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18/02/2013 | BELGIQUE | N°S.12.0004.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 février 2013, S.12.0004.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4457



NDEG S.12.0004.F

BREF, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Schaerbeek, rue Rubens, 114,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public, dont lesbureaux sont etablis à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

defendeur en cassation

,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles,...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4457

NDEG S.12.0004.F

BREF, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Schaerbeek, rue Rubens, 114,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public, dont lesbureaux sont etablis à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 octobre 2011par la cour du travail de Bruxelles.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

Le 20 decembre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen, libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* article 30bis, S: 4, alineas 2 et 3, de la loi du 27 juin 1969revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs, tel qu'il etait applicable apres samodification par l'arrete royal du 26 decembre 1998 mais avant samodification par la loi du 27 avril 2007 ;

* article 1315, alinea 1er, du Code civil ;

* article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit la demande originaire du defendeur partiellement fondee,condamne la demanderesse à payer au defendeur la somme de 2.550 euros,majoree des interets compensatoires depuis la mise en demeure du 18juillet 2006 et des interets judiciaires et condamne la demanderesse auxdepens des deux instances.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub V « Positionde la cour » et plus particulierement sur la consideration que :

« 1. La contestation porte sur l'application de l'article 30bis de la loidu 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant lasecurite sociale des travailleurs, tel qu'en vigueur au moment du litige.

2. (...)

3. L'article 30bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 27 juin 1969, tel qu'envigueur au moment des faits, impose à tout entrepreneur d'effectuer desretenues de 35 p.c. lors du paiement des factures à un sous-traitant.Cette obligation n'est pas soumise à la condition que le sous-traitant nesoit pas enregistre au moment du paiement.

Le principe est donc que l'entrepreneur doit effectuer une retenue de 35 p.c. lors de chaque paiement effectue à un sous-traitant, peu importe quece sous-traitant soit enregistre ou non, ou ne le soit plus.

4. L'entrepreneur est dispense de l'obligation de retenue et de versementsi, au moment du paiement, il apparait que le sous-traitant n'a pas dedettes sociales (article 30bis, S: 4, alinea 3).

L'entrepreneur a la faculte, non l'obligation, d'user de cette dispense.Pour connaitre la situation d'endettement d'un sous-traitant à l'egard[du defendeur], un entrepreneur dispose de la faculte de consulter labanque de donnees creee par [celui-ci] et qui a force probante. C'est ceque constate le rapport au Roi, lorsqu'il se refere à la banque dedonnees. La [demanderesse], qui n'avait pas effectue la retenue de 35 p.c.lors du paiement des factures, evoque qu'au moment du paiement il neressortait pas de cette banque de donnees que l'entrepreneur apparaissaitdebiteur à l'egard [du defendeur] ; elle n'apporte aucun indice d'uneconsultation de cette banque de donnees. Le fait qu'elle invoque n'est pasetabli.

La dispense est une derogation à l'obligation de retenue, qui est laregle. Pour que l'obligation de retenue soit constatee, [le defendeur] n'apas à etablir ce qui se trouvait sur la banque de donnees au moment dupaiement des factures.

La condition pour qu'un entrepreneur soit dispense de l'obligation deretenue est l'absence de dettes sociales du sous-traitant au moment dupaiement des factures.

Or, le tribunal [du travail] a retenu que la facture du 2 juin 2004 (2.773euros) a ete payee immediatement au moment de son emission et que laseconde facture (227 euros) emise le 10 juin 2004 a du etre payee entre cemoment et la date de la faillite : ceci n'est pas conteste en appel. Pourfonder son action à l'egard de la societe [demanderesse], [le defendeur]invoque et etablit une dette sociale [du sous-traitant] qui porte sur uneperiode courant du 1er trimestre 2001 jusqu'au 2e trimestre 2004 (cf.courrier du 18 juillet 2006).

En consequence, [le defendeur] etablit [...] que le sous-traitant avaitdes dettes sociales et leur importance, au moment du paiement des facturespar la [demanderesse]. Cette derniere n'eleve aucun argument serieux àl'encontre de ce constat. [Le defendeur] etablit en tout etat de cause queles conditions de la dispense ne sont pas reunies.

En consequence, la retenue de 35 p.c. est due, soit 1.050 euros.

5. Il est retenu en l'espece que [le sous-traitant] etait enregistr[e] aumoment de la conclusion de la convention, mais que la [demanderesse] n'apas effectue la retenue lors du paiement des factures.

