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21/02/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0063.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 février 2013, C.12.0063.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4903



NDEG C.12.0063.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des douanes et accises à Bruxelles, dont les bureaux sontetablis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,

contre

P. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4903

NDEG C.12.0063.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des douanes et accises à Bruxelles, dont les bureaux sontetablis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,

contre

P. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 octobre 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 28sexies, S:S: 1er et 2, alinea 2, et 61quater, S:S: 1er et 2,alinea 2, du Code d'instruction criminelle ;

- articles 584 et 602, 2DEG, du Code judiciaire ;

- article 275, S: 1er, de l'arrete royal du 18 juillet 1977 portantcoordination des dispositions generales relatives aux douanes et accises.

Decisions et motifs critiques

L'arret, statuant en matiere civile et en refere, « se declare competent» pour connaitre de la demande du defendeur concernant les objets saisissur la base de la loi generale sur les douanes et accises et condamne ledemandeur, la liste des objets saisis ayant ete dressee et signee par lesdeux parties, à remettre immediatement et provisoirement au defendeur lesobjets repris sur la liste et à payer les depens des deux instances, auxmotifs que :

« [Le demandeur] estime que la cour [d'appel] n'est pas competente pour[connaitre de] la demande en ce qu'elle porte sur la saisie dans le cadrede la legislation douaniere ;

[Le demandeur] fait valoir qu'en l'espece l'administration des douanes etaccises est partie poursuivante et que, concernant la demande [dudefendeur], seul est applicable - à l'exclusion des articles 28sexies,61quater et 61sexies du Code d'instruction criminelle - l'article 275 dela loi generale sur les douanes et accises ;

Cet article 275 donne la possibilite au saisi de demander et d'obtenir lamainlevee de la saisie sous caution suffisante de la valeur des objetssaisis convenue avec le receveur ou du montant de l'amende encourue. Danscertains cas, la mainlevee doit ou peut etre refusee ;

Il en resulte que, dans le cadre de la loi generale sur les douanes etaccises, le saisi ne peut que demander la mainlevee de la saisie, pasd'autres mesures (comme celles demandees par [le defendeur] en l'espece),que la mainlevee est en tout cas soumise au paiement d'un certain montantet que le refus de la mainlevee est decide par l'administration desdouanes et accises sans etre soumis au controle d'un magistrat ;

Vu cette constatation et compte tenu en outre que, de la sorte, [ledefendeur] ne peut se prevaloir devant un magistrat de ce que les visitesdomiciliaires effectuees par l'administration des douanes et accises sontnulles au motif qu'en date du 27 janvier 2011, la Cour constitutionnelle ajuge que les articles 197 et 198 de la loi generale sur les douanes etaccises violent les articles 10, 11 et 15 de la Constitution ainsi que lesarticles 6, S: 1er, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales, le president du tribunal depremiere instance ou la cour d'appel siegeant en refere est competent pourconnaitre de la demande [du defendeur] en ce qu'elle porte sur la saisiedans le cadre de la legislation douaniere ;

[...] La cour [d'appel] estime que, pour preserver les droits des deuxparties en cause, les mesures suivantes s'imposent :

- [le demandeur], plus precisement l'administration des douanes etaccises, invitera [le defendeur] dans les huit jours à partir de lasignification du present arret pour que les deux parties dressentcontradictoirement une liste des objets saisis sur la base de lalegislation douaniere ;

Cette liste doit comporter une description detaillee des objets dontquestion et doit etre signee par les deux parties ;

Chacune des parties recevra un exemplaire de la liste ;

La liste ayant ete dressee et signee par les deux parties, [le defendeur]sera immediatement et provisoirement remis en possession des objets qui ysont repris. Il ne pourra les aliener jusqu'au moment d'une decision aufond qui donne mainlevee de la saisie ou d'une autorisation [dudemandeur]».

