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06/12/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0161.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 décembre 2012, C.12.0161.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

583



NDEG C.12.0161.F

D. A.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

S. B.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour
r>Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 juin 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 23 octobre 2012, l...

Cour de cassation de Belgique

Arret

583

NDEG C.12.0161.F

D. A.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

S. B.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 juin 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 23 octobre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general

Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente quatre moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 1209 à 1223 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret rejette la demande du demandeur tendant à la contribution de ladefenderesse dans le financement de l'emprunt hypothecaire du 1er juillet1995 au 23 fevrier 1996 et homologue, par consequent, l'etat liquidatifsur ce point.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub 7, « Lacontribution de [la defenderesse] dans le financement de l'emprunthypothecaire du 1er juillet 1995 au 23 fevrier 1996 », savoir que :

« (Le demandeur) soutient qu'une recompense lui est due jusqu'àconcurrence de 1.938,87 euros au motif qu'il a supporte seul le paiementde l'emprunt hypothecaire afferent à l'immeuble indivis du 1er juillet1995 au 23 fevrier 1996 ;

Aucun contredit n'ayant ete presente aux notaires par les parties et àdefaut d'accord entre elles, le tribunal et, actuellement, la cour[d'appel] ne sont pas valablement saisis de la contestation. L'etatliquidatif ne doit donc pas etre modifie pour ce poste ».

Griefs

Il suit des articles 1209 à 1223 du Code judiciaire que ces dispositionslegales doivent etre comprises en ce sens que seules les contestations quisont formulees dans ou resultent des dires et difficultes repris dans leproces-verbal du notaire commis sont portees devant le tribunal par ledepot au greffe de l'expedition de ce proces-verbal, sous la reserve del'accord des parties de porter d'autres contestations devant le juge.

En vertu des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, le juge du fond nepeut violer la foi due à un ecrit en lui attribuant, pour justifier sadecision, une portee inconciliable avec ses termes et notamment enrefusant d'y lire une enonciation qui s'y trouve ou en y voyant uneenonciation qui ne s'y trouve pas.

Il ressort des pieces de la procedure que, devant le notaire commis chargede la liquidation et du partage de la communaute conjugale apres divorce,le demandeur a formule des objections relativement à l'etat liquidatifdresse par le notaire le 10 septembre 2008.

Le demandeur a notamment sollicite, dans le contredit qu'il a formule dansle document intitule « Contestations concernant l'etat liquidatif du 10septembre 2008 », annexe au proces-verbal de dires et difficultes du 8decembre 2008 et vise par les notaires, l'attribution d'une recompense àcharge de la defenderesse au motif qu'il a supporte seul le paiement del'emprunt hypothecaire afferent à l'immeuble indivis du 1er juillet 1995au 23 fevrier 1996. Le demandeur considerait ainsi que « n'a pas eteprise en compte par les notaires (...) mon argumentation concernant macondamnation de payer la totalite du remboursement hypothecaire et ceci,pour la periode du 1er juillet 1995 au 23 fevrier 1996, periode pendantlaquelle [la defenderesse] me doit ma part de remboursement du prethypothecaire, soit 10.000 francs (247,89 euros) mensuels ».

En considerant qu'aucun contredit sur ce point n'a ete presente auxnotaires par les parties, l'arret donne du document intitule« Contestations concernant l'etat liquidatif du 10 septembre 2008 »,annexe au proces-verbal de dires et difficultes du 8 decembre 2008 et visepar les notaires, une interpretation inconciliable avec ses termes enrefusant d'y lire une enonciation qui s'y trouve et, partant, viole la foiqui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

En relevant que le tribunal et la cour [d'appel] ne sont pas valablementsaisis de la contestation, alors que cette contestation a ete formuleedans le document intitule « Contestations concernant l'etat liquidatif du10 septembre 2008 », annexe au proces-verbal de dires et difficultes du 8decembre 2008 et vise par les notaires, l'arret viole au surplus lesarticles 1209 à 1223 du Code judiciaire.

En consequence, il n'homologue pas legalement l'etat liquidatif sur cepoint (violation de l'article 1223 du Code judiciaire).

