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21/01/2013 | BELGIQUE | N°C.10.0551.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 janvier 2013, C.10.0551.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1675



NDEG C.10.0551.F

1. M. C. et

2. J. E.,

3. A. D., demandeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

M. M.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La

procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 20 mai 2009par le tribunal de premiere ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1675

NDEG C.10.0551.F

1. M. C. et

2. J. E.,

3. A. D., demandeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

M. M.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 20 mai 2009par le tribunal de premiere instance de Verviers, statuant en degred'appel.

Par ordonnance du 3 janvier 2013, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le president Christian Storck a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens, dont le premier est libelle dansles termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 544 et 883 du Code civil ;

* articles 30, 34 et 35 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux àferme, remplac,ant le chapitre II du titre VIII du livre III du Codecivil.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate :

a. qu'aux termes d'un acte authentique du 28 mars 1991, N.M., M. V.D.B.-S. et C. M. ont donne à bail à ferme au premier demandeurdiverses terres, d'une superficie de huit hectares trente-six aresquinze centiares, pour une periode de dix-huit annees prenant cours le15 septembre 1991,

b. que ces terres etaient, pour partie, nue-propriete de N.M. et, pourl'autre partie, nue-propriete de C. M. (et il se deduit du contextedu jugement - et notamment de l'acte de partage dont question ci-apres- que N. M. et C. M. etaient nues-proprietaires indivises del'ensemble des terres), M. V. D. B.-S. en etant usufruitiere,

c. que, suivant acte du 8 mai 1992, partage de la nue-propriete de cesterres est intervenu, un lot etant attribue à N. M. et un autre lotà C.M. (M. V. D. B.-S. etant toujours usufruitiere des terres, cetusufruit s'etant eteint ulterieurement à son deces le 12 aout 1997),

d. que, « suivant convention du 25 novembre 2002, la dame N.M. a donneà bail à ferme [au second demandeur] les terres dont elle etaitproprietaire »,

e. que, par lettre recommandee du 15 avril 2003, le premier demandeur etla demanderesse ont informe le defendeur (aux droits et obligations deC. M. dont le jugement constate qu'elle est decedee le 1er octobre1999 et que le defendeur est son seul heritier) que, « conformementà l'article 35 de la loi sur les baux à ferme, ils avaient cede entotalite le bail (au second demandeur), epoux de leur fille »,

f. que le defendeur « a refuse la cession du bail vu l'absence decession de la totalite du bail et que la cession n'a pas ete notifieesimultanement à sa (...) co-bailleresse, madame N. M. »,

g. que le defendeur soutenait « qu'il y avait rupture de bail au motifque la cession de bail, n'etant pas faite valablement pour le tout,etait reputee inexistante et invoquait son intention d'exploiterlui-meme ; qu'il reprochait egalement au cessionnaire d'avoir concluun bail avec la dame N. M. »,

le jugement attaque, saisi, sur l'appel des demandeurs de la decision dujuge de paix qu'il confirme, de l'opposition du defendeur à la cession deson bail par le premier demandeur et de ses demandes de resiliation dubail (demande nouvelle formee devant le tribunal d'appel) et de dommageset interets, dit l'opposition du defendeur fondee, prononce la resiliationdu bail en date du 1er avril 2003 aux torts du premier demandeur et de lademanderesse, condamne les demandeurs à quitter les lieux et à lesmettre à disposition du proprietaire ainsi qu'au paiement d'une indemnited'occupation et ce, par les motifs suivants :

« 3.2.1. L'acte de partage n'a pas eu pour effet de diviser le bail du 28mars 1991 en deux parties ; ainsi, si effectivement à la suite du partageles biens ont ete partages entre les ex-coproprietaires, il n'en est pasde meme du bail ;

La division et le partage d'un immeuble en plusieurs lots ne mettent pasfin au bail qui existait anterieurement sur cet immeuble ;

Les [demandeurs] reconnaissent d'ailleurs en page 5 de leurs conclusionsd'appel de synthese que le partage n'a pas rompu l'unicite du bail ;

