Cour de cassation de Belgique
Arret
2505
NDEG P.12.1655.F
R. G., accuse,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Michel Bouchat, avocat au barreau deCharleroi, Marc Preumont, avocat au barreau de Namur, et Alain Delfosse,avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est etabli à Bruxelles,avenue Louise, 106, ou il est fait election de domicile.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 28 septembre 2010, sous lenumero 4, par la cour d'assises de l'arrondissement administratif deBruxelles-Capitale et les arrets rendus les 3 et 7 septembre 2012, sousles numeros 4 et 5, par la cour d'assises de la province du Brabantwallon, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Courdu 30 mars 2011.
Le demandeur invoque deux moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
A l'audience du 9 janvier 2013, le conseiller Pierre Cornelis a faitrapport et l'avocat general Raymond Loop a conclu.
II. la decision de la cour
A. En tant que le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 28 septembre2010 :
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Le demandeur fait valoir qu'en fondant le verdict de culpabilite sur destemoignages indirects non corrobores par des elements objectifs, l'arretn'est pas legalement justifie.
Pour declarer le demandeur coupable de trois des quatre assassinats quilui etaient imputes par le ministere public, l'arret prend appui sur destemoignages concordants le designant soit comme commanditaire soit commeexecutant de ces crimes.
Selon les jures, ces temoins font etat d'un echange entre le demandeur etun coaccuse en vue d'un partage de charges pour l'accomplissement des deuxpremiers crimes.
Deux autres temoins ont atteste de la haine profonde entre le demandeur etl'une des victimes.
L'arret enonce egalement les raisons justifiant la mise hors de cause d'unsuspect potentiel du troisieme crime et precise celles pour lesquelles ilecarte l'alibi presente par le demandeur à propos de ce crime.
Cette motivation n'est pas contraire à l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
Le moyen invoque une contradiction entre les motifs de condamnation dudemandeur et ceux fondant l'acquittement d'un coaccuse.
La circonstance que le juge apprecie differemment la portee d'untemoignage selon la personne visee par celui-ci ne constitue pas un vicede contradiction susceptible d'etre censure au titre de l'article 149 dela Constitution.
Pour le surplus, sous le couvert d'un grief de contradiction, le demandeurcritique l'appreciation en fait des jures.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
Le moyen soutient qu'en raison du caractere indirect des temoignages surlesquels il prend appui et de la contradiction dont il est entache,l'arret ne rapporte pas legalement la preuve de la culpabilite dudemandeur.
Entierement deduit des griefs vainement invoques dans les deux premieresbranches, le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 3 septembre2012 :
Sur le second moyen :
Quant à la premiere et à la quatrieme branche :
Le moyen soutient que la cassation de l'arret du 28 septembre 2010 rendupar la cour d'assises en application de l'article 336 du Coded'instruction criminelle obligeait la juridiction de renvoi à recommencerentierement le proces.
La cassation replace le juge de renvoi dans la situation qui etait celledu juge casse au moment ou il a pris la decision mise à neant.
Ensuite de l'arret de la Cour du 30 mars 2011, la cour d'assises duBrabant wallon etait confrontee, comme celle de l'arrondissementadministratif de Bruxelles-Capitale, à un verdict de culpabilite etayepar des motifs consignes dans l'arret rendu par celle-ci le 28 septembre2010 sous le numero 4.
La cour d'assises de renvoi devait donc examiner à son tour s'il y avaitlieu de censurer ce verdict par application de l'article 336 du Coded'instruction criminelle.
Ayant decide legalement que la motivation du verdict n'etait entacheed'aucune erreur manifeste, il ne lui restait plus qu'à tenir les debatsrelatifs à la peine.
Ainsi, sans violer l'article 336 ni aucune autre disposition legale, lacour d'assises de renvoi a statue dans les limites de la cassationintervenue.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
Le demandeur fait valoir qu'en procedant à un controle marginal del'arret de motivation, la cour d'assises a viole l'article 336 du Coded'instruction criminelle.
Le pouvoir d'appreciation attribue à cette juridiction par l'article 336ne se limite pas, en regle, à un controle en droit du verdict.
En cas de cassation toutefois, le controle exerce par la cour d'assises derenvoi sur la qualite du verdict ne peut etre necessairement qu'uncontrole marginal exerce sur la base de l'arret qui en enonce les motifs,puisque cette cour ne statue que dans les limites de la cassationintervenue et qu'elle est appelee à reprendre la procedure en l'etat ouelle se trouvait au moment ou l'arret casse a ete rendu.
