la petite L. en Belgique, ou ellepourrait etre hebergee principalement par son pere, [le demandeur] ; [que]dans cette hypothese cependant, il est evident que compte tenu de ladistance geographique entre la Belgique et l'Espagne, [la defenderesse] nepourrait, au mieux, heberger l'enfant que durant certains week-ends et desperiodes de vacances prolongees ; [que] cette solution n'apparait pascorrespondre à l'interet de l'enfant » et que « l'on ne peutsanctionner le comportement reprehensible de [la defenderesse] audetriment de l'interet de l'enfant ».

L'arret, qui se fonde sur l'interet de l'enfant, justifie legalement sadecision de refuser au demandeur son hebergement principal en Belgique.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

L'arret enonce que la competence de la cour d'appel ayant ete etablie, illui appartient, conformement à l'article 11.7 du reglement de BruxellesIIbis, de statuer au fond sur la question de la `garde' de l'enfant, etplus precisement sur le droit d'hebergement principal de celui-ci, cettedecision pouvant avoir pour consequence son retour en Belgique.

L'arret decide, sans etre critique, que « l'exercice de l'autoriteparentale est [regi] par le droit belge, droit de l'etat sur le territoireduquel L. avait sa residence habituelle avant le deplacement conteste ».

Suivant l'article 374, S: 2, alinea 4, du Code civil, lorsque, comme enl'espece, les parents ne vivent pas ensemble, à defaut d'accord, letribunal statue sur l'hebergement des enfants en tenant compte descirconstances concretes de la cause et de l'interet des enfants et desparents.

Ainsi que la Cour europeenne des droits de l'homme l'a rappele dans sonarret du 6 juillet 2010 (arret de la Grande Chambre, Neulinger et Shurukc.Suisse, point 138), il decoule de l'article 8 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales que leretour de l'enfant ne saurait etre ordonne de fac,on automatique oumecanique des lors que la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur lesaspects civils de l'enlevement international d'enfants s'applique.L'interet superieur de l'enfant, du point de vue de son developpementpersonnel, depend en effet de plusieurs circonstances individuelles,notamment de son age et de sa maturite, de la presence ou de l'absence deses parents, de l'environnement dans lequel il vit et de son histoirepersonnelle. C'est pourquoi il doit s'apprecier au cas par cas.

Apres avoir enonce que la defenderesse s'est mariee et a eu un deuxiemeenfant en Espagne, qu'il est des lors illusoire d'esperer qu'elle reviennes'installer en Belgique et que, si l'enfant etait heberge chez son pere enBelgique, il ne pourrait etre heberge chez sa mere que pendant certainsweek-ends et des periodes de vacances prolongees, l'arret considere quel'hebergement principal de l'enfant chez son pere « n'apparait pascorrespondre à l'interet de l'enfant, pour les raisons suivantes :

-L. n'est actuellement agee que de trois ans, soit un age ou la presenceet les soins maternels sont essentiels au besoin de securite de l'enfantet à la constitution de reperes stables et equilibres ;

-depuis sa naissance, L. a ete hebergee principalement par sa mere, qui adonc assume l'essentiel des soins de l'enfant ; [le demandeur] ne prouvepas qu'il se soit jamais occupe seul de L. ; il n'a jamais vecu enpermanence avec elle, puisque meme quand les parties vivaient encoretoutes deux à Bruxelles, il ne souhaitait pas cohabiter `à plein temps'avec [la defenderesse] ;

-en Espagne, L. vit actuellement dans une famille composee d'un couple etde deux enfants, ce qui parait plus propice à son developpement socialque d'etre elevee, à Bruxelles, dans une famille monoparentale composeede son seul pere assiste, le cas echeant, de sa propre mere ;

-l'eloignement de L. de l'environnement maternel dans lequel elle vitmaintenant depuis environ un an et demi, pour se retrouver confiee, dansun autre pays, à un pere avec qui elle n'a jamais vecu, sans possibilitede voir sa mere à d'autres moments que durant les week-ends et lesvacances, comporte un risque serieux de traumatisme grave de l'enfant ».

Par ces considerations relatives à l'interet de l'enfant, qui ne sefondent pas exclusivement sur des elements lies à l'ecoulement du tempsdepuis le deplacement illicite de l'enfant, l'arret justifie legalement sadecision de refuser la demande d'hebergement principal formulee par ledemandeur et, par voie de consequence, la demande de retour de l'enfant enBelgique.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Et il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union europeennela question prejudicielle suggeree par le demandeur, dont la reponse n'estpas necessaire à l'examen du moyen, en cette branche.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent soixante-sept eurossoixante-neuf centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononceen audience publique du quatre mars deux mille treize par le president desection Albert Fettweis, en presence de l'avocat general delegue MichelPalumbo, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+------------------------------------+
| L. Body | M. Lemal | M. Delange |
|----------+-----------+-------------|
| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
+------------------------------------+

4 MARS 2013 C.11.0675.F/5


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0675.F
Date de la décision : 04/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-03-04;c.11.0675.f ?
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