Cour de cassation de Belgique
Arret
3932
NDEG C.12.0165.F
PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
1. MA-PA, societe privee à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Beyne-Heusay, Grand-Route, 83,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile.
2. OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,
defendeur en cassation.
NDEG C.12.0229.F
OFFICE NATIONAL DE SeCURITe SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,
contre
MA-PA, societe privee à responsabilite limitee dont le siege social estetabli à Beyne-Heusay, Grand-Route, 83,
defenderesse en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 14 fevrier2012 par la cour d'appel de Liege.
Le 18 janvier 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
1. Pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0165.F
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente deux moyens.
2. Pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0229.F
Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 47, principalement le paragraphe 3, 49, principalement
l'alinea 1er, et 55, principalement l'alinea 2, de la loi du 31 janvier2009 relative à la continuite des entreprises ;
- articles 10 et 11 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
L'arret, reformant le jugement dont appel, homologue le plan dereorganisation depose par la defenderesse le 20 septembre 2011 et approuvepar les creanciers lors de l'assemblee du 4 octobre 2011, aux motifssuivants :
« L'article 47, S: 3, de la loi du 31 janvier 2009 dispose que `la partieprescriptive du plan contient les mesures à prendre pour desinteresserles creanciers sursitaires portes sur la liste visee aux articles 17, S:2, 7DEG, et 46'.
Si le plan eut gagne en clarte en precisant, pour les creanciers nonetatiques, ce qu'il visait exactement par `leur creance', le grief esttoutefois sans incidence des lors que le plan renseigne les montants descreances en question en sorte qu'il n'existe aucune ambiguite quant auxmesures qu'il propose.
(...)
En prevoyant que `l'homologation ne peut etre refusee que (...) pourviolation de l'ordre public' (article 55, alinea 2, de la loi), `lelegislateur a sans conteste entendu limiter à l'extreme le pouvoird'appreciation du tribunal en la matiere' (W. David, J.P. Renard et V.Renard, La loi relative à la continuite des entreprises : mode d'emploi,p. 195, nDEG 279). En effet, `le tribunal homologuera en principe le votedes creanciers, sauf dans des conditions exceptionnelles. Il rejettera leplan si l'ordre public est viole mais veillera à ne pas qualifier d'ordrepublic ce qui ne l'est pas. Des simples dispositions de droit imperatif nesont pas encore des dispositions d'ordre public' (Doc. Parl. Chambre 520160/002, p. 70).
L'article 49 de la loi prevoit que `le plan indique les delais de paiementet les abattements de creances sursitaires en capital et interetsproposes. Il peut prevoir (...) le reglement differencie de certainescategories de creances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leurnature (...)', la formulation utilisee impliquant que les criteres ainsimentionnes ne sont pas exhaustifs.
Si le principe du traitement differencie des creanciers est admis, il doittoutefois repondre au prescrit constitutionnel d'egalite qui est d'ordrepublic et `suppose que tous les creanciers qui se trouvent dans la memesituation soient traites de la meme maniere et que les distinctions lesconcernant ne soient pas arbitraires, c'est-à-dire qu'elles soientsusceptibles de justification raisonnable et equitable' (A. Zenner, Lanouvelle loi sur la continuite des entreprises, Anthemis, 2009, p. 133).Certes, `c'est aussi avec une grande prudence que le tribunal apprecierale cas echeant les modalites de reglement differencie (...)' (A. Zenner,op. cit., p. 132) mais il sera guide par le principe de proportionnalitequi s'est superpose au principe d'egalite `en telle sorte qu'il n'y a pasviolation de celui-ci lorsque l'inegalite de traitement est liee à unedifference de position susceptible de la justifier objectivement dans unrapport d'adequation raisonnable aux fins legitimes recherchees' (X. Dieuxet
J. Windey, Nouvelles observations sur la theorie generale du concoursentre creanciers - à la lumiere de la loi du 17 juillet 1997 sur leconcordat judiciaire et de ses premieres applications, in Hommage àPierre
Van Ommeslaghe, p. 397).