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 1138, 4DEG, du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret, apres avoir declare l'appel principal forme par le demandeurrecevable et partiellement fonde et l'appel incident forme par ladefenderesse recevable mais non fonde et mis à neant le jugement dupremier juge, sauf en ce qu'il a rec,u la demande originaire, condamne ledemandeur à l'integralite des depens de la procedure d'appel, liquides à1.320 euros (indemnite de procedure) pour la defenderesse et lui delaisseles depens qu'il a exposes pour la procedure d'appel.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub 10, « Lesdepens », et plus particulierement sur la consideration que, « des lorsqu'il n'a ete fait droit à aucune des demandes formees par (le demandeur)en degre d'appel, les depens doivent etre mis à sa charge et l'indemnitede procedure liquidee au montant de base pour une affaire non evaluable enargent de 1.320 euros, rien ne permettant de s'ecarter de celui-ci ».

Griefs

En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement est motive. Siun arret contient des motifs ou des dispositions contradictoires oucomporte une contradiction entre les motifs et les dispositions, cesmotifs et dispositions se neutralisent les uns les autres, de sorte quel'arret n'est pas regulierement motive et viole l'article 149 de laConstitution.

L'arret qui contient des dispositions contradictoires meconnait, en outre,l'article 1138, 4DEG, du Code judiciaire.

Apres avoir declare l'appel principal forme par le demandeur recevable etpartiellement fonde et l'appel incident forme par la defenderesserecevable mais non fonde et mis à neant le jugement du premier juge, saufen ce qu'il a rec,u la demande originaire, l'arret met l'integralite desdepens à charge du demandeur, considerant qu'il n'a ete fait droit àaucune de ses demandes formees en degre d'appel.

En declarant, d'une part, l'appel principal forme par le demandeurrecevable et partiellement fonde et en considerant, d'autre part, qu'iln'a ete fait droit à aucune de ses demandes formees en degre d'appel,l'arret contient une contradiction entre ses motifs et son dispositif etn'est des lors pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution). A tout le moins, l'arret contient des decisionscontradictoires et viole, partant, l'article 1138, 4DEG, du Codejudiciaire.

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 213 et 577-2, S: 3, du Code civil ;

- article 1280, alinea 1er, du Code judiciaire ;

- article 149 de la Constitution.

Decision et motifs critiques

L'arret decide qu'aucune indemnite d'occupation n'est due par ladefenderesse du 28 juillet 1994 au 22 fevrier 1996.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub 5,« L'indemnite d'occupation à charge de (la defenderesse) », et plusparticulierement sur les considerations que :

« (Le demandeur) a ete prive de la jouissance de l'immeuble commun desparties pendant trente et un mois, du 28 juillet 1994 au 28 fevrier 1997.Il sollicite le paiement d'une indemnite d'occupation de 25.000 francs parmois du 23 fevrier 1996 (lire : du 28 juillet 1994) au 28 fevrier 1997. Ilsoutient que l'ordonnance presidentielle et l'arret de la cour [d'appel],statuant au provisoire et dans l'urgence, sur pied de l'article 584 duCode judiciaire, ne lient pas le juge de la liquidation ;

(La defenderesse) conteste l'indemnite d'occupation. Elle se refere aujugement entrepris et reconnait que celle-ci doit etre evaluee à 4.462,08euros, soit douze mensualites à 15.000 francs entre le 23 fevrier 1996 etle 28 fevrier 1997 ;

Il resulte de la lecture du proces-verbal d'ouverture des operations du 3juin 2003 que les parties ont accepte de discuter du paiement d'uneindemnite d'occupation due par (la defenderesse) du 28 juillet 1994 au 28fevrier 1997 ;

La contestation relative à l'indemnite d'occupation a ete emise dansl'annexe du proces-verbal des dires et difficultes et les notaires ontdonne leur avis quant à ce. Le tribunal et, ensuite, la cour [d'appel]ont, par consequent, ete regulierement saisis de la contestation ;

La dissolution du regime matrimonial entre les epoux prend cours à ladate de la citation en divorce. Les biens communs deviennent, de ce fait,indivis entre les epoux. Leur gestion est regie par l'article 577-2, S: 5,du Code civil. Le co-indivisaire, qui jouit de la totalite de la choseindivise pendant la duree de l'indivision, doit une indemnite car il nepeut jouir de la chose indivise que dans le respect du droit de sonco-indivisaire. Cette indemnite est generalement egale à la valeurlocative du bien », et que

