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14/12/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0232.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 décembre 2012, C.12.0232.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0232.N

1. G. L.,

2. L. P.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

J.-P. B.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 janvier 2012par la cour d'appel de Gand.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens libelles comme

suit :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 17 et 18 du Code judiciaire ;

- articles 6, 1108, 1131 et 1133 du ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0232.N

1. G. L.,

2. L. P.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

J.-P. B.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 janvier 2012par la cour d'appel de Gand.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens libelles comme suit :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 17 et 18 du Code judiciaire ;

- articles 6, 1108, 1131 et 1133 du Code civil ;

- article 14 de la loi du 16 janvier 2003 portant creation d'unebanque-carrefour des entreprises, modernisation du registre de commerce,creation de guichets-entreprises agrees et portant diverses dispositions ;

- article 42 des lois relatives au registre de commerce, coordonnees parl'arrete royal du 20 juillet 1964 ;

- articles 2 et 5 de la loi du 6 juillet 1976 sur la repression du travailfrauduleux à caractere commercial ou artisanal.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare la demande des demandeurs irrecevable sur la base desconsiderations suivantes :

« 8. Dans les jugements [...] des 8 juillet 2004 et 5 septembre 2007,passes en force de chose jugee comme le confirment les demandeurseux-memes, il a ete decide à maintes reprises que les demandeurs doiventetre consideres comme des commerc,ants dans la mesure ou ils sontresponsables de l'execution des obligations contractees en vertu descontrats d'edition litigieux, qui leur incombent.

Il est, des lors, indiscutable que les demandeurs ont agi en tant quecommerc,ants tant lors de la conclusion des contrats d'edition que lors deleur execution.

Il est aussi evident que la cause de la demande d'indemnisation formuleepar les demandeurs git dans les contrats d'edition precites conclus entreeux et le defendeur. Les demandeurs reclament, en effet, des dommages etinterets parce que lesdits contrats n'ont pas ete resilies en temps utile.

Eu egard à l'incontestable qualite de commerc,ant des demandeurs, il estdonc egalement etabli qu'ils exerc,aient, non seulement lors de laconclusion des contrats d'edition mais aussi lors de leur execution, uneactivite requerant une inscription au registre de commerce, actuellementà la banque-carrefour des entreprises.

Sur la base des jugements precites, passes en force de chose jugee, et deselements de fait, il est aussi etabli que les demandeurs, de la conclusiondes contrats jusqu'à ce que le defendeur y mette fin, ne disposaient pasdes inscriptions requises.

En ne respectant pas la legislation en matiere d'inscription au registrede commerce ou à la banque-carrefour des entreprises, les [demandeurs]ont viole aussi la loi du 6 juillet 1976 sur la repression du travailfrauduleux à caractere commercial ou artisanal, comme le soutient àjuste titre le defendeur.

L'article 2, S: 1er, de la loi du 6 juillet 1976 definit le travailfrauduleux comme suit : `tout travail pouvant faire l'objet d'uneprofession relevant de l'artisanat, du commerce ou de l'industrie,effectue en dehors de tout lien de subordination, par une personnephysique ou morale qui, soit n'est pas immatriculee au registre decommerce ou de l'artisanat, soit viole les prescriptions legales enmatiere d'autorisation, d'assujettissement ou d'immatriculation, relativesà l'exercice de cette profession, pour autant que ce travail, soit parson importance et son caractere technique, soit par sa frequence, soit parl'usage d'un materiel ou d'un outillage, presente un caractereprofessionnel specifique'.

Il est incontestable, selon la cour [d'appel], que l'execution desobligations reprises par les [demandeurs] dans le cadre des contratsd'edition conclus entre eux et [le defendeur] - auxquelles ils se sontengages personnellement en tant que commerc,ants à l'egard du defendeur -repond à cette definition.

L'article 5 de ladite loi dispose que `sera puni d'un emprisonnement dehuit jours à un mois et d'une amende de 26 francs à 500 francs ou d'unede ces peines seulement, celui qui se sera livre à un travail frauduleuxou aura eu recours aux services d'un travailleur frauduleux'.

