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31/01/2013 | BELGIQUE | N°F.10.0112.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 janvier 2013, F.10.0112.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

40



NDEG F.10.0112.F

A. ANRIGLASS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Charleroi(Jumet), zoning industriel, 2e rue, 9,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maitre Dominique Lambot, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ouil est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelle

s, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

40

NDEG F.10.0112.F

A. ANRIGLASS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Charleroi(Jumet), zoning industriel, 2e rue, 9,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maitre Dominique Lambot, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ouil est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 fevrier 2010par la cour d'appel de Mons.

Le 9 janvier 2013, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

* articles 339, specialement alinea 1er, 340 et 346 du Code des impotssur les revenus 1992 ;

* articles 1315, 1349 et 1353 du Code civil ;

* article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque rec,oit l'appel du defendeur et le declare fonde, met àneant le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rec,u la demandeoriginaire, a annule la cotisation complementaire relative à l'exerciced'imposition 2002 et a condamne le defendeur à restituer toutes sommesindument payees de ce chef, majorees des interets, et, statuant par voiede dispositions nouvelles, declare non fondee la demande originaire de lademanderesse tendant à l'annulation de la cotisation complementaire àl'impot des societes enrolee à sa charge le 14 avril 2005 sous l'article851.229.277 du role de l'exercice d'imposition 2003.

L'arret attaque commence par rappeler que :

« Le ministere des Finances soutient que le seul et unique grief ou vicedenonce par le jugement entrepris dans l'etablissement des deuxcotisations litigieuses justifiant leur annulation est qu'il n'a pas etetenu compte d'un stock de marchandises representant 67.000 coins à ladate du 31 decembre 2000 ;

[...] Cependant, selon l'Etat belge, ce vice est etranger aux operationsde l'annee 2002 et n'a par consequent pas influence les modalites dedetermination de la base imposable de l'exercice d'imposition 2003 ;

[...] Le fait connu, qui soutient la taxation par presomptions de l'hommede l'administration, est l'inventaire du stock au 31 decembre 2001 (reprisau 1er janvier 2002) etabli par [la demanderesse] elle-meme sur piecesvolantes, reprenant le libelle suivant en ce qui concerne le fournisseurAlu Pro :

`Intercalaires 11,5 6.000 mx 4,80 = 28.800 francs

14,5 18.000 mx 5,55 = 99.900 francs

Coins 11,5 8.000 x 0,62 = 4.960 francs

14,5 18.000 x 0,74 = 13.320 francs '

Alu Pro 355

[...] L'administration fiscale estime que le fait de majorer le stock decoins au 1er janvier 2001 de 67.000 unites ne modifie en rien le relevedes avoirs en coins à la date du 31 decembre 2001 ;

[...] L'Etat belge soutient qu'en comparant les donnees de l'inventairefournies par [la demanderesse] elle-meme à la date du 31 decembre 2001 età la date du 31 decembre 2002, apres y avoir ajoute les achats de coinsde l'annee 2002, pour determiner par presomptions de l'homme le chiffred'affaires, il ne s'est pas base sur des faits :

- qui seraient inconnus, ou inconstants, puisqu'ils resultent desecritures de [la demanderesse] elle-meme ;

- qui seraient inexacts ;

[...] Des lors que la majoration des stocks intervenue pour l'exerciced'imposition 2002 (67.000 coins au 1er janvier 2001) reste sans influencepour l'etablissement de la base imposable de l'exercice d'imposition 2003,le premier juge n'a pu puiser dans l'erreur d'inventaire constatee pourl'exercice d'imposition 2002 un motif valable d'annulation de lacotisation etablie pour l'exercice d'imposition 2003 ».

Apres avoir rappele, ensuite, que la demanderesse faisait notamment griefau fonctionnaire taxateur :

- d'avoir etabli la taxation en se concentrant sur un seul et uniqueelement, à savoir le stock comptable au 1er janvier 2002 du nombre decoins repris sur l'inventaire tenu sur des feuilles volantes, àl'exclusion de tout autre element necessaire à la fabrication du produitfini (main d'oeuvre, verre entrant dans la fabrication du doublevitrage) ;

- d'avoir retenu un stock de coins de 26.000 unites au 1er janvier 2002,alors que les feuilles d'inventaire ne refletent pas, à defaut decomptage et par souci de simplification, le nombre de coins physiquementen stock, avec la consequence que le nombre de coins repris sur cesfeuilles d'inventaire est un element conteste ;

- d'avoir procede à une taxation par presomptions de l'homme arbitraire,dans la mesure ou le stock comptable de coins ne represente pas un faitconnu permettant à l'administration fiscale de conclure à l'existenced'un fait inconnu, c'est-à-dire un certain nombre de doubles vitragesrealises, mais non factures, des lors qu'en realite, le nombre de coinsrepris dans le stock comptable est tres inferieur à la realite, ainsiqu'en atteste une reconstitution de l'inventaire physique du stock sous lecontrole d'un huissier de justice et selon proces-verbal du 19 avril 2004,

l'arret attaque statue comme suit :

« Il est constant que les associes de la [demanderesse], Monsieur H. B.et Monsieur A. T., ont developpe un savoir-faire considerable dans ledomaine du double vitrage, notamment aupres de la societe Saint-Gobain ence qui concerne Monsieur B. ;