Griefs

Premiere branche

Dans ses conclusions additionnelles et de synthese devant la cour d'appel,le demandeur a soutenu :

« Le premier juge aurait du se declarer incompetent pour connaitre dulitige ;

Le [demandeur] a depose de la jurisprudence recente ou chaque fois,lorsqu'il est question de levee d'une saisie en matiere de douanes etaccises, le juge des referes ou le juge des saisies se declarentincompetents ;

Il est etonnant que le premier juge ne tienne pas compte de la theorieexpliquee par le [demandeur] et acceptee par les cours et tribunaux maisse base sur le pouvoir judiciaire de `prevenir ou reparer toute atteinteportee fautivement à un droit subjectif par l'autorite administrativedans l'exercice de son pouvoir discretionnaire' ;

Le [demandeur] fait remarquer qu'il ne s'agit pas d'une decisionadministrative mais qu'il s'agit d'un acte dans l'exercice de son droit depoursuites dans le cadre d'une legislation penale particuliereincompatible avec la procedure devant un juge civil ;

Il y a lieu de rappeler les regles et la legislation ;

A. Dans le cadre d'une enquete penale, l'administration des douanes etaccises a retenu des marchandises ;

Pour certains delits, des lois particulieres peuvent attribuer despouvoirs de poursuites aux administrations ;

Tel est le cas de l'administration des douanes et accises ;

Elle prend l'initiative de poursuivre, à l'exclusion du ministere publicqui requiert uniquement les peines d'emprisonnement à l'audience ;

En d'autres mots, l'administration est partie poursuivante ;

La loi generale des douanes et accises est une loi particuliere ;

Comme la saisie a ete effectuee dans le cadre d'une enquete penale meneepar l'administration et pour statuer sur le sort de la marchandise dont laconfiscation peut etre prononcee par un juge penal, aucun juge civil n'estcompetent pour statuer ;

Les regles en matiere d'instruction penale s'opposent à l'immixtion dujuge civil ;

Conformement à la loi generale des douanes et accises, c'est le juge penal qui est competent pour statuer sur la regularite ou non de la saisieet sur la confiscation ;

B. Evolution de la procedure pour le cas ou un individu se considere commelese par des mesures d'enquete ou d'instruction :

Les juges en refere se consideraient competents pour autant que les reglesen matiere de procedure ne s'y opposent pas (Cass., 21 mars 1985, Arr.Cass., 1984-1985, 1008 ; Cass., 27 juin 1986, R.W., 1986-1987, 1981) ;

La cour d'appel a estime que la competence du juge des referes cesselorsque son intervention est incompatible avec les principes et lois quireglent le pouvoir judiciaire du tribunal penal ou l'exercice despoursuites (Bruxelles, 24 juin 1994, J.L.M.B., 825) ;

Ensuite, la loi Franchimont a cree durant l'enquete menee par le procureurdu Roi (articles 28sexies et 61 du Code d'instruction criminelle), lemoyen de demander la levee d'un acte d'enquete instruit par la voie durefere penal ;

Toutefois, l'article 28sexies de ce code precise qu'il n'est applicablequ'à defaut de dispositions dans les lois particulieres. Donc, si une loiparticuliere penale a prevu les regles de retenue ou de saisie d'objets etde moyens de droit dont le prevenu, la partie lesee ou un tiers peuvent seprevaloir, seul ce regime sera d'application ;

Des lors, la loi generale des douanes et accises, loi particuliere, quiprevoit un propre regime de moyens de droit tendant à la levee de lasaisie (article 275), est seule applicable ;

[...] Par ces motifs,

Plaise à la Cour,

[...] Pour ce qui concerne la demande concernant la saisie dans le cadrede la legislation douaniere, se declarer incompetente pour connaitre de lademande, le juge penal etant seul competent ».

Il appert de ces conclusions que le demandeur n'a pas seulement plaide quela competence du juge des referes etait incompatible avec l'article 275 dela loi generale sur les douanes et accises mais que le juge des referessiegeant en matiere civile etait incompetent pour connaitre de la demandedu defendeur en mainlevee provisoire de la saisie, seul un juge penaletant competent pour connaitre d'une telle demande.

