Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.0867.N
I
M. F.,
* inculpe,
* demandeur,
* Me Bart Spriet et Me Hans Symoens, avocats au barreau d'Anvers.
(...)
IV
D. D. C.,
inculpe,
* demandeur,
tous les pourvois contre
1. J. B., et cts
parties civiles,
defendeurs.
I. la procedure devant la Cour
V. Les pourvois sont diriges contre l'arret rendu le 29 mars 2012 par lacour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
VI. Le demandeur I fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
VII. Le demandeur II fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
VIII. Le demandeur III fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
IX. Le demandeur IV ne fait valoir aucun moyen.
X. Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
XI. L'avocat general Marc De Swaef a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur le premier moyen du demandeur I :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 et 13 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsique la meconnaissance du principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense : les juges d'appel ont decide, à tort, qu'ils nepouvaient prononcer le non-lieu que lorsque le depassement du delairaisonnable a gravement et irremediablement porte atteinte àl'administration de la preuve et aux droits de la defense ; ils devaientcependant prononcer le non-lieu des que ce depassement aura soit entrainela deterioration des elements de preuve, soit rendu impossible l'exercicenormal des droits de la defense ; en constatant que le demandeur declarequ'au terme d'une periode de 14 ans et demi, d'importantes piecesfinancieres ne sauraient plus etre disponibles, l'arret ne pouvaitlegalement deduire sur la base de la seule consideration qu'une enquetefinanciere approfondie pourra etre ulterieurement soumise à lacontradiction, qu'il n'en resulte pas une violation irremediable del'exercice normal des droits de la defense ; en constatant uniquement ledepassement du delai raisonnable, l'arret n'accorde au demandeur aucunereparation en droit et laisse à la juridiction de jugement le soin d'endecider à un stade ulterieur.
2. L'arret (...) decide : « En l'espece, le depassement du delairaisonnable n'a pas porte atteinte ni à la fiabilite de la preuve, ni auxdroits de la defense ou au droit à un proces equitable et les inculpespeuvent toujours exercer normalement leurs droits de defense.
L'administration de la preuve peut encore etre soumise à lacontradiction, tant à charge qu'à decharge. »
Ainsi, l'arret indique que le depassement constate du delai raisonnablen'a porte atteinte ni à l'administration de la preuve, ni n'a renduimpossible l'exercice normal des droits de defense du demandeur.
Dans cette mesure, le moyen se fonde sur une lecture erronee de l'arret etmanque en fait.
3. Le juge apprecie souverainement quelles sont les consequences dudepassement du delai raisonnable qu'il constate. La Cour verifieuniquement si le juge ne tire pas de ses constatations des consequencessans lien avec celles-ci ou qu'elles ne peuvent justifier.
4. Dans la mesure ou il oblige la Cour à proceder à un examen des faitspour lequel elle est sans competence, le moyen est irrecevable.
5. Il ne peut etre deduit uniquement de la duree de la procedure quel'administration de la preuve et les droits de defense de l'accuse sontserieusement et irremediablement leses.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
6. Pour le surplus, l'arret (...) ne fonde pas uniquement la decisionsusmentionnee sur le motif que le moyen enonce, mais egalement sur lesmotifs suivants :
- les inculpes auront la possibilite d'assurer leur defense à dechargequant à leurs allegations qu'ils ne pourraient plus actuellement etayerleurs positions parce que certaines pieces ne seraient plus disponibles enraison du temps ecoule, que certains temoignages ne seraient pluspossibles, qu'ils ne seraient pas entendus à tous egards et qu'ils nepourraient plus actuellement se souvenir de tout ce qui concerne lesfaits,
- une instruction minutieuse a ete menee par une enquete financiere tresapprofondie et diverses auditions de personnes concernees et de temoins,cette instruction pouvant etre contestee devant le juge competent,
- l'instruction se poursuivra devant le juge du fond et, à l'evidence,les inculpes ont dejà au prealable pu reunir ou rassembler certainespieces, eu egard à leurs auditions en cours de procedure.
7. Par ces motifs, l'arret justifie legalement la decision selon laquellele depassement du delai raisonnable n'a pas porte serieusement etirremediablement prejudice à l'administration de la preuve et aux droitsde defense du demandeur.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
8. La juridiction d'instruction qui, en vertu de l'article 13 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, prevoit une reparation en droit adequate en cas dedepassement du delai raisonnable, decide de maniere souveraine en quoiconsiste cette reparation sur la base des elements qu'elle constate.