[...] Si les coins d'angle sont certes des pieces de petite taille etd'un poids leger, conditionnees dans de grandes caisses par leurfabriquant Alu Pro, elles n'en sont pas moins indispensables dans leprocessus de fabrication de doubles vitrages ;

[...] La societe a comptabilise, dans un inventaire manuscrit cloture au31 decembre 2001 - et repris le 1er janvier 2002 -, et identifie avecprecision le nombre de coins presents dans le stock selon ses ecritures,à savoir 26.000 pieces (8.000 de dimension 11,5 et 18.000 de dimension14,5) ;

[...] [La demanderesse] soutient que ce chiffre constitue uneapproximation, qui a ete finalement retenue sur la base des fournituresmentionnees sur la derniere facture de l'annee 2001 du fournisseur italienAlu Pro (d'ou la reference manuscrite Alu Pro 355) et des prelevements surstock presumes intervenus jusqu'au 31 decembre 2001 ;

[...] La societe a comptabilise, dans son inventaire manuscrit cloture au31 decembre 2002, le nombre de coins existant en son stock, à savoir48.000 ;

[...] En vue de permettre un controle precis de la comptabilite d'uneentreprise commerciale, qui sert de base à la determination de l'impotsur les revenus, il appartient aux responsables d'une telle entreprise deprendre les mesures de nature à fixer avec precision l'inventaire desstocks des pieces essentielles à la fabrication du produit fini (voirarticle 9 de la loi du 17 juillet 1975) ;

[...] Interroge à cet effet par le president, le conseil de [lademanderesse] a declare à l'audience publique que les ouvriers charges deplacer les quatre coins d'angle sur les doubles vitrages se contentaientde puiser dans des caisses ou des bacs en plastique remplis de coinsd'angle, sans jamais devoir proceder à un decompte des coins puises dansle stock ;

[...] Cette technique de fabrication rendait donc impossible touteverification du nombre reel de coins utilises dans la fabrication desdoubles vitrages, à defaut d'un inventaire complet de ce type de materiautout au long de l'exercice comptable ;

[...] C'est par consequent à bon droit que le fonctionnaire taxateur arecouru à la methode de taxation par presomptions de l'homme, en sebasant notamment sur les mentions reprises par le contribuable lui-memedans son inventaire de stock, fut-il tenu sur des feuilles volantes ;

[...] Ces ecritures, notamment l'etat du stock d'un produit figurant àl'inventaire, peuvent constituer le fait connu servant de base à unetaxation par presomptions de l'homme ;

[...] Il ne suffit pas pour le contribuable de contester le nombre decoins en stocks, pieces indispensables dans le processus de fabrication duproduit fini, au 31 decembre 2001 et au 31 decembre 2002, pour que lechiffre repris à l'inventaire ne soit plus un fait connu : il doitprouver in concreto, par un controle physique de l'inventaire, que lenombre de coins enregistres au 31 decembre 2001 et au 31 decembre 2002 necorrespond pas à la realite, ce que [la demanderesse] s'abstient defaire ;

[...] L'inexactitude qui a entache la reconstitution du chiffred'affaires de l'exercice d'imposition 2002 (suite à l'absence decomptabilisation du stock initial de coins d'angle) ne vicie pas lareconstitution, par presomptions de l'homme, du chiffre d'affaires del'exercice d'imposition 2003 ;

[...] En vertu du principe de l'annualite, l'impot est du chaque anneesur l'ensemble des revenus perc,us par le contribuable au cours de laperiode imposable consideree, l'administration fiscale etant habilitee àrecourir librement au moyen de preuve legal juge adequat en cas derectification de la declaration ;

[...] L'administration fiscale n'etait pas legalement tenue de recourirà la taxation par presomptions de l'homme en prenant en considerationd'autres elements necessaires à la fabrication du produit fini, tels que,à titre exemplatif, la main d'oeuvre ou les pieces de verre elles-memes ;

[...] Ni l'impossibilite de s'approvisionner officieusement aupres desfournisseurs habituels de verres - au demeurant non demontree - ni lacomposition de la clientele de [la demanderesse] ne sont susceptibles deconferer un caractere arbitraire ou tout simplement illegal àl'imposition litigieuse ;

[...] De meme, le fait que la fondation de [la demanderesse] a ete renduepossible par l'investissement de fonds publics, que la societe a realisedes investissements tres importants et que la rectification envisagee pourl'exercice d'imposition 2003 a eu pour effet d'augmenter par presomptionsle chiffre d'affaires de l'annee 2002 de 18,07 p.c. sont des circonstancessans incidence pour apprecier la legalite de la procedure d'etablissementde l'impot ;

[...] Le constat de l'huissier de justice realise le 19 avril 2004 n'a puporter que sur une appreciation du stock physique de coins en plastique,contenus dans des caisses non ouvertes et des caisses, cartons ou bacsouverts presentes spontanement par l'administrateur delegue, Monsieur H.B., sans autre mesure d'investigation dans l'entreprise, competence audemeurant non reconnue à un huissier de justice ;

