La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2013 | BELGIQUE | N°S.12.0016.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 janvier 2013, S.12.0016.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

06599



817



NDEG S.12.0016.F

1. P.B. et

2. A. B.,

demandeurs en cassation,

admis au benefice de l'assistance judiciaire par ordonnance du premierpresident du 3 fevrier 2012 (nDEG G.11.0263.F),

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

LES JOURS PAISIBLES, association sans but lucratif dont le siege estetabli à Saint-Ghislain (Ba

udour), rue Louis Caty, 140,

defenderesse en cassation,

en presence de

1. ELECTRABEL CUSTOMER SOLUTIONS, societe anonyme dont...

Cour de cassation de Belgique

Arret

06599

817

NDEG S.12.0016.F

1. P.B. et

2. A. B.,

demandeurs en cassation,

admis au benefice de l'assistance judiciaire par ordonnance du premierpresident du 3 fevrier 2012 (nDEG G.11.0263.F),

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

LES JOURS PAISIBLES, association sans but lucratif dont le siege estetabli à Saint-Ghislain (Baudour), rue Louis Caty, 140,

defenderesse en cassation,

en presence de

1. ELECTRABEL CUSTOMER SOLUTIONS, societe anonyme dont le siege social estetabli à Bruxelles, boulevard Simon Bolivar, 34,

2. CITIBANK BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àIxelles, boulevard General Jacques, 263, bte G,

3. SAINT BRICE, societe anonyme dont le siege social est etabli à Tournai(Orcq), chaussee de Lille, 422,

4. DEXIA BANQUE Belgique, societe anonyme dont le siege social est etablià Bruxelles, boulevard Pacheco, 44,

5. ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinetest etabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du receveur descontributions directes de Dour, dont les bureaux sont etablis à Hornu,rue Grande Campagne, 32,

6. H. P., avocat, agissant en qualite de mediateur de dettes, dont lecabinet est etabli à Saint-Ghislain, rue du Port, 42,

parties appelees en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 novembre2011 par la cour du travail de Mons.

Le 20 novembre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general

Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 1675/2, alinea 1er, et 1675/15, S: 1er, du Code judiciaire

Decisions et motifs critiques

Par confirmation du jugement dont appel, l'arret annule la decisiond'admissibilite des demandeurs à la procedure en reglement collectif dedettes pour tous ses motifs reputes ici integralement reproduits et,specialement, que :

« Pour rappel, la procedure en reglement collectif de dettes s'adresse àtoute personne physique non commerc,ante, en situation de surendettement(ne plus etre en etat, de maniere durable, de payer ses dettes exigiblesou à echoir) et qui n'a pas manifestement organise son insolvabilite(...).

Selon les travaux preparatoires, `la procedure mise en place ne peut etreutilisee par un debiteur solvable pour echapper au paiement de ses dettes.Est exclu le debiteur qui a manifestement organise son insolvabilite. Il ya organisation d'insolvabilite lorsque le debiteur a, par exemple, posedes actes en fraude des droits de ses creanciers ou soustraitfrauduleusement des elements de son patrimoine' (...).

Au cours du debat parlementaire, l'accent a, incontestablement, ete missur `l'intention du debiteur (de se rendre insolvable), elementdeterminant à prendre en consideration, et non sur la simple constatationde certains actes consideres isolement. L'appreciation in concreto de tousles elements de fait, de toutes les circonstances qui entourent les actesfrauduleux est, des lors, primordiale' (...).

Complementairement à l'absence d'organisation manifeste d'insolvabiliterequise du demandeur en reglement collectif de dettes, il est exige uneobligation de `bonne foi procedurale'.