La violation de la loi du 6 juillet 1976 existait tant au moment de laconclusion, de l'execution que de la resiliation des contrats d'editionlitigieux. L'inscription faite par les demandeurs apres les jugements des8 juillet 2004 et 5 septembre 2007 à la banque-carrefour des entreprisesest, en effet, posterieure de plusieurs annees à la resiliation descontrats d'edition, par le defendeur, par lettre du 27 septembre 2000.

L'argumentation des demandeurs, selon laquelle ils n'auraient perc,uaucune indemnite pour une quelconque prestation des lors qu'ils onttoujours presume que les contrats d'edition etaient conclus entre las.p.r.l. Osteo 2000 et le defendeur, ne change rien à la constatationprecitee impliquant une violation de la legislation du 6 juillet 1976 surle travail frauduleux.

Les arguments selon lesquels seule la s.p.r.l. Osteo prenait en charged'un point de vue economique et juridique la traduction, l'edition et ladistribution des lors que les demandeurs estimaient avoir conclu lescontrats d'edition avec la s.p.r.l. Osteo en tant que gerants, estcontraire aux decisions des jugements des 8 juillet 2004 et 7 septembre2007, passes en force de chose jugee, et ne peuvent, des lors, pas etrepris en consideration :

- le jugement du 8 juillet 2004 a, en effet, decide explicitement que lesdemandeurs devaient etre consideres comme des commerc,ants lorsqu'ilss'impliquaient dans l'execution des obligations leur incombant en vertudes contrats d'edition,

- le jugement du 5 septembre 2007 a aussi decide que les demandeurss'etaient engages personnellement à l'egard du defendeur.

Lorsque les demandeurs soutiennent enfin que la loi du 6 juillet 1976 nes'appliquerait pas au travail frauduleux intellectuel, ils ne demontrentnullement que, dans le cadre des contrats d'edition litigieux, ilsn'accomplissent que des prestations intellectuelles.

Les contrats d'edition en question ne le demontrent en tout cas pas etfont, au contraire, etat de prestations non intellectuelles à savoirl'edition, la distribution et la vente de livres.

En outre, la loi du 6 juillet 1976 ne fait pas de distinction entre letravail frauduleux intellectuel et manuel et, contrairement à ce quesoutiennent les demandeurs, il n'est pas prevu que le travail frauduleuxintellectuel soit exclu du champ d'application de la loi.

La doctrine citee par les demandeurs dans leurs conclusions de synthesesous le numero 42 confirme enfin qu'il ne peut etre question d'unedistinction entre le travail frauduleux intellectuel et manuel. Selon lacour [d'appel], une telle distinction ne se justifie pas raisonnablement.

9. Dans la mesure ou les demandeurs reclament des dommages et interets surla base de contrats d'edition qu'ils ont executes depuis leur conclusionjusqu'à leur resiliation, en violation de :

- la loi relative au registre de commerce, actuellement banque- carrefourdes entreprises,

- ladite loi du 6 juillet 1976 sur la repression du travail frauduleux àcaractere commercial ou artisanal,

leur demande est fondee sur une cause illicite - à savoir faire ducommerce en violation de dispositions legales d'ordre public sanctionneespenalement - et ils ne disposent pas de l'interet legitime requis pourintroduire une demande de dommages et interets du chef de resiliationunilaterale et inopportune des contrats d'edition par le defendeur.

A defaut, leur demande est irrecevable.

Conformement aux articles 6, 1131 et 1133 du Code civil, le juge ne peutaccorder d'effets juridiques à des obligations resultant d'une causeillicite ».

Griefs

Aux termes des articles 17 et 18, alinea 1er, du Code judiciaire, l'actionne peut etre admise si le demandeur n'a pas un interet ne et actuel pourla former.

Cet interet procedural doit aussi etre legitime.