[...] La reconstitution du nombre de doubles vitrages fabriques depuis lamise en service de l'usine en janvier 2001 jusqu'en avril 2004, par uneextrapolation des chiffres retenus par l'huissier de justice suppleant D.V. quant à la consistance du stock physique de coins d'angle, ne renversepas la force probante des inscriptions reprises dans les inventairesmanuscrits clotures au 31 decembre 2001 et 31 decembre 2002 par lademonstration d'une erreur de comptabilisation à ces dates respectives decloture ;

[...] L'administration fiscale pouvait parfaitement s'appuyer sur un prixde vente moyen par unite de double vitrage sur la base de circonstancespropres à l'espece et considerer ce prix de vente moyen comme un faitconnu ;

[...] Elle pouvait se baser, pour determiner ce prix moyen, sur un largepanel de doubles vitrages de superficie differente ;

[...] Le prix moyen (26,91 euros) a ete correctement determine pourl'annee 2002 en reprenant le nombre total d'unites de double vitrage pourles douze mois de l'annee, ainsi que le total des montants factures pourcette meme periode :

1.010.779 euros = 26,91 euros ».

37.450

Griefs

Suivant l'article 339, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus1992, l'impot prend pour base les revenus et les autres elements declarespar le contribuable, sauf lorsque l'administration fiscale les reconnaitinexacts. Hormis le cas de la taxation d'office, l'administration a lacharge de prouver le montant des revenus qu'elle entend substituer à ceuxdeclares par le contribuable, conformement aux articles 1315 du Code civilet 870 du Code judiciaire, et doit indiquer les motifs qui lui paraissentjustifier la rectification, conformement à l'article 346 du Code desimpots sur les revenus 1992.

Pour etablir l'existence et le montant de la dette d'impot,l'administration fiscale peut, selon l'article 340 du meme code, avoirrecours à tous les moyens de preuve admis par le droit commun, sauf leserment.

Ces moyens de preuve comprennent les presomptions de l'homme. Suivantl'article 1349 du Code civil, les presomptions sont des consequences quela loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu. Lapresomption de l'homme permet au magistrat, ou à l'administrationd'etablir l'existence d'un fait inconnu à partir d'un fait connu.L'article 1353 du Code civil recommande de n'admettre que des presomptionsgraves, precises et concordantes.

La preuve par presomption de l'homme doit prendre comme point de depart unfait certain et connu. A cet egard, un fait avere inexact n'est pas unfait connu, susceptible de fonder une presomption de l'homme. De meme,n'est pas un fait connu et certain, au sens des articles 1349 et 1353 duCode civil, un element de fait conteste par le contribuable, cettecontestation rendant incertain le fait en question.

En l'espece, le defendeur a fonde sa reconstitution du chiffre d'affairesde la demanderesse, pour les deux exercices verifies, sur un seul etunique element, à savoir le nombre de coins d'angle (il en faut quatrepour realiser un double vitrage) repris sur les feuilles d'inventairetenues manuscritement par la demanderesse.

Or, il ressort des constatations memes de l'arret attaque que le defendeuravait lui-meme constate l'existence d'une erreur d'inventaire pourl'exercice d'imposition 2002, de sorte que sa reconstitution du chiffred'affaires pour l'annee 2001 (exercice d'imposition 2002) etait entacheed'arbitraire, dans la mesure ou elle omettait de tenir compte de 67.000coins d'angle achetes en 2000 et necessairement en stock au 1er janvier2001 (puisque, ce qui n'est pas conteste, la fabrication n'a debute qu'en2001). Ces coins d'angle n'etaient cependant pas repris sur la feuilled'inventaire au 31 decembre 2000, l'arret attaque relevant lui-meme dureste, « l'absence de comptabilisation du stock initial de coinsd'angle ».

Le nombre de coins d'angle repris sur les feuilles d'inventaire etaitegalement conteste par la demanderesse, en ce qui concerne les feuillesd'inventaire tenues au 31 decembre 2001 et au 31 decembre 2002. Elle s'enexpliquait comme suit :

« Lors de l'assemblage des doubles vitrages, la societe place quatrecoins, un à chaque angle. Comme telles, ces pieces n'ont qu'une valeurnegligeable, soit environ deux centimes par piece.

L'administration s'est focalisee sur ce seul aspect de la fabrication pourtenter de reconstituer un chiffre d'affaires theorique, en se fondant surla technique des presomptions de l'homme.

De maniere plus precise, l'administration de la fiscalite des entrepriseset des revenus, negligeant toute autre consideration, s'est fondee, pourasseoir la taxation, sur le seul nombre de coins declares par lecontribuable comme figurant à son inventaire et ce, alors que la valeurdu stock comptable de coins ne correspondait pas au stock physiquementpresent dans l'entreprise.

Cette constatation n'a rien d'etonnant en raison, d'une part, du mode deconditionnement des coins (par boite en contenant plusieurs milliers) et,d'autre part, de la faible valeur de ces pieces (une differenced'inventaire de 50.000 coins ne represente, en termes monetaires, qu'unmontant de 1.000 euros).

C'est un peu comme si l'administration exigeait qu'une entreprise demenuiserie fasse l'inventaire du nombre de clous qu'elle a en stock.

