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07/01/2013 | BELGIQUE | N°S.11.0111.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 janvier 2013, S.11.0111.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

542



5623



NDEG S.11.0111.F

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE BRUXELLES, dont les bureaux sont etablisà Bruxelles, rue Haute, 298 A,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. AGENCE FEDERALE POUR L'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE, en abregeFedasil, dont le siege est etabli à Bruxelles, rue des Chartreux, 21,

defendere

sse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Ixelles,...

Cour de cassation de Belgique

Arret

542

5623

NDEG S.11.0111.F

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE BRUXELLES, dont les bureaux sont etablisà Bruxelles, rue Haute, 298 A,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. AGENCE FEDERALE POUR L'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE, en abregeFedasil, dont le siege est etabli à Bruxelles, rue des Chartreux, 21,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ou il est faitelection de domicile,

2. D.T. R. M. T.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 juin 2011 parla cour du travail de Bruxelles.

Le 20 novembre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen, libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 149 et 159 de la Constitution ;

- articles 3, 9, 10, specialement 1er, 11, specialement S: 1er, alinea1er, et 13 de la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeursd'asile et de certaines autres categories d'etrangers, telle qu'elle etaiten vigueur à l'epoque des faits litigieux, avant sa modification par laloi du 31 decembre 2009 ;

- article 57ter de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publicsd'action sociale, tel que modifie par la loi du 12 janvier 2007.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide :

« Apres avoir entendu le ministere public en son avis oral,

1. Declare recevable et fonde l'appel forme par Fedasil,

Reforme le jugement (dont appel), statuant à nouveau,

Dit non fondee la demande de [la seconde defenderesse] à l'egard deFedasil et la deboute de cette demande,

Dit partiellement fondee la demande de [la seconde defenderesse] àl'egard du [demandeur],

Condamne en consequence le [demandeur] à payer à [la secondedefenderesse] une aide sociale equivalente au revenu d'integration socialeau taux isole calcule pour la periode du 1er janvier 2010 au 4 mai 2010(inclus),

Met les depens de [la seconde defenderesse] solidairement à charge du[demandeur] et de Fedasil, liquides à 109,32 euros en premiere instanceet à 145,78 euros en appel ».

2. L'arret attaque commence par constater que :

« II. Faits

[La seconde defenderesse], de nationalite chinoise, arrivee en Belgiquedebut mai 2009, a introduit une demande d'asile le 4 mai 2009 (dossieradministratif : piece 1), transmise au Commissariat general pour lesrefugies et les apatrides le 27 mai. Le centre d'accueil d'Eeklo lui a etedesigne comme lieu obligatoire d'inscription, et elle y reside à partirdu 22 mai 2009.

[La seconde defenderesse] a demande la suppression de son lieu obligatoired'inscription le 27 octobre 2009.

Le 3 novembre 2009, le dispatching de Fedasil lui a notifie en neerlandaisla decision suivante (dossier administratif : piece 3 ; traduction) :

`Vu que vous avez introduit une demande d'asile aupres de l'Office desetrangers le 4 mai 2009 ;

`Vu que cette demande d'asile est actuellement toujours en cours detraitement aupres du Commissariat general aux refugies et apatrides ;

Vu que vous avez sejourne dans une structure d'accueil entre le 22 mai2009 et le 22 septembre 2009 et que vous residez encore toujours (?) ;

Vu le fait que vous avez presente une preuve contenant une solutionconcernant votre hebergement ;

Vu la saturation du reseau ;

Pour ces motifs, est supprime votre lieu obligatoire d'inscription à ladate du 3 novembre 2009. Votre lieu obligatoire d'inscription estsupprime. Vous pouvez beneficier d'une aide sociale à charge du centrepublic d'[action] sociale de la commune ou vous etes inscrite au registred'attente des etrangers conformement à l'article 2, S: 5, de la loi du 2avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordes par lescentres publics d'[action] sociale, et ce, dans les conditions fixees àl'article 57 de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publicsd'action sociale'.

[La seconde defenderesse] s'est adressee au [demandeur] le 6 novembre2009 (accuse de reception produit au dossier de premiere instance : piece4). Elle a loue, depuis le 1er novembre 2009, un logement sur leterritoire du ressort du [demandeur], lieu ou elle demande son inscriptionle 4 decembre 2009. à partir du 17 decembre 2009, elle est inscriteofficiellement, à l'adresse, rue des Capucins.

