Cour de cassation de Belgique
Arret
5090
NDEG C.12.0117.F
COMMUNE DE MERBES-LE-CHATEAU, representee par son college communal, dontles bureaux sont etablis à Merbes-le-Chateau, rue de la Place, 15,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
BELGACOM, societe anonyme de droit public dont le siege social est etablià Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 mars 2011par la cour d'appel de Mons.
Le conseiller Martine Regout a fait rapport.
L'avocat general Andre Henkes a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 10, 11, 149, 159 et 172 de la Constitution ;
- principe general du droit interdisant au juge d'appliquer une norme,notamment un reglement local, contraire à une disposition superieure ;
- articles 1er et 2 du reglement du conseil de la commune deMerbes-le-Chateau du 22 janvier 1999 instaurant une taxe sur les pyloneset mats servant de support aux antennes de diffusion pour GSM pourl'exercice 1999 ;
- articles 1er et 2 du reglement du conseil de la commune deMerbes-le-Chateau du 22 fevrier 2002 instaurant une taxe sur les pyloneset mats servant de support aux antennes de diffusion pour GSM pourl'exercice 2002 ;
- articles 1er et 2 du reglement du conseil de la commune deMerbes-le-Chateau du 9 mai 2003 instaurant une taxe sur les pylones etmats servant de support aux antennes de diffusion pour GSM pour l'exercice2003.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque decide que les reglements-taxes de la demanderesse fondantles impositions litigieuses sont contraires aux articles 10, 11 et 172 dela Constitution, en sorte qu'il y a lieu d'annuler ces impositions apresavoir ecarte sur pied de l'article 159 de la Constitution l'applicationdes reglements declares inconstitutionnels et, confirmant le jugement dupremier juge, dit des lors l'appel de la demanderesse recevable mais nonfonde.
Il fonde cette decision sur les motifs suivants :
« Que la [defenderesse] estime que le reglement-taxe litigieux viole lesarticles 10, 11 et 172 de la Constitution dans la mesure ou il frappeexclusivement les proprietaires de pylones et mats et antennes dediffusion GSM installes sur le territoire de la commune et ne frappe pasles proprietaires des autres types de pylones et mats installes sur leterritoire de la commune alors qu'eu egard au but pretendu de l'impositionlitigieuse, rien ne distingue ces derniers des proprietaires de pylones etmats de diffusion pour GSM ;
Qu'il est constant que les reglements-taxes sur les pylones de GSMlitigieux considerent que `la situation financiere de la commune requiertl'etablissement de toutes taxes susceptibles de rendement' ;
Que l'autorite communale tient son pouvoir de taxation de l'article 170,S: 4, de la Constitution et qu'il lui appartient dans le cadre de sonautonomie fiscale de determiner les bases et l'assiette des impositionsdont elle apprecie la necessite au regard des besoins auxquels elle estimedevoir pourvoir, sous la reserve imposee par la Constitution, à savoir lacompetence du legislateur d'interdire aux communes de lever certainsimpots ;
Qu'il s'ensuit que, sous reserve des exceptions determinees par la loi,les conseils communaux choisissent, sous le controle de l'autorite detutelle, la base des impots leves par eux ;
Que cette large autonomie fiscale des communes trouve sa limite dansl'obligation de respecter le principe de l'egalite devant l'impot, enoncepar l'article 172 de la Constitution, qui est une application de la reglede l'egalite devant la loi etablie par l'article 10 de la Constitution ;
Que les regles constitutionnelles de l'egalite des Belges et denon-discrimination sur le plan des impots n'excluent pas qu'une differencede traitement financier soit etablie selon certaines categories depersonnes pour autant que les criteres de differenciation soientsusceptibles d'une justification objective et raisonnable (voir notammentCass., 1er octobre 1999, T.F.R., 2000, pp. 80 et suiv. ; C.A., 12 novembre1992, nDEGs 67/92 et 68/92, Mon.b., 8 et 22 decembre 1992, p. 25.332 et p.27.191 ; C.A., 11 fevrier 1993, nDEG 10/93, Mon.b., 9 mars 1993, p. 4.966,et la jurisprudence constante du Conseil d'Etat) ;
Que l'existence d'une telle justification objective et raisonnable doits'apprecier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiqueeainsi que de la nature des principes en cause et que le principe del'egalite est viole lorsqu'il est etabli qu'il n'existe pas de rapportraisonnable de proportionnalite entre les moyens employes et le but vise ;
