Cour de cassation de Belgique
Arret
328
NDEG C.11.0582.F
FORTIS BANQUE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, Montagne du Parc, 3,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,
contre
1. CREDIT LYONNAIS, societe de droit franc,ais dont le siege est etablià Lyon (France), rue de la Republique, 18,
2. DEUTSCHE BANK, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, avenue Marnix, 13-15,
defenderesses en cassation,
representees par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est faitelection de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 mars 2011par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente quatre moyens dont le premier est libelle dansles termes suivants :
Dispositions legales violees
Articles 12, 13, 775, alinea 1er, 807 et 809 du Code judiciaire
Decisions et motifs critiques
L'arret ecarte des debats les pages 56 et 57 (nDEGs 94 à 97) desconclusions additionnelles et de synthese apres reouverture des debats dela demanderesse et en consequence, sans avoir egard à ce passage desconclusions, condamne la demanderesse à la restitution à la premieredefenderesse d'un montant de 26.739.785,84 euros (1.078.680.287 francs) enprincipal et donne acte à la premiere defenderesse qu'elle se reserve ledroit de reclamer la restitution des paiements indus s'elevant à7.418.672,60 euros (299.268.511 francs) qui representent le montant totaldes cheques emis à l'ordre de la [demanderesse] de 1984 à 1989, par lesmotifs suivants :
« 5. L'argument deduit par [la demanderesse] d'une pretendue violation del'article 26 du reglement de la chambre de compensation de Bruxelles
17. (La demanderesse) a introduit devant la cour [d'appel], apresreouverture des debats, un nouvel argument deduit d'une pretendueviolation de l'article 26 du reglement de la chambre de compensation deBruxelles de janvier 1989. Cet argument ne presente aucun rapport, nidirect ni indirect, avec le dossier repressif et l'arret de la courd'appel de Gand du 26 mars 2007.
Il est contenu aux pages 56 et 57 des conclusions additionnelles et desynthese apres reouverture des debats deposees par (la demanderesse) le 30juillet 2010 (nDEGs 94 à 97).
Aucun autre argument ou aucune demande de (la demanderesse), presentesapres reouverture des debats, n'excede les consequences que l'on peutdeduire de cet arret et seules les pages precitees doivent donc etreecartees des debats ».
Griefs
En vertu des articles 12, 13, 807 et 809 du Code judiciaire, une demandenouvelle peut etre formee entre les parties par voie de conclusions, memeen degre d'appel, si elle est fondee sur un fait ou un acte invoque dansla citation ou lorsqu'elle constitue une defense à l'action principale outend à la compensation.
Si, en regle, lorsque la reouverture des debats est ordonnee sur un objetdetermine par le juge, les debats qui se poursuivent devant le siege ayantordonne la reouverture des debats ne peuvent porter que sur cet objetdetermine et aucune demande nouvelle ne peut etre introduite, il n'en vapas de meme lorsque, lors de l'audience de reouverture des debats, ceux-cisont repris ab initio en raison de la modification du siege. Dans cettehypothese, les debats ne se limitent plus aux points indiques dans ladecision ordonnant la reouverture des debats.
Il ressort des pieces de la procedure :
- que l'arret du 28 octobre 2009 ordonnant la reouverture des debats a eterendu par monsieur Y. D., madame M. M., madame N. F. et que cet arret auniquement declare l'appel de la demanderesse recevable dans la causeportant le nDEG 2005/AR/370 l'opposant à la premiere defenderesse ;
- que l'arret attaque a ete rendu par monsieur K. M., madame A. M.,monsieur M. v. d. H., apres que les debats avaient ete repris ab initiopour tout ce qui n'a pas ete definitivement tranche par l'arretinterlocutoire du 28 octobre 2009.
Dans cette mesure, les debats repris ab initio devant ce siege n'etaientplus limites aux seuls points indiques dans la decision ordonnant lareouverture des debats.