Le centre public d'action sociale d'Eeklo a accorde une aide financierejusqu'à la fin du mois de decembre 2009 (courrier de la Rode Kruis,adresse au [demandeur], le 18 fevrier 2010). Sans reaction du [demandeur],[la seconde defenderesse] a introduit un recours devant le tribunal dutravail de Bruxelles, rec,u au greffe du tribunal le 3 fevrier 2010, parlequel elle demande à titre principal une aide financiere à charge du[demandeur] et à titre subsidiaire des dommages et interets equivalentsà cette aide, à charge de Fedasil.

Depuis lors, par une decision du 5 mai 2010, la qualite de refugiee a etereconnue à [la seconde defenderesse] et celle-ci est aidee par le[demandeur] (competence en raison de la residence sur son territoire)».

L'arret enonce ensuite les motifs suivants :

« 1. La contestation a, en fait, pour origine, la suppression par Fedasilde l'inscription obligatoire de [la seconde defenderesse], demandeurd'asile, dans un centre d'accueil et l'absence de reaction du [demandeur]à la demande de [la seconde defenderesse] de lui octroyer une aidesociale en telle sorte que [cette derniere] s'est retrouvee sans aucuneaide.

Le premier juge a declare la demande fondee à l'encontre de Fedasiljusqu'au 3 juin 2010 (montant à titre de dommages et interets) et nonfondee à l'encontre du [demandeur] jusqu'à cette date. Il a reserve àstatuer pour la periode posterieure au 3 juin 2010 et pour ce qui concernela demande en garantie dirigee par le [demandeur] contre l'etat belge. Ila reserve les depens.

A. Validite de la decision de Fedasil (appel principal)

2. Le premier juge a estime que la decision de Fedasil etait illegale, lesconditions d'application de l'article 13 de la loi sur l'accueil n'etantpas remplies, ce que conteste Fedasil.

3. En l'espece, la decision de suppression du lieu obligatoired'inscription s'inscrit dans une procedure relevant d'une preoccupationliee à la saturation des centres d'accueil.

En automne 2009, suite à la saturation du reseau d'accueil, Fedasil apropose à certaines categories de demandeurs d'asile d'introduire unedemande de suppression du code 207 sur une base volontaire. Le 16 octobre2009, Fedasil a communique à toutes les structures d'accueil du reseauune instruction relative à la suppression sur une base volontaire du lieud'inscription pour les residents ayant une procedure de demande d'asile encours et presentant un sejour d'au moins quatre mois ininterrompus dans uncentre d'accueil (dossier administratif de Fedasil : piece 2).L'instruction precise en particulier que les demandeurs doivent presenterun contrat de bail signe, c'est-à-dire demontrer avoir pu trouver unlogement.

Donnant appui à cette demarche, le ministre de l'Integration sociale apublie à l'attention des presidents de centres publics d'action sociale,un avis officiel relatif aux `Consequences sur le droit à l'aide socialede la suppression du code 207 « structure d'accueil » sur une basevolontaire' (M.B., 9 decembre 2009, p.76566).

[La seconde defenderesse]a introduit une demande de suppression du lieuobligatoire d'inscription ; elle a produit un contrat de bail, signe pourun logement se trouvant sur le territoire de la commune de Bruxelles.C'est à cette demande de suppression qu'a repondu positivement ladecision litigieuse de Fedasil.

4. La decision litigieuse est intervenue le 3 novembre 2009. La loiapplicable au litige est la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil desdemandeurs d'asile et de certaines autres categories d'etrangers, dans saversion anterieure à sa modification par la loi du 31 decembre 2009.

5. En vertu de l'article 3 de la loi du 12 janvier 2007, tout demandeurd'asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vieconforme à la dignite humaine. Par accueil, on entend l'aide materielleoctroyee conformement à la presente loi ou l'aide sociale octroyee parles centres publics d'action sociale conformement à la loi du 8 juillet1976 organique des centres publics d'action sociale.

L'article 9 dispose que `l'accueil tel que vise à l'article 3 est octroyepar la structure d'accueil ou le centre public d'action sociale designecomme lieu obligatoire d'inscription'.

