Cour de cassation de Belgique
Arret
2515
NDEG P.12.1698.F
I. S. M.,
prevenu, detenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Frederic Clement de Clety et MuteteliMarie-Jeanne Kayijuka, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
1. D.P. D.,
2. D. P. K.,
3. Maitre F.A.M. VAN HOOFT, avocat, agissant en qualite de curateur à lafaillite de la societe de droit neerlandais T.P.C. International B.V.,dont le cabinet est etabli à Venray (Pays-Bas), Alaertslaan, 10,
parties civiles,
defendeurs en cassation,
II. H. N. B. T.,
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Pierre Himpler et Benoit Lemal, avocats aubarreau de Bruxelles,
contre
1. D. P. D.,
2. D. P. K.,
parties civiles,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 12 septembre 2012 parla cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Chacun des demandeurs fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
Le president de section Frederic Close a fait rapport.
L'avocat general Raymond Loop a conclu.
II. la decision de la cour
A. Sur le pourvoi de M. S. :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision de condamnationrendue sur l'action publique exercee à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Considerant que la piece deposee par le demandeur au cours du delibere necontient aucun element nouveau et ne presente aucune garantie defiabilite, l'arret decide de ne pas y avoir egard, l'ecarte de laprocedure et refuse de rouvrir les debats.
Une violation des droits de la defense ne saurait se deduire de la seulecirconstance que le juge decide de ne pas rouvrir les debats, meme si lapersonne qui sollicite cette reouverture considere que la piece qu'ildepose à cette fin est essentielle à sa defense.
Dans la mesure ou il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Se limitant, pour le surplus, à critiquer les motifs mentionnes ci-dessuset qui relevent de l'appreciation en fait et partant souveraine de la courd'appel, le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Le moyen reproche à l'arret de ne pas deduire l'irrecevabilite despoursuites de la circonstance qu'ensuite du vol ou de la perte du dossierrepressif, celui-ci n'a pu etre reconstitue que partiellement, enapplication des articles 521 à 524 du Code d'instruction criminelle, audetriment de ses droits de defense. Il critique, par ailleurs, la forceprobante retenue par l'arret, tant à l'egard des parties que des tiers,des elements contenus dans le jugement dont appel, lequel est passe enforce de chose jugee en ce qui concerne les coprevenus non appelants.
L'irrecevabilite de l'action publique ou de son exercice constitue lasanction de circonstances qui empechent d'intenter ou de continuer lespoursuites penales dans le respect du droit au proces equitable.
Les droits de la defense requierent que la personne poursuivie puisse, enregle, non seulement contredire librement devant le juge tous les elementsqui lui sont regulierement opposes, mais aussi faire valoir à sa dechargetout element favorable ou exception. Aucune disposition legale ni principegeneral du droit n'interdit toutefois au juge de statuer sur la base d'undossier dont certaines pieces sont manquantes, pour autant qu'il tiennecompte de cette disparition si elle lui parait susceptible, en fait,d'entraver le libre et complet exercice des droits de defense.
Apres avoir constate que le dossier avait ete vole au greffe de la courd'appel juste avant l'audience initialement fixee pour l'examen de lacause, l'arret considere que, tout en veillant à la reconstitution dudossier repressif, le ministere public n'a rien neglige pour assurer laloyaute de la procedure.
L'arret constate ensuite que, pour chacune des preventions qui lui sontreprochees, le demandeur a soutenu devant la cour d'appel que la pieceetablissant sa culpabilite etait manquante.
Certes, pour pallier la disparition de certaines pieces, les juges d'appelont invoque la force probante des elements contenus dans le jugement dontappel, lequel est passe en force de chose jugee en ce qui concerne lescoprevenus non appelants. Mais ils ont precise que ces elements visaientceux relatifs à l'enquete et ils ont declare refuser toute valeurprobante aux motifs exprimant la conviction du premier juge. La courd'appel a encore enonce qu'elle entendait apprecier l'action publique surle seul fondement des pieces et elements de preuve regulierement produitset qui avaient ete soumis à la contradiction des parties.
Ainsi, l'arret decide legalement que la reconstitution seulement partielledu dossier ne portait pas une atteinte irremediable au droit à un procesequitable et que les poursuites etaient recevables.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 211bis du Coded'instruction criminelle :
Lorsque la juridiction d'appel aggrave les peines infligees par le premierjuge, sa decision doit, en vertu de la disposition visee au moyen,expressement indiquer qu'elle est rendue à l'unanimite des membres dusiege.