Que, par ailleurs, une rupture d'egalite n'existe que s'il y a distinctionarbitraire, c'est-à-dire lorsque l'autorite administrative applique unregime different à des personnes qui se trouvent dans une meme situationobjective et impersonnelle ;
Que, si les reglements-taxes en matiere de fiscalite locale ne doivent pasetre formellement motives, une obligation de motivation materielle estd'application à l'egard du legislateur local ;
Que l'obligation de motivation materielle signifie que les decisionscommunales doivent etre supportees par des motifs qui sont acceptables endroit et en fait et qui, par consequent, doivent pouvoir etre controlesdans le cadre d'un controle de legalite ;
Que les motifs doivent, en d'autres mots, etre susceptibles d'etre connus(ce qui peut ressortir du dossier), qu'ils doivent etre exacts et qu'ilsdoivent justifier effectivement l'adoption de l'imposition ;
Qu'en ce qui concerne les reglements-taxes communaux, l'obligation demotivation materielle signifie principalement que le but de l'impositiondoit etre clair ;
Que, si aucune obligation de motivation formelle ne pese legalement surles reglements locaux, en ce sens que le corps du texte ne doit contenirni les elements de droit et de fait qui en sont le soubassement ni meme lebut de ce reglement communal, la cour d'appel doit, des lors que lecontribuable souleve une violation des principes constitutionnelsd'egalite et de non-discrimination, se referer aux motifs de ce reglement,lesquels doivent apparaitre dans son preambule ou resulter du dossierconstitue au cours de son elaboration ou, encore, pouvoir etre deduits dudossier administratif produit par la [demanderesse], pour identifier etapprecier la pertinence du critere de differenciation et le but poursuivipar l'auteur d'un reglement-taxe communal ;
Que la doctrine enseigne qu'en cas de contestation, la [demanderesse]pourra, le cas echeant, fournir une motivation complementaire s'inscrivantdans le cadre de la motivation initiale (le but du reglement) qui peutetre deduite du reglement-taxe ou du reglement d'imposition (M. deJonckheere, `De Gemeentelijke belastingbevoegdheid, Fiscaal Juridischeaspecten', Brugge, Die Keure, 1996, p. 123) ;
Que, ce faisant, la cour [d'appel] n'opere pas une assimilation prohibeeentre, d'une part, le necessaire respect des articles 10, 11 et 172 de laConstitution par les reglements fiscaux litigieux et, d'autre part,l'obligation de motivation materielle de ceux-ci ;
Que les pieces deposees par [la demanderesse] justifient qu'à cote desrecettes issues du Fonds des communes, subsides et entrees diverses, desrecettes fiscales s'imposaient pour financer l'ensemble des depensescommunales ;
Que les explications donnees par [la demanderesse] dans ses ecrits deprocedure, specialement à propos des capacites contributives desoperateurs de mobilophonie et du chiffre d'affaires de la [defenderesse]ainsi qu'à propos de la nomenclature de l'ensemble des taxes adoptees parle conseil communal de [la demanderesse] dont la perception etaitnecessaire pour financer l'ensemble des depenses communales selon lebudget previsionnel, qui indiquerait le souci d'une repartition equitablede la charge fiscale entre les differentes categories de contribuables, nepeuvent pallier la carence du dossier relatif au reglement-taxe litigieux;
Qu'en l'espece, le preambule du reglement-taxe se borne, dans une phrasestandard, à viser `la situation financiere de la commune [qui] requiertl'etablissement de toutes taxes susceptibles de rendement', tandis que ledossier administratif ne comporte aucune piece relative à la preparationde la deliberation du conseil communal ;
Que [la demanderesse] ne peut etre suivie lorsqu'elle affirme que, des lemoment ou le reglement-taxe litigieux vise dans son preambule `lasituation financiere de la commune', son but est strictement financier, ensorte qu'il s'agit là d'un motif pertinent et suffisant ;