L'article 10 de la loi precise que Fedasil designe le lieu obligatoired'inscription aux etrangers, c'est-à-dire designe l'autorite qui prend encharge l'accueil dont beneficie le demandeur d'asile. Par cettedisposition, le legislateur a entendu imposer une obligation de designerun lieu obligatoire d'inscription, sauf les cas ou la loi autorise Fedasilà deroger à cette obligation, dans des circonstances particulieres(expose des motifs, Doc. Ch., 51 2565/001 p. 20). Ces derogations sont lanon-designation (art. 11, S: 3) et la suppression du lieu obligatoired'inscription (art.13). L'hypothese prevue par l'article 11, S: 4, quiconcerne specifiquement la saturation du reseau d'accueil, a eteintroduite par la loi du 31 decembre 2009. Elle est posterieure au litigeet ne lui est pas applicable.

6. L'article 13 de la loi du 12 janvier 2007, disposition invoquee parFedasil pour justifier sa decision, dispose que cette agence peutsupprimer le lieu obligatoire d'inscription designe conformement auxarticles precedents, dans des circonstances particulieres. Le Roi fixe laprocedure relative à cette suppression.

Le premier juge et le [demandeur] contestent que la decision de Fedasilreponde à l'hypothese de circonstances particulieres.

7. Certes, la loi ne definit pas ce qu'il faut entendre par `circonstancesparticulieres' et, si l'on se limite aux travaux preparatoires serapportant à cette disposition, ce que fait le [demandeur] dans sesconclusions, le legislateur envisageait des hypotheses particulieres lieesà la personne du demandeur d'asile (expose des motifs, Doc. Ch., 512565/001 p. 25, sous verbo article 13).

Toutefois, les travaux preparatoires permettent egalement de releverd'autres precisions, qui eclairent la volonte du legislateur etinteressent la presente contestation. Ces precisions concernent enparticulier la regle generale, imposant à Fedasil l'obligation dedesigner un lieu obligatoire d'inscription (art. 10) et ses deuxderogations (art. 11, S: 3, et art. 13).

A l'estime de la cour du travail, les deux derogations, à savoir la

non-designation (art. 11, S: 3) et la suppression (art. 13) du lieuobligatoire d'inscription, doivent en effet etre lues en parallele, entout cas dans la version de la loi applicable avant sa modification par laloi du 31 decembre 2009.

Or, s'agissant des circonstances particulieres justifiant ces derogations,il a certes ete precise qu'elles se rapportent à des hypothesesparticulieres liees à la personne du demandeur d'asile. Ainsi (cf. exposedes motifs, p.23) : `Cette notion de « circonstances particulieres »etait dejà contenue à l'article 57ter-1, S: 1er, alinea 2, de la loi du8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale. Parmi lesraisons justifiant, à titre de circonstances particulieres, qu'un lieuobligatoire d'inscription ne soit pas designe, il doit etre fait mentionde l'arret nDEG 169/2002 du 27 novembre 2002 rendu par la Courd'arbitrage. Cette Cour a dit pour droit que l'article 57ter-1 de la loiprecitee devait se lire « comme faisant obligation d'accorder laderogation qu'elle prevoit dans le cas ou il apparait, sauf si descirconstances particulieres s'y opposent, que l'application de la regleempecherait que des personnes qui se trouvent dans la situation decrite au1DEG et 2DEG de l'article 57ter-1 nouveau, S: 1er, puissent vivre avec uneou plusieurs personnes avec lesquelles elles forment une famille et quiont droit à l'aide sociale en Belgique ou qui ont ete autorisees à ysejourner »'.

Mais en outre, il a ete precise que (ibid. pp. 23-24) : `Le risque desaturation de la capacite d'accueil est egalement envisage par cettepossibilite de ne pas designer de lieu obligatoire d'inscription'. Selonl'expose des motifs de l'article 57ter-1 precite, `dans des circonstancesexceptionnellement graves, le ministre ou son delegue peut negligerl'obligation de designer un centre d'accueil (...). Des circonstancesparticulieres sont aussi des circonstances ou les capacites d'accueilseraient insuffisantes et ou une alternative qualitativement equivalentecomprenant l'aide materielle devra etre offerte (reference à Projet deloi-programme, Doc. Ch., sess. ord. 2000-2001,

nDEG 0950/001, pp. 38-39.). L'absence de places disponibles, autorisant dene pas designer de lieu obligatoire d'inscription, est rencontree quand lereseau d'accueil est sature, en ce compris les places disponibles enstructure d'accueil d'urgence, telle que visee par l'article 18 del'avant-projet.