L'objectif etant d'assurer la continuite de l'entreprise, il convientd'examiner si les categories prevues par le plan reposent sur des criteresobjectifs et si les differenciations ainsi operees sont dans un rapportraisonnable de proportionnalite par rapport à l'objectif ainsi poursuivi.
Le plan distingue ici deux seules categories sur la base d'un criterequ'il formule expressement, à savoir s'il s'agit de creances etatiques ounon.
[Le demandeur] oppose qu'alors qu'il `est un creancier institutionnel, leplan fait cependant un sort different de sa creance et la [defenderesse]qualifie, à tort, [le demandeur] de creancier non etatique'.
Le moyen procede d'une confusion.
Si [le demandeur] est effectivement souvent qualifie de creancierinstitutionnel à l'instar des administrations fiscales, il n'est pas pourautant un creancier etatique : en creant [le demandeur] et en donnant àcelui-ci la personnalite juridique, `le legislateur a' en effet`implicitement admis que les creances en matiere de securite sociale nesoient pas tenues pour des creances de l'etat' (Cour constitutionnelle,arret nDEG 113/2003 du 17 septembre 2003).
Or, en l'espece, le plan depose par la [defenderesse] ne retient pas lecritere fonde sur le caractere institutionnel ou non des creanciers maiscelui fonde sur la nature etatique ou [non] des creances, en vertu duquelen effet [le demandeur] ne se retrouve pas dans la meme categorie que lesadministrations fiscales.
Ce critere, dont le caractere parfaitement objectif ne peut etre conteste,est-il susceptible de justifier raisonnablement que les administrationsfiscales se voient reserver par le plan un regime plus favorable que tousles autres creanciers, dont en particulier [le demandeur] ?
Les deux administrations fiscales concernees presentent cettecaracteristique, par rapport aux autres creanciers, que meme sansabattement direct de leurs creances en principal, le plan va neanmoins lesatteindre par repercussion du fait que l'abattement des autres creances vanecessairement les contraindre, pour l'administration de la TVA, à devoirrestituer la TVA sur la partie abattue des creances et pourl'administration des contributions, à consentir l'amortissement fiscal dela partie non recouvrable des creances abattues.
La circonstance que l'impact du plan que vont ainsi etre amenees à subirces administrations est difficilement chiffrable en l'etat, vu qu'ildepend de la situation specifique des fournisseurs dont la creance seraabattue, n'enleve rien à la realite de cet impact qui, loin de n'etre quespeculatif, est tout à fait certain.
Par ailleurs, outre le fait que la [defenderesse] souligne que lareduction de personnel à laquelle elle a procede entraine que [ledemandeur] sera à l'avenir moins expose aux risques de son activite, uneautre difference entre les administrations fiscales etatiques et [ledemandeur] merite encore de retenir l'attention, à savoir, comme l'exposele ministere public, que les recettes perc,ues par ces administrations`sont versees directement pour partie, dans les caisses de l'etat, et pourpartie, versees [au demandeur], à titre de subventions à cet office',celui-ci `n'assum(ant) en effet pas l'integralite de ses missions par laseule perception des cotisations sociales' (avis du ministere public, p.4).
Si, en soi, le fait que le plan reserve un traitement plus favorable auxcreanciers etatiques qu'aux creanciers non etatiques ne heurte donc pasl'ordre public des lors que celui-ci est lie à une difference de positionsusceptible de le justifier raisonnablement, encore faut-il que lesefforts demandes à ces differentes categories ne soient pasdisproportionnes par rapport au but poursuivi du redressement del'entreprise.