Que, si le seul motif de la situation financiere de la commune justifiel'existence d'une taxation, cette reference ne permet toutefois aucunementde comprendre pourquoi la taxe concernee est due par les seulsproprietaires de pylones de diffusion pour GSM installes sur le territoirede [la demanderesse] et pourquoi une difference de traitement a ete opereeentre les pylones de diffusion utilises dans le cadre de la telephoniemobile et ceux qui sont utilises à d'autres fins (meme non lucratives oudestinees à des services publics), telles que les infrastructuresdestinees aux emissions de radiodiffusion, de television, deradiocommunication, de transmission de parole ou de donnees par la voiedes airs, ou encore les antennes des services de securite et de servicesde transport en commun ou de radio-transmission pour les services de taxi(meme s'il n'existe pas sur le territoire communal de pylone ou matd'eolienne ou de fournisseur d'acces internet ou wifi), soit desinfrastructures comparables au regard des moyens techniques mis en oeuvre,des eventuels inconvenients generes ou, encore, des preoccupationsurbanistiques et environnementales ;
Que rien ne permet d'affirmer que ces categories ne presenteraient passuffisamment de points communs pour etre qualifiees de comparables,puisque, dans les deux cas, il s'agit de pylones accueillant des antennes;
Que l'argumentation de la [demanderesse] relative, soit à la differenceentre les fins poursuivies par les categories d'exploitants en cause,d'ordre commercial s'agissant de ceux qui sont redevables de la taxe,d'ordre prive ou d'interet general pour les autres, soit à la taille etau nombre des installations exploitees, soit, enfin, à la qualificationlegale de certaines infrastructures, [a] trait en realite à lajustification de la difference de traitement operee, mais [est] depourvuede pertinence pour etablir que les categories d'installations etd'exploitants identifiees par la [demanderesse] ne seraient pascomparables ; qu'il s'ensuit que, faute de connaitre le but poursuivi parl'auteur du reglement-taxe litigieux, la cour d'appel est dansl'impossibilite de verifier si la differenciation faite repose sur uncritere susceptible de justification objective et raisonnable ;
Qu'en presence d'une taxe generale trouvant sa cause dans des motifsexclusivement budgetaires ou financiers, l'autorite communale n'a pas eteen mesure de communiquer à la cour [d'appel] des documents ou actesadministratifs prealables à l'adoption des reglement-taxes litigieuxindiquant eventuellement les considerations de droit et de fait justifiantl'assujettissement à la taxe à charge des seuls proprietaires depylones, mats ou antennes de diffusion pour GSM ;
Que les circulaires de la Region wallonne relatives au budget des communesne contenaient que des recommandations à l'egard des pouvoirs locaux,notamment quant au danger d'une incompatibilite des taxes communales surles antennes paraboliques avec plusieurs dispositions du Traite instituantla Communaute europeenne ;
Qu'en outre, ces circulaires ministerielles adoptees au niveau de laRegion wallonne ne dispensaient nullement l'autorite taxatrice au niveaucommunal d'examiner prealablement avec diligence le respect par sesreglements-taxes des dispositions de la Constitution et ne pouvaient enaucun cas couvrir le vice d'inconstitutionnalite affectant les reglements-taxes litigieux ;
Qu'aucun motif dans le reglement-taxe ou le dossier administratifprealable à l'adoption de celui-ci ne justifie l'adoption dureglement-taxe par la consideration que l'autorite taxatrice entendsoumettre à la taxe les pylones et unites d'emission et de receptiondestines au reseau GSM en raison des capacites contributives desoperateurs de mobilophonie ;
Qu'aucun argument justifiant les impositions litigieuses par reference àdes considerations environnementales n'est invoque, ni dans le preambuledu reglement-taxe, ni dans le dossier administratif ;
Que, s'il ne peut etre exige du pouvoir local taxateur de justifier a priori, dans son reglement-taxe ou dans le dossier administratif, lesmotifs d'exoneration reserves à certaines categories de contribuablespotentiels se trouvant sur le territoire communal echappant ainsi àl'impot, il doit toujours etre en mesure de justifier laconstitutionnalite du reglement-taxe dans le cadre du controle exerce parle juge sur la base de l'article 159 de la Constitution, lorsqu'unecategorie de contribuables invoque la violation des articles 10, 11 et 172de la Constitution ;
Que le principe de l'autonomie fiscale communale ne justifie pas ladiscrimination creee par le reglement-taxe litigieux ;
Qu'en vertu de l'article 159, la cour [d'appel] ne peut appliquer unreglement general ou local que pour autant qu'il soit conforme aux lois etaux normes juridiques superieures ».
