Cour de cassation de Belgique
Arret
5487
NDEG P.12.0312.F
A. J.-L., fonctionnaire delegue de la direction de l'urbanisme et del'amenagement du territoire pour la province de Luxembourg, dont lesbureaux sont etablis à Arlon, place Didier, 45,
partie intervenue volontairement,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. M. R., T., E.,
2. D.B. M., M.,
prevenus,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 18 janvier 2012 par la courd'appel de Liege, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.
L'avocat general Damien Vandermeersch a depose des conclusions rec,ues augreffe le 30 novembre 2012.
A l'audience du 12 decembre 2012, le conseiller Gustave Steffens a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.
II. la decision de la cour
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 21ter dutitre preliminaire du Code de procedure penale, et 155, S:S: 1 et 2, duCode wallon de l'amenagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoineet de l'energie.
Il est reproche à l'arret de sanctionner le depassement du delairaisonnable en portant à cinq ans le delai accorde aux defendeurs pourremettre les lieux en etat, alors qu'aux termes du paragraphe 2 del'article 155 precite, ce delai ne peut exceder une annee.
L'infraction declaree etablie à charge des defendeurs est celle d'avoirmaintenu une construction edifiee sans permis prealable, ecrit et expresdu college des bourgmestre et echevins. L'arret constate que cetteinfraction a pris cours sept ans auparavant, lorsque les prevenus furentinformes, par les services competents de l'urbanisme, des irregularitesliees à leur habitation de vacances, et du caractere delictueux attacheau maintien de la situation.
Lorsqu'un etat de fait delictueux, tel que le maintien d'une constructionillegale, se prolonge apres la decision de condamnation, il nait unnouveau delit continu posterieur au moment ou la premiere condamnation estdevenue definitive.
Le delai dont la loi assortit l'execution de la remise en etat faitcependant provisoirement obstacle à la naissance du nouveau delit puisquel'autorisation de la loi est une cause de justification.
Par contre, l'autorisation du juge ne justifie pas le contrevenant.
Cette autorisation signifierait qu'une infraction dont la loi veut lacessation se poursuivrait impunement pendant une duree laissee àl'appreciation variable des cours et tribunaux.
Le prolongement d'une situation delictueuse à la faveur d'une decisionjudiciaire lui conferant une impunite temporaire, meconnaitrait leprincipe de legalite des infractions, consacre notamment par l'article 7de la Convention, en vertu duquel c'est une loi, et non le juge, qui doitpermettre à chacun de savoir, au moment ou un comportement est adopte, sicelui-ci est ou n'est pas punissable.
Les dispositions legales et conventionnelles invoquees par le demandeur nedonnent en aucun cas au juge le pouvoir de permettre que la commissiond'un delit continu se poursuive au-delà du terme fixe par la loi pour ymettre fin.
Le moyen est fonde.
Et pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peinede nullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.
L'arret ne sanctionne le depassement du delai raisonnable au niveau del'execution de la mesure de reparation qu'apres avoir constatel'obligation d'ordonner celle-ci. Il n'en resulte donc pas que les jugesd'appel aient entendu subordonner la remise en etat des lieux à lacondition qu'elle puisse etre executee dans un delai excedant la limitelegalement prevue. N'affectant que les modalites d'execution de la mesurede retablissement, l'illegalite censuree par la Cour n'atteint pas laremise en etat elle-meme.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur les modalites d'executionde la remise en etat ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne le demandeur à la moitie des frais du pourvoi et chacun desdefendeurs à un quart de ceux-ci ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Mons.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de huit cent quarante-troiseuros dont cent seize euros quatre-vingt-deux centimes dus et sept centvingt-six euros dix-huit centimes payes par ce demandeur.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close, president de section, Pierre Cornelis, Gustave Steffens etFranc,oise Roggen, conseillers, et prononce en audience publique du douzedecembre deux mille douze par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
+---------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
|-------------+-----------+-------------|
| P. Cornelis | F. Close | J. de Codt |
+---------------------------------------+
12 decembre 2012 P.12.0312.F/5