à cet egard, c'est à tort que [le demandeur] soutient que la[defenderesse] n'apporterait aucune precision quant aux efforts quiseraient eventuellement faits par la societe elle-meme ou son gerant pourredresser la situation financiere. Tant les pieces produites à l'appui dela requete que le rapport du juge delegue figurant au dossier de laprocedure etablissent qu'en l'occurrence des efforts sont reels, qu'il sesoit agi pour la gerante et associee unique de liberer le solde du capitalsouscrit au plus fort de la crise subie par la societe ou encore d'avancerdes fonds à celle-ci, via une inscription en compte-courant, ou pour la[defenderesse] de reduire ses frais de personnel en impliquantpersonnellement sa gerante et le conjoint de celle-ci.
Dans ces conditions, et alors meme que l'effort demande [au demandeur] etaux fournisseurs, pour etre important, n'en preserve encore pas moins lamoitie de leurs creances, il doit etre conclu, sur base d'une appreciationmarginale, conforme au `souhait du legislateur de voir le juge se montrerparticulierement circonspect dans son appreciation d'une violationeventuelle de l'ordre public' par rapport à `une differenciationapprouvee par les creanciers' (A. Zenner, `P.R.J. et Q.P.C.', J.T. 2011,p. 472), que le principe constitutionnel d'egalite au regard del'autorisation de l'article 49 de la loi de proceder à un reglementdifferencie des creanciers n'est pas viole, les efforts demandes auxdifferentes categories de creanciers etant dans un rapport d'adequationraisonnable par rapport à l'objectif de redressement de l'entreprise ».
Griefs
En vertu de l'article 47, S: 3, de la loi du 31 janvier 2009 relative àla continuite des entreprises, le plan doit indiquer les mesures àprendre pour desinteresser les creanciers sursitaires.
L'article 49, alinea 1er, precise que le plan « peut prevoir (...) lereglement differencie de certaines categories de creances, notamment enfonction de leur ampleur ou de leur nature » et l'article 55, alinea 2,dispose que « l'homologation ne peut etre refusee qu'en casd'inobservation des formalites requises par la presente loi ou pourviolation de l'ordre public ».
Il ressort de l'article 49 precite que lorsque le plan prevoit, comme enl'espece, le reglement differencie de certaines creances, il doitjustifier du motif de cette differenciation. Comme le dit l'article 49,alinea 1er, le reglement des creances peut notamment « etre differencieen fonction de leur ampleur ou de leur nature ». C'est bien dire que lejuge doit, avant d'homologuer ou de refuser le plan contenant un reglementdifferencie selon les creanciers, non seulement etre informe du motif dela differenciation mais aussi apprecier si ce motif justifieraisonnablement le reglement differencie de certaines creances et sipareil reglement ne viole pas l'ordre public (article 55, alinea 2, de laloi du 31 janvier 2009) dont font partie le principe de proportionnaliteainsi que les principes d'egalite et de non-discrimination entrecreanciers consacres par les articles 10 et 11 de la Constitution et quiconditionnent la procedure (d'ordre public) de reorganisation judiciaireen vue d'assurer la continuite des entreprises.
Ce n'est qu'à ces conditions que le juge peut homologuer le plancontenant un reglement differencie de certaines creances (articles 49,alinea 1er, et 55, alinea 2, du la loi du 31 janvier 2009).
Comme rappele ci-dessus, l'arret considere que le plan litigieux prevoyantle paiement integral en 24 mois des sommes dues aux creanciers etatiques(contributions directes et TVA) et le paiement en 36 mois de la moitie dessommes dues aux creanciers non etatiques ne violait pas l'ordre public etles principes d'egalite et de non-discrimination :
« Les deux administrations fiscales concernees presentent cettecaracteristique, par rapport aux autres creanciers, que meme sansabattement direct de leurs creances en principal, le plan va neanmoins lesatteindre par repercussion du fait que l'abattement des autres creances vanecessairement les contraindre, pour l'administration de la TVA, à devoirrestituer la TVA sur la partie abattue des creances et pourl'administration des contributions, à consentir l'amortissement fiscal dela partie non recouvrable des creances abattues.