Un demandeur n'a pas d'interet legitime si l'objet de sa demande,c'est-à-dire le resultat materiel, moral ou psychologique qu'il espereobtenir au moyen de la procedure, tend à maintenir une situation ou unavantage illicite.

Selon l'article 1108 du Code civil, une cause licite est requise pour lavalidite d'une convention.

Conformement à l'article 1131 du Code civil, l'obligation sur une causeillicite ne peut avoir aucun effet.

Les articles 6, 1108, 1131 et 1133 du Code civil interdisent lesconventions qui creent ou maintiennent une situation illicite.

Est illicite la convention dont la cause, c'est-à-dire les motifsdeterminants ayant incite les parties contractantes à conclure laconvention, tendait à creer ou à maintenir une situation illegale.

L'article 14 de la loi du 16 janvier 2003 portant creation d'unebanque-carrefour des entreprises, modernisation du registre de commerce,creation de guichets-entreprises agrees et portant diverses dispositionsdispose que :

« Tout exploit d'huissier notifie à la demande d'une entreprisecommerciale ou artisanale mentionnera toujours le numero d'entreprise.En l'absence de l'indication du numero d'entreprise sur l'exploitd'huissier, le tribunal accordera une remise à l'entreprise commercialeou artisanale en vue de prouver son inscription à la banque-carrefour desentreprises à la date de l'introduction de l'action.

Dans le cas ou l'entreprise commerciale ou artisanale ne prouve pas soninscription en cette qualite à la banque-carrefour des entreprises à ladate de l'introduction de son action dans le delai assigne par le tribunalou s'il s'avere que l'entreprise n'est pas inscrite à la banque-carrefourdes entreprises, le tribunal declare l'action de l'entreprise commercialenon recevable d'office.

Dans le cas ou l'entreprise commerciale ou artisanale est inscrite encette qualite à la banque-carrefour des entreprises, mais que son actionest basee sur une activite pour laquelle l'entreprise n'est pas inscriteà la date de l'introduction de l'action ou qui ne tombe pas sous l'objetsocial pour lequel l'entreprise est inscrite à cette date, l'action decette entreprise est egalement non recevable. L'irrecevabilite estcependant couverte si aucune autre exception ou aucun autre moyen dedefense n'est oppose comme fin de non-recevoir ».

L'article 42 des lois relatives au registre de commerce coordonnees parl'arrete royal du 20 juillet 1964 dispose que :

« Est irrecevable toute action principale, reconventionnelle ou enintervention qui trouve sa cause dans une activite commerciale pourlaquelle le requerant n'etait pas immatricule lors de l'intentement del'action ».

Selon l'article 2, S: 1er, de la loi du 6 juillet 1976 sur la repressiondu travail frauduleux à caractere commercial ou artisanal, est un travailfrauduleux tout travail pouvant faire l'objet d'une profession relevant del'artisanat, du commerce ou de l'industrie, effectue en dehors de toutlien de subordination, par une personne physique ou morale qui n'est pasimmatriculee au registre de commerce ou de l'artisanat.

Selon l'article 5 de cette meme loi, sera puni d'un emprisonnement de huitjours à un mois et d'une amende de 26 francs à 500 francs ou d'une deces peines seulement, celui qui se sera livre à un travail frauduleux ouaura eu recours aux services d'un travailleur frauduleux.

L'arret constate que la cause de la demande de dommages et interetsformulee par les demandeurs se trouve dans les contrats d'edition conclusentre les demandeurs et le defendeur, des lors qu'ils demandent desdommages et interets parce que ces contrats n'ont pretendument pas eteresilies en temps utile.

Selon la cour [d'appel], il est incontestable que les demandeurs ont agien tant que commerc,ants au moment tant de la conclusion que del'execution des contrats d'edition, sans qu'ils disposent de l'inscriptionrequise au registre de commerce ou à la banque-carrefour des entreprises.Les demandeurs effectuaient aussi, selon la cour [d'appel], un travailfrauduleux ; le fait que, lors de la conclusion de ces contrats d'edition,ils estimaient agir pour le compte de la s.p.r.l. Osteo 2000 et qu'ils ontobtenu ensuite une inscription à la banque-carrefour des entreprises, n'ychange rien, selon la cour d'appel.