« En l'espece, l'ordonnance de refere prononcee le 18 novembre 1994, surpied de l'article 1280 du Code judiciaire, rejette la demande de provisionalimentaire formee par (la defenderesse) au motif qu'elle beneficie dejàd'un logement gratuit. Dans le dispositif, le juge des referes actel'engagement (du demandeur) de supporter la totalite du remboursement del'emprunt hypothecaire contracte pour l'achat de l'immeuble et dit que ceremboursement est fait à titre de provision alimentaire à l'egard de (ladefenderesse) et qu'il ne donnera pas lieu à recompense lors de laliquidation du regime matrimonial ;

Il resulte de la lecture de l'ordonnance que l'occupation de la residenceconjugale est accordee à titre gratuit à (la defenderesse), nonseulement en ce qu'elle a mis à charge (du demandeur) l'integralite desmensualites du credit hypothecaire, mais en ce qu'elle lui confere seulela jouissance de l'immeuble sans devoir payer d'indemnite d'occupationdans le cadre de la liquidation du regime matrimonial ;

L'arret de la cour d'appel prononce le 23 fevrier 1996 met un terme, àdater du jour de celui-ci, à la condamnation (du demandeur) au paiementdu remboursement de la totalite de l'emprunt hypothecaire contracte pourl'achat de l'immeuble et à l'execution en nature du devoir de secoursalimentaire en ce sens que l'occupation de la residence conjugale nedonnera pas lieu à recompense lors de la liquidation du regimematrimonial. La cour [d'appel] a condamne (le demandeur) au paiement à(la defenderesse) d'une seule provision alimentaire de 20.000 francs parmois indexes ;

Il ressort de la lecture de cet arret que le secours alimentaire a etealloue uniquement à concurrence du paiement d'un montant mensuel de20.000 francs par mois sans execution en nature de celui-ci à partir du23 fevrier 1996 ;

Les mesures provisoires durant l'instance en divorce relevent de lacompetence du president du tribunal siegeant en refere sur pied del'article 1280, alinea 1er, du Code judiciaire et non dans l'urgence surpied de l'article 584 du meme code ;

Certes, le president n'est pas competent pour dispenser l'un des epouxd'indemniser la masse en raison de son occupation d'un bien commun devenuindivis. La decision du president quant à la gratuite du logement n'est,par consequent, qu'une donnee de fait (l'absence de paiement d'un loyer)dont le liquidateur tiendra compte lors de l'etablissement du compted'indivision post-communautaire. Il decide, en fonction du total desrevenus generes par l'indivision, si l'epoux qui a occupe gratuitement lelogement pendant l'instance en divorce devra ou non imputer cet avantagesur sa part dans ces revenus indivis ;

En l'espece, le logement familial est le seul immeuble du couple et, parconsequent, la seule source de revenus indivis, de sorte qu'en l'ayantoccupe, (la defenderesse) a gere durant l'instance tous les revenus del'indivision. Il convient d'en conclure qu'un partage egal des revenusindivis durant l'instance en divorce aurait eu pour effet d'encorediminuer les ressources de celle-ci. Il convient, des lors, de decider quel'occupation a ete gratuite avec dispense definitive de payer uneindemnite d'occupation jusqu'au 22 fevrier 1996 ;

C'est donc à juste titre que le premier juge a decide qu'aucune indemnited'occupation n'etait due jusqu'au 22 fevrier 1996 en vertu de l'ordonnancedu 18 novembre 1994 ».

Griefs

La dissolution du regime matrimonial donne naissance à une indivisionpost-communautaire entre les parties, qui porte tant sur les bienspresents au moment auquel la dissolution du mariage retroagit à l'egarddes epoux que sur les fruits ulterieurement produits par ces biens et quiest en principe regie par les regles de droit commun relatives à lacopropriete ordinaire visees à l'article 577-2 du Code civil.

En vertu de l'article 577-2, S: 3, du Code civil, le coproprietaireparticipe aux droits et aux charges de la propriete en proportion de sapart. Il s'ensuit que l'indivisaire qui a beneficie de la jouissanceexclusive d'un bien indivis est tenu d'indemniser les autres indivisairespour cette jouissance.