Dans l'hypothese ou, suite à l'existence de circonstances particulieres,un lieu obligatoire d'inscription n'est pas designe par Fedasil, lacompetence pour l'octroi de l'aide se determine conformement à la reglegenerale visee à l'article 1, S: 1er, de la loi du 2 avril 1965 relativeà la prise en charge des secours accordes par les centres publicsd'action sociale. »

8. Par ailleurs, la decision litigieuse de Fedasil de supprimer le lieuobligatoire d'inscription dans un centre d'accueil est intervenue avant lamodification de la loi du 12 janvier 2007 par celle du 31 decembre 2009,en telle sorte que tout raisonnement partant de cette modificationulterieure (art. 11, S: 4, nouveau) est sans pertinence en l'espece.

Le systeme de suppression du lieu d'inscription sur une base volontaireetait prevu, à l'epoque, pour une duree determinee (cf. instructionsvalables jusqu'au 15 decembre 2009) et non de maniere structurelle.

9. De l'avis de la cour [du travail], la demarche de Fedasil (suppressionvolontaire d'un lieu obligatoire d'inscription dans le cadre d'unesaturation des centres d'accueil) et son application à [la secondedefenderesse], trouvent une assise legale à l'article 13 de la loi du 12janvier 2007, tel que l'application a ete voulue par le legislateur lorsdu vote de cette loi.

La suppression du lieu obligatoire d'inscription a ete decidee par Fedasilen toute legalite, tant formellement (loi du 12 janvier 2007, art. 13)qu'en raison des circonstances de l'espece (demande volontaire, logement,sejour de plus de quatre mois dans un centre d'accueil, notamment).

En consequence, il n'y a pas lieu d'ecarter cette decision pourillegalite.

Il n'y a des lors pas lieu d'allouer des dommages et interets à charge deFedasil au motif de sa responsabilite pour faute.

L'appel (principal) de Fedasil, qui vise à reformer le jugement en cequ'il ecarte sa decision du 3 novembre 2009 de suppression du code 207 etla condamne à des dommages et interets, est fonde.

B. Demandes de [la seconde defenderesse] en appel

10. Devant la cour [du travail], [la seconde defenderesse] demande àtitre principal de condamner Fedasil et à titre subsidiaire de condamnerle [demandeur], ce qui constitue une inversion de sa demande originaire.

La demande principale de confirmer le jugement et de condamner Fedasil estnon fondee (cf. ci-avant).

A titre subsidiaire, [la seconde defenderesse] demande de condamner le[demandeur] à lui payer l'aide financiere equivalente au revenud'integration au taux isole, à partir du 6 novembre 2009.

11. Suite à la suppression du lieu obligatoire d'inscription, le[demandeur] est en l'espece competent pour accorder l'aide sociale à [laseconde defenderesse], celle-ci etant inscrite sur le territoire relevantdu [demandeur] au cours de toute la periode litigieuse (inscription depuisle 19 decembre 2009).

12. Telle que la contestation est soumise à la cour [du travail], laperiode d'octroi de l'aide va du 31 decembre 2009, date à laquelle l'aidefinanciere du centre public d'action sociale d'Eeklo a pris fin, jusqu'au5 mai 2010, date à partir de laquelle le [demandeur] a accorde une aidefinanciere à l'interessee, qui reside sur le territoire du ressort [dudemandeur]. La reduction de la periode litigieuse est une demande formeeà bon droit en appel par le [demandeur].

Au cours de cette periode, [la seconde defenderesse] remplit lesconditions d'octroi d'une aide sociale.

Le retard lie à la presente procedure ne peut avoir pour effet de priverl'interessee du droit à l'aide necessaire pour rencontrer l'etat debesoin, meme si l'etat de besoin se rapporte à une periode revolue. Lecontrat de bail signe pour le logement rue des Capucins est produit audossier de [la seconde defenderesse] (sa piece 3, dossier de premiereinstance) ainsi que le courrier du proprietaire signalant le non-paiementde loyers. Le [demandeur] aide l'interessee depuis mai 2009 [lire : 2010]ce qui tend à confirmer l'etat de besoin de celle-ci egalement au coursde la periode litigieuse.