Griefs
Premiere branche
1. Aux termes de l'article 159 de la Constitution et du principe generaldu droit vise au moyen, les cours et tribunaux ne peuvent appliquer lesarretes, reglements generaux, provinciaux et locaux que pour autant qu'ilssoient conformes aux lois et à la Constitution.
Les regles constitutionnelles relatives à l'egalite des Belges et à lanon-discrimination en matiere d'impots, consacrees par les articles 10, 11et 172 de la Constitution, n'excluent pas qu'une distinction soit faiteentre differentes categories de personnes, specialement entre lesredevables d'un impot et d'autres categories de personnes comparables quin'y sont pas soumises, pour autant que le critere de distinction soitsusceptible de justification objective et raisonnable.
L'existence d'une telle justification doit s'apprecier par rapport au butet aux effets de l'impot instaure ainsi que d'un rapport raisonnable deproportionnalite entre les moyens mis en oeuvre et le but vise.
Il faut mais il suffit des lors que la difference de traitement fiscalinstauree par le choix de la categorie de personnes redevables d'un impot,et l'exclusion des autres categories de personnes comparables qui endecoule, soit susceptible de justification objective, raisonnable etproportionnee.
Ni les dispositions constitutionnelles precitees ni aucune autre reglen'imposent en revanche que cette justification soit reprise dans lepreambule du reglement-taxe controle ou dans des pieces du dossierconstitue au cours de son elaboration.
2. La demanderesse faisait en l'espece valoir, entre autresjustifications, que l'assujettissement des seuls proprietaires de pyloneset mats servant de support aux antennes de diffusion mobilophonique, àl'exclusion des proprietaires de supports de diffusion utilises àd'autres fins, puise sa justification dans la capacite contributiveparticuliere des premiers et invoquait à l'appui de cette justificationdifferents elements et documents en vue d'etablir l'importance desresultats financiers de la defenderesse, en particulier des communiques depresse de son auteur faisant etat de son chiffre d'affaires au cours desexercices 1999 à 2003 ainsi que des rapports annuels consignant lesrevenus de son groupe.
L'arret attaque considere cependant que les reglements-taxes litigieuxsont contraires aux regles constitutionnelles d'egalite et denon-discrimination en matiere fiscale aux motifs :
- d'une part, « qu'aucun motif dans le reglement-taxe ou le dossieradministratif prealable à l'adoption de celui-ci ne justifie l'adoptiondu reglement-taxe par la consideration que l'autorite taxatrice entendsoumettre à la taxe les pylones et unites d'emission et de receptiondestines au reseau GSM en raison des capacites contributives desoperateurs de mobilophonie », alors que la conformite d'un reglement-taxelocal aux regles constitutionnelles precitees doit, à le suivre,s'apprecier au regard des « motifs de ce reglement, lesquels doiventapparaitre dans son preambule ou resulter du dossier constitue au cours deson elaboration ou, encore, pouvoir etre deduits du dossier administratifproduit par la [demanderesse] », et,
- d'autre part, que « les explications donnees par la [demanderesse] dansses ecrits de procedure, specialement à propos des capacitescontributives des operateurs de mobilophonie et du chiffre d'affaires dela [defenderesse], ne peuvent pallier la carence du dossier relatif aureglement-taxe litigieux ».
3. En exigeant que la justification de la difference de traitement releveeressorte des reglements-taxes litigieux ou de documents composant ledossier constitue en vue de leur adoption et en refusant en consequenced'avoir egard au critere de distinction ainsi qu'aux elements et documentsdestines à l'etayer que la demanderesse invoquait en conclusions, l'arretattaque subordonne la conformite des reglements-taxes litigieux auxarticles 10, 11 et 172 de la Constitution à une condition de motivationque ni ces articles ni aucune autre disposition legale ouconstitutionnelle n'imposent et soumet des lors ces reglements-taxes à uncontrole excedant la portee des articles 10, 11, 159 et 172 de laConstitution et du principe general du droit vise au moyen, violant ainsices dispositions constitutionnelles et ce principe general du droit.
