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13/12/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0204.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 décembre 2012, C.12.0204.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3026



NDEG C.12.0204.F

M. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

CHEYNS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Courtrai,Zwingelaarsstraat, 7,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine,

11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3026

NDEG C.12.0204.F

M. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

CHEYNS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Courtrai,Zwingelaarsstraat, 7,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 decembre 2011par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 2, 3, 61, 62, 517 et 525 du Code des societes ;

- articles 30 à 32 de la loi du 10 aout 1953 concernant l'introductiondans la legislation nationale de la loi uniforme sur les lettres de changeet billets à ordre et sa mise en vigueur, telle qu'elle a ete rectifieeet interpretee par la loi du 31 decembre 1955 qui rectifie et interpretediverses dispositions de la loi du 10 aout 1953 concernant l'introductiondans la legislation nationale de la loi uniforme sur les lettres de changeet billets à ordre et sa mise en vigueur, et qui la coordonne avec laditeloi uniforme, dont les dispositions ont ete inserees sous le titre VIII dulivre 1er du Code de commerce sous la denomination « Lois coordonnees surla lettre de change et le billet à ordre ».

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne la demanderesse, par confirmation du jugement entrepris,à payer à la defenderesse la somme totale de 198.183,19 euros, augmenteed'interets, en sa qualite d'aval de plusieurs lettres de change tirees parla defenderesse sur Nothag, societe anonyme, declaree en faillite parjugement du tribunal de commerce de Charleroi du 2 mars 2010, cettecondamnation incluant notamment le paiement de la somme de 111.312,82euros, etant le montant d'une lettre de change datee du 17 fevrier 2010 àecheance au 5 mars 2010.

L'arret ecarte la contestation de la demanderesse, s'agissant du paiementde cette lettre de change, par les motifs suivants :

« C. Quant à la qualite du donneur d'aval (appel principal)

These de [la demanderesse]

A titre encore plus subsidiaire, [la demanderesse] soutient qu'elle asigne deux traites en qualite d'organe representant la societe Nothagpuisque sa signature etait suivie des mots àdministrateur delegue' etque, partant, elle n'entendait pas s'engager personnellement.

These de la [defenderesse]

Selon la [defenderesse], meme si [la demanderesse] a fait suivre sasignature de la mention d'àdministrateur delegue', elle n'a toutefois pasprecise de quelle societe elle etait l'administrateur delegue. Elle seserait donc manifestement engagee personnellement.

Position de la cour [d'appel]

Si [la demanderesse] a effectivement signe deux traites, sous la rubriqueàval pour le compte du tire', en indiquant sa qualite d'administrateurdelegue, il convient toutefois de relever, à l'instar du premier juge,que cette indication est depourvue de toute valeur juridique puisqu'ellen'a pas renseigne la societe qu'elle entendait representer en qualited'aval.

De surcroit, si elle ne voulait pas s'engager personnellement comme avalmais le faire au nom et pour compte d'une personne morale, [lademanderesse] aurait alors du, comme elle l'a fait pour le tire, indiquerle nom et l'adresse de ladite personne morale tout en apposant sasignature personnelle, suivie eventuellement de sa qualite de mandataireou d'organe.

En l'espece, il est invraisemblable que la volonte reelle de [lademanderesse] ait ete de signer, sous la rubrique àval pour le compte dutire', en sa qualite d'organe representant la societe Nothag, meme sic'est ce qu'elle precise dans ses conclusions du 14 septembre 2011. Eneffet, en matiere de lettre de change, l'aval designe un engagementpersonnel donne par un tiers au profit d'un des signataires de l'effet decommerce, jusqu'à concurrence d'un montant qui est habituellement de latotalite de la somme due. Une double signature d'une meme personnejuridique, à savoir la societe Nothag representee par [la demanderesse],s'engageant à la fois comme tire et comme aval, n'aurait eu aucunsens ».

Griefs

Premiere branche

La circonstance que le signataire d'une lettre de change indique saqualite d'administrateur delegue a pour consequence que ce signataire nes'oblige pas personnellement mais au nom et pour compte d'un tiers,precisement de la societe anonyme dont il est charge de la gestionjournaliere, par application de l'article 525 du Code des societes, lapersonne chargee de la gestion journaliere d'une societe anonyme portanten regle le titre d'administrateur delegue lorsqu'elle est en meme tempsadministrateur de cette societe.

Il en est ainsi meme si ce signataire n'indique pas l'identite de lasociete au nom et pour compte de laquelle il signe en cette qualite.

Il incombe au juge, saisi d'une demande de condamnation, de rechercher, euegard notamment au contexte de la lettre de change et aux conclusions desparties, quelle a ete cette societe et si le signataire avait le pouvoird'engager celle-ci par sa signature.