Sans indiquer que la cour d'appel a statue à l'unanimite de ses membres,l'arret ajoute aux peines infligees par le premier juge la confiscation duproduit de la vente du mobilier garnissant la maison sise ......à ......,ainsi que l'interdiction pendant dix ans des droits enonces à l'article31, 1DEG, du Code penal.
Ainsi, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision.
Pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peine denullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi. Partant,la declaration de culpabilite et la condamnation aux autres peinesn'encourant pas elles-memes la censure, la cassation sera limitee auxpeines de confiscation et d'interdiction precitees.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre l'ordre d'arrestationimmediate :
En raison du rejet du pourvoi dirige contre elle, la decision decondamnation à la peine d'emprisonnement passe en force de chose jugee,de sorte que le pourvoi dirige contre le mandement d'arrestation immediatedevient sans objet.
3. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions rendues sur lesactions civiles exercees contre le demandeur par les defendeurs :
Le demandeur n'invoque aucun moyen specifique.
B. Sur le pourvoi de N. B.T.H. :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision de condamnationrendue sur l'action publique exercee à charge du demandeur :
Sur le second moyen :
Le demandeur reproche à l'arret de declarer les poursuites recevablesalors que le dossier n'a ete que partiellement reconstitue et l'a ete parle ministere public, sans presenter les memes garanties qu'au cas ou lareconstitution aurait ete realisee par un juge d'instruction.
Hors le cas, etranger à l'espece, ou la destruction ou la disparitiond'un dossier correctionnel ou criminel survient au cours meme del'instruction, la mission de proceder, conformement aux articles 521 à524 du Code d'instruction criminelle, à la reconstitution totale oupartielle du dossier detruit ou disparu ne releve pas des fonctions dujuge d'instruction definies par ledit code.
Des lors qu'en vertu de l'article 140 du Code judiciaire, le ministerepublic veille à la regularite du service des cours et tribunaux, il luiincombe, en regle, de se charger en pareil cas du remplacement des piecesmanquantes.
Du seul fait que la reconstitution d'un dossier, dont les pieces ontdisparu apres la cloture de l'instruction, a ete operee par le ministerepublic et non par le juge d'instruction, il ne saurait se deduire uneviolation du droit au proces equitable garanti par l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Sur le premier moyen :
L'arret porte de six mois à un an la peine d'emprisonnement infligee parle premier juge, supprime le sursis que celui-ci avait accorde tant àl'execution de cet emprisonnement qu'à celle de l'interdiction prevue parl'arrete royal nDEG 22 du 24 octobre 1934 et ajoute à la condamnationprononcee en premiere instance une peine d'interdiction, pendant dix ans,des droits enonces à l'article 31, 1DEG, du Code penal.
Omettant d'indiquer que la cour d'appel avait, pour ce faire, statue àl'unanimite de ses membres, l'arret viole l'article 211bis du Coded'instruction criminelle.
Le moyen est fonde.
Cette illegalite entraine l'annulation des decisions prononcees sur lapeine et sur la contribution au Fonds special pour l'aide aux victimesd'actes intentionnels de violence. La cassation ne s'etend pas à ladecision par laquelle les juges d'appel ont declare les infractionsetablies, puisque l'annulation est encourue pour un motif etranger à ceuxqui justifient cette decision.
Le controle d'office
Pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peine denullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre l'ordre d'arrestationimmediate :
Ce mandement est inseparable de la decision rendue sur la peined'emprisonnement dont il est destine à garantir l'execution.
Il encourt des lors, avec elle, la cassation à prononcer ci-apres.
3. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions rendues sur lesactions civiles exercees contre le demandeur par les defendeurs :
Le demandeur n'invoque aucun moyen specifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arret attaque en tant que, statuant sur l'action publique exerceeà charge de M.S., il le condamne à la confiscation du produit de lavente du mobilier garnissant la maison sise ...., ....... et àl'interdiction pendant dix ans des droits enonces à l'article 31, 1DEG,du Code penal ;
Casse l'arret attaque en tant que, rendu sur l'action publique exercee àcharge de N. B.T. H., il statue sur l'ensemble de la peine et sur lacontribution au Fonds special pour l'aide aux victimes d'actesintentionnels de violence ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne M. S. aux quatre cinquiemes des frais de son pourvoi, N. B. T. H.à la moitie des frais du sien et laisse le surplus à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Sabine Geubel, conseillers, et prononce enaudience publique du vingt-sept fevrier deux mille treize par FredericClose, president de section, en presence de Raymond Loop, avocat general,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | S. Geubel | G. Steffens |
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| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
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27 fevrier 2013 P.12.1698.F/9