L'arret attaque n'a pu davantage, sur la base des considerationsprecitees, legalement conclure que le but poursuivi par la demanderesselors de l'adoption de ces reglements-taxes demeure inconnu ni censurer enconsequence lesdits reglements. Cette decision encourt des lors les memesgriefs (violation des articles 10, 11, 159 et 172 de la Constitution et duprincipe general du droit vise au moyen).
En refusant, sur pied de ces considerations illegales, d'appliquer lesreglements-taxes du conseil de la [demanderesse] des 22 janvier 1999, 22fevrier 2002 et 9 mai 2003 instaurant une taxe sur les pylones et matsservant de support aux antennes de diffusion pour GSM respectivement pourl'exercice 1999, 2002 et 2003, l'arret attaque viole egalement lesdispositions de ces reglements visees au moyen, l'article 159 de laConstitution et le principe general du droit interdisant au juged'appliquer une norme contraire à une disposition superieure, en ce qu'ilecarte l'application de reglements declares à tort inconstitutionnels.
Seconde branche
1. Aux termes de l'article 159 de la Constitution et du principe generaldu droit vise au moyen, les cours et tribunaux ne peuvent refuserd'appliquer les arretes, reglements generaux, provinciaux et locaux quepour autant qu'ils ne soient pas conformes aux lois et à la Constitution.
2. Les regles constitutionnelles relatives à l'egalite des Belges et àla non-discrimination en matiere d'impots, consacrees par les articles 10,11 et 172 de la Constitution, n'excluent pas qu'une distinction soit faiteentre differentes categories de personnes, specialement entre lesredevables d'un impot et d'autres categories de personnes comparables quin'y sont pas soumises, pour autant que le critere de distinction soitsusceptible de justification objective et raisonnable.
Il ne saurait se deduire de la seule circonstance qu'un reglement-taxecommunal frappe les seuls pylones GSM à l'exclusion des pylonesd'eolienne, de fournisseurs d'acces internet, du reseau « wifi » ou deradiocommunication que ce reglement-taxe comporterait une violation duprincipe d'egalite et de non-discrimination decoulant desdits articles 10,11 et 172 de la Constitution. Il en est specialement ainsi si aucun pylonede ce type ne se trouve erige sur le territoire communal.
3. Dans ses conclusions additionnelles et de synthese d'appel apresreouverture des debats, la demanderesse faisait valoir à cet egard, d'unepart, « que les reglements-taxes ici litigieux visent dans leur preambulela situation financiere de la commune ; que leur but est strictementfinancier [...] ; [qu']il s'agit-là [...] d'un motif pertinent etsuffisant » et, d'autre part, « qu'il n'existe pas, sur le territoirecommunal, de pylone ou mat d'eolienne, de fournisseur d'acces à internetou encore de pylone ou mat du reseau wifi ; qu'il ne saurait partant etrereproche à la [demanderesse] de ne pas avoir taxe ces installationsinexistantes sur le territoire communal durant les exercices d'impositionlitigieux ; qu'il faut d'ailleurs souligner que [la demanderesse] nes'etait pas revendiquee d'une quelconque discrimination à l'egard de cesinstallations dans le cadre de sa reclamation et devant le premier juge ;que, pour ce motif, en tout etat de cause, le principe d'egalite et denon-discrimination ne saurait etre viole ; que l'on se referera, à cesujet, à l'analyse de l'arret prononce par le Conseil d'Etat le 21janvier 2009 (Mobistar / commune de Braine-le-Chateau) ».
4. Des lors que les juges d'appel etaient saisis de pareilles conclusions,l'arret attaque n'a pu decider :
« Que [la demanderesse] ne peut etre suivie lorsqu'elle affirme que, desle moment ou le reglement-taxe litigieux vise dans son preambule `lasituation financiere de la commune', son but est strictement financier, ensorte qu'il s'agit là d'un motif pertinent et suffisant ;
Que, si le seul motif de la situation financiere de la [demanderesse]justifie l'existence d'une taxation, cette reference ne permet toutefoisaucunement de comprendre pourquoi la taxe concernee est due par les seulsproprietaires de pylones de diffusion pour GSM installes sur le territoirede [la demanderesse] et pourquoi une difference de traitement a ete opereeentre les pylones de diffusion utilises dans le cadre de la telephoniemobile et ceux utilises à d'autres fins (meme non lucratives ou destineesà des services publics), telles que les infrastructures destinees auxemissions de radiodiffusion, de television, de radiocommunication, detransmission de parole ou de donnees par la voie des airs, ou encore lesantennes des services de securite et de services de transport en commun oude radio-transmission pour les services de taxi (meme s'il n'existe passur le territoire communal de pylone ou mat d'eolienne ou de fournisseurd'acces internet ou wifi), soit des infrastructures comparables au regarddes moyens techniques mis en oeuvre, des eventuels inconvenients generesou encore des preoccupations urbanistiques et environnementales ».