Comme le relevent A. Fry et V. Grella, « la mauvaise foi proceduraled'un debiteur doit l'exclure du benefice (ou du maintien) de la procedureen reglement collectif de dettes. Il s'agit de l'obligation detransparence patrimoniale et de loyaute, le debiteur etant tenu decommuniquer de maniere sincere au juge l'etat de son patrimoine. Lajurisprudence est egalement attentive au fait que le debiteur fasse preuved'une volonte reelle de faire face à ses dettes. Meme si le droitfranc,ais en matiere de surendettement differe du notre, la notion debonne foi est commune aux deux droits ».

Ces auteurs relevent, des lors, une image, assez explicite, retenue par ladoctrine franc,aise : `Elle (la mauvaise foi) ne resulte pas decomportements marques par l'inconscience, alors meme que le surendettementserait considerable, elle suppose un comportement ouvertement cynique, quineglige deliberement toute preoccupation de paiement' (...).

En l'espece, il appert des elements du dossier soumis à la cour dutravail qu'en date du 23 novembre 2010, (les demandeurs) ont introduitaupres du tribunal du travail de Mons une requete en reglement collectifde dettes.

Six creanciers sont renseignes : Electrabel pour 125,28 euros, Citibankpour le solde restant du de l'emprunt hypothecaire de 4.351,03 euros,Saint-Brice/Unigro pour 303,45 euros, Dexia pour 506,20 euros, le Servicepublic federal des Finances pour 249,46 euros et [la defenderesse] pour159.471,74 euros.

L'endettement decoule exclusivement de la dette envers [la defenderesse].

A propos de cette dette, deux constats s'imposent :

- (le demandeur) a reconnu sa dette et (les demandeurs) se sont engages àl'apurer en fevrier 1996 (voilà plus de quinze ans) ;

- l'introduction de la procedure en reglement collectif de dettes faitsuite à l'arret de la cour d'appel du 9 septembre 2010 deboutant (lademanderesse) de son opposition à saisie.

Comme l'observe judicieusement le premier juge, les faits demontrentl'evidente mauvaise foi procedurale (des demandeurs).

Debut 1996, les detournements (du demandeur) sont decouverts. Ils portentsur la somme de 8.369.891 francs. Il reconnait les faits et s'engage, avec[la demanderesse], à rembourser cette somme, notamment via la vente deleur maison. S'il verse rapidement 1.936.817 francs, il contestera ensuiteles faits. S'en suivirent de longues procedures penales (correctionnelle,appel, cassation et Cour europeenne) au terme desquelles il est condamnepenalement et civilement (6.433.074 francs à augmenter d'interets).Ensuite, [la demanderesse] s'opposera aux mesures d'execution de (ladefenderesse)». Finalement, elle est deboutee par l'arret prononce le 9septembre 2010 par la cour d'appel de Mons.

C'est à ce moment qu'ils introduisent une procedure en reglementcollectif de dettes.

En resume, comme le releve pertinemment le premier juge, (les demandeurs)se sont evertues, pendant pres de quinze ans, à echapper à leurobligation de rembourser (la defenderesse) du prejudice resultant desdetournements (du demandeur).

Ce comportement peut etre qualifie `d'ouvertement cynique', leur intentionmanifeste etant, depuis fevrier 1996, d'echapper au remboursement de leurdette.

Ce constat resulte des elements suivants : l'origine de la dette ne peutetre occultee : il s'agit d'une tres importante fraude portant sur plus dehuit millions de francs belges ; l'engagement de remboursement n'a jamaisete respecte, sous reserve de celui effectue immediatement apres ladecouverte des faits ; de multiples procedures (en ce compris unediligentee devant la Cour europeenne des droits de l'homme !) ont etemenees pour echapper au paiement de la dette.

L'introduction de la requete en reglement collectif de dettes apparaitcomme une nouvelle manoeuvre procedurale visant à perpetuer la volonte(des demandeurs) d'echapper au paiement de la creance de (ladefenderesse).

La `mauvaise foi procedurale' (des demandeurs) ne les rend pas admissiblesau benefice de la procedure en reglement collectif de dettes.