Il s'ensuit qu'en prononc,ant la condamnation personnelle de lademanderesse, en sa qualite d'aval de la lettre de change litigieuse,alors qu'il constate cependant que la demanderesse a signe cette lettre,en cette qualite, en faisant suivre sa signature de la mention d'« administrateur delegue », l'arret, par les motifs reproduits, nejustifie pas legalement sa decision. Il incombait au contraire à la courd'appel de verifier si, comme la demanderesse l'a affirme en conclusions,cette mention n'indiquait pas que la signature de la demanderesse a eteapposee sur la lettre au nom et pour compte de Nothag, societe anonyme,l'arret constatant au demeurant que la demanderesse avait le pouvoird'engager cette societe des lors qu'elle a, egalement, signe la lettre aunom et pour compte de celle-ci, tire.

L'arret meconnait ainsi la notion de personnalite morale, la societeanonyme ayant une personnalite distincte de celle de ses organes, etceux-ci ne s'obligeant pas à titre personnel lorsqu'ils s'engagent encette qualite (violation des articles 2, specialement S: 2, 3, 61 et 62 duCode des societes).

Il meconnait aussi, precisement, la notion de gestion journaliere de lasociete anonyme, laquelle implique la representation de celle-ci en ce quiconcerne cette gestion, des lors que l'organe charge de cette gestion nes'oblige pas à titre personnel lorsqu'il engage la societe (violation desarticles 61, 62, 517 et 525, specialement alinea 1er, du Code dessocietes).

Seconde branche

L'engagement de l'aval sur une lettre de change est autonome et distinctde l'engagement du tire ou, plus generalement, du signataire de la lettrequ'il avalise. Il a une portee plus etendue, ne serait-ce qu'en raison del'article 32, alinea 2, de la loi aux termes duquel il « est valablealors meme que l'obligation qu'il garantit serait nulle pour toute autrecause qu'un vice de forme ». L'aval pour compte du tire ne peut opposerau porteur qui exige paiement les exceptions que le tire eut pu opposer,fondees sur son obligation sous-jacente à l'egard du tireur ou sur lesrelations entre tire et porteur.

Il s'ensuit que le tire - comme tout autre signataire de la lettre - peuts'obliger, en sus, en qualite d'aval : l'engagement qu'il contracte ainsipeut s'averer plus contraignant que l'engagement qu'il a pu contracter enune autre qualite - et notamment comme tire - singulierement dans laperspective de la circulation ulterieure de la traite - circulation quiest dans la nature meme du droit cambiaire.

En consequence, en enonc,ant, pour denier tout objet et toute portee à lamention d' « administrateur delegue » dont la demanderesse a fait suivresa signature et prononcer la condamnation de celle-ci à titre personnel,par les motifs critiques, et notamment en deniant qu'un signataire de latraite puisse se porter aval de celle-ci, l'aval designant « unengagement personnel donne par un tiers », et en enonc,ant que l'avalprocure par le tire lui-meme n'a « aucun sens », l'arret meconnait lanotion d'aval d'une lettre de change (violation des articles 30 à 32 dutitre VIII du livre 1er du Code de commerce).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

En regle, l'organe d'une societe qui agit au nom et pour le compte decelle-ci sans le faire savoir de fac,on expresse ou tacite se presentecomme agissant à titre personnel et, partant, est personnellement engage.

Le juge du fond apprecie souverainement, d'apres les elements de la cause,si une personne ayant la qualite d'organe d'une societe est intervenue ennom personnel ou au nom de cette societe et, dans ce dernier cas, en ainforme le cocontractant.

L'arret considere que, « si la [demanderesse] a effectivement signe deuxtraites, sous la rubrique àval pour le compte du tire', en indiquant saqualite d'administrateur delegue, il convient toutefois de relever, àl'instar du premier juge, que cette indication est depourvue de toutevaleur juridique puisqu'elle n'a pas renseigne la societe qu'elleentendait representer en qualite d'aval » et que, « de surcroit, si ellene voulait pas s'engager personnellement comme aval mais le faire au nomet pour le compte d'une personne morale, [la demanderesse] aurait alorsdu, comme elle l'a fait pour le tire, indiquer le nom et l'adresse deladite personne morale tout en apposant sa signature personnelle, suivieeventuellement de sa qualite de mandataire ou d'organe ».

De ces considerations, l'arret a pu legalement deduire que la demanderesses'est engagee personnellement comme aval de la societe anonyme Nothag pourles traites litigieuses.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Les motifs vainement critiques par la premiere branche du moyen suffisentà justifier la decision de l'arret que « la demanderesse s'est engageepersonnellement comme aval de la societe anonyme Nothag pour les traiteslitigieuses ».

Dirige contre des considerations surabondantes de l'arret, le moyen, qui,en cette branche, ne saurait entrainer la cassation, est denue d'interet,partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille quinze euros un centime envers lapartie demanderesse et à la somme de deux cent quarante-six euros trentecentimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le president de section AlbertFettweis, les conseillers Martine Regout, Mireille Delange et MichelLemal, et prononce en audience publique du treize decembre deux milledouze par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+-------------+-------------|
| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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13 DECEMBRE 2012 C.12.0204.F/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0204.F
Date de la décision : 13/12/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-12-13;c.12.0204.f ?
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