3.2.2. Le partage est une convention entre parties qui ne peut nuire ouprofiter aux tiers en vertu de l'article 1165 du Code civil, il n'ad'effet qu'entre les copartageants et ne peut faire echec au bail ; deslors, l'effet declaratif du partage ne peut avoir pour consequence que lebail serait coupe en deux suite au partage intervenu ;

L'article 55 de la loi sur les baux à ferme invoque à tort par les[demandeurs] ne vient pas à l'appui de leur these et ne prevoit nullementl'hypothese d'un partage mais envisage, au contraire, la subsistance dubail, meme en cas d'alienation ;

Il n'y a pas davantage novation de bailleur puisque les bailleurs etaientdejà ceux qui avaient initialement consenti le bail par acte du 28 mars1991 et qu'il n'y a eu aucun changement de personne ;

3.2.3. La phrase (que contient l'acte de partage) suivant laquelle `chacundes copartageants accepte le lot faisant partie de son attribution et tousabandonnements sont consentis reciproquement à cet egard', ne peut etrecomprise comme le fait que le partage des biens aurait entraine egalementun partage du bail ; les [demandeurs] ne peuvent etre suivis quand ilsindiquent que l'effet de ces àbandonnements' serait que les parties ontexpressement renonce à tous les droits et obligations que leur conferaitle bail et ce, sur la part attribuee à l'autre partie par l'effet dupartage ;

3.2.4. L'article 34 de la loi sur les baux à ferme prevoit la possibilitede la cession de la totalite du bail sans autorisation des bailleurs auxmembres de la famille ; pour etre reguliere, la cession doit porter sur latotalite du bail ; l'exception visee à l'article 34 de la loi sur le bailà ferme est de stricte interpretation ;

à defaut de cession de la totalite du bail, la cession est nulle ;

Par ailleurs, en cas de pluralite de bailleurs, la cession doit etrenotifiee à chacun d'eux ; le partage du 8 mai 1992 n'a pas fait perdre àmadame N.M. sa qualite de bailleresse au bail du 28 mars 1991, de sorteque la cession devait egalement lui etre opposee ;

Le bailleur à ferme peut invoquer l'irregularite de la cession elle-memeou l'irregularite de la notification prevue à l'article 35 de la loi surles baux à ferme [...] ;

Les [deux premiers demandeurs] indiquent avoir renonce au bail au profitdu [troisieme] ;

à juste titre, [le defendeur] fait valoir qu'il est contradictoire, d'unepart, de prendre un arrangement separe avec la dame N. M. pour conclureun nouveau bail pour partie et, d'autre part, en meme temps, de notifierune cession totale du bail de 1991 (au defendeur) ;

La cession telle qu'elle est intervenue par courrier du 15 avril 2003n'est pas valable, d'abord parce qu'elle n'a pas porte sur la totalite dubail, ensuite parce qu'elle n'a pas ete notifiee à madame N. M. ;

3.2.5. La resolution du bail

[Le defendeur] se fonde sur l'article 29 de la loi sur le bail à fermepour soutenir que la sanction consiste en la resiliation du bail avecdommages-interets à charge du preneur ; il indique qu'il y a rupture debail lorsqu'on conclut un nouveau bail portant sur la meme chose, que lefait de scinder le bail preexistant en faisant un arrangement separe avecla dame N. M. est une violation du bail de 1991 ;

En vertu de l'arret prononce par la Cour de cassation le 15 avril 1993[...], le legislateur a voulu que le juge du fond apprecie sil'inexecution du contrat est suffisamment grave pour prononcer laresolution et le caractere grave de l'inexecution doit etre apprecie enfonction de l'existence ou non d'un dommage dans le chef du bailleur ;

Le preneur qui cede son bail en violation des articles 30 et 34 de la loisur les baux à ferme meconnait une clause du bail, cette expressions'entendant aussi bien des clauses expressement prevues par les partiesque des dispositions legales imperatives ; il appartient au juge deverifier `si le litige doit necessairement trouver sa solution dans unesanction aussi radicale que la resiliation du bail' [...] ;

En renonc,ant au bail du 28 mars 1991 au profit du [second demandeur] quiconcluait un bail avec la bailleresse N. M., [le premier demandeur et lademanderesse] ont commis un manquement suffisamment grave qui justifie laresolution du bail à leurs torts ».