Enfin, en demandant la suppression du lieu obligatoire d'inscription, [laseconde defenderesse] s'est de bonne foi inseree dans un processus dont lacour du travail a admis ci-avant la validite, ce qui ne peut pas lui etrereproche ni ne constitue un motif justifiant d'ecarter le droit à l'aidesociale à charge du [demandeur] ; cette these du [demandeur] n'est pasretenue par la cour [du travail] ».

3. L'arret en deduit que : « 13. En conclusion, au cours de la periodelitigieuse, [la seconde defenderesse] etablit remplir les conditionsd'octroi d'une aide sociale. Sa demande subsidiaire est fondee, sousreserve que l'aide est due à partir du 1er janvier 2010 jusqu'au 5 mai2010. »

Griefs

Premiere branche

1. Aux termes de l'article 3 de la loi du 12 janvier 2007, tout demandeurd'asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vieconforme à la dignite humaine. Par accueil, on entend l'aide materielleoctroyee conformement à la presente loi ou l'aide sociale octroyee parles centres publics d'action sociale conformement à la loi du 8 juillet1976 organique des centres publics d'action sociale.

L'article 9 de la loi du 12 janvier 2007 precise que : l'accueil tel quevise à l'article 3 est octroye par la structure d'accueil ou le centrepublic d'action sociale designe comme lieu obligatoire d'inscription .

Conformement à l'article 10, alinea 1er, de la loi du 12 janvier 2007,c'est Fedasil qui doit designer une structure d'accueil comme lieuobligatoire d'inscription aux etrangers qui sont entres irregulierementsur le territoire belge et ont introduit une demande d'asile.

En vertu de l'article 11, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 12 janvier2007, une telle designation produit ses effets à tout le moins aussilongtemps que le Commissariat general aux refugies et aux apatrides n'apas pris de decision definitive sur la demande d'asile.

Toutefois, par derogation aux dispositions qui precedent, l'article 13 dela loi du 12 janvier 2007 enonce que Fedasil peut supprimer le lieuobligatoire d'inscription designe conformement aux articles precedents,dans des circonstances particulieres ; le Roi fixe la procedure relativeà cette suppression .

En consequence, sous reserve des circonstances particulieres, en vertu del'article 57ter de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publicsd'action sociale, l'aide sociale n'est pas due par le centre lorsquel'etranger enjoint de s'inscrire en un lieu determine en application del'article 11, S: 1er, de la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil desdemandeurs d'asile et de certaines autres categories d'etrangers beneficiede l'aide materielle au sein d'une structure d'accueil chargee de luiassurer l'aide necessaire pour mener une vie conforme à la dignitehumaine.

Par derogation à l'article 57, S: 1er, le demandeur d'asile auquel a etedesigne comme lieu obligatoire d'inscription, en application de l'article

11, S: 1er, de la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeursd'asile et de certaines autres categories d'etrangers, une structured'accueil geree par Fedasil ou par un partenaire de cette agence ne peutobtenir l'aide sociale que dans cette structure d'accueil.

Il apparait, à la lecture des dispositions qui precedent, qu'en principe,« la mise en oeuvre du droit à l'aide sociale des candidats refugies acesse legitimement d'etre une competence des centres publics d'actionsociale pour devenir reellement une competence de l'etat federal et de sonagent de mise en oeuvre, Fedasil, ce qui correspond pleinement au respectdes directives europeennes et de la convention de Geneve du 28 juillet1951 relative au statut des refugies. En effet, il s'agit d'obligationsinternationales souscrites par la Belgique et, des lors, d'une competencede l'etat federal » (J.M. Berger et D. Feron « La nouvelle procedured'asile et son impact sur le droit à l'aide sociale », Revue de droitcommunal, 2008/1, pp. 6 et ss., spec. p. 13, nDEG 3, 4).