Le president du tribunal statuant en refere en application de l'article1280, alinea 1er, du Code judiciaire est competent pour ordonner durantl'instance en divorce des mesures provisoires relatives à la personne etaux biens des epoux et des enfants.

Le president peut notamment ordonner une mesure provisoire octroyant lajouissance exclusive du logement familial à l'un des epoux. Cette mesurepeut etre prononcee, suivant le cas, à titre d'execution en nature dudevoir de secours incombant aux epoux durant le mariage en vertu del'article 213 du Code civil ou à titre de simple mesure de gestion.

La decision du president n'est toutefois qu'une donnee de fait dont lejuge de la liquidation tiendra compte lors de l'etablissement du compted'indivision post-communautaire. Il decidera, en fonction du total desrevenus produits par l'indivision, si l'epoux qui a occupe gratuitement lelogement pendant l'instance en divorce devra ou non imputer cet avantagesur sa part dans ces revenus indivis.

En l'espece, l'arret considere que la mesure provisoire ordonnee par lepresident du tribunal statuant dans le cadre de l'article 1280, alinea1er, du Code judiciaire octroyant la jouissance du logement familial à ladefenderesse pendant la procedure en divorce constituait une modalited'execution en nature du devoir de secours incombant aux epoux durant lemariage.

Il releve ensuite que « le logement familial est le seul immeuble ducouple et, par consequent, la seule source de revenus indivis, de sortequ'en l'ayant occupe, [la defenderesse] a gere durant l'instance tous lesrevenus de l'indivision. Il convient d'en conclure qu'un partage egal desrevenus indivis durant l'instance en divorce aurait eu pour effet d'encorediminuer les ressources de celle-ci ».

Sur la base de ces seules constatations et considerations et sansexaminer, ainsi que les conclusions du demandeur l'y invitaient, si ladefenderesse a donne en location (ou aurait pu donner en location) unepartie de l'immeuble commun et sans evaluer ainsi le total des revenusgeneres par l'indivision, l'arret n'a pu legalement decider qu'aucuneindemnite d'occupation n'est due par la defenderesse du 28 juillet 1994 au22 fevrier 1996 (violation des articles 213, 577-2, S: 3, du Code civil et1280, alinea 1er, du Code judiciaire).

A tout le moins, à defaut de proceder à cette recherche dans ses motifs,l'arret ne permet pas à la Cour d'exercer son controle de legalite etn'est des lors pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).

Quatrieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1315, 1349, 1353, 1399, alinea 3, et 1436 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- principe general du droit relatif au droit à un proces equitable.

Decisions et motifs critiques

L'arret, apres avoir releve que le demandeur allegue, sans l'etablir, queles sommes perc,ues par la defenderesse de l'heritage de son pere ont eteplacees en actions Rent-Invest placees au Luxembourg, considere qu'il estsuffisamment etabli par les elements du dossier que les fonds utilisespour l'acquisition de l'immeuble commun sont des fonds propres de ladefenderesse qui proviennent de la succession de son pere et dit pourdroit qu'une recompense est due par la communaute à la defenderesse pourles fonds propres investis dans les frais d'acquisition de l'immeubleindivis à concurrence de 13.776,44 euros, majoree des interets aux tauxlegaux successifs depuis le 4 avril 1997 (date de la transcription dudivorce) jusqu'au complet paiement.

Il declare non fonde le contredit du demandeur relatif aux interetsafferents aux placements Rent-Invest.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub 2,« Recompense due à (la defenderesse) pour l'acquisition de l'immeublecommun », et sub 8, « Les interets afferents aux placementsRent-Invest », et plus particulierement sur les considerations que :

« 2. Recompense due à (la defenderesse) pour l'acquisition de l'immeublecommun

(...) Le demandeur allegue, sans l'etablir, que les sommes perc,ues par(la defenderesse) de l'heritage de son pere ont ete placees en actionsRent-Invest au Luxembourg ;

