Cour de cassation de Belgique
Arret
2177
NDEG P.12.1129.F
L. Ch.
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
Maitre Andre MAGOTTEAUX, avocat, agissant en qualite de curateur à lafaillite de la societe privee à responsabilite limitee Maillard Colin,dont le cabinet est etabli à Liege, rue du Pont, 36-38,
partie civile,
defendeur en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 31 mai 2012 par la courd'appel de Liege, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque six moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le 30 janvier 2013, l'avocat general Damien Vandermeersch a depose desconclusions au greffe.
A l'audience du 6 fevrier 2013, le conseiller Benoit Dejemeppe a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.
* * II. la decision de la cour
A. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action publique exercee à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Pris de la violation de l'article 489ter, 1DEG, du Code penal, le moyensoutient que les juges d'appel n'ont pas constate l'element materiel dudetournement d'actifs reproche au demandeur des lors que l'acte consistaiten un paiement d'une creance qui lui etait due par la societe en etat defaillite.
Le dirigeant d'une societe en etat de faillite qui, sous le couvert d'uneoperation qu'il n'etait pas en droit d'effectuer, s'attribue une chose quine lui appartient pas et prive ainsi les creanciers de leur gage, commetle detournement prohibe par la disposition precitee.
L'arret enonce que le demandeur a fait main basse sur le prix de lacession du fonds de commerce exploite par la societe et qu'à supposermeme qu'il etait beneficiaire d'une creance à charge de cette societe,l'important passif de celle-ci lui interdisait de proceder à un telprelevement.
Ces considerations justifient legalement la decision des juges d'appel.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur les deuxieme et troisieme moyens reunis :
Les moyens font grief à l'arret de violer l'article 489bis, 1DEG et 4DEG,du Code penal en declarant le demandeur coupable d'avoir, dans l'intentionde retarder la faillite, utilise des moyens ruineux pour se procurer desfonds et omis de faire l'aveu de la faillite, alors que les juges d'appeln'ont pas constate l'element moral ni repondu aux conclusions à cetegard.
L'arret considere d'abord que les dettes fiscales et sociales laissees parle demandeur sont d'une telle ampleur qu'elles impliquaientincontestablement une cessation de paiement et un ebranlement du credit.Il precise ensuite que le demandeur connaissait la situation financierecatastrophique de la societe pour en avoir ete lui-meme à l'origine. Lesjuges d'appel ont encore enonce qu'en depit de la dette consequente de lasociete à l'egard des creanciers institutionnels, celle-ci avait etemaintenue en activite par le demandeur alors que les conditions de lafaillite etaient reunies des le premier proces-verbal de carence etabli àla demande de l'administration fiscale.
Par ces considerations qui, relatives à l'element moral des infractions,repondent à la defense du demandeur, l'arret justifie legalement sadecision.
Les moyens ne peuvent etre accueillis.
Sur le quatrieme moyen :
L'article 492bis du Code penal, dont le demandeur accuse la violation,punit notamment les dirigeants de droit ou de fait d'une societecommerciale qui, avec une intention frauduleuse et à des finspersonnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou ducredit de la personne morale un usage qu'ils savaient significativementprejudiciable aux interets patrimoniaux de celle-ci et à ceux de sescreanciers ou associes.
Cette disposition sanctionne notamment le dirigeant d'une personne moralequi, frauduleusement, utilise les biens sociaux, non dans l'interet decette personne morale, mais dans son propre interet.
Les juges d'appel n'ont pas viole l'article 492bis precite en considerantque la cession du fonds de commerce de la societe et l'appropriation deson prix par le demandeur malgre l'existence d'un passif social important,a constitue un usage significativement prejudiciable des biens sociaux audetriment de la personne morale et de ses creanciers.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le cinquieme moyen :
Le moyen est pris de la violation du droit à etre juge dans un delairaisonnable.
Apres avoir enonce que les prevenus se prevalent du depassement du delairaisonnable sans toutefois epingler des retards injustifies dans letraitement de la cause, l'arret considere d'abord que l'enquete s'estderoulee sans desemparer alors qu'elle concernait des faits complexes ettechniques necessitant de nombreuses mesures d'instruction. Il releveensuite qu'il en a ete de meme de la procedure devant les juridictions defond, la cause ayant ete jugee une premiere fois devant la cour d'appel enl'absence du demandeur.
De ces considerations, la cour d'appel a pu legalement deduire, enl'absence de conclusions sur ce point, que le delai raisonnable n'etaitpas depasse.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
En tant qu'il vise l'affirmation selon laquelle le demandeur ne soutientpas qu'il serait dans l'impossibilite de faire valoir ses droits dedefense, le moyen critique un motif surabondant de l'arret et est,partant, irrecevable à defaut d'interet.
Sur le sixieme moyen :
L'article 42, 3DEG, du Code penal prevoit que la confiscation speciales'applique aux avantages patrimoniaux tires directement de l'infraction,aux biens et valeurs qui leur ont ete substitues et aux revenus de cesavantages investis.
En application de l'article 489bis, 1DEG, du meme code, le demandeur a etedeclare coupable d'avoir, en vue de retarder la faillite, utilise desmoyens ruineux pour se procurer des fonds, à savoir ne pas avoir paye lesdettes de la societe faillie à l'administration des contributionsdirectes, à celle de la taxe sur la valeur ajoutee et à l'Officenational de securite sociale, pour un montant total de 375.161,61 euros(preventions D.14, D.15 et D.16). Sur le fondement de l'article 42, 3DEG,precite, cette somme a ete confisquee en tant qu'avantage patrimonial.
Une dette demeuree impayee en vue de retarder la faillite d'une societen'a pas, en tant que telle, pour effet de procurer un avantage patrimonialsusceptible de confiscation au titre de cette disposition.
En etablissant une equivalence entre les dettes non payees par ledemandeur et les avantages patrimoniaux retires des preventions precitees,l'arret meconnait la notion d'avantage patrimonial.
Le moyen est fonde.
La declaration de culpabilite n'encourant pas elle-meme la censure et laconfiscation ne constituant pas un element de la peine principale,l'illegalite n'entache que la confiscation elle-meme.
Le controle d'office
Pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peine denullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee contre le demandeur par le defendeur :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen specifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arret attaque en tant qu'il confisque à charge du demandeur lemontant de 375.161,61 euros ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne le demandeur aux trois quarts des frais de son pourvoi et laissele quart restant à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Bruxelles.
Lesdits frais taxes à la somme de deux cent vingt et un eurosquarante-trois centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, Pierre Cornelis etFranc,oise Roggen, conseillers, et prononce en audience publique du sixfevrier deux mille treize par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
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| T. Fenaux | F. Roggen | P. Cornelis |
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| B. Dejemeppe | F. Close | J. de Codt |
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6 fevrier 2013 P.12.1129.F/6