D'interpretation restrictive, les « circonstances particulieres »,permettant que l'application de ces principes soit ecartee en raison de lasuppression du lieu obligatoire d'inscription, doivent caracteriser lasituation personnelle du demandeur d'asile lui-meme, qui est d'ailleurssusceptible d'evoluer tout au long de l'examen de la demande d'asile. Ilpeut s'agir, par exemple, du statut d'un membre de sa famille se trouvantegalement en Belgique, d'un mariage ou d'une maladie (Doc. Ch., 512565/001, p. 25).

Il est vrai que, par ailleurs, des circonstances « particulieres » ou« exceptionnelles » pourraient egalement conduire à ce que Fedasil sedispense de designer un centre d'accueil, par exemple, en cas de risquede saturation du reseau d'accueil. (Doc. Ch., 51 2565/001, pp. 23, 24 et38).

Cette derniere hypothese (la non-designation) est prevue à l'article 11,S: 3, de la loi du 12 janvier 2007 et non à l'article 13 de la loi du 12janvier 2007 (la suppression de la designation).

Il est comprehensible que la non-designation puisse reposer tant sur descirconstances structurelles (pourvu qu'elles soient exceptionnelles),telle la saturation des reseaux, que sur des circonstances personnelles(pourvu qu'elles soient particulieres). En revanche, la suppression nepourrait reposer sur des circonstances autres que celles liees à lasituation particuliere de l'etranger, car il serait non justifiable del'avoir accueilli malgre une situation dejà problematique (puisque denature structurelle) pour supprimer ensuite l'accueil accorde, alors quecette situation problematique serait par definition inchangee (puisque,encore une fois, de nature structurelle).

2. En l'espece, il ressort des constatations de l'arret (i) que [laseconde defenderesse), apres avoir introduit une demande d'asile, futinscrite au centre d'accueil d'Eeklo, designe comme lieu obligatoired'inscription par Fedasil ; (ii) que c'est à la demande de [la secondedefenderesse] que ce lieu d'inscription obligatoire fut supprime pardecision du 3 novembre 2009 ; (iii) que cette demande est la suite d'uneproposition de Fedasil « suite à la saturation du reseau d'accueil »,etant precise que les demandeurs devaient presenter un contrat de bailsigne c'est-à-dire demontrer avoir pu trouver un logement ; (iv) que leministre de l'Integration sociale a publie à l'attention des presidentsde centres publics d'action sociale, un avis officiel relatif aux« consequences sur le droit de l'aide sociale de la suppression (du lieuobligatoire d'inscription) `structure d'accueil' sur une basevolontaire » ; et (v) c'est dans la ligne de ce processus qu'apres plusde quatre mois dans le centre d'accueil, [la seconde defenderesse] ademande et obtenu la suppression du lieu obligatoire d'inscription,produisant un contrat de bail signe pour un logement se trouvant sur leterritoire de la commune de Bruxelles.

Il ne ressort d'aucune des considerations qui precedent ni d'aucun autremotif de l'arret, reproduits au present moyen, que des circonstancesparticulieres caracterisant la situation personnelle de [la secondedefenderesse] elle-meme, en dehors du processus qu'elle a suivi, proposepar Fedasil, identique pour toute la categorie de demandeurs d'asile àlaquelle appartenait [la seconde defenderesse], auraient ete prises enconsideration pour fonder la decision de Fedasil de supprimer le lieuobligatoire d'inscription assigne à [la seconde defenderesse].

3. En consequence, à defaut d'indiquer quelles sont les circonstancesparticulieres qui auraient legalement autorise Fedasil à supprimer lelieu obligatoire d'inscription assigne à [la seconde defenderesse],l'arret ne peut considerer que « la suppression du lieu obligatoired'inscription a ete decidee en toute legalite, tant formellement (loi du12 janvier 2007, art. 13) qu'en raison des circonstances de l'espece(demande volontaire, logement, sejour de plus de quatre mois dans uncentre d'accueil notamment) » ni decider qu' « il n'y a pas lieud'allouer des dommages-interets à charge de Fedasil au motif de saresponsabilite » sans violer les articles 3, 9, 10, specialement 1er, 11,specialement S: 1er, alinea 1er, de la loi du 12 janvier 2007 ; l'arret nepeut davantage decider, en consequence, que « suite à la suppression dulieu obligatoire d'inscription, le [demandeur] est en l'espece competentpour accorder l'aide sociale à [la seconde defenderesse], celle-ci etantinscrite sur le territoire relevant [du demandeur] au cours de toute laperiode litigieuse », sans violer l'article 57ter de la loi du 8 juillet1976 organique des centres publics d'action sociale, tel que modifie parla loi du 12 janvier 2007.