Ce faisant, en effet, l'arret attaque viole les articles 10, 11 et 172 dela Constitution en considerant qu'un reglement-taxe communal ne frappequ'un type d'installation (en l'espece les pylones GSM) et non desinstallations comparables, meme si aucunes installations comparables auxinstallations visees par ce reglement ne sont situees sur le territoirecommunal. Il viole, par voie de consequence, les dispositions desreglements-taxes vises au moyen, l'article 159 de la Constitution et leprincipe general du droit vise au moyen en ce qu'il ecarte l'applicationde reglements declares à tort inconstitutionnels.
A tout le moins, en s'abstenant d'indiquer dans ses motifs si des pylonesou mats comparables, dans son esprit, aux pylones GSM vises par lesreglements-taxes litigieux, etaient etablis sur le territoire de lademanderesse, l'arret attaque ne permet pas à la Cour d'exercer soncontrole de legalite et n'est des lors pas regulierement motive (violationde l'article 149 de la Constitution).
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
La regle de l'egalite des Belges devant la loi contenue dans l'article 10de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance desdroits et libertes reconnus aux Belges inscrite dans l'article 11 de laConstitution ainsi que celle de l'egalite devant l'impot exprimee dansl'article 172 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouventdans la meme situation soient traites de la meme maniere mais n'excluentpas qu'une distinction soit faite entre differentes categories depersonnes pour autant que le critere de distinction soit susceptible dejustification objective et raisonnable ; l'existence d'une tellejustification doit s'apprecier par rapport au but et aux effets de lamesure prise ou de l'impot instaure ; le principe d'egalite est egalementviole lorsqu'il est etabli qu'il n'existe pas de rapport raisonnable deproportionnalite entre les moyens employes et le but vise.
S'il n'est pas requis que la justification ressorte immediatement du seulreglement attaque, encore faut-il en pareil cas que l'objectif pouvantraisonnablement justifier la difference de traitement qui en decouleapparaisse du dossier constitue au cours de son elaboration ou puisse etrededuit du dossier administratif constitue par son auteur.
En considerant « qu'aucun motif dans le reglement-taxe ou dans le dossieradministratif prealable à l'adoption de celui-ci ne justifie l'adoptiondu reglement-taxe par la consideration que l'autorite taxatrice entendsoumettre à la taxe les pylones et unites d'emission et de receptiondestines au reseau GSM en raison des capacites contributives desoperateurs de mobilophonie [ou] par reference à des considerationsenvironnementales » et « que les explications donnees par la[demanderesse] dans ses ecrits de procedure [...] ne peuvent pallier lacarence du dossier relatif au reglement-taxe litigieux », l'arretjustifie legalement sa decision que, « faute de connaitre le but [autrequ'un but strictement financier] poursuivi par l'auteur du reglement-taxe,la cour d'appel est dans l'impossibilite de verifier si la differenciationfaite repose sur un critere susceptible de justification objective etraisonnable » et qu'il convient, des lors, de refuser l'application desreglements litigieux.
Quant à la seconde branche :
D'une part, il ne ressort pas des motifs de l'arret que critique le moyen,en cette branche, que celui-ci exclurait qu'il existat sur le territoirede la commune des installations comparables autres que des pylones ou matsd'eoliennes ou de fournisseur d'acces Internet ou wifi.
D'autre part, en l'absence de conclusions sur ce point, l'arret n'etaitpas tenu de constater expressement la presence de ces autresinstallations.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de six cent vingt-cinq euros quatre-vingt-sixcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent six eurosvingt-quatre centimes envers la partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du vingt et un fevrier deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | A. Simon |
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| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
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21 FEVRIER 2013 C.12.0117.F/16