Griefs

Aux termes de l'article 30 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux àferme, le preneur à ferme ne peut ceder son bail sans l'autorisation dubailleur.

L'article 34 de la meme loi fait exception à cette regle lorsque lacession a) est faite notamment à un descendant ou au conjoint d'undescendant du preneur et b) qu'elle porte sur la « totalite du bail ».

Aux termes de l'article 35 de la meme loi, la notification au bailleur,par le preneur, de la cession de son bail à un cessionnaire vise àl'article 34, dans le delai de trois mois, a pour consequence que le bailinitial est, sauf opposition du bailleur reconnue fondee, renouvele dedroit au profit du cessionnaire.

Par application de l'article 883 du Code civil, lorsqu'un bail à ferme aete consenti par plusieurs proprietaires indivis, le partage attribue àchaque copartageant la propriete des terres qui composent le lot qui luiest attribue, avec cette consequence qu'il est le bailleur unique de cesterres. Il en est de meme lorsque le bail à ferme a ete consenti à lafois par plusieurs nus-proprietaires indivis et l'usufruitier : le partagede la nue-propriete transfere à chacun des copartageants la nue-proprietedes terres qui composent le lot qui lui est attribue, avec cetteconsequence que, des extinction de l'usufruit, il est bailleur unique deces terres.

Premiere branche

En cas de partage des terres sur lesquelles plusieurs proprietairesindivis, bailleurs, ont consenti un bail à ferme, le preneur est autoriseà ceder son bail, sans autorisation, à un cessionnaire vise à l'article34 de la loi du 4 novembre 1969, dans la mesure ou cette cession porte surles terres attribuees par le partage à l'un des proprietaires indivis,cette cession etant necessairement consideree, à l'egard de ceproprietaire, comme la cession de la « totalite du bail ».

Il en est de meme lorsque le bail à ferme a ete consenti par plusieursnus-proprietaires indivis et l'usufruitier, en cas de partage de lanue-propriete et d'extinction de l'usufruit.

Il s'ensuit qu'en decidant, par les motifs critiques, que la cession,notifiee le 15 avril 2003, par le premier demandeur et la demanderesse ausecond demandeur, dont le jugement constate qu'il est l'epoux de leurfille, du bail à ferme conclu initialement par le premier demandeur,preneur, et l'auteur du defendeur, C. M., dont le jugement constatequ'il est l'unique heritier, N. M., nues-proprietaires, et M. V. D.B.-S., usufruitiere (l'usufruit s'etant eteint au deces de l'usufruitierele 12 aout 1997), bailleurs, en tant qu'il porte sur les terres attribueesà l'auteur du defendeur par l'acte de partage intervenu entre l'auteur dudefendeur et N. M. le 8 mars 1992, etait nulle, parce qu'elle ne portaitpas sur « la totalite du bail », le jugement ne justifie pas legalementsa decision (violation des articles 883 du Code civil, 30 et 34 de la loidu 4 novembre 1969).

Deuxieme branche

En decidant qu'aux termes de la convention du 25 novembre 2002, enrenonc,ant au bail du 28 mars 1991 conclu entre l'auteur du defendeur, C. M., N. M., nues-proprietaires, et M. V. D. B.- S., usufruitiere(l'usufruit s'etant eteint le 12 aout 1997 par le deces del'usufruitiere), bailleurs, et le premier demandeur, preneur, au profit dusecond demandeur, dont le jugement constate qu'il est l'epoux de la filledu premier demandeur et de la demanderesse, lequel « concluait un bailavec N. M. », cette renonciation et ce nouveau bail portant sur lesterres attribuees à N. M. par l'acte de partage du 8 mai 1992, lepremier demandeur et la demanderesse « ont commis un manquementsuffisamment grave qui justifie la resolution du bail à leurs torts »,le jugement attaque ne justifie pas legalement sa decision.