Il semble au contraire resulter des debats tenus dans le cadre des mesuresprovisoires devant le juge des referes et, ensuite, devant la cour[d'appel] que les parties ne disposaient pas d'economies et que (ladefenderesse) n'avait pas d'autres revenus que les allocations de chomageet que les revenus tres faibles perc,us de son activite d'artiste (moinsde 3.000 francs par mois) ;

Il resulte d'ailleurs des avertissements-extraits de role relatifs auxrevenus des annees 1982 à 1986 que les revenus perc,us par (ladefenderesse) n'etaient pas imposables ;

Rien ne permet donc de croire qu'elle aurait eu la possibilite deconstituer une economie de 486.175 francs depuis le mariage des parties le20 novembre 1982, ni de se constituer un capital à partir d'economiesprelevees sur les revenus perc,us par (le demandeur) ;

Meme si l'identite du titulaire du compte duquel les fonds en cause sontprovenus est restee inconnue, il est suffisamment etabli par les elementsqui precedent et, notamment, par la concordance des paiements, que lessommes en causes sont des fonds propres de (la defenderesse) quiproviennent de la succession de son pere », et que :

« 8. Les interets afferents aux placements Rent-Invest

(Le demandeur) sollicite le paiement des interets afferents aux placementsRent-Invest des capitaux dont (la defenderesse) a herite de son pere ;

Des lors que (le demandeur) n'etablit pas la realite de ce placement, iln'etablit pas la production d'interets au profit du patrimoine commun ;

Ce contredit est, par consequent, non fonde ».

Griefs

Aux termes de l'article 1436 du Code civil, le droit aux recompensess'etablit par toutes voies de droit. La charge de la preuve incombe àl'epoux qui exige une recompense, conformement aux articles 1315 du Codecivil et 870 du Code judiciaire. Il devra tout d'abord prouver le fait oul'acte juridique donnant lieu au droit à la recompense, à savoirl'augmentation du patrimoine commun, et ensuite le caractere propre desfonds utilises. Conformement à l'article 1399, alinea 3, du Code civil,il peut prouver par toutes voies de droit, meme par la commune renommee,le caractere propre des fonds utilises. Toutefois, aux termes de l'article1405, 4DEG, du Code civil, sont presumes communs tous biens dont il n'estpas prouve qu'ils sont propres à l'un des epoux pour l'application d'unedisposition de la loi.

Il appartient toutefois à l'autre epoux, qui conteste le caractere propredes fonds utilises, d'apporter la preuve de ses allegations.

La partie qui formule, conformement à l'article 1223 du Code judiciaire,des contredits à l'egard de l'etat liquidatif dresse par le notaire doitprouver les faits qu'elle allegue.

Le juge du fond apprecie souverainement en fait la necessite oul'opportunite d'ordonner une mesure d'instruction, pour autant qu'enrefusant d'ordonner une mesure d'instruction, il ne viole pas les droitsde la defense ni ne meconnaisse le droit des parties d'apporter la preuvedont elles ont la charge (articles 1315, 1349, 1353 du Code civil, 870 duCode judiciaire et principes generaux du droit relatifs au respect desdroits de la defense et au droit à un proces equitable).

La requete du demandeur du 22 fevrier 2011 formee aupres du president dela cour d'appel tendait à proceder à l'ouverture du coffre de ladefenderesse afin de trouver les traces de ses placements Rent-Invest,suite à l'heritage de son pere.

Apres avoir releve que le demandeur allegue, sans l'etablir, que lessommes perc,ues par la defenderesse de l'heritage de son pere ont eteplacees en actions Rent-Invest placees au Luxembourg, l'arret considereque les fonds utilises pour l'acquisition de l'immeuble commun sont desfonds propres de la defenderesse qui proviennent de la succession de sonpere et que les notaires ont donc admis à bon droit une recompense due àla defenderesse par le patrimoine commun à la suite du transfert de lasomme de 410.000 francs (ou 10.163,63 euros).

L'arret declare en outre non fonde le contredit du demandeur relatif auxinterets afferents aux placements Rent-Invest, en considerant que, « deslors que (le demandeur) n'etablit pas la realite de ce placement, iln'etablit pas la production d'interets au profit du patrimoine commun ».