Des lors qu'ils ont execute les contrats d'edition à partir de leurconclusion jusqu'à leur resiliation en violation de la loi relative auregistre de commerce, actuellement banque-carrefour des entreprises, et dela loi du 6 juillet 1976 sur la repression du travail frauduleux àcaractere commercial ou artisanal, leur demande d'obtention d'uneindemnisation est, selon la cour [d'appel], fondee sur une cause illicite,à savoir faire du commerce en violation des dispositions legales d'ordrepublic et ils ne disposent pas de l'interet legitime requis pourintroduire leur demande de dommages et interets en raison du fait que cescontrats n'auraient pretendument pas ete resilies en temps utile par ledefendeur.

Selon la cour [d'appel], leur demande est, des lors, irrecevable, le jugene peut accorder des effets juridiques à des obligations ayant une causeillicite.

Par ces considerations, l'arret ne justifie pas legalement sa decision quela demande des demandeurs est irrecevable.

L'interet requis pour que l'action soit admissible n'est illegitime que sil'objet de la demande tend à maintenir une situation ou un avantageillicite.

Les obligations ont une cause illicite si les motifs determinantsconsistent à creer ou à maintenir une situation illegale.

L'arret constate expressement que, par leur demande, les demandeurs ontcherche à obtenir des dommages et interets en raison du fait que lescontrats d'edition conclus avec le defendeur n'ont pas ete resilies entemps utile et que la cause de leur demande se trouve dans ces contratsd'edition.

Ni par les considerations reproduites ci-dessus ni par aucune autreconsideration, l'arret ne constate que, par leur demande de dommages etinterets, les demandeurs avaient l'intention de creer ou de maintenir unesituation illicite car contraire à l'ordre public.

Le rejet de la demande du demandeur tendant à l'obtention de dommages etinterets comme etant irrecevable car contraire aux dispositions relativesau registre de commerce, actuellement la banque-carrefour des entreprises,et à la loi du 6 juillet 1976 sur la repression du travail frauduleux àcaractere commercial ou artisanal viole, des lors, la condition tant del'interet legitime que de la cause licite des conventions (violation desarticles 17 et 18 du Code judiciaire, 6, 1108, 1131 et 1133 du Code civil,14 de la loi du 16 janvier 2003 portant creation d'une banque-carrefourdes entreprises, modernisation du registre de commerce, creation deguichets-entreprises agrees et portant diverses dispositions, 42 des loisrelatives au registre de commerce, coordonnees par l'arrete royal du 20juillet 1964, 2 et 5 de la loi du 6 juillet 1976 sur la repression dutravail frauduleux à caractere commercial ou artisanal).

(...)

III. la decision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut etreadmise si le demandeur n'a pas un interet legitime pour la former.

L'interet est illegitime lorsque l'action en justice tend au maintiend'une situation illicite ou à l'obtention d'un avantage illicite.

2. Il ressort des articles 6, 1131 et 1132 du Code civil qu'une conventionqui a une cause illicite des lors qu'elle est interdite par la loi ouqu'elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public, ne peutsortir d'effets.

3. Il suit de ces dispositions qu'une action en justice qui tend àl'execution d'une telle convention ou à l'indemnisation du dommage dufait de sa resiliation, est irrecevable.

Le moyen, qui est fonde sur un soutenement juridique different, manque endroit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, president, le president desection Eric Stassijns, les conseillers Alain Smetryns, Koen Mestdagh etGeert Jocque, et prononce en audience publique du quatorze decembre deuxmille douze par le president de section Eric Dirix, en presence del'avocat general Christian Vandewal, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president,

14 decembre 2012 C.12.0232.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0232.N
Date de la décision : 14/12/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-12-14;c.12.0232.n ?
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