La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2013 | BELGIQUE | N°C.12.0158.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 février 2013, C.12.0158.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

2361



NDEG C.12.0158.F

V. B.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

N. L.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 septembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 15 janvier 2013, l'avocat general Jean Marie Ge

nicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete...

Cour de cassation de Belgique

Arret

2361

NDEG C.12.0158.F

V. B.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

N. L.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 septembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 15 janvier 2013, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens, dont le premier est libelle dans lestermes suivants :

Disposition legale violee

Article 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre preliminaire duCode de procedure penale

Decisions et motifs critiques

L'arret refuse de surseoir à statuer, par tous ses motifs reputes iciintegralement reproduits, et specialement par les motifs suivants :

« 2. Quant à la demande de surseance

Faisant etat de la plainte qu'elle a adressee notamment du chef de faux enecriture et usage de faux à propos du document litigieux le 9 decembre2010 au procureur du Roi, avec constitution de partie civile, et, partant,de l'ouverture d'un dossier repressif à charge de (la defenderesse), (lademanderesse) soutient qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans lapresente cause en application de la regle `le penal tient le civil enetat'.

La regle d'ordre public suivant laquelle, lorsque l'action civile n'estpas poursuivie en meme temps et devant les memes juges que l'actionpublique, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas ete prononcedefinitivement sur l'action publique est justifiee par le fait que lejugement penal a, à l'egard de l'action civile intentee separement,l'autorite de chose jugee sur les points qui sont communs à l'actionpublique et à l'action civile (Loi du 17 avril 1878, article 4) (Cass.,19 mars 2001, Pas., 2001, I, p. 436 ; 23 mars 1992, Pas., 1992, I, p.664).

En l'espece, la regle ne peut trouver à s'appliquer car le depot de laplainte s'avere essentiellement dilatoire.

En effet, la cour [d'appel] ne peut trouver d'autre explication à uneplainte qui, deposee le 9 decembre 2010, paralyserait une affaire civilequi, en etat d'etre plaidee le 26 octobre precedent, a ete remise à lademande du conseil de (la demanderesse) (sans meme qu'il soit faitreference à l'idee de deposer plainte) et alors qu'elle a ete assignee enjustice le 15 juin 2001 et condamnee aux termes du jugement dont appel etque, donc, (la defenderesse) la poursuit en paiement depuis une dizained'annees.

Il s'agit d'un procede deloyal qui ne peut etre approuve par la cour[d'appel].

En outre, prima facie, la plainte de (la demanderesse) est vouee aunon-lieu, de sorte qu'aucune decision correctionnelle ne pourrait etrerendue à sa suite, en contradiction avec la decision civile à intervenirdans la presente cause.

Or, la regle `le penal tient le civil en etat' ne s'applique pas lorsquela decision à rendre ulterieurement par le juge repressif n'estsusceptible ni de contredire la decision du juge civil ni d'exercer uneinfluence sur la solution du litige dont celui-ci est effectivement saisi(Henri-D. Bosly, Damien Vandermeersch et Marie-Aude Beernaert, Le droit dela procedure penale,

La Charte, 2008, p. 336 et ref. cit.).

Il decoule des constatations et considerations qui precedent qu'il n'y apas lieu, en l'espece, de surseoir à statuer ».

Griefs

L'adage « le criminel tient le civil en etat » trouve son fondement dansl'article 4 du titre preliminaire du Code de procedure penale qui disposeque l'action civile peut etre poursuivie en meme temps et devant les memesjuges que l'action publique. Elle peut aussi l'etre separement ; dans cecas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas ete prononcedefinitivement sur l'action publique, intentee avant ou pendant lapoursuite de l'action civile ».

Cette regle est d'ordre public. Il en resulte que, si les conditions sontreunies, la surseance doit etre prononcee, meme d'office, par le juge. Lejuge ne peut refuser de surseoir à statuer, meme s'il est d'avis quel'action publique n'a aucune chance d'aboutir à une condamnation ou memesi les parties seraient d'accord de ne pas attendre la decision penale.

Pour que la regle trouve à s'appliquer, deux conditions doivent etrereunies.

Il faut tout d'abord qu'une action publique ait ete mise en mouvement,c'est-à-dire que le magistrat instructeur ou la juridiction repressiveait ete effectivement saisi. Ainsi, une plainte suivie d'une simpleinformation, sans mise à l'instruction, ne pourrait justifier lasuspension d'une instance civile.

Il faut ensuite que l'action civile, dont la surseance est demandee,comporte des points communs avec l'action publique, de sorte que lasolution reservee à l'action publique serait susceptible d'influencer lasolution à reserver à l'action civile.

En l'espece, la demanderesse a depose plainte, notamment du chef de fauxen ecriture et usage de faux, à propos de la reconnaissance de dette dontla defenderesse demande le paiement dans le present litige.

L'arret ne conteste pas que la premiere condition soit remplie. La piecenDEG 2 annexee à la requete demontre en outre que le juge d'instructionD. T. a bien ete saisi d'une plainte pour faux en ecriture, usage de fauxet escroquerie par la demanderesse.