La circonstance que l'impact du plan que vont ainsi etre amenees à subirces administrations est difficilement chiffrable en l'etat, vu qu'ildepend de la situation specifique des fournisseurs dont la creance seraabattue, n'enleve rien à la realite de cet impact qui, loin de n'etre quespeculatif, est tout à fait certain ».
Le critere de « l'impact sur le recouvrement des creances del'administration fiscale » n'est pas un critere qui permet de justifier,au regard de la finalite de la loi du 31 janvier 2009 - assurer lacontinuite des entreprises - et des principes d'egalite et denon-discrimination, un reglement preferentiel des creances de l'etat.
En effet, en favorisant le reglement des creances de l'etat,administration fiscale, on augmente l'abattement que les autres creanciersvont devoir operer sur leurs creances et partant on fragilise leursituation financiere.
Bien plus, en favorisant le reglement des creances de l'etat,administration fiscale, on reduit d'un cote les possibilites des autrescreanciers à recouvrer leurs creances et d'un autre cote l'on creel'amortissement fiscal auquel l'administration des contributions n'auraitpas du consentir en l'absence d'un traitement privilegie des creances del'etat.
Il s'ensuit qu'en homologuant pour les motifs precites le plan dereorganisation depose par la defenderesse, l'arret viole les dispositionslegales visees en tete du moyen et plus specialement les articles 49,alinea 1er, et 55, alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009.
Deuxieme moyen
Dispositions legales violees
- articles 47, S: 3, 49, principalement l'alinea 1er, et 55,principalement l'alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009 relative à lacontinuite des entreprises ;
- articles 10 et 11 de la Constitution ;
- articles 22, 24 et 26 de la loi du 29 juin 1981 etablissant lesprincipes generaux de la securite sociale des travailleurs salaries.
Decisions et motifs critiques
L'arret homologue le plan de reorganisation judiciaire depose par ladefenderesse et prevoyant le paiement integral des sommes dues enprincipal aux creanciers etatiques (contributions directes et TVA) maisseulement le paiement de la moitie de la creance du demandeur, aux motifssuivants :
« Les deux administrations fiscales concernees presentent cettecaracteristique, par rapport aux autres creanciers, que meme sansabattement direct de leurs creances en principal, le plan va neanmoins lesatteindre par repercussion du fait que l'abattement des autres creances vanecessairement les contraindre, pour l'administration de la TVA, à devoirrestituer la TVA sur la partie abattue des creances et pourl'administration des contributions, à consentir l'amortissement fiscal dela partie non recouvrable des creances abattues.
(...)
Par ailleurs, outre le fait que la [defenderesse] souligne que lareduction de personnel à laquelle elle a procede entraine que [ledemandeur] sera à l'avenir moins expose aux risques de son activite, uneautre difference entre les administrations fiscales etatiques et [ledemandeur] merite encore de retenir l'attention, à savoir, comme l'exposele ministere public, que les recettes perc,ues par ces administrations`sont versees directement pour partie, dans les caisses de l'etat, et pourpartie, versees [au demandeur], à titre de subventions à cet office',celui-ci `n'assum(ant) en effet pas l'integralite de ses missions par laseule perception des cotisations sociales' (avis du ministere public, p.4) ».
Griefs
Comme vu dans le premier moyen de cassation, il ressort des articles 49,alineas 1er et 2, et 55, alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009 que lereglement preferentiel d'une creance doit, pour etre homologue, etreobjectivement et raisonnablement justifie en tenant compte notamment desprincipes d'ordre public d'egalite entre creanciers et denon-discrimination.
Le fait qu'une partie des ressources du demandeur provienne dessubventions versees par l'Etat ne justifie pas raisonnablement unreglement preferentiel des creances de l'etat. En effet, s'il est vrai quele demandeur est finance pour partie par l'etat, le non-paiement en toutou en partie de la creance du demandeur va sinon augmenter le montant dessubventions qui sont dues au demandeur par l'etat, du moins diminuer lefinancement des differents regimes de securite sociale.