9. La simple constatation du depassement du delai raisonnable au stade dureglement de la procedure peut constituer en soi la reparation dudepassement du delai raisonnable dont le juge du fond devra tenir compteet dont il tirera les consequences prevues par la loi
10. Contrairement à la premisse dont est deduit le moyen, une reparationen droit adequate n'est pas inexistante du fait que, bien qu'elle trouveson fondement avant la saisine du juge du fond, cette reparation en droitn'a de consequences qu'à un stade ulterieur de la procedure, plusprecisement lors de l'appreciation de la procedure dans son ensemble.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Sur le second moyen du demandeur I :
11. Le moyen invoque la violation des articles 197 du Code penal, 450 duCode des Impots sur les Revenus (1992) et 21 de la loi du 17 avril 1878contenant le Titre preliminaire du Code de procedure penale : en admettantque l'usage de faux se poursuit jusqu'au terme de l'effet utile del'infraction d'usage de faux, plus precisement jusqu'au paiement del'impot, l'arret meconnait la signification courante de l'usage et ne faitpas courir la prescription à compter du terme de l'infraction, mais duterme de la correlation avec une infraction dejà reputee parfaiteanterieurement ; l'arret decide que l'usage de faux se poursuit jusqu'au28 fevrier 2006 au moins, à savoir la date de la declaration d'accordavec l'administration fiscale, alors qu'il ne constate pas que cetteadministration a encore ete lesee par les pieces entachees de faux apresle 22 mai 2002, à savoir la date à laquelle l'administration a informele parquet du faux et que le demandeur a indiquee comme date finale del'usage de faux.
12. L'arret ne decide pas que l'usage de faux se poursuit jusqu'aupaiement de l'impot, mais bien jusqu'à l'accord conclu le 28 fevrier 2006avec l'administration fiscale.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
13. La prescription de l'action publique concernant l'usage de fauxcommence à courir à compter du moment ou cesse l'effet de cet usagevoulu par le faussaire et ou il ne peut plus nuire ni leser autrui. Lejuge constate ce moment souverainement sur la base des elements du dossierrepressif. La Cour verifie uniquement si le juge ne meconnait pas lasignification courante du mot usage.
14. L'effet produit par l'usage de faux et voulu par le faussaire peut sepoursuivre jusqu'à la date à laquelle il n'invoque plus le faux afind'en obtenir un avantage illicite ou de causer un prejudice. Lorsque cetusage a pour objectif de reporter le paiement des impots dus, l'usage peutcontinuer au plus tard jusqu'à la date du paiement inconditionnel de cesimpots.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
15. Adoptant les motifs enonces dans la note ecrite du ministere public,l'arret (...) fixe la fin de l'usage de faux concernant à la fois le fauxen droit commun que le faux fiscal à la date du 28 fevrier 2006, au motifque :
« L'objectif poursuivi par les faits de faux en ecritures et usage defaux en matiere de droit commun et fiscal consiste, d'une part, àdissimuler l'usage litigieux de moyens financiers et, d'autre part, àechapper à une declaration et un paiement corrects des impots dus.
Les faux retenus en l'espece avaient donc notamment pour objectif d'eluderles impots dus, à savoir ne pas les payer ou, à tout le moins, enreporter le paiement.
Il ressort en l'espece du dossier qu'en la cause SA Apotheek Spruyt, unaccord soit intervenu avec l'administration fiscale le 28 fevrier 2006(partie VII, piece 2606-2607). Aucune donnee ulterieure n'est disponibleconcernant le paiement definitif et les modalites de recouvrement à lasuite de cet accord, de sorte qu'il peut etre etabli hic et nunc quel'usage necessaire de faux a perdure à tout le moins jusqu'au 28 fevrier2006.
Le delai de prescription ne commence, par consequent, à courir qu'àcompter du 28 fevrier 2006 (...) ».
16. Par ces motifs, les juges d'appel ont decide, sans meconnaitre lasignification courante du mot usage, que l'objectif poursuivi au moyen desfaux n'etait pas atteint jusqu'à la date de la declaration d'accord avecl'administration fiscale, et ils ont justifie legalement leur decisionselon laquelle la prescription de l'usage de faux n'a pu commencer àcourir qu'à cette date.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
(...)
Le controle d'office
33. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette les pourvois ;
* Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillers LucVan hoogenbemt, Filip Van Volsem, Antoine Lievens et Erwin Francis, etprononce en audience publique du dix-neuf fevrier deux mille treize par lepresident de section Paul Maffei, en presence de l'avocat general MarcDe Swaef, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Gustave Steffens ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
19 fevrier 2013 P.12.0867.N/1