Cela explique que la [demanderesse], par souci de simplification, s'estbasee, à chaque fois, sur la derniere facture rec,ue pour valoriser sonstock comptable : c'est ainsi, par exemple, que le stock au 31 decembre2002 reprend une partie des fournitures mentionnees sur la facture de AluPro, fournisseur de la [demanderesse], du 16 octobre 2002, avec leur prixd'achat. Cela vaut non seulement pour les coins mais aussi pour lesintercalaires livrees par le meme fournisseur (la feuille de stockmentionne, du reste, expressement, `Alu Pro 807', ce qui correspond aunumero sous lequel la facture a ete enregistree). Le meme constat s'imposepour le stock comptable au 31 decembre 2001, base sur la facture `Alu Pro355'.

Il s'agit, certes, d'une approximation regrettable, mais sans consequencesur la situation comptable de l'entreprise.

D'ailleurs, l'administration est bien forcee d'admettre, elle-meme, que lenombre de coins repris par la [demanderesse] sur ses feuilles de stock necorrespond pas à la realite : en effet, ce nombre, au 1er janvier 2001,est, selon l'administration, de zero (dans la mesure ou la feuille destock au 31 decembre 2000 ne reprend aucun coin) et ce, alors qu'il n'estpas conteste, meme par l'administration, que les coins achetes en 2000(soit 67.000 unites) se trouvent necessairement dans le stock physique au1er janvier 2001 (puisque la fabrication n'a debute qu'en 2001).

Cela n'a pas empeche l'administration de prendre pour argent comptant lesmentions reprises dans des documents `inventaire de stock' tenus surfeuilles volantes et dont il apparaitrait que le stock de coins serait de26.000 au 31 decembre 2001 et de 48.000 au 31 decembre 2002.

[...] Pour motiver son appel (limite à l'exercice 2003), l'Etat belgesoutient que l'arbitraire de la taxation constate par le premier juge (etadmis par l'administration) pour l'exercice 2002 n'aurait pas d'incidencesur la legalite de la taxation intervenue pour l'exercice 2003.

C'est oublier que, pour les deux exercices, l'administration a applique lameme methode de reconstitution du chiffre d'affaires.

C'est oublier que cette reconstitution, qui s'etend sur deux exercices,forme un tout et que l'inexactitude qui entache le point de depart decette reconstitution (soit le nombre de coins en stock au 1er janvier2001) vicie la reconstitution dans son ensemble.

Les deux avis de rectification portent, d'ailleurs, la meme date (ce quin'a rien d'etonnant, puisqu'ils ont ete etablis à la suite d'un seul etmeme controle portant sur les deux exercices) ».

En resume, la demanderesse faisait valoir que le nombre de coins d'anglerepris sur ses feuilles d'inventaire ne correspondait pas à la realitedans la mesure ou, par souci de simplification, il ne s'agissait que d'uneapproximation basee sur la derniere facture rec,ue du fournisseur. Ellerappelait aussi que le defendeur avait admis que la feuille d'inventaireau 31 decembre 2000 etait inexacte (puisqu'elle ne reprenait pas les coinsachetes en 2000) et soutenait qu'il n'y avait aucune raison objective dedonner aux feuilles d'inventaire etablies au 31 decembre 2001 et au 31decembre 2002 une valeur probante dont celle au 31 decembre 2000 etaitdepourvue.

Il s'ensuit qu'en declarant l'appel du defendeur recevable et fonde, auxmotifs, en substance, que c'est à bon droit que le fonctionnaire taxateura recouru à la methode de taxation par presomption de l'homme, en sebasant sur les mentions reprises par le contribuable lui-meme dans soninventaire de stock, fut-il tenu sur des feuilles volantes, qu'il nesuffit pas, pour le contribuable, de contester le nombre de coins en stockpour que le chiffre repris à l'inventaire ne soit plus un fait connu maisqu'il doit prouver, in concreto, par un controle physique de l'inventaire,que le nombre de coins enregistres au 31 decembre 2001 et au 31 decembre2002 ne correspond pas à la realite, ce que la demanderesses'abstiendrait de faire, que l'inexactitude qui a entache lareconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice d'imposition 2002(suite à l'absence de comptabilisation du stock initial de coins d'angle)ne vicie pas la reconstitution, par presomption de l'homme, du chiffred'affaire de l'exercice d'imposition 2003, et que la reconstitution dunombre de doubles vitrages fabriques depuis la mise en service de l'usineen janvier 2001 jusqu'en avril 2004, par une extrapolation des chiffresretenus par l'huissier de justice suppleant D. V. quant à la consistancedu stock physique de coins d'angle, ne renverse pas la force probante desinscriptions reprises dans les inventaires manuscrits clotures au 31decembre 2001 et 31 decembre 2002 par la demonstration d'une erreur decomptabilisation à ces dates respectives de cloture,

l'arret attaque

- opere un renversement illegal de la charge de la preuve en faveur dudefendeur et viole les regles relatives à la preuve par presomptions del'homme, dans la mesure ou c'est l'administration qui doit prouver lemontant des revenus qu'elle entend substituer à ceux qui sont declarespar le contribuable (violation des articles 339 et 346 du Code des impotssur les revenus 1992, 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire) et oucette preuve ne peut etre consideree comme legalement etablie parce que lecontribuable - qui soutient que la taxation est arbitraire, à tout lemoins qu'elle est etablie sur la base d'un fait conteste, qui n'est passusceptible de constituer un fait connu et certain - ne prouverait pas, inconcreto, aux yeux de la cour d'appel, par un controle physique del'inventaire, que le nombre de coins d'angle enregistres au 31 decembre2001 et au 31 decembre 2002 ne correspondrait pas à la realite (violationdes articles 339 et 346 du Code des impots sur les revenus 1992, 1315 duCode civil et 870 du Code judiciaire, ainsi que, par voie de consequence,des articles 340 du Code des impots sur les revenus 1992, 1349 et 1353 duCode civil) ;