Il s'impose, des lors, de declarer la requete d'appel non fondee et,partant, de confirmer le jugement dont appel en toutes sesdispositions ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 1675/2, alinea 1er, du Code judiciaire, toutepersonne physique qui n'a pas la qualite de commerc,ant au sens del'article 1er du Code de commerce peut, si elle n'est pas en etat, demaniere durable, de payer ses dettes exigibles ou encore à echoir et dansla mesure ou elle n'a pas manifestement organise son insolvabilite,introduire devant le juge une requete visant à obtenir un reglementcollectif de dettes.

Il s'en deduit que le juge ne peut declarer une demande en reglementcollectif de dettes inadmissible que s'il constate que le debiteur,personne physique, est commerc,ant ou qu'il est en etat de payer sesdettes, fut-ce avec des delais, ou encore qu'il a accompli des actesorganisant son insolvabilite.

L'article 1675/15 du Code judiciaire, qui prevoit la revocation de ladecision d'admissibilite notamment lorsqu'il apparait, en cours deprocedure, que ces conditions n'etaient pas reunies, soit que le debiteurait remis des documents inexacts en vue d'obtenir le benefice de laprocedure en reglement collectif de dettes, ait fait sciemment de faussesdeclarations ou ait organise son insolvabilite, n'ajoute pas auxconditions d'admissibilite visees à l'article 1675/2, alinea 1er, du memecode une condition de bonne foi dans les actes anterieurs à la procedure.

L'arret considere que « complementairement à l'absence d'organisationmanifeste d'insolvabilite requise du demandeur en reglement collectif dedettes, il est exige une obligation de `bonne foi procedurale' » etdeclare la demande des demandeurs inadmissible aux motifs qu'ils ont faitpreuve d'une « evidente mauvaise foi procedurale », d'une « intentionmanifeste, depuis 1996, d'echapper au remboursement de leur dette » qui« resulte des elements suivants : l'origine de la dette ne peut etreoccultee; il s'agit d'une tres importante fraude portant sur plus de huitmillions de francs belges ; l'engagement de remboursement n'a jamais eterespecte, sous reserve de celui effectue immediatement apres la decouvertedes faits ; de multiples procedures (en ce compris une diligentee devantla Cour europeenne des droits de l'homme !) ont ete menees pour echapperau paiement de la dette », « l'introduction de la requete en reglementcollectif de dettes appara(issant) comme une nouvelle manoeuvreprocedurale visant à perpetuer la volonte (des demandeurs) d'echapper aupaiement de la creance de (la defenderesse) ».

Par aucun motif, il ne constate que les demandeurs sont commerc,ants,qu'ils sont en etat de payer leurs dettes ou qu'ils ont manifestementorganise leur insolvabilite et des lors ne justifie pas legalement sadecision declarant les demandeurs non admissibles à la procedure enreglement collectif de dettes (violation des articles 1675/2, alinea 1er,et 1675/15, S: 1er, du Code judiciaire).

Deuxieme branche

Le juge ne peut declarer une demande en reglement collectif de dettesinadmissible pour cause d'organisation manifeste d'insolvabilite quelorsque le demandeur a accompli un ou plusieurs actes en vue d'appauvrirvolontairement son patrimoine dans l'intention de se rendre insolvable.

Aucune organisation de l'insolvabilite des demandeurs ne peut se deduireni de l'origine de la dette, ni du non-respect dans le passe del'engagement de remboursement, ni de ce que, anterieurement au depot de larequete en reglement collectif de dettes, le demandeur a exerce contre ladecision retenant dans son chef une infraction penale les voies de recoursorganisees par la loi ou de ce que la demanderesse s'est opposee, pour sapart, à la saisie de l'immeuble commun en execution de la decisioncondamnant son conjoint.

Si l'arret doit etre lu comme decidant que les demandeurs ontmanifestement organise leur insolvabilite et a fonde sa decision sur cesmotifs, il viole la notion legale d'organisation manifeste del'insolvabilite et, partant, l'article 1675/2, alinea 1er, du Codejudiciaire.