L'arret considere cependant ne pas etre tenu de surseoir à statuer, d'unepart, parce qu'il est d'avis que la plainte deposee par la demanderesseest dilatoire et, d'autre part, parce qu'il estime que cette plainte n'aaucune chance d'aboutir à une condamnation. De cette derniereconsideration, il deduit que la seconde condition n'est pas remplie.

Le fait que le juge estime que « prima facie » la plainte est vouee aunon-lieu n'ecarte cependant pas le risque de contradiction entre ladecision sur l'action civile et la decision sur l'action publique. Eneffet, ce n'est pas parce que le juge civil est d'avis qu'il n'y a, apriori, pas de charges suffisantes justifiant le renvoi devant unejuridiction penale que les juridictions d'instruction se prononceront dansce sens suite à l'enquete menee par le juge d'instruction.

Le juge civil ne peut considerer qu'il n'y a pas de risque decontradiction que lorsqu'il constate, par exemple, qu'il n'y a aucun pointcommun entre l'action civile et l'action publique, et non parce qu'il luisemble qu'a priori la plainte est vouee au non-lieu.

En l'espece, toute la question est si le document date du 22 septembre1999 sur lequel se base la defenderesse pour reclamer le remboursement dela somme de 3.250.000 francs (80.565,40 euros) constitue bien unereconnaissance de dette ou s'il s'agit, comme l'a soutenu la demanderesse,d'une donation deguisee.

Devant la cour d'appel, la demanderesse a soutenu que le document signepar les parties le 22 septembre 1999 etait une donation simulee et que lebut recherche etait d'eviter le paiement de droits de succession eleves.

Si le juge civil n'a pas retenu cette these, il se peut en revanche que lajuridiction penale estime que le document litigieux constitue un faux.Dans cette hypothese, il y aurait une contradiction entre la decisionrendue sur l'action publique et celle de la cour d'appel.

Il decoule de ces considerations que l'arret ne decide pas legalement quela seconde condition d'application de l'adage « le criminel tient lecivil en etat » n'etait pas satisfaite.

En outre, le fait qu'une plainte apparaisse aux yeux du juge civil commedilatoire ne lui permet pas de refuser de suspendre son examen tant qu'iln'a pas ete prononce definitivement sur l'action penale. En deciderautrement reviendrait à conferer un caractere facultatif à la regle« le criminel tient le civil en etat », alors que celle-ci estobligatoire.

Des lors que les deux conditions requises etaient remplies, la courd'appel etait tenue de surseoir à statuer.

En refusant de surseoir à statuer parce que la plainte deposee par lademanderesse lui parait dilatoire et non fondee, l'arret viole l'article 4de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre preliminaire du Code deprocedure penale.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

La regle d'ordre public, fixee à l'article 4 de la loi du 17 avril 1878contenant le titre preliminaire du Code de procedure penale, en vertu delaquelle l'exercice de l'action civile qui n'est pas poursuivie devant lememe juge simultanement à l'action publique est suspendu tant qu'il n'apas ete prononce definitivement sur l'action publique, se justifie par lefait que le jugement penal est en regle revetu à l'egard de l'actioncivile introduite separement de l'autorite de la chose jugee sur lespoints communs à ces deux actions.

Il appartient au seul juge repressif de statuer sur le sort à reserver àl'action publique, par une decision qui a autorite de chose jugee quant àl'action civile introduite separement devant le juge civil et qui estfondee sur les memes faits.

Lorsqu'une instruction est ouverte du chef de faux et usage de faux àpropos d'une piece sur laquelle l'action civile est fondee, le juge civilest tenu de surseoir au jugement de l'action civile introduite devant luijusqu'à ce que le juge penal ait statue definitivement, lors meme qu'oninvoque que l'action publique n'est pas fondee et que la plainte a uncaractere dilatoire.

L'arret constate que la demanderesse a depose plainte, avec constitutionde partie civile, entre les mains d'un juge d'instruction à l'encontre dela defenderesse « du chef de faux en ecriture et usage de faux à propos[de la reconnaissance de dette invoquee par la defenderesse à l'appui desa demande] » et qu'un dossier repressif a ete ouvert à charge de ladefenderesse.

L'arret, qui, pour refuser de surseoir à statuer sur le fondement de lademande, considere que « prima facie, la plainte de [la demanderesse] estvouee au non-lieu de telle sorte qu'aucune decision correctionnelle nepourrait etre rendue à sa suite, en contradiction avec la decision civileà intervenir dans la presente cause », se prononce sur le fondement del'action publique, partant, viole l'article 4 de la loi du 17 avril 1878.

Le moyen est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen, qui ne saurait entrainer unecassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en ce qu'il rec,oit l'appel incident ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du sept fevrier deux mille treize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------------+

7 FEVRIER 2013 C.12.0158.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0158.F
Date de la décision : 07/02/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-02-07;c.12.0158.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award