Cour de cassation de Belgique
Arret
4752
NDEG F.10.0130.F
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Mons, dont les bureaux sont etablisà Mons, digue des Peupliers, 71,
demandeur en cassation,
contre
FONDS C. R. F., association sans but lucratif,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mai 2010 parla cour d'appel de Mons.
Le 9 janvier 2013, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.
Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 418, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992, en cequi concerne l'exercice d'imposition 1998 ;
- article 419, alinea 1er, 1DEG, du meme code, en ce qui concernel'exercice d'imposition 1998 ;
- article 419, alinea 1er, 4DEG, dudit code, tel qu'il resulte duremplacement de l'article 419 par l'article 44 de la loi du 15 mars 1999relative au contentieux en matiere fiscale, en ce qui concerne lesexercices d'imposition 1999 et suivants.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir enonce que « les faits de la cause ont ete pertinemmentresumes par le premier juge et que la cour [d'appel] fait sien cet expose» ; qu'« il suffit de rappeler que le litige concerne le remboursementdes precomptes professionnels verses par [la defenderesse] à l'Etatbelge, retenus sur les remunerations payees indument à monsieur B. J.,qui exerc,ait la fonction de directeur de l'association durant les annees1998 à 2002 et dont la cour du travail a prononce la resolution ducontrat de travail à ses torts en le condamnant à rembourserl'integralite de la remuneration perc,ue depuis le 26 mai 1998, soit unmontant de 128.609,39 euros à titre de remunerations nettes ; qu'enrendant le jugement querelle, le premier juge [...] a par ailleurs estimeque les conditions legales de la repetition de l'indu etaient etablies eta condamne l'Etat belge au payement de la somme principale de 88.832,54euros, majoree des interets moratoires, tandis qu'il deboutait la[defenderesse] de sa demande de capitalisation des interets en estimantque l'article 1154 du Code civil n'etait pas applicable en matiere fiscale»,
l'arret considere que :
« Il est constant qu'en vertu de l'arret de la cour du travail du 4 mars2004, le contrat de travail liant [la defenderesse] et monsieur B. J. aete resolu aux torts de ce dernier avec effet retroactif au 26 mai 1998 ;
Il s'ensuit que la remuneration versee par [la defenderesse] depuis cettedate le fut indument et, par consequent, la cour du travail fit droit àla demande de condamnation de monsieur J. au remboursement del'integralite de celle-ci ;
Il n'est pas conteste que [la defenderesse], en sa qualite d'employeur,est le redevable du precompte professionnel (article 270 du Code desimpots sur les revenus 1992) ;
Il est egalement constant que ces precomptes ont ete declares et versespar [la defenderesse] ;
Le precompte professionnel constitue un mode de perception de l'impot[...] ;
La circonstance que lesdits precomptes auraient ete imputes sur l'impotenrole dans le chef de monsieur J., outre qu'elle n'est pas etablie, nefait pas obstacle à leur restitution des lors qu'ils ont ete versesindument et ce, quelle que soit la destination que leur aura reserveel'Etat belge et pour autant que les conditions de l'article 1235 du Codecivil soient reunies, ce qui est le cas en l'espece ;
Pour le surplus, c'est à bon droit que le premier juge a alloue desinterets sur la somme due en application des articles 418 et 419 du Codedes impots sur les revenus 1992 »,
et decide en consequence que l'appel du demandeur n'est pas fonde,laissant ainsi subsister le jugement entrepris qui avait condamne celui-ci« à payer à [la defenderesse] la somme de 88.832,83 euros à titre deprecompte professionnel paye indument sur les remunerations de B. J. pourles exercices d'imposition 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002, à majorer desinterets moratoires legaux prevus par les articles 418 et 419 du Code desimpots sur les revenus 1992 ».
Griefs
Si l'article 418, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992,applicable pour l'exercice d'imposition 1998, dispose qu' « en cas derestitution d'impots, des interets moratoires sont alloues au taux de 0,8p.c. calcule par mois civil », le precompte professionnel qui, comme enl'espece, n'a pas fait l'objet d'un enrolement en application de l'article365 du Code des impots sur les revenus 1992 mais qui a ete verse à lasource par la defenderesse en sa qualite de redevable au sens de l'article270 de ce code, lors du paiement ou de l'attribution des remunerations ausieur J., conformement à l'article 273 du meme code, n'a toutefois pas lanature d'un impot mais seulement celle d'un mode de perception (caracterereconnu par la cour d'appel elle-meme) de l'impot global du par leditsieur J. sur l'ensemble de ses revenus, de sorte que la restitution duditprecompte professionnel au redevable vise à l'article 270 precite nedonne pas lieu à l'allocation d'interets moratoires sur la base del'article 418, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 ; entout etat de cause, l'article 419, alinea 1er, 1DEG, dudit code,applicable pour l'exercice d'imposition 1998, prevoit expressement qu'« aucun interet moratoire n'est alloue en cas de restitution deprecomptes professionnels vises aux articles 270 à 275, effectuee auprofit du redevable de ces precomptes », et , des lors, interditexplicitement l'octroi d'interets moratoires en cas de restitution duprecompte professionnel au redevable dudit precompte qui a versespontanement celui-ci qu'il a declare, ce qui est le cas en l'espece etn'est nullement conteste.