Le moyen manque en droit.
Quant à la troisieme branche :
Le moyen soutient qu'à defaut de disposition legale autorisant l'examende la motivation du verdict apres la cassation intervenue, la courd'assises a commis un exces de pouvoir en constatant dans un arret motiveque les jures ne s'etaient pas manifestement trompes quant aux principalesraisons ayant justifie leur decision.
Par l'effet de la cassation de l'arret du 28 septembre 2010, la courd'assises de renvoi etait appelee à reprendre la procedure en l'etat ouelle se trouvait au moment ou l'arret casse avait ete rendu.
Statuant à cet egard apres la redaction de la motivation sur laculpabilite, la cour d'assises avait, en vertu de l'article 336, alinea 2,precite, le pouvoir d'examiner si les jures ne s'etaient pas manifestementtrompes dans les principales raisons qui les avaient conduits à unverdict de culpabilite.
Placee devant l'alternative de reprendre les debats ab initio, en cas deconstatation à l'unanimite de l'existence d'une telle erreur ou depoursuivre les debats sur la peine dans le cas contraire, il luiappartenait de justifier sa decision.
La cour d'assises a considere qu'au stade du renvoi, le controle de lamotivation qu'elle exerc,ait ne pouvait etre que marginal des lors que lesmagistrats la composant n'avaient pas assiste aux debats tenusanterieurement et qu'ils n'avaient pu recueillir les explications du jury.
Elle a considere que cette motivation n'etait pas entachee de l'erreurmanifeste que l'arret casse du 28 septembre 2010 lui imputait et qu'ellene contenait pas d'autre erreur manifeste susceptible d'entrainer unenouvelle application de l'article 336 du Code d'instruction criminelle.
L'arret attaque ordonne ensuite que soient tenus sans desemparer lesdebats sur la peine.
En procedant de la sorte, la cour d'assises n'a commis aucun exces depouvoir.
Le moyen ne peut etre accueilli.
A titre subsidiaire, le demandeur invite la Cour à poser à la Courconstitutionnelle la question suivante :
« L'article 336 du Code d'instruction criminelle, interprete en ce sensque si le pouvoir d'appreciation attribue à la cour d'assises parl'article 336 ne se limite pas, en regle, à un controle en droit duverdict, en cas de cassation, toutefois, le controle exerce par la courd'assises de renvoi sur la qualite du verdict ne peut etre necessairementqu'un controle marginal exerce sur la base de l'arret qui en enonce lesmotifs, puisque cette cour ne statue que dans les limites de la cassationintervenue et qu'elle est appelee à reprendre la procedure en l'etat ouelle se trouvait au moment ou l'arret casse a ete rendu, institue-t-il unedifference de traitement injustifiee, au regard des articles 10 et 11 dela Constitution, entre les accuses selon qu'il en est fait applicationd'office, lors de la redaction de la motivation sur la culpabilite, parune cour d'assises devant laquelle la cause a ete entierement instruiteou, en cas de cassation, par une cour d'assises de renvoi ? »
Ainsi formulee, la question ne vise pas deux categories de personnesfaisant l'objet d'une difference de traitement engendree par l'article 336precite, mais la situation d'une meme personne à deux stades differentsde la procedure.
N'entrant pas dans le champ d'application de l'article 26, S: 1er, 3DEG,de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, unetelle question ne doit pas etre posee.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
C. En tant que le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 7 septembre2012 :
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxes à la somme de deux cents euros quatre-vingts centimesdus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, Martine Regout etPierre Cornelis, conseillers, et prononce en audience publique du seizejanvier deux mille treize par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Raymond Loop, avocat general, avec l'assistance deFabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | P. Cornelis | M. Regout |
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| B. Dejemeppe | F. Close | J. de Codt |
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La soussignee Fabienne Gobert, greffier à la Cour de cassation, constateque Monsieur le president de section Frederic Close est dansl'impossibilite de signer l'arret.
Cette declaration est faite en vertu de l'article 785, alinea 1er, du Codejudiciaire.
Bruxelles, le 16 janvier 2013.
Le greffier,
F. Gobert
16 janvier 2013 P.12.1655.F/1