Par l'effet de l'acte de partage du 8 mai 1992 en effet, et apresextinction de l'usufruit de M. V. D. B.-S., N. M. est devenue bailleurunique des terres qui composaient le lot qui lui a ete attribue par l'actede partage.

Il s'en deduit que cette renonciation au bail, par le premier demandeur etla demanderesse, preneurs, et la conclusion, par N. M., d'un nouveau bailavec le second demandeur, cette renonciation et la conclusion d'un nouveaubail equivalant, de facto, à une cession par le premier demandeur et lademanderesse au second demandeur de leur bail, mais en tant que ce bailportait sur les terres attribuees à N. M. par l'acte de partage du 8 mai1992, la cession etant intervenue, par hypothese, avec l'autorisation de N. M., le premier demandeur et la demanderesse se sont conformes àl'article 30 de la loi et etaient donc en droit de ceder leur bail, entant qu'il portait sur ces terres, à N. M. [lire : au second demandeur].

En tout etat de cause, et meme en l'absence de l'autorisation de N. M.,les demandeurs etaient en droit de ceder leur bail, en tant qu'il portaitsur les terres dont celle-ci etait devenue seule proprietaire et doncbailleresse unique (apres extinction de l'usufruit de M. V. D. B.-S.)par l'effet du partage, par application de l'article 34 de la loi, cettecession etant necessairement consideree, à l'egard de N. M., comme lacession de la « totalite du bail ».

L'autorisation du defendeur n'etait pas requise.

Le jugement attaque, en jugeant fautives, dans le chef des demandeurs,cette renonciation et la conclusion d'un nouveau bail par N. M., n'estdonc pas legalement justifie (violation des articles 883 du Code civil, 30et 34 de la loi du 4 novembre 1969).

De surcroit, en jugeant fautives cette renonciation et la conclusion de cenouveau bail, le jugement meconnait en outre le droit de N. M., qu'ellepuise dans l'acte de partage du 8 mai 1992, de disposer, en pleinepropriete, en tant que bailleresse unique (apres extinction de l'usufruitde M. V. D. B.-S.), des terres qui lui ont ete attribuees par cet acte -notamment de son droit à ne pas s'opposer à la renonciation, par lepremier demandeur, à son bail et de conclure en toute liberte un nouveaubail avec le second demandeur (violation des articles 544 et 883 du Codecivil).

Troisieme branche

En tout etat de cause, des lors qu'il resulte des constatations dujugement attaque que le premier demandeur a renonce au bail, en tant quecelui-ci avait pour objet les terres attribuees à N. M. par l'acte departage du 8 mai 1992 et ce, au profit du second demandeur qui a conclu,avec N. M., un nouveau bail portant sur ces terres, ce dont il se deduitque la renonciation par le premier demandeur a ete acceptee par N. M., lebail du premier demandeur n'avait plus pour objet, apres cetterenonciation, que les terres attribuees au defendeur par l'acte de partagedu 8 mai 1992.

Il s'en deduit que la cession, qui a ete l'objet de la lettre recommandeedu 15 avril 2003 des demandeurs au defendeur, portait bien sur la« totalite du bail », exigence à laquelle est soumise la cession, parle preneur, du bail au cessionnaire vise à l'article 34 de la loi, et ce,sans que l'autorisation du bailleur à la cession soit requise.

Il s'ensuit qu'en decidant que la cession qui est l'objet de cette lettrerecommandee est nulle, « à defaut de cession de la totalite du bail »,l'arret ne justifie pas legalement sa decision (violation des articles 883du Code civil, 30 et 34 de la loi du 4 novembre 1969).

Quatrieme branche

Des lors que la cession du bail, par le preneur, conforme à l'article 34de la loi du 4 novembre 1969, c'est-à-dire la cession faite à un desbeneficiaires vises à ce texte (et, notamment, à un descendant ou auconjoint d'un descendant du preneur) et qui a pour objet « la totalite dubail », a effet sans que l'autorisation du bailleur soit requise, il estindifferent que la notification d'une telle cession, visee à l'article 35de la meme loi, soit ou non irreguliere.

Cette notification est sans incidence sur la liceite de la cession.