Troisieme branche

En vertu de l'article 1675/2, alinea 1er, du Code judiciaire, toutepersonne physique, non commerc,ante, si elle n'est pas en etat, de manieredurable, de payer ses dettes exigibles ou à echoir et si elle n'a pasorganise son insolvabilite, est admissible à la procedure en reglementcollectif de dettes. Ni le fait que l'endettement resulte d'une seuledette ni l'origine de celle-ci ne font obstacle à l'admissibilite à laprocedure en reglement collectif de dettes.

Si l'arret doit etre lu comme decidant que les demandeurs ne sont pasadmissibles à cette procedure aux motifs que « l'endettement decouleexclusivement de la dette envers (la defenderesse) » et qu' « il s'agitd'une tres importante fraude », il viole l'article 1675/2, alinea 1er, duCode judiciaire.

III. La decision de la Cour

Quant à la deuxieme branche :

Aux termes de l'article 1675/2, alinea 1er, du Code judiciaire, toutepersonne physique, qui n'a pas la qualite de commerc,ant au sens del'article 1er du Code de commerce, peut, si elle n'est pas en etat, demaniere durable, de payer ses dettes exigibles ou encore à echoir et dansla mesure ou elle n'a pas manifestement organise son insolvabilite,introduire devant le juge une requete visant à obtenir un reglementcollectif de dettes.

L'organisation de son insolvabilite par le debiteur peut etre deduite detoute circonstance de nature à reveler sa volonte de se rendreinsolvable. L'introduction de la requete tendant à obtenir le reglementcollectif de dettes peut contribuer à prouver cette volonte.

L'arret constate que le demandeur n'a jamais paye sa dette envers ladefenderesse et que l'endettement des demandeurs decoule exclusivement decette dette. Apres avoir enonce que « selon les travaux preparatoires,`la procedure de reglement collectif de dettes ne peut etre utilisee parun debiteur pour echapper au paiement de ses dettes ; est exclu ledebiteur qui a manifestement organise son insolvabilite' » et quel'intention du debiteur de se rendre insolvable est determinante del'organisation d'insolvabilite, l'arret considere que les demandeurs « sesont evertues, pendant pres de quinze ans, à echapper à leur obligationde rembourser [la defenderesse] », qu'il s'agit de « leur intentionmanifeste », que « de multiples procedures [...] ont ete menees pourechapper au paiement » de la dette et que « l'introduction de la requeteen reglement collectif de dettes apparait comme une nouvelle manoeuvreprocedurale visant à perpetuer la volonte [des demandeurs] d'echapper aupaiement de la creance de [la defenderesse] ».

Par ces motifs, par lesquels il constate que les demandeurs ontmanifestement organise leur insolvabilite, l'arret justifie legalement sadecision de rejeter la demande des demandeurs en reglement collectif dedettes.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la premiere branche :

Par les motifs reproduits en reponse à la deuxieme branche du moyen,l'arret constate que les demandeurs ont manifestement organise leurinsolvabilite.

Le moyen qui, en cette branche, repose sur une interpretation inexacte del'arret, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Les motifs par lesquels l'arret constate que les demandeurs ontmanifestement organise leur insolvabilite suffisent à justifier ladecision de l'arret de rejeter la demande en reglement collectif de dette.

Le moyen qui, en cette branche, ne pourrait entrainer la cassation, estirrecevable à defaut d'interet.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Le rejet du pourvoi rend sans interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille quatorze euros nonante-neuf centimesen debet envers les parties demanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononceen audience publique du sept janvier deux mille treize par le president desection Albert Fettweis, en presence de l'avocat general general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+-------------------------------------+
| F. Gobert | M. Lemal | M. Delange |
|-----------+-----------+-------------|
| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------+

7 JANVIER 2013 S.12.0016.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0016.F
Date de la décision : 07/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-01-07;s.12.0016.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award