Deuxieme branche

1. Dans ses conclusions regulierement prises en degre d'appel, ledemandeur invoquait le moyen circonstancie suivant :

« 5. Article 159 de la Constitution

L'article 13 de la loi du 12 janvier 2007 prevoit que si Fedasil peutsupprimer le lieu obligatoire d'inscription, elle ne peut le faire nonseulement que dans des circonstances particulieres mais egalement enrespectant la procedure mise en place par des arretes royaux d'execution. Fedasil ne conteste pas que les arretes royaux n'ont toujours pas ete prisde telle maniere que la procedure ne permet pas la mise en application desdispositions de l'article 13. Partant c'est à tort que Fedasil invoquequ'elle a le pouvoir d'apprecier si [la seconde defenderesse] etait ou nondans des circonstances particulieres justifiant la suppression de son lieuobligatoire d'inscription. Au contraire ces circonstances particulieresdoivent etre fixees par des arretes royaux d'execution. Partant, prendrela decision comme le fait Fedasil de supprimer le lieu obligatoired'inscription alors que les arretes royaux d'execution n'ont pas ete prisest une decision qui meconnait le prescrit de l'article 13 et partant estcontraire à l'article 159 de la Constitution ».

2. En aucun de ses motifs, tels qu'ils sont reproduits au present moyen,l'arret ne rencontre ce moyen circonstancie du demandeur.

3. L'arret n'est donc pas regulierement motive (violation de l'article 149de la Constitution).

Troisieme branche

1. En vertu de l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunauxn'appliqueront les arretes et reglements generaux, provinciaux et locauxqu'autant qu'ils sont conformes aux lois. Les juridictions contentieusesont, en vertu de cette disposition, le pouvoir et le devoir de verifier lalegalite interne et la legalite externe de tout acte administratif surlequel est fondee une demande, une defense ou une exception (Voy.notamment, Cass. 10 septembre 2007, Pas. 2007, I, 1462 , R.G. S.07.003.F).Certes, l'application de l'article 159 de la Constitution ne permet pas aujuge de reconnaitre des droits dont la naissance est subordonnee à unedecision administrative positive, mais elle lui confere neanmoins unpouvoir de censure negative, detruisant les effets d'un acte illegal (J.Martens « L'exception d'illegalite et le droit à l'aide sociale desetrangers », J.L.M.B. 2008, pp. 302 et ss., spec. p. 303).

2. En l'espece, pour dire fondee la demande de [la seconde defenderesse]à l'encontre du demandeur et rejeter la demande de [la secondedefenderesse] à l'encontre de Fedasil, l'arret considere que « de l'avisde la cour [du travail], la demarche de Fedasil (suppression volontaired'un lieu obligatoire d'inscription dans le cadre d'une saturation descentres d'accueil) et son application à [la seconde defenderesse],trouvent une assise legale à l'article 13 de la loi du 12 janvier 2007,tel que l'application a ete voulue par le legislateur lors du vote decette loi. La suppression du lieu obligatoire d'inscription a ete decideepar Fedasil en toute legalite, tant formellement (loi du 12 janvier 2007,art. 13) qu'en raison des circonstances de l'espece (demande volontaire,logement, sejour de plus de quatre mois dans un centre d'accueil,notamment) (et qu') en consequence, il n'y a pas lieu d'ecarter cettedecision pour illegalite ».

3. Ni par ces motifs ni par aucun autre motif, l'arret n'examine lalegalite, au regard de l'article 13 in fine de la loi du 12 janvier 2007,de la suppression du lieu obligatoire d'inscription decidee en depit del'absence d'arrete royal fixant la procedure relative à cettesuppression.

4. L'arret ne justifie des lors legalement sa decision ni au regard del'article 13 de la loi du 12 janvier 2007 ni au regard de l'article 159 dela Constitution.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Conformement à l'article 11, S: 1er, de la loi du 12 janvier 2007 surl'accueil des demandeurs d'asile et de certaines categories d'etrangers,dans sa redaction applicable au litige, l'Agence federale pour l'accueildes demandeurs d'asile, en abrege Fedasil, la premiere defenderesse,designe une structure d'accueil comme lieu obligatoire d'inscription auxdemandeurs d'asile vises à l'article 10, 1DEG et 2DEG, de la loi.