- viole la notion de presomption de l'homme, dans la mesure ou le nombrede coins d'angle repris sur les feuilles d'inventaire manuscrites de lademanderesse etant avere inexact pour la feuille d'inventaire au 31decembre 2000 et conteste pour les feuilles d'inventaire subsequentes, ilne peut constituer un fait certain et connu, susceptible de fonder unepresomption de l'homme et, partant, de justifier la reconstitution duchiffre d'affaires operee par le defendeur (violation des articles 1349 et1353 du Code civil et, par voie de consequence, 340 du Code des impots surles revenus 1992).

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 1350, 3DEG, du Code civil ;

- articles 2 et 23 à 28 du Code judiciaire ;

- principe general du droit relatif à l'autorite de la chose jugee ;

- articles 355 et 356 du Code des impots sur les revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque rec,oit l'appel du defendeur et le declare fonde, reformele jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rec,u la demande originaire, aannule la cotisation complementaire enrolee pour l'exercice d'imposition2002 et a condamne le defendeur à restituer toutes sommes indument payeesde ce chef, majorees des interets, et, statuant par voie de dispositionsnouvelles, declare non fondee la demande originaire de la demanderessetendant à l'annulation de la cotisation complementaire à l'impot dessocietes enrolee à sa charge le 14 avril 2005 sous l'article 851.229.277du role de l'exercice d'imposition 2003, au motif, en substance, que c'està bon droit que le fonctionnaire taxateur a recouru à la methode detaxation par presomptions de l'homme, en se basant sur les mentionsreprises par le contribuable lui-meme dans son inventaire de stock, fut-iltenu sur des feuilles volantes. A l'appui de sa decision, l'arret attaquejuge egalement que, « meme si les controles exerces par l'administrationde la fiscalite des entreprises et des revenus ont ete menes conjointementen vue de la verification de la situation fiscale de la [demanderesse] auregard de la taxe sur la valeur ajoutee et des impots sur les revenus,l'arret prononce contradictoirement le 8 octobre 2009 par la vingtiemechambre civile de la cour [d'appel] n'est relatif qu'à la situationfiscale [de la demanderesse] au regard de la taxe sur la valeur ajoutee etnon au regard des impots sur les revenus, situation qui repond à desregles d'etablissement des impots differentes ».

Griefs

L'autorite de la chose jugee s'attache au dispositif de la decision ainsiqu'aux motifs qui en sont le soutien necessaire. Elle constitue une fin denon-recevoir qui, selon l'article 25 du Code judiciaire, fait obstacle àla reiteration de la demande et subsiste tant que la decision n'a pas eteinfirmee (article 26 du Code judiciaire). Plus generalement, elle tend àprevenir le risque de contradiction qui pourrait exister entre unedecision à rendre et une decision dejà rendue entre les memes parties,lorsque les conditions de l'article 23 du Code judiciaire sont reunies.

En matiere d'impots sur les revenus, il etait admis, dans le cadre de laprocedure fiscale en vigueur avant les lois des 15 et 23 mars 1999, que laviolation de l'autorite de la chose jugee - au meme titre que laforclusion - devait etre soulevee, d'office, par la cour d'appel statuantsur le recours fiscal du contribuable à l'encontre de la decision dudirecteur regional. Elle pouvait egalement etre soulevee par lecontribuable, à tout moment de la procedure, meme en dehors du delaiimparti par les articles 378 et 381 du Code des impots sur les revenus1992 (en vigueur avant leur remplacement par la loi du 15 mars 1999) pourla presentation de griefs nouveaux.

En cette meme matiere des impots sur les revenus, l'autorite de la chosejugee fait notamment obstacle à l'etablissement d'une nouvelle cotisationqui serait contraire à une decision anterieure d'annulation ou dedegrevement, lorsque l'administration fait usage des articles 355 ou 356du Code des impots sur les revenus 1992 (reenrolement ou cotisationsubsidiaire) apres annulation de la cotisation d'origine en raison d'unvice de procedure (autre que la forclusion du droit d'imposer).

La chose jugee en matiere d'impots sur les revenus suppose quel'imposition nouvelle soit inconciliable avec celle qui a dejà faitl'objet d'une decision anterieure ou, plus generalement, que lacontestation actuelle ait dejà ete jugee par la decision anterieure.

