Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.11.1665.N
W. S.,
* prevenu,
* demandeur,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. la procedure devant la Cour
III. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 14 septembre 2011 parla cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
IV. Le demandeur fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
V. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
VI. Le premier avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur la recevabilite du pourvoi :
1. L'arret acquitte le demandeur du chef des faits mis à sa chargeA.I.b)2), A.II.b), A.III.b), B.I.b)2), B.II.b), B.III.b), C.I.a(partiellement), C.I.c), C.III.a) et b) et C.VII.a) et f).
Le pourvoi dirige contre cette decision est irrecevable à defautd'interet.
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche :
2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 145, 189et 211 du Code d'instruction criminelle : par la decision que l'usage defaux n'a pas dure jusqu'à la date du 1er avril 2000 fixee par leministere public et par l'ordonnance de renvoi de la chambre du conseil,mais bien jusqu'au 16 janvier 2008, les juges d'appel ont rejete, à tort,la defense du demandeur selon laquelle l'action publique exercee du chefdes faits lui etant imputes etait prescrite ; ils ont fonde la decisionque l'usage de faux a dure jusqu'à cette date sur la seule constatationqu'ensuite de la contestation des avis de rectification de la declarationenvoyes les 29 avril et 5 juin 2009, les impots dus n'etaient toujours pastotalement et definitivement fixes, les poursuites ne pouvant se fondersur des faits posterieurs à l'arret de renvoi rendu le 17 janvier 2008par la chambre des mises en accusation ; les juges d'appel se sont ainsifondes sur des faits posterieurs à l'arret de renvoi et à la periodeincriminee qu'ils ont prise en consideration ; de plus, ils n'ont pasprecise les faits concrets de l'usage au cours de la periode du 1er avril2000 au 16 janvier 2008 ; ils ont ainsi declare le demandeur coupabled'usage de faux commis apres le 1er avril 2000 et, par consequent, defaits dont ils n'etaient pas saisis, et ils n'ont pas legalement justifieleur decision.
3. La decision de renvoi de la juridiction d'instruction saisit lajuridiction repressive d'un certain comportement. Il appartient au jugepenal, compte tenu des termes de la decision de renvoi et à la lumieredes elements du dossier repressif, de determiner de quel agissement ils'agit et de lui donner la qualification exacte comprenant les date etperiode. De plus, il doit, au besoin, adapter les date ou periodeprovisoirement indiquees dans la decision de renvoi pour l'agissement dontil est saisi.
Le juge penal ne peut cependant adapter les dates ou periode de tellesorte qu'il serait saisi d'un fait autre que celui vise par la decision derenvoi. Il doit, de surcroit, prendre en consideration les droits de ladefense pour cette adaptation.
4. Si l'agissement dont est saisi le juge penal par une decision de renvoidoit etre qualifiee d'infraction continue, la periode fixee par ce jugepour cette infraction ne peut se s'etendre au-delà de la date de ladecision de renvoi determinant la saisine.
Cela n'empeche cependant pas le juge qui determine la periode correctepour le fait qualifie infraction continue dont il est saisi, de tenircompte des evenements qui se sont produits apres la decision de renvoi,pour autant qu'ainsi il ne se prononce pas sur des agissements autres queceux dont il est regulierement saisi.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
5. Le juge penal determine souverainement la date ou periode del'agissement punissable qu'il qualifie et dont il a ete saisi par ladecision de renvoi. La Cour verifie uniquement si le juge ne tire pas deses constatations des consequences sans lien avec elles ou qu'elles nesauraient justifier.
6. Pour la prevention B, telle que corrigee par les juges d'appel en cequi concerne les annees d'imposition enoncees, le demandeur etaitpoursuivi du chef de faux et usage de faux, dans l'intention frauduleusede dissimuler les revenus reellement obtenus par les societes Food TradeInternational (FTI) et International Price (IP) et le gain imposable enresultant, par consequent avoir frauduleusement reduit l'assietteimposable à tout le moins pour les annees d'imposition 1997, 1998 et 1999afin d'eluder sensiblement l'impot des societes.