Intervenue dans le delai de trois mois de la cession, elle a pourconsequence que le bail initial, consenti au cedant, est renouvele, saufopposition du bailleur reconnue fondee, de droit au profit ducessionnaire.

En l'absence d'une telle notification ou lorsqu'une telle notification estirreguliere, la consequence en est que le bail initial n'est pas renouvelemais se poursuit.

En aucun cas, l'absence ou l'irregularite de cette notification n'affectela cession du bail qui, elle, des lors qu'elle est conforme aux exigencesdes articles 30 et 34 de la loi, rec,oit effet.

Il s'ensuit qu'en decidant, par les motifs critiques, d'une part, que« le bailleur à ferme peut invoquer l'irregularite de la cessionelle-meme ou l'irregularite de la notification prevue à l'article 35 dela loi sur les baux à ferme », avec cette consequence que, tant lacession du bail, en tant qu'elle avait pour objet les terres attribuees àN. M. par l'acte de partage du 8 mai 1992, que la cession ulterieure dubail, en tant qu'elle avait pour objet les terres attribuees à l'auteurdu defendeur, C. M., par le meme acte, ne pouvaient recevoir effet deslors que la notification de ces cessions etait irreguliere, ayant du, pourchacune d'elles, etre faite tant à N. M. qu'au defendeur, le jugementne justifie pas legalement sa decision : il attribue à la notificationvisee à l'article 35 de la loi sur les baux à ferme un effet qu'elle n'apas, subordonnant la liceite de la cession notifiee à la regularite de lanotification.

L'irregularite de la notification a pour consequence que le cessionnairedemeure titulaire du bail initial et ne beneficie pas d'un nouveau bail.Mais elle est sans effet sur la liceite de la cession en tant que telle.

Le jugement meconnait donc, ce disant, l'article 35 de la loi du 4novembre 1969.

En tout etat de cause, il se deduit des considerations enoncees auxpremiere et troisieme branches, tenues ici pour integralement reproduites,que, par l'effet de l'acte de partage du 8 mai 1992 et apres extinction del'usufruit de M. V. D. B.-S., le defendeur est devenu bailleur unique desterres qui lui ont ete attribuees par l'effet du partage et qui sontl'objet de la cession notifiee par lettre recommandee du 15 avril 2003,cette cession etant necessairement consideree, à l'egard du defendeur,comme la cession de la « totalite du bail ».

Il s'ensuit que, pour qu'un nouveau bail soit reconnu au beneficiaire dela cession conformement à l'article 35 de la loi du 4 novembre 1969,cette cession devait etre notifiee au seul defendeur. En decidant aucontraire que cette cession « n'est pas valable » notamment au motif« qu'elle n'a pas ete notifiee à N. M. », le jugement attaque nejustifie pas legalement sa decision (violation des articles 883 du Codecivil, 30, 34 et 35 de la loi du 4 novembre 1969).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Si, en vertu de l'article 30 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux àferme, le preneur de biens ruraux doit, en regle, obtenir l'autorisationdu bailleur pour ceder son bail, l'article 34 lui permet cependant deceder, sans cette autorisation, la totalite de celui-ci notamment à l'unde ses descendants ou au conjoint d'un de ses descendants.

En vertu de l'article 883 du Code civil, lorsqu'un bail à ferme a eteconsenti par plusieurs proprietaires indivis et que le bien loue estensuite partage entre ceux-ci, chacun d'eux est cense avoir eu seul lapropriete de la partie du bien qui compose son lot depuis l'origine del'indivision et en consequence possede tous les droits d'un bailleurunique sur cette partie du bien.

Il s'ensuit qu'apres le partage, le preneur peut, conformement àl'article 34 precite, ceder sans autorisation à une personne visee parcette disposition le bail des terres attribuees par le partage à l'un desindivisaires, cette cession portant, à l'egard de ce dernier, sur latotalite du bail.