Dans le cas d'un sous-traitant enregistre au moment de la conclusion de laconvention, l'entrepreneur qui n'a pas verse [au defendeur] la retenue de35 p.c. au moment du paiement des factures est solidairement responsabledu paiement des dettes sociales du sous-traitant « dans la limite et pourles dettes visees au S: 3 » (article 30bis, S: 5, alinea 4).

L'article 30bis, S: 3, prevoit la responsabilite solidaire comme suit :

Responsabilite solidaire du paiement des dettes du sous-traitant relativesau trimestre en cours lors de l'execution des travaux et des trimestresprecedents ;

Responsabilite solidaire limitee à 50 p.c. du prix total des travaux, noncompris la T.V.A.

Applique au cas d'espece, ceci justifie et limite la responsabilitesolidaire de la [demanderesse] à concurrence de 1.500 euros.

6. (...)

7. En conclusions, l'appel [du defendeur] est fonde et le jugement doitetre reforme :

- [le defendeur] etablit que la [demanderesse] avait l'obligation deretenir 35 p.c. sur le montant des travaux, soit 1.050 euros, tandis queles conditions pour la dispenser de cette obligation ne sont pas reunies ;

- l'absence de retenue lors du paiement des travaux justifie laresponsabilite solidaire de la [demanderesse] à concurrence de maximum 50p.c. du montant des travaux, hors T.V.A., soit 1.500 euros.

8. [Le defendeur] a gain de cause. Les depens des deux instances sont àcharge de la [demanderesse]. Ils s'elevent pour [le defendeur], à1.481,27 euros au total, etant :

- citation : 116,27 euros

- indemnite de procedure de base, premiere instance : 650,00 euros

- indemnite de procedure de base, appel : 715,00 euros ».

Griefs

1. En vertu de l'article 30bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 27 juin 1969revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite socialedes travailleurs, tel qu'en vigueur au moment des faits, l'entrepreneurqui effectue le paiement de tout ou partie du prix de travaux vises au S:1er, à un sous-traitant qui n'est pas enregistre, est tenu, lors dupaiement, de retenir et de verser 35 p.c. du montant dont il estredevable, non compris la taxe sur la valeur ajoutee, à l'Office nationalde securite sociale.

L'entrepreneur est toutefois dispense de l'obligation de retenue et deversement si, au moment du paiement, le sous-traitant n'est pas debiteuraupres de l'Office national de securite sociale. A cette fin, l'Officecree une banque de donnees accessible au public, qui a force probante pourl'application de cet alinea (article 30bis, S: 4, alinea 3, de la loi du27 juin 1969, tel qu'en vigueur au moment des faits).

Il resulte de ces dispositions legales que lorsqu'un sous-traitant a desdettes sociales à l'egard [du defendeur], l'Office mentionne l'identitede celui-ci sur la banque de donnees. Les debiteurs de ce sous-traitantsont alors tenus d'effectuer les retenues sur les paiements qu'ils [lui]font, conformement à l'article 30bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 27juin 1969.

2. Par application de l'article 1315, alinea 1er, du Code civil, quiimpose à celui qui reclame l'execution d'une obligation de la prouver, etde l'article 870 du Code judiciaire, qui impose à chacune des parties lacharge de prouver les faits qu'elle allegue, [le defendeur] qui pretendque l'entrepreneur a manque à l'obligation d'effectuer la retenue de 35p.c. doit prouver non seulement que l'entrepreneur avait l'obligationd'effectuer la retenue de 35 p.c. mais aussi que les conditionsd'application de la dispense de retenue n'etaient pas reunies.

Pour etablir que les conditions d'application de la dispense de retenue nesont pas reunies et que le sous-traitant avait des dettes sociales aumoment du paiement des factures, la loi prevoit un mode special de preuveet la force probante qui s'y attache. Cette preuve doit etre rapportee,conformement à l'article 30bis, S: 4, alinea 3, de la loi du 27 juin1969, sur la base de la banque de donnees accessible au public, qui aforce probante pour l'application de cet alinea. Les tiers ne peuvent eneffet avoir connaissance de l'existence de dettes sociales que par lebiais de la banque de donnees.

En d'autres termes, [le defendeur] qui soutient que le sous-traitant avaitdes dettes sociales au moment du paiement des factures et que lesconditions d'application de la dispense de retenue ne sont pas reuniesdoit etablir que le sous-traitant apparaissait à ce moment comme debiteurdans la banque de donnees accessible au public.