De meme, si l'article 418, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus1992, applicable pour les exercices d'imposition 1999 à 2002, prevoit qu'« en cas de remboursement d'impots, de precomptes, de versementsanticipes, d'interets de retard, d'accroissements d'impots ou d'amendesadministratives, un interet moratoire est alloue au taux de l'interetlegal calcule par mois civil », l'article 419, alinea 1er, 4DEG, de cecode, applicable pour ces memes exercices d'imposition, dispose toutefoisexpressement qu' « aucun interet moratoire n'est alloue, en cas deremboursement de sommes versees à titre de precompte mobilier ou à titrede precompte professionnel, à leurs redevables vises aux articles 261 et270 ».
Il s'ensuit que, statuant sur l'appel forme par le demandeur contre lejugement qui l'avait « condamne à payer à [la defenderesse] la somme de88.832,83 euros, à titre de precompte professionnel paye indument sur lesremunerations de B. J. pour les exercices d'imposition 1998, 1999, 2000,2001 et 2002, à majorer des interets moratoires legaux prevus par lesarticles 418 et 419 du Code des impots sur les revenus 1992 », l'arretn'a pu legalement decider que « c'est à bon droit que le premier juge aalloue des interets sur la somme due en application des articles 418 et419 du Code des impots sur les revenus 1992 », alors qu'il relevait demaniere constante que le precompte professionnel avait ete verse par laredevable visee à l'article 270 du Code des impots sur les revenus 1992et declare par elle, sans qu'il ait fait l'objet d'un enrolement dans sonchef ; en consequence, l'arret viole les articles 418, alinea 1er, et 419,alinea 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992, applicablespour l'exercice d'imposition 1998, et l'article 419, alinea 1er, 4DEG, duCode des impots sur les revenus 1992, applicable pour les exercicesd'imposition 1999 à 2002.
III. La decision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse dans lamesure ou il est pris de la violation des articles 418, alinea 1er, et419, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 en ce quiconcerne l'exercice d'imposition 1998 et deduite de ce que le moyen neprecise pas la version de ces dispositions à laquelle il fait reference :
Le moyen reproduit le texte des articles 418, alinea 1er, et 419, alinea1er, du Code des impots sur les revenus 1992.
Il invoque, de plus, la violation de l'article 419, alinea 1er, 4DEG, dece code, « tel qu'il resulte du remplacement [de celui-ci] par l'article44 de la loi du 15 mars 1999 relative au contentieux en matiere fiscale[...] en ce qui concerne les exercices d'imposition 1999 et suivants ».
Il resulte de ces indications que le moyen vise les articles 418, alinea1er, et 419, alinea 1er, dans leur version anterieure à leur modificationpar ladite loi du 15 mars 1999.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
L'article 418, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992dispose, dans sa version applicable avant sa modification par la loi du 15mars 1999 relative au contentieux en matiere fiscale, qu'en cas derestitution d'impots, des interets moratoires sont alloues au taux de 0,8p.c. par mois civil et, apres sa modification par cette loi du 15 mars1999, qu'en cas de remboursement d'impots, de precomptes, de versementsanticipes, d'interets de retard, d'accroissements d'impots ou d'amendesadministratives, un interet moratoire est alloue au taux de l'interetlegal, calcule par mois civil.
En vertu de l'article 419, alinea 1er, 1DEG, de ce code, dans sa versionanterieure à sa modification par ladite loi du 15 mars 1999, aucuninteret moratoire n'est alloue en cas de restitution de precomptesprofessionnels vises aux articles 270 à 275, effectuee au profit duredevable de ces precomptes. Suivant l'article 419, alinea 1er, 4DEG, telqu'il est libelle depuis cette modification, aucun interet moratoire n'estalloue en cas de remboursement de sommes versees à titre de precomptemobilier ou à titre de precompte professionnel, à leurs redevables visesaux articles 261 et 270.