L'article 11, S: 3, prevoit que, dans des circonstances particulieres,Fedasil peut deroger aux dispositions du paragraphe 1er en ne designantpas de lieu obligatoire d'inscription.

Suivant l'article 13, alinea 1er, Fedasil peut supprimer le lieuobligatoire d'inscription designe conformement aux articles 9 à 12, dansdes circonstances particulieres. L'alinea 2 charge le Roi de fixer laprocedure relative à cette suppression.

Il ressort des travaux preparatoires de la loi du 12 janvier 2007 que lerisque de saturation de la capacite d'accueil des demandeurs d'asile peutconstituer une des circonstances particulieres visees à l'article 11, S:1er, partant à l'article 13, alinea 1er, de cette loi.

L'arret constate que, le 4 mai 2009, apres son arrivee en Belgique, laseconde defenderesse a introduit une demande d'asile ; qu'un centred'accueil lui a ete designe comme lieu obligatoire d'inscription ; que, àsa demande et par une decision du 3 novembre 2009, Fedasil a supprime lelieu obligatoire d'inscription, compte tenu du fait que la demande d'asileetait toujours en cours de traitement, de la preuve apportee par laseconde defenderesse d'une solution concernant son hebergement et de « lasaturation du reseau » d'accueil des demandeurs d'asile.

En considerant que « la demarche de Fedasil (suppression volontaire d'unlieu obligatoire d'inscription dans le cadre d'une saturation des centresd'accueil) et son application à [la seconde defenderesse] trouvent uneassise legale à l'article 13 de la loi du 12 janvier 2007, tel quel'application a ete voulue par le legislateur lors du vote de la loi » etque « la suppression du lieu obligatoire d'inscription a ete decidee parFedasil en toute legalite », l'arret ne viole pas les dispositionslegales precitees.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Apres avoir reproduit les deux alineas de l'article 13 precite et constateque « la loi ne definit pas ce qu'il faut entendre par `circonstancesparticulieres' », l'arret recherche cette definition dans les travauxpreparatoires de la loi et conclut que, dans les circonstances del'espece, la « suppression volontaire d'un lieu obligatoire d'inscriptiondans le cadre d'une saturation des centres d'accueil » a ete decidee parFedasil en toute legalite.

Par ces enonciations, d'ou il se deduit que, selon l'arret, aucun arreteroyal n'est necessaire pour fixer les circonstances particulieres danslesquelles Fedasil peut proceder à la suppression du lieu obligatoired'inscription, l'arret repond aux conclusions du demandeur qui soutenaientle contraire.

En considerant par ailleurs que « la suppression du lieu obligatoired'inscription a ete decidee par Fedasil en toute legalite, [...]formellement (loi du 12 janvier 2007, article 13) », l'arret repond auxconclusions du demandeur qui soutenait que Fedasil ne pouvait proceder àla suppression du lieu obligatoire d'inscription, en l'absence de l'arreteroyal prevu par l'article 13 pour fixer la procedure de suppression.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

En considerant, ainsi qu'il est dit en reponse à la deuxieme branche dumoyen, qu'aucun arrete royal n'est necessaire pour fixer les circonstancesparticulieres dans lesquelles Fedasil peut proceder à la suppression dulieu obligatoire d'inscription, prevue à l'article 13 de la loi du 12janvier 2007, l'arret ne viole pas cette disposition legale.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Pour le surplus, la violation pretendue de l'article 159 de laConstitution etant tout entiere deduite de celle, vainement alleguee, del'article 13 precite, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent sept euros soixante-neuf centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de quatre-vingt-quatre eurossoixante-neuf centimes envers la premiere partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononceen audience publique du sept janvier deux mille treize par le president desection Albert Fettweis, en presence de l'avocat general general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+-------------------------------------+
| F. Gobert | M. Lemal | M. Delange |
|-----------+-----------+-------------|
| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------+

7 JANVIER 2013 S.11.0111.F/19


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.11.0111.F
Date de la décision : 07/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-01-07;s.11.0111.f ?
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