3. En l'espece, la demanderesse affirmait qu'au moment du paiement, il neresultait pas de la banque de donnees que le sous-traitant aurait eu unedette à l'egard [du defendeur].

L'arret releve que le defendeur etablit que le sous-traitant avait desdettes sociales au moment du paiement des factures et que les conditionsd'application de la dispense de retenue ne sont pas reunies, sans qu'ilait à etablir ce qui se trouvait sur la banque de donnees au moment dupaiement des factures.

En considerant que le defendeur, qui soutient que le sous-traitant avaitdes dettes sociales au moment du paiement des factures, n'a pas àl'etablir sur la base de la banque de donnees accessible au public,conformement à l'article 30bis, S: 4, alinea 3, de la loi du 27 juin1969, l'arret 1DEG) met à charge de la demanderesse la preuve d'un faitqui ne lui incombait pas, mais incombait en revanche au defendeur(violation des dispositions visees au moyen et specialement des articles1315, plus particulierement alinea 1er, du Code civil et 870 du Codejudiciaire), 2DEG) autorise le defendeur à prouver l'existence de sacreance à l'egard de la demanderesse par d'autres moyens de preuve queceux qui sont prevus par la loi (violation des dispositions visees aumoyen et specialement de l'article 30bis, S: 4, alinea 3, de la loi du 27juin 1969).

III. La decision de la Cour

L'article 1315 du Code civil dispose, en son premier alinea, que celui quireclame l'execution d'une obligation doit la prouver et, en son secondalinea, que, reciproquement, celui qui se pretend libere doit justifier lepaiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Auxtermes de l'article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a lacharge de prouver les faits qu'elle allegue.

En vertu de l'article 30bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 27 juin 1969revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite socialedes travailleurs, dans sa redaction applicable au litige, l'entrepreneurqui effectue le paiement de tout ou partie du prix de travaux vises au S:1er, à un sous-traitant, est tenu, lors du paiement, de retenir et deverser 35 p.c. du montant dont il est redevable, non compris la taxe surla valeur ajoutee, à l'Office national de securite sociale, selon lesmodalites determinees par le Roi.

Aux termes de l'alinea 3, l'entrepreneur est toutefois dispense del'obligation de retenue et de versement visee à l'alinea precedent si, aumoment du paiement, selon les modalites à determiner par le Roi, lesous-traitant n'est pas debiteur aupres de l'Office national de securitesociale ou aupres du Fonds de securite d'existence ou a obtenu pour lessommes dues des delais de paiement sans procedure judiciaire ou par unedecision judiciaire coulee en force de chose jugee et fait preuve d'unrespect strict des delais imposes et est enregistre comme entrepreneur. Acette fin, l'Office national de securite sociale cree une banque dedonnees accessible au public, qui a force probante pour l'application decet alinea.

Conformement au second alinea de l'article 1315 du Code civil,l'entrepreneur qui se pretend libere de l'obligation de retenue et deversement instauree par l'alinea 2 precite, par les circonstances prevuesà l'alinea 3, a la charge de prouver ces circonstances.

L'arret condamne la demanderesse à payer au defendeur les sommes viseesà l'alinea 2 precite, au motif qu'elle a paye des travaux à unsous-traitant, sans effectuer ni retenue ni versement au defendeur, etqu'elle ne prouve pas qu'il ressortait de la banque de donnees, au jour dupaiement, que le sous-traitant n'etait pas le debiteur du defendeur.

Ainsi, l'arret, d'une part, sans violer les articles 1315 du Code civil et870 du Code judiciaire, met à charge de la demanderesse la preuve descirconstances permettant de la dispenser de son obligation de retenue etde versement, d'autre part, n'autorise pas le defendeur à prouverl'existence de sa creance contre la demanderesse par des moyens de preuveautres que la consultation de la banque de donnees prevue par la loi.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent trente-cinq euros dix-neuf centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent vingt-deux eurossoixante-neuf centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce enaudience publique du dix-huit fevrier deux mille treize par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Jean MarieGenicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+--------------------------------------+
| L. Body | M. Delange | A. Simon |
|-----------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------+

18 fevrier 2013 S.12.0004.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0004.F
Date de la décision : 18/02/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-02-18;s.12.0004.f ?
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