Il s'en deduit que l'arret, qui considere que la demanderesse ne pouvaitdevelopper un nouvel argument deduit de la violation de l'article 26 dureglement de la chambre de compensation de Bruxelles de janvier 1989 parceque cet argument ne presentait aucun rapport, ni direct ni indirect, avecle dossier repressif et l'arret de la cour d'appel de Gand du 26 mars2007, viole les dispositions legales visees au moyen.
III. La decision de la cour
Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par la seconde defenderesseet deduite du defaut d'interet :
L'arret attaque declare etre commun à la seconde defenderesse.
Les moyens sont diriges contre des dispositions de l'arret attaque qui ontete declarees communes à la seconde defenderesse.
La cassation de ces decisions entrainerait, si les moyens etaient declaresfondes, la cassation de la decision declarant l'arret commun à la secondedefenderesse.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le premier moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par les defenderesses etdeduite de ce qu'il n'indique pas comme viole l'article 779 du Codejudiciaire :
Le moyen ne soutient ni que l'arret attaque n'aurait pas ete rendu par lenombre prescrit de juges ni que les juges qui l'ont rendu n'auraient pasassiste à toutes les audiences de la cause mais fait grief à cet arretde violer l'article 775, alinea 1er, du Code judiciaire en considerant quela demanderesse ne pouvait developper un nouvel argument parce quecelui-ci excedait les limites de l'objet de la reouverture des debatsordonnee par l'arret du 28 octobre 2009.
D'une part, ce grief est etranger à l'article 779 du Code judiciaire et,d'autre part, la violation du seul article 775, alinea 1er, du Codejudiciaire vise au moyen suffirait, si le moyen etait fonde, à entrainerla cassation.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
Devant les juridictions de fond, les defenses au fond peuvent, enprincipe, etre proposees jusqu'à la cloture des debats, pour autantqu'elles ne concernent pas une question litigieuse sur laquelle il a dejàete statue.
Si l'article 775, alinea 1er, du Code judiciaire exclut, en regle,l'introduction de moyens nouveaux etrangers à l'objet de la reouverturedes debats, cette disposition ne fait toutefois pas obstacle à ce que detels moyens soient souleves apres une reouverture des debats lorsqu'à lasuite de celle-ci, les debats sont repris entierement en raison de lamodification de la composition du siege.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que les debatsont ete repris ab initio sur tout ce qui n'a pas ete definitivementtranche par l'arret du 28 octobre 2009. Cet arret ne s'est prononcedefinitivement que sur la recevabilite des appels.
L'arret attaque, qui considere, sur la base de l'article 775, alinea 1er,que la demanderesse ne pouvait developper un nouveau moyen, deduit de laviolation de l'article 26 du reglement de la chambre de compensation deBruxelles de janvier 1989, parce que ce moyen excedait les limites del'objet de la reouverture des debats ordonnee par l'arret du 28 octobre2009, ne justifie pas legalement sa decision d'ecarter les pages 56 et 57des conclusions additionnelles et de synthese apres reouverture des debatsde la demanderesse contenant ce moyen.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
La cassation de la decision d'ecarter des debats les pages 56 et 57 desconclusions additionnelles et de synthese apres reouverture des debats dela demanderesse s'etend, d'une part, à la condamnation de la demanderesseà la restitution à la premiere defenderesse d'un montant de26.739.785,84 euros en principal majore des interets et à la declarationd'arret commun à la seconde defenderesse, qui en sont la suite, et,d'autre part, à la decision sur la demande de production de documents dela demanderesse qui est liee à cette condamnation.
Sur les autres griefs :
Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, qui ne sauraient entrainerune cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant qu'il ecarte des debats les pages 56 et 57des conclusions additionnelles et de synthese apres reouverture des debatsde la demanderesse, qu'il condamne celle-ci à la restitution de26.739.785,84 euros majores d'interets, qu'il se prononce sur lacapitalisation de ces interets et sur la demande de production dedocuments de la demanderesse, qu'il declare l'arret commun à la secondedefenderesse et qu'il statue sur les depens ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce enaudience publique du dix-sept janvier deux mille treize par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Jean MarieGenicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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17 JANVIER 2013 C.11.0582.F/8