D'une maniere generale, si l'autorite de la chose jugee n'a lieu qu'entreles memes parties, de ce qu'il n'y a pas d'identite entre l'objet d'uneaction definitivement jugee et celui d'une autre action ulterieurementexercee entre les memes parties, il ne se deduit pas necessairement quepareille identite n'existe à l'egard d'aucune pretention ou contestationelevee par une partie dans l'une ou l'autre instance ni, partant, que lejuge puisse accueillir une pretention dont le fondement est inconciliableavec la chose anterieurement jugee.

L'impot sur les revenus et la taxe sur la valeur ajoutee sont des impotsdifferents. Toutefois, meme si ces deux impots obeissent à des reglesdifferentes en matiere d'etablissement et de recouvrement, cetteconstatation n'exclut pas, d'emblee et de maniere automatique, qu'unedecision rendue en matiere de taxe sur la valeur ajoutee puisse etrerevetue de l'autorite de la chose jugee pour la solution d'un litige enmatiere d'impots sur les revenus. Il y aura lieu d'avoir egard à l'objetreel de la contestation entre les parties ou de certaines de leurspretentions respectives. L'on ne perdra pas de vue, à ce propos, que lapreuve qui incombe à l'administration, tant en matiere de taxe sur lavaleur ajoutee que d'impots sur les revenus, peut etre rapportee partoutes voies de droit, y compris les presomptions de l'homme.

A cet egard, la demanderesse rappelait « qu'à l'impot sur les revenus,le controle de l'administration de la fiscalite des entreprises et desrevenus a donne lieu à l'etablissement de deux avis de rectification pourles exercices 2002 et 2003, dates du 3 aout 2004. Les rectifications enmatiere de contributions directes sont identiques à celles en matiere detaxe sur la valeur ajoutee ».

L'arret attaque releve lui-meme que, « les 26 fevrier 2004, 11 mars 2004et 29 avril 2004, la [demanderesse] a fait l'objet d'un controle fiscal del'administration de la fiscalite des entreprises et des revenus portantsur les operations des exercices comptables clotures les 31 decembre 2001et 31 decembre 2002, tant en matiere de taxe sur la valeur ajoutee qu'enmatiere d'impots sur les revenus ; l'administration fiscale competente aprocede à une reconstitution du chiffre d'affaires de la societe pour lesannees 2001 et 2002 sur la base des operations à l'entree, en comparant,au vu des achats des coins d'angle - qui sont une composante indispensabledu processus de fabrication des doubles vitrages puisqu'ils maintiennentles lattes en aluminium qui servent de support à la fixation des deuxvitres -, le chiffre d'affaires que devait generer l'entreprise en matierede fabrication et de vente de doubles vitrages et le chiffre d'affaires dedoubles vitrages qu'elle a facture et porte dans ses declarationsperiodiques à la taxe sur la valeur ajoutee pour les annees faisantl'objet de la verification ».

En l'espece, ce qui etait des lors en litige, ce n'etait pas les reglesd'etablissement de l'impot mais la reconstitution meme du chiffred'affaires : celle-ci etait realisee selon la meme methode et en recourantà la meme presomption de l'homme, fondee sur le nombre de coins d'anglerepris sur les feuilles d'inventaire manuscrites de la demanderesse, tantpour l'application de la taxe sur la valeur ajoutee que de l'impot sur lesrevenus.

Or, par arret du 8 octobre 2009, la vingtieme chambre de la cour d'appelde Mons avait statue sur le volet de la taxe sur la valeur ajoutee,contestation entre la demanderesse et le defendeur. Cet arret avait eteverse aux debats devant la dix-huitieme chambre de la meme cour d'appel etle defendeur avait meme depose une note d'audience à ce sujet.

Dans son arret du 8 octobre 2009, la vingtieme chambre de la cour d'appelde Mons a d'abord rappele que « [la demanderesse ] a fait l'objet d'uncontrole à la taxe sur la valeur ajoutee, conjointement à un controle enmatiere de contributions directes, pour la periode allant du 1er janvier2001 au 31 decembre 2002 ; [...] le fisc a procede à la reconstitution duchiffre d'affaires de [la demanderesse] en se basant sur des presomptionsde l'homme (article 59, S: 1er, alinea 1er, du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee) ».

Elle a deboute l'Etat belge de son appel, aux motifs suivants :

« A l'origine d'une preuve par presomptions doit se trouver un faitconnu ;

[...] La preuve par presomptions ne peut etre admise lorsque le fait surlequel se fonde la presomption est incertain, meme si le juge le considerecomme probable ou vraisemblable [...] ;

[...] En l'espece, le `fait connu' vante par [le defendeur], à savoirqu'un vitrage comporte quatre coins, manque de pertinence ;

[...] En effet, il ne suffit pas de relever que le produit fabrique parl'assujetti comporte plusieurs composants pour pouvoir recourir à un telmode de preuve ;

[...] Le fait connu, permettant de recourir à une preuve parpresomptions, aurait du etre le nombre de coins en stock en debut et enfin d'exercice ;

[...] Il appert cependant que les feuilles d'inventaire sur feuillesvolantes de [la demanderesse] ne sont gueres fiables en ce qui concerneles coins d'angle ;