Le jugement attaque constate que :

* le 28 mars 1991, C. M., auteur du defendeur, et N. M. ont consenti unbail à ferme au premier demandeur sur des terres faisant l'objetd'une indivision entre elles ;

* le 8 mai 1992, il a ete procede au partage de ces terres qui ont faitl'objet de deux lots attribues aux copartageantes ;

* le 25 novembre 2002, N. M. a consenti un bail à ferme au seconddemandeur sur les terres comprises dans son lot ;

* par lettre recommandee du 15 avril 2003, le premier demandeur et lademanderesse ont informe le defendeur que, « conformement àl'article 35 de la loi sur les baux à ferme, ils avaient cede entotalite le bail [au second demandeur], epoux de leur fille ».

Le jugement attaque considere que « l'acte de partage n'a pas eu poureffet de diviser le bail du 28 mars 1991 en deux parties », que « ladivision et le partage d'un immeuble en plusieurs lots ne mettent pas finau bail qui existait anterieurement sur cet immeuble », que « le partageest une convention entre parties qui ne peut nuire ou profiter aux tiersen vertu de l'article 1165 du Code civil, [qu']il n'a d'effet qu'entre lescopartageants et ne peut faire echec au bail [et que], des lors, l'effetdeclaratif du partage ne peut avoir pour consequence que le bail seraitcoupe en deux suite au partage intervenu ».

En considerant pour ce motif que le premier demandeur et la demanderessen'ont pas cede au second demandeur la totalite du bail, le jugementattaque ne justifie pas legalement sa decision de declarer cette cessionnulle.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la quatrieme branche :

Conformement à l'article 35, alinea 1er, de la loi sur les baux à ferme,la notification au bailleur par le preneur de la cession de son bail à uncessionnaire vise à l'article 34, dans les trois mois de l'entree enjouissance du cessionnaire, a pour effet que le bail est, sauf oppositiondeclaree valable du bailleur, renouvele de plein droit au profit ducessionnaire.

Il suit de l'article 883 du Code civil que, lorsqu'un bail à ferme a eteconsenti par plusieurs proprietaires indivis, que le bien loue est ensuitepartage entre ceux-ci et que le preneur cede le bail des terres attribueespar le partage à l'un des indivisaires, il suffit, pour que le bail soitrenouvele de plein droit au profit du cessionnaire, que la cession soitnotifiee à ce seul indivisaire conformement audit article 35.

En enonc,ant qu'« en cas de pluralite de bailleurs, la cession doit etrenotifiee à chacun d'eux [conformement à l'article 35 de la loi sur lesbaux à ferme] » et que « le partage du 8 mai 1992 n'a pas fait perdreà N. M. sa qualite de bailleresse au bail du 28 mars 1991, de sorte quela cession devait egalement lui etre opposee », le jugement attaque nejustifie pas legalement sa decision de declarer nulle la cessionlitigieuse.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la deuxieme branche :

Il suit de l'article 883 du Code civil que, lorsqu'un bail à ferme a eteconsenti par plusieurs proprietaires indivis et que le bien loue estensuite partage entre ceux-ci, le preneur peut, apres ce partage, renoncerau bail des terres attribuees à l'un des indivisaires du seul accord dece dernier.

En considerant qu'« en renonc,ant au bail du 28 mars 1991 au profit du[second demandeur] qui concluait un bail avec la bailleresse N. M., [lepremier demandeur et la demanderesse] ont commis un manquementsuffisamment grave qui justifie la resolution du bail à leurs torts »,le jugement attaque ne justifie pas legalement sa decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur l'etendue de la cassation :

La cassation de la decision de prononcer la resolution du bail s'etend àla decision de condamner les demandeurs au paiement d'une indemnited'occupation, qui en est la suite.

Sur les autres griefs :

Il n'y pas lieu d'examiner la troisieme branche du premier moyen et lesecond moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque, sauf en tant qu'il declare non fondee lademande de dommages et interets du defendeur ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Huy, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, et prononce enaudience publique du vingt et un janvier deux mille treize par lepresident Christian Storck, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+----------------------------------------+
| L. Body | M.-C. Ernotte | M. Delange |
|----------+---------------+-------------|
| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
+----------------------------------------+

21 JANVIER 2013 C.10.0551.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0551.F
Date de la décision : 21/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-01-21;c.10.0551.f ?
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