Les articles 22, 24 et 26 de la loi du 29 juin 1981 etablissant lesprincipes generaux de la securite sociale des travailleurs salariesprevoient en effet que les moyens financiers du demandeur proviennent dessubventions de l'etat et des cotisations de securite sociale (article 22)et que ces ressources sont reparties entre les regimes de securite sociale(articles 24 et 26).
Autrement dit, si l'on ampute de 50 p.c. le montant de la creance dudemandeur contre la defenderesse, on diminue du meme montant lefinancement des differents regimes de securite sociale. La possibilitepour l'administration fiscale de recouvrer la totalite de ses creances nepallie pas cette diminution.
Il s'ensuit qu'en homologuant le plan de reorganisation litigieuxprevoyant le paiement des sommes dues au demandeur à concurrence de 50p.c. seulement au motif que le demandeur beneficie de subventions del'etat, l'arret ne justifie pas legalement sa decision (violation desdispositions legales visees en tete du moyen et plus specialement lesarticles 49, alinea 1er, et 55, alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009).
III. La decision de la Cour
A. La jonction des pourvois
Les pourvois inscrits au role general sous les numeros C.12.0165.F etC.12.0229.F sont diriges contre le meme arret. Il y a lieu de les joindre.
B. Le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0165.F
Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par le ministere public etdeduite de ce que le demandeur n'est pas recevable à agir d'office sur labase de l'article 138bis, S: 1er, du Code judiciaire :
En vertu de l'article 138bis, S: 1er, du Code judiciaire, dans lesmatieres civiles, le ministere public agit d'office chaque fois quel'ordre public exige son intervention.
Il ne resulte pas de cette disposition que l'action d'office appartient auministere public chaque fois qu'une disposition d'ordre public ouconcernant l'ordre public a ete violee. Les exigences de l'ordre publicqui, au sens de cette disposition, peuvent justifier pareille interventionimpliquent que l'ordre public soit mis en peril par un etat de chosesauquel il importe de remedier.
L'arret homologue le plan de reorganisation judiciaire depose par ladefenderesse le 20 septembre 2011 et approuve par les creanciers lors del'assemblee du 4 octobre 2011, et justifie sa decision par laconsideration critiquee par le pourvoi que le reglement differencie decertaines categories de creances opere par ledit plan ne contrevient pasau principe constitutionnel d'egalite et de non-discrimination.
Il ne resulte pas de cette decision que l'ordre public serait mis en perilpar une situation qui justifie l'intervention d'office du ministerepublic.
La fin de non-recevoir est fondee.
C. Le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.12.0229.F
Sur le premier moyen :
Suivant l'article 55, alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009 relative àla continuite des entreprises, l'homologation du plan de reorganisation nepeut etre refusee par le tribunal de commerce qu'en cas d'inobservationdes formalites requises par ladite loi ou pour violation de l'ordrepublic.
En vertu de l'article 49 de cette loi, le plan peut prevoir le reglementdifferencie de certaines categories de creances, notamment en fonction deleur ampleur ou de leur nature.
Dans son arret nDEG 8/2012 du 18 janvier 2012, la Cour constitutionnelle aconsidere que l'article 49 precite ne permet pas que le plan dereorganisation prevoie des differences de traitement qui ne sont pasraisonnablement justifiees.
L'existence d'une telle justification doit s'apprecier en tenant compte dubut et des effets de la mesure critiquee ainsi que de la nature desprincipes en cause ; le principe, d'ordre public, d'egalite est violelorsqu'il est etabli qu'il n'existe pas de rapport raisonnable deproportionnalite entre les moyens employes et le but vise.
En vertu de l'article 16 de la loi du 31 janvier 2009, la procedure dereorganisation judiciaire a pour but de preserver, sous le controle dujuge, la continuite de tout ou partie de l'entreprise en difficulte ou deses activites, en permettant notamment d'obtenir l'accord des creancierssur un plan de reorganisation.