[...] Il est admis par [le defendeur] que 67.000 coins d'angle ont eteachetes par [la demanderesse] en 2000 (facture nDEG 32580 du 10 novembre2000 de son fournisseur Alu Pro) et qu'ils n'ont ete utilises qu'en 2001,la production n'ayant pas encore commence en 2000 ;

[...] Il apparait ainsi que le raisonnement [du defendeur], se fondant surun stock de coins d'angle inexistant au 1er janvier 2001, est errone ;

[...] Comme l'a estime à raison le premier juge, en faisant abstractiondes 67.000 coins achetes fin 2000, le fisc a etabli la taxation de manierearbitraire, en se fondant, en connaissance de cause, sur des faitsinexacts ;

[...] Il n'est pas sans interet de relever qu'en matiere d'impots directs,l'administration fiscale a clairement admis, en sa requete d'appel, lecaractere arbitraire de la taxation pour l'annee 2001, alors qu'ellepersiste à soutenir qu'elle est parfaitement reguliere en matiere de taxesur la valeur ajoutee ;

[...] C'est en vain que [le defendeur] soutient que la taxation doit àtout le moins etre maintenue pour l'annee 2002 ;

[...] La preuve par presomption ne peut etre admise en l'espece ;

[...] En effet, si l'on s'en tient à la these [du defendeur] selonlaquelle le fait connu permettant le recours à la preuve par presomptionest qu'un vitrage comporte quatre coins d'angle, ce fait en soi n'est paspertinent ;

[...] Si la presomption est tiree des stocks de coins d'angle de [lademanderesse], force est de constater que l'evolution et le contenu reelde ces stocks sont incertains et ne peuvent etre consideres comme un faitconnu ;

[...] En effet, l'omission des 67.000 coins au premier inventaire surfeuilles volantes demontre à suffisance le peu de fiabilite de cesdocuments quant à la consistance reelle du stock ;

[...] La taxation pour l'annee 2002 n'est que la continuation duraisonnement arbitraire effectue pour l'annee 2001 et est entachee du mememanque de certitude quant à la consistance reelle du stock de coinsd'angle ;

[...] Il ressort des considerations qui precedent que c'est à bon droitque le premier juge a statue comme il l'a fait ».

Cet arret du 8 octobre 2009 censure la reconstitution du chiffred'affaires operee par l'administration, tant pour l'annee 2001 que pourl'annee 2002, des lors que le nombre de coins d'angle repris sur lesfeuilles d'inventaire manuscrites de la demanderesse n'est pas un faitconnu et certain, susceptible de fonder la presomption de l'homme mise enoeuvre par l'administration en vue de la reconstitution du chiffred'affaires de la demanderesse.

Il s'ensuit qu'en faisant droit à l'appel [du defendeur] et en decidantque c'est à bon droit que le fonctionnaire taxateur a eu recours à lapresomption de l'homme basee sur le nombre de coins repris sur lesfeuilles d'inventaire manuscrites de la demanderesse, l'arret attaque

- viole l'autorite de la chose jugee qui s'attache à l'arret du 8 octobre2009 (violation des articles 1350, 3DEG, du Code civil, 23 à 28 du Codejudiciaire, applicables en matiere fiscale en vertu de l'article 2 du Codejudiciaire, du principe general du droit relatif à l'autorite de la chosejugee et des articles 355 et 356 du Code des impots sur les revenus 1992,qui consacrent ce principe en matiere d'impot sur les revenus), dans lamesure ou la seule circonstance que la taxe sur la valeur ajoutee etl'impot sur les revenus sont des impots qui obeissent à des reglesd'etablissement differentes, induisant des situations differentes dans lechef du contribuable, ne permet pas d'exclure qu'une decision en matierede taxe sur la valeur ajoutee (en l'occurrence l'arret du 8 octobre 2009)puisse etre revetue de l'autorite de la chose jugee pour la solution d'unlitige en matiere d'impots sur les revenus ;

- viole l'autorite de la chose jugee qui s'attache à l'arret du 8 octobre2009 (violation des articles 1350, 3DEG, du Code civil, 23 à 28 du Codejudiciaire, applicables en matiere fiscale en vertu de l'article 2 du Codejudiciaire, du principe general du droit relatif à l'autorite de la chosejugee et des articles 355 et 356 du Code des impots sur les revenus 1992,qui consacrent ce principe en matiere d'impot sur les revenus), dans lamesure ou, des constatations memes de l'arret, il ressort que c'etait lameme pretention qui etait en litige tant pour l'application de la taxe surla valeur ajoutee que de l'impot sur les revenus, à savoir lareconstitution du chiffre d'affaires de la demanderesse sur la base de lameme presomption de l'homme fondee sur le nombre de coins repris sur lesfeuilles d'inventaire, de sorte que l'arret du 8 octobre 2009 etait revetude l'autorite de la chose jugee pour la solution du litige soumis à lacour d'appel en matiere d'impot sur les revenus.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Aux termes de l'article 1349 du Code civil, les presomptions sont desconsequences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un faitinconnu.

L'existence des faits sur lesquels le juge se fonde, au titre despresomptions de l'homme, est souverainement constatee par lui.

L'arret constate que l'administration s'est basee sur des mentionsreprises par le demandeur lui-meme dans son inventaire de stock etconsidere que ces ecritures peuvent constituer le fait connu servant debase à une taxation par presomptions de l'homme.