7. Les juges d'appel (arret, ...) ont notamment decide que :
- fut-il etabli, l'usage de faux a ete opere dans la meme intentionfrauduleuse ou dessein de nuire que le faux en lui-meme ;
- l'usage de faux en ecritures constitue une infraction continue, dont laprescription ne commence à courir qu'au moment ou a cesse la situationdelictueuse creee par l'usage ;
- l'usage de faux perdure tant que le but vise par l'auteur du faux n'estpas atteint et tant que l'agissement initial qui lui est impute a produit,sans qu'il s'y oppose, l'effet utile qu'il en esperait ;
- les faux vises en l'espece avaient notamment pour objectif d'eluderl'impot du, à savoir ne pas les payer ou, à tout le moins, en retarderle payement ;
- l'usage de faux perdure donc jusqu'au payement effectif et definitif del'impot elude par le faux ;
- des avis de modification ont ete envoyes le 29 avril 2009 à la FTIconcernant les annees d'imposition 1997, 1998 et 1999, l'administrationfiscale a rejete la comptabilite pour les annees d'imposition 1997 et 1998et la compensation avec pertes anterieures a ete rejetee pour l'anneed'imposition 1999 ;
- le 29 mai 2009, l'administration fiscale a rec,u du conseil de la FTIune reponse de non-acceptation ;
- le 19 fevrier 2010, l'enrolement à l'impot des societes a ete ordonneet l'imposition concernant ces annees a ete declaree executoire le 22fevrier 2010 ;
- aucun payement n'est encore intervenu en ce qui concerne les anneesd'imposition 1997, 1998 et 1999 ;
- les poursuites ne peuvent concerner des faits posterieurs à l'arret derenvoi du 17 janvier 2008.
8. Par ces motifs, les juges d'appel ont adapte la periode à prendre enconsideration pour la prevention B, sans se saisir d'un agissement de faitautre que celui vise par la decision de renvoi. Par les motifs, d'unepart, que des avis de rectification ont ete envoyes le 29 avril 2009 à laFTI, que l'administration fiscale a rec,u le 29 mai 2009 une reponse denon-acceptation, que l'enrolement a ete ordonne le 19 fevrier 2010, quel'imposition a ete declaree executoire le 22 fevrier 2010 et qu'aucunpayement n'est encore survenu et, d'autre part, que les poursuites nepeuvent concerner des faits posterieurs à l'arret de renvoi du 17 janvier2008, l'arret decide, en outre, que le demandeur a egalement poursuivil'usage de faux fiscaux au cours de la periode comprise entre les 1eravril 2000 et 16 janvier 2008. Ainsi, il justifie legalement sa decisionselon laquelle la prescription de l'action publique exercee du chef desfaits de la prevention B ne peut commencer à courir qu'à compter du 16janvier 2008 et que la prescription de l'action publique exercee du chefde l'ensemble des faits mis à charge du demandeur n'est pas encoreacquise.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 de laConstitution, 193, 196, 197 du Code penal, 449 et 450 du Code des Impotssur les revenus (1992) : les juges d'appel ont decide, à tort, quel'usage de faux s'est poursuivi jusqu'au 16 janvier 2008 inclus ; l'usaged'un faux in fiscalibus cesse lorsque l'objectif vise est atteint, àsavoir la tromperie de l'administration fiscale en vue du calcul del'impot, l'evitement de cet impot ou le fait de retarder l'obligation depayement de l'impot ; l'objectif vise est atteint par l'enrolementerronement fonde sur la declaration incorrecte et sur des faux ; lapossibilite de l'administration fiscale d'etablir posterieurement un impotcomplementaire ne peut etre prise en consideration ; en effet, cet impotcomplementaire, par definition, ne se fonde pas sur des pieces utiliseespar le prevenu ; en decidant que l'usage se poursuit jusqu'à ce quel'impot complementaire soit etabli, les juges d'appel ont confondu, d'unepart, l'effet utile de l'usage delictueux consistant à etre parvenu àtromper l'administration fiscale qui a ete obtenu par l'etablissement del'impot initial sur la base de pieces erronees (objectif) et, d'autrepart, l'avantage financier tire d'une imposition erronee et consistant enn'avoir pas paye l'impot du (consequence) ; la decision des juges d'appelse fonde sur la seule constatation qu'en 2009, des avis de rectificationde declaration ont ete envoyes par l'administration fiscale et que cesavis et la procedure fiscale en resultant se situent au-delà du 16janvier 2008, et donc posterieurement à la periode d'incrimination ; iln'est donc pas possible que l'usage punissable de faux puisse concernerl'usage de ces faux dans une procedure fiscale posterieure au 16 janvier2008 ; de plus, les juges d'appel n'ont pas indique les actes d'usage defaux qui auraient ete poses par le demandeur durant la periode courant du1er avril 2000 au 16 janvier 2008, ni le moment ou l'impot a ete enrolesur la base des pretendues pieces et ils ont, ainsi, empeche la Cour deverifier la legalite de l'arret.