Il s'ensuit que lorsque le plan de reorganisation prevoit un reglementdifferencie pour certaines categories de creances, le tribunal de commercedoit examiner si les categories prevues par le plan reposent sur descriteres objectifs raisonnablement justifies et si les differenciationsainsi operees sont dans un rapport raisonnable de proportionnalite parrapport à l'objectif poursuivi, à savoir preserver la continuite del'entreprise par le biais d'un accord des creanciers sur ce plan.
D'une part, l'arret releve que le plan distingue deux categories decreanciers en fonction du caractere etatique ou non des creances etconsidere, sans etre critique, que ce critere a un caractere objectif.
D'autre part, il considere que le regime plus favorable reserve à l'Etatpar rapport aux autres creanciers est justifie par « l'impact du plan quevont [...] etre amenees à subir [les] administrations [de la TVA et descontributions] », en raison de l'abattement direct des autres creances,qui va « necessairement les contraindre, pour l'administration de la TVA,à devoir restituer la TVA sur la partie abattue des creances et, pourl'administration des contributions, à consentir l'amortissement fiscal dela partie non recouvrable des creances abattues », que « la reduction depersonnel à laquelle [la defenderesse] a procede entraine que [ledemandeur] sera à l'avenir moins expose aux risques de son activite »,que « les recettes perc,ues par ces administrations `sont verseesdirectement pour partie, dans les caisses de l'Etat, et pour partieversees [au demandeur], à titre de subventions' » et que « l'effortdemande [au demandeur] et aux fournisseurs, pour etre important, n'enpreserve pas moins la moitie de leurs creances ».
L'arret, qui deduit de ces considerations qu' « il doit etre conclu, surbase d'une appreciation marginale, conforme au `souhait du legislateur devoir le juge se montrer particulierement circonspect dans son appreciationd'une violation eventuelle de l'ordre public' par rapport à `unedifferenciation approuvee par les creanciers' [...], que le principeconstitutionnel d'egalite au regard de l'autorisation de l'article 49 dela loi de proceder à un reglement differencie des creanciers n'est pasviole, les efforts demandes aux differentes categories de creanciers etantdans un rapport d'adequation raisonnable par rapport à l'objectif deredressement de l'entreprise », justifie legalement sa decisiond'homologuer le plan de reorganisation de la defenderesse.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le second moyen :
D'une part, en creant le demandeur et en lui donnant la personnalitejuridique, le legislateur a implicitement admis que les creances enmatiere de securite sociale ne soient pas tenues pour des creances del'Etat.
D'autre part, il ressort des travaux parlementaires et des exigencesspecifiques de la procedure de reorganisation judiciaire par accordcollectif que la legislation relative au financement et au fonctionnementdu demandeur ne fait pas obstacle à ce qu'un plan de reorganisation,elabore dans le but de sauver l'entreprise et d'assurer sa continuite,prevoie un abattement de la dette de securite sociale.
Des lors, l'arret, qui considere que le fait qu'une partie des ressourcesdu demandeur provient de subventions versees par l'Etat constitue uncritere de nature à justifier raisonnablement la differenciation opereeentre les creances de l'Etat et celle du demandeur, justifie legalement sadecision d'homologuer le plan de reorganisation prevoyant un tel reglementdifferencie.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les causes inscrites au role general sous les numeros C.12.0165.F etC.12.0229.F ;
Rejette les pourvois ;
Condamne l'Etat belge aux depens en la cause inscrite au role general sousle numero C.12.0165.F et le demandeur aux depens en la cause inscrite aurole general sous le numero C.12.0229.F.
Les depens taxes, dans la cause C.12.0165.F, à la somme dequatre-vingt-deux euros dix-huit centimes envers la partie demanderesse età la somme de trois cent cinquante-sept euros septante-sept centimesenvers la premiere partie defenderesse et, dans la cause C.12.0229.F, àla somme de quatre cent nonante-sept euros nonante et un centimes enversla partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du sept fevrier deux mille treize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
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| M. Delange | M. Regout | A. Fettweis |
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7 FEVRIER 2013 C.12.0165.F/2
C.12.0229.F