Dans la mesure ou il soutient que ces mentions ne pouvaient etre prises encompte au titre de fait connu, le moyen, qui conteste l'appreciation dujuge du fond, est irrecevable.

En tant qu'il considere que l'arret renverse la charge de la preuve alorsque ce dernier constate que l'administration a tire les consequences d'unfait connu dont il appartenait au contribuable de contester larealite, « ce que [la demanderesse] s'abstient de faire », le moyen nepeut etre accueilli.

Sur le second moyen :

De ce qu'il n'y a pas identite entre l'objet et la cause d'une actiondefinitivement jugee et ceux d'une autre action ulterieurement exerceeentre les memes parties, il ne se deduit pas necessairement que pareilleidentite n'existe à l'egard d'aucune pretention ou contestation eleveepar une partie dans l'une ou l'autre instance ni, partant, que le jugepuisse accueillir une pretention dont le fondement est inconciliable avecla chose anterieurement jugee.

Dans son arret du 8 octobre 2009, saisie de l'action par laquelle lademanderesse contestait l'utilisation par le defendeur de l'inventaire deses stocks d'angles destines à la fabrication des doubles vitrages, auxfins de fonder une presomption de dissimulation d'une partie de sonchiffre d'affaires et, partant, de justifier le recouvrement desupplements de taxe sur la valeur ajoutee, la cour d'appel de Mons adecide que « le fait connu, permettant de recourir à une preuve parpresomptions, aurait du etre le nombre de coins en stock en debut et enfin d'exercice », qu'il « appert cependant que les feuilles d'inventairesur feuilles volantes de [la demanderesse] ne sont guere fiables en ce quiconcerne les coins d'angle », qu'il y a en effet eu omission averee d'ungrand nombre de coins d'angle dans l'inventaire au 31 decembre 2000, quecette omission a entache d'arbitraire la regularisation de la taxe sur lavaleur ajoutee pour l'annee 2001, que « la taxation pour l'annee 2002n'est que la continuation du raisonnement arbitraire effectue pour l'annee2001 et est entachee du meme manque de certitude quant à la consistancereelle du stock de coins d'angle » et, partant, a rejete la pretention del'administration de reconstituer le benefice de la demanderesse à partirdes chiffres mentionnes dans ces documents, tant pour l'annee 2001 quepour l'annee 2002.

L'arret attaque releve que « la societe a comptabilise, dans uninventaire manuscrit cloture au 31 decembre 2001 - repris au 1er janvier2002 -, et identifie avec precision le nombre de coins presents dans lestock selon les ecritures », qu'elle a fait de meme pour le stockexistant au 31 decembre 2002, que « la comptabilite d'une entreprisecommerciale sert de base à la determination de l'impot sur lesrevenus », et considere « qu'il ne suffit pas pour le contribuable decontester le nombre de coins en stock [...] pour que le chiffre repris àl'inventaire ne soit plus un fait connu : il doit prouver in concreto, parun controle physique de l'inventaire, que le nombre de coins enregistresau 31 decembre 2001 et au 31 decembre 2002 ne correspond pas à larealite, ce que la [demanderesse] s'abstient de faire ».

Il constate l'inexactitude qui a entache la reconstitution du chiffred'affaires de l'exercice d'imposition 2002, suite à l'absence decomptabilisation du stock initial, mais considere qu'à defaut de preuved'une erreur de comptabilisation propre à l'annee 2002, cettecirconstance ne vicie pas la reconstitution du chiffre d'affaires del'exercice d'imposition 2003. Il rappelle le principe d'annualite quigouverne la matiere des impots sur les revenus.

Il en deduit que « c'est [...] à bon droit que le fonctionnaire taxateura recouru à la methode de taxation par presomptions de l'homme, en sebasant notamment sur les mentions reprises par le contribuable lui-memedans son inventaire de stock, fut-il tenu sur des feuilles volantes », etque « ces ecritures, notamment l'etat du stock d'un produit figurant àl'inventaire, peuvent constituer le fait connu servant de base à unetaxation par presomptions de l'homme ».

L'arret considere que, « meme si les controles exerces par le [defendeur]ont ete menes conjointement [...] au regard de la taxe sur la valeurajoutee et des impots sur les revenus, l'arret prononce contradictoirementle 8 octobre 2009 [...] n'est relatif qu'à la situation fiscale [de lademanderesse] au regard de la taxe sur la valeur ajoutee et non au regarddes impots sur les revenus, situation qui repond à des reglesd'etablissement des impots differentes ».

Sur la base de l'ensemble de ces considerations, l'arret a pu, sans violerl'autorite de la chose jugee attachee à l'arret du 8 octobre 2009,decider que le fonctionnaire taxateur avait legalement applique lapresomption de l'homme.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent cinquante-huit euros septante-quatrecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de centsoixante-neuf euros vingt-deux centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Alain Simon,Gustave Steffens, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du trente et un janvier deux mille treize par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-----------+-------------|
| G. Steffens | A. Simon | Chr. Storck |
+-------------------------------------------+

31 JANVIER 2013 F.10.0112.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.10.0112.F
Date de la décision : 31/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-01-31;f.10.0112.f ?
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