10. Lorsqu'un prevenu est poursuivi du chef d'un faux et de son usage, laprescription de l'action publique à l'egard des deux infractions necommence à courir qu'à partir du dernier fait d'usage. L'usage de fauxse perpetue, meme sans fait nouveau de son auteur et sans interventioniterative de sa part, tant que le but qu'il visait n'est pas entierementatteint et tant que cet acte initial qui lui est impute continued'engendrer, sans qu'il s'y oppose, l'effet utile qu'il en attendait.
11. L'article 450 du Code des impots sur les revenus (1992) sanctionne lefaux qui tend à tromper l'administration fiscale en vue du calcul del'impot sur les revenus, à l'eluder et à retarder l'obligation de sonpayement.
En tant qu'il est deduit de la premisse que l'usage de faux au sens del'article 450 precite a atteint son objectif par l'enrolement et quel'usage cesse necessairement à ce moment, le moyen, en cette branche,manque ainsi en droit.
12. Il appartient au juge penal de determiner en fait, en fonction de larealisation ou non de l'objectif poursuivi par l'auteur de l'infraction etde l'effet utile attendu du faux fiscal, si l'usage de celui-ci a prisfin. Il peut, à cet effet, prendre en consideration des evenements defait survenus apres l'ordonnance de renvoi. La Cour verifie uniquement si,de ses constatations, le juge a pu deduire legalement que ce faux a ou noncesse de produire l'effet voulu par le faussaire.
13. Pour la prevention B, telle que rectifiee par les juges d'appel en cequi concerne les annees d'imposition enoncees, le demandeur etaitpoursuivi du chef de faux et usage de faux, dans l'intention frauduleusede dissimuler les revenus reellement obtenus par les societes anonymes FTIet IP et le gain imposable en resultant, par consequent avoirfrauduleusement reduit l'assiette imposable à tout le moins pour lesannees d'imposition 1997, 1998 et 1999 afin d'eluder sensiblement l'impotdes societes.
14. Par les motifs enonces en reponse au moyen, en sa premiere branche,les juges d'appel ont pu decider que l'usage vise par la prevention Bs'etait poursuivi jusqu'au 16 janvier 2008 inclus, que la prescription del'action publique exercee du chef de ces faits n'avait commence à courirqu'à cette date et que la prescription de l'action publique exercee duchef de l'ensemble des faits mis à charge du demandeur n'etait pas encoreacquise. Par les motifs, d'une part, que des avis de rectification ont eteenvoyes le 29 avril 2009 à la FTI, que l'administration fiscale a rec,ule 29 mai 2009 une reponse de non-acceptation, que l'enrolement a eteordonne le 19 fevrier 2010, que l'imposition a ete declaree executoire le22 fevrier 2010 et qu'aucun payement n'est encore survenu et, d'autrepart, que les poursuites ne peuvent concerner des faits posterieurs àl'arret de renvoi du 17 janvier 2008, l'arret decide, en outre, que ledemandeur a egalement poursuivi l'usage de faux fiscaux au cours de laperiode comprise entre les 1er avril 2000 et 16 janvier 2008 inclus.Ainsi, il justifie legalement sa decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
15. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers LucVan hoogenbemt, Filip Van Volsem, Alain Bloch et Peter Hoet, et prononceen audience publique du vingt-six fevrier deux mille treize par lepresident de section Paul Maffei, en presence du premier avocat generalPatrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
26 fevrier 2013 P.11.1665.N/1