L'arret attaque constate que :
* B. J. exerc,ait la fonction de directeur de l'association sans butlucratif defenderesse ;
* depuis la revocation de ses mandats d'administrateur par decision del'assemblee generale du 26 mai 1998, il a cesse toute prestation, saremuneration et tous autres avantages lui etant cependant payes dansl'attente d'une decision judiciaire ;
* le 16 juin 1999, la defenderesse l'a fait citer devant le tribunal dutravail afin d'obtenir la resolution judiciaire du contrat de travailà ses torts avec effet au 26 mai 1998 et sa condamnation à luirembourser les remunerations indument perc,ues ;
* par un jugement du 22 septembre 2000, ce tribunal a autorise lasuspension du paiement de la remuneration à titre provisoire ;
* cette decision ayant fait l'objet d'appels, la defenderesse a continueà payer sa remuneration à B. J., les cotisations de securite socialeet le precompte professionnel etant retenus et payes ;
* par un arret du 4 mars 2004, la cour du travail a prononce laresolution du contrat de travail aux torts de B. J. avec effetretroactif au 26 mai 1998 et l'a condamne à rembourser l'integralitede la remuneration qu'il avait indument perc,ue depuis cette date ;par un arret du 7 decembre 2004, cette cour a fixe le montant de cettecondamnation à la somme en principal de 128.609,39 euros,correspondant aux remunerations nettes effectivement perc,ues parlui ; elle a en outre dit n'y avoir lieu d'acter des reservesrelatives à la non-recuperation eventuelle de tout ou partie desprecomptes professionnels et cotisations sociales qui auraient eteverses indument ; le pourvoi forme contre ce dernier arret a eterejete par un arret rendu par la Cour le 3 octobre 2005 ;
* en 2004 et 2005, la defenderesse a introduit des reclamations aupresdu directeur regional des contributions directes à Mons en vued'obtenir le remboursement des precomptes professionnels retenus surles remunerations payees indument à B.J. pour les annees 1998 à 2003et verses au demandeur ; par une decision du 5 avril 2006, ledirecteur regional a pris acte du desistement de la defenderesse pourl'annee 2003, la situation ayant ete regularisee et les precomptesrembourses, et a declare la reclamation irrecevable pour les annees1998 à 2002, qu'elle soit constitutive de reclamation ou dedegrevement d'office, pour absence d'objet, en application del'article 366 du Code des impots sur les revenus 1992.
Apres avoir ordonne la restitution des precomptes declares et verses parla defenderesse pour les exercices 1998 à 2002, qu'il considere commepayes indument compte tenu de la resolution judiciaire du contrat detravail, l'arret attaque, confirmant le jugement entrepris, decide que desinterets sont dus, en application des articles 418 et 419 du Code desimpots sur les revenus 1992, sur la somme qu'il condamne le demandeur àpayer à la defenderesse.
Le moyen soutient que cette decision viole les dispositions precitees duCode des impots sur les revenus 1992 des lors que celles-ci excluentl'octroi d'interets moratoires lorsque, comme en l'espece, le redevable duprecompte professionnel l'a declare et verse spontanement, ce precompten'ayant fait l'objet d'aucun enrolement dans son chef.
Invoquant par analogie l'arret de la Cour constitutionnelle nDEG 20/2007du 25 janvier 2007, la defenderesse fait valoir qu'interpretes commeexcluant l'allocation d'interets moratoires au redevable qui obtient larestitution de precomptes professionnels qu'il a payes spontanement sur labase d'un contrat de travail ulterieurement resolu par le juge, lesditesdispositions legales violent les articles 10 et 11 de la Constitution.
Conformement à l'article 26, S: 1er, 3DEG, de la loi speciale du 6janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, cette cour statue, à titreprejudiciel, par voie d'arret, sur les questions relatives à la violationpar une loi des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
En vertu de l'article 26, S: 2, de ladite loi speciale, la Cour est tenuede poser à la Cour constitutionnelle la question libellee au dispositifdu present arret.
Par ces motifs,
La Cour
Sursoit à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait reponduà la question prejudicielle suivante :
Interpretes comme excluant l'allocation d'interets moratoires auxredevables qui obtiennent la restitution de precomptes professionnelsqu'ils ont payes spontanement sur la base d'un contrat de travailulterieurement resolu par le juge, les articles 418, alinea 1er, et 419,alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992, tels qu'ils etaientapplicables avant leur modification par la loi du 15 mars 1999 relative aucontentieux en matiere fiscale, et l'article 419, alinea 1er, 4DEG, de cecode, tel qu'il est libelle depuis cette modification, violent-ils lesarticles 10, 11 et 172 de la Constitution en etablissant unediscrimination
1DEG entre ces redevables et les redevables qui obtiennent la restitutiond'un impot, d'un precompte mobilier ou d'un precompte professionnel qu'ilsont paye apres que cet impot ou ce precompte eut ete enrole à tort àleur charge, des interets moratoires etant accordes à ces derniersredevables ?
2DEG entre ces redevables et les redevables qui obtiennent la restitutiondes memes precomptes qu'ils n'ont pas payes spontanement dans le delaiprevu par l'article 412 dudit code mais seulement apres quel'administration les eut enroles à leur charge, conformement à l'article304, S: 1er, alinea 2, du meme code, des interets moratoires etantaccordes à ces derniers redevables ?
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Alain Simon,Gustave Steffens, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du trente et un janvier deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
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| G. Steffens | A. Simon | Chr. Storck |
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31 JANVIER 2013 F.10.0130.F/10