A cette defense-là, ni les motifs de l'arret cites plus haut ni aucunautre motif ne repondent, de sorte que l'arret n'est pas regulierementmotive en ce qu'il declare la cour d'appel siegeant en refere et enmatiere civile competente pour connaitre de la demande du defendeur(violation de l'article 149 de la Constitution).

Seconde branche

L'article 275, S: 1er, de la loi generale sur les douanes et accisesdispose que, « si le saisi le reclame, il sera donne mainlevee desmarchandises, navires et attelages, sous caution suffisante de leur valeurconvenue entre le receveur et la partie interessee ou du montant del'amende encourue ».

Cette disposition figure sous le chapitre XXV « Proces-verbaux,declarations en contraventions, saisies et poursuites » et s'inscrit dansle cadre d'une poursuite ou d'une enquete penale menee parl'administration des douanes et accises. Elle est par consequent unedisposition de procedure penale.

Une loi du 12 mars 1998, entree en vigueur le 2 octobre 1998, a introduitle refere penal dans le Code d'instruction criminelle.

Ainsi, l'article 28sexies, S: 1er, du Code d'instruction criminelledispose que, « sans prejudice des lois particulieres, toute personnelesee par un acte d'information relatif à ses biens peut en demander lalevee au procureur du Roi ». En vertu du paragraphe 2, alinea 2, leprocureur du Roi statue au plus tard dans les quinze jours del'inscription de la requete dans le registre.

L'article 61quater, S: 1er, dispose que « toute personne lesee par unacte d'instruction relatif à ses biens peut en demander la levee au juged'instruction ». Et l'article 61quater, S: 2, alinea 2, ajoute que « lejuge d'instruction statue au plus tard dans les quinze jours del'inscription de la requete dans le registre ».

Cette competence donnee au procureur du Roi ou au juge d'instruction pourstatuer sur une demande de levee d'un acte d'information ou d'une mesured'instruction affectant les biens d'une personne soupc,onnee d'un delit ouinculpee exclut la competence du juge des referes statuant en matierecivile.

Il s'ensuit qu'en se declarant competente pour connaitre de la demande dudefendeur en ce que celle-ci concerne les objets saisis sur la base de laloi generale des douanes et accises, la cour d'appel « siegeant enmatiere civile » a meconnu les articles 28sexies et 61quater du Coded'instruction criminelle vises en tete du moyen.

Parallelement, en se declarant competente pour connaitre de la demande dudefendeur, la cour d'appel a applique illegalement l'article 584 du Codejudiciaire qui attribue au president du tribunal de premiere instance, etaux juges d'appel (article 602, 2DEG, du Code judiciaire) saisis del'appel de l'ordonnance presidentielle, competence pour statuer en refere(violation desdits articles 584 et 602, 2DEG).

La cour d'appel a egalement viole l'article 275, S: 1er, precite de la loigenerale sur les douanes et accises, cette disposition excluantl'intervention d'un juge civil pour statuer sur une demande de mainlevee,fut-elle provisoire, d'une saisie operee par les agents des douanes etaccises dans le cadre d'une instruction penale.

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

L'arret declare le juge civil siegeant en refere competent pour connaitrede la demande du defendeur en mainlevee d'une saisie effectuee parl'administration des douanes et accises dans le cadre de la poursuited'une infraction penale aux lois en matiere de douanes et accises.

S'agissant d'une telle saisie, l'article 275, S: 1er, de la loi generalerelative aux douanes et accises dispose que, si le saisi le reclame, ilsera donne mainlevee des marchandises, navires, voitures et attelages,sous caution suffisante de leur valeur convenue entre le receveur et lapartie interessee ou du montant de l'amende encourue.

En reconnaissant au juge civil siegeant en refere le pouvoir de connaitrede la demande en mainlevee, l'arret viole cette disposition legale.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Et il n'y a lieu d'examiner ni la premiere branche ni le surplus de laseconde branche du moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plusetendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur la demande du defendeur enmainlevee de la saisie pratiquee sur la base de la loi generale sur lesdouanes et accises et sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du vingt et un fevrier deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

21 FEVRIER 2013 C.12.0063.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0063.F
Date de la décision : 21/02/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-02-21;c.12.0063.f ?
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