En refusant ainsi implicitement mais certainement de proceder àl'ouverture du coffre de la defenderesse, pour ensuite considerer que ledemandeur n'etablit pas que les sommes perc,ues par la defenderesse del'heritage de son pere ont ete placees en actions Rent-Invest placees auLuxembourg, l'arret meconnait le droit du demandeur d'apporter la preuvedont il a la charge et viole, par consequent, les articles 1315, 1349,1353, 1399, alinea 3, 1436 du Code civil, 870 du Code judiciaire, ainsique le principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense et le principe general du droit à un proces equitable.

III. La decision de la Cour

Sur le troisieme moyen :

S'agissant du montant de l'indemnite d'occupation qu'il decide etre due àpartir du 23 fevrier 1996 par la defenderesse au demandeur, l'arretconsidere que celui-ci « reste en defaut d'etablir que [celle-là] adonne en location une partie de l'immeuble ; [que], s'il produit unproces-verbal de constat d'huissier qui a constate la presence de troisautres personnes dans l'immeuble, rien n'etablit que ces personnes ont eula qualite de locataire, [la defenderesse] ayant expose qu'elle logeaitdes amis ; [que] le prix de l'adjudication de l'immeuble et l'affectationde celui-ci en maison unifamiliale sont de nature à conforter [sa] these[...] ; [qu'] enfin, la description du bien au moment de l'achat parl'organisme preteur, qui precise qu'il est divise en appartements, estsans incidence des lors qu'il a ensuite ete amenage par les parties enmaison unifamiliale ».

Il suit de ces considerations que, contrairement à ce que soutient lemoyen, l'arret exclut que la defenderesse, habitant un immeuble dejàamenage en maison unifamiliale durant la vie commune, ait, à quelquemoment de la periode ou elle l'a occupe seule, donne ou pu donner unepartie de cet immeuble en location.

Le moyen manque en fait.

Sur le quatrieme moyen :

Par les motifs que le moyen reproduit, l'arret tient pour etabli que lesfonds employes pour l'acquisition de l'immeuble commun « sont des fondspropres de [la defenderesse] qui proviennent de la succession de sonpere » et qu'elle n'avait pas investis « en actions Rent-Invest placeesau Luxembourg ».

L'arret a des lors pu, sans meconnaitre le droit du demandeur d'apporterla preuve des faits qu'il alleguait, refuser comme inutile à lamanifestation de la verite la mesure d'instruction qu'il proposait.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse et deduitedu defaut d'interet :

Le moyen fait valoir que l'arret, qui constate que le demandeur« soutient qu'une recompense lui est due jusqu'à concurrence de 1.938,87euros au motif qu'il a supporte seul le paiement de l'emprunt hypothecaireafferent à l'immeuble indivis du 1er juillet 1995 au 23 fevrier 1996 »,viole la foi due aux ecritures du demandeur qu'il precise en considerant,pour ecarter cette contestation, que, sur ce point, « aucun contredit n'aete presente aux notaires par les parties ».

La defenderesse allegue que les motifs non critiques par lesquels l'arretstatue sur l'indemnite d'occupation reclamee pour la meme periode à ladefenderesse justifient legalement la decision que le contredit dudemandeur portant sur le remboursement de l'emprunt hypothecaire n'est pasde nature à entrainer une modification de l'etat liquidatif.

La regle que la Cour souleve les motifs de droit qui justifient ladecision prise par le juge du fond sur la contestation qui lui etaitsoumise suppose que le moyen denonce l'illegalite au fond de cettedecision.

Tel n'est pas le cas lorsqu'il est reproche au juge, qui n'a pas statue aufond sur une contestation dont il a estime n'etre pas saisi, d'avoir violela foi due aux ecritures lui soumettant cette contestation.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

Dans le document intitule « Contestations concernant l'etat liquidatif du10 septembre 2008 », joint au proces-verbal de dires et difficultes du 8decembre 2008, le demandeur enonc,ait que « n'a[vait] pas ete prise encompte par les notaires [...] [son] argumentation concernant [sa]condamnation à payer la totalite du remboursement hypothecaire et ceci,pour la periode du 22 juillet 1995 au 23 fevrier 1996, pendant laquelle[la defenderesse] [lui] [devait] [sa] part de remboursement du prethypothecaire ».

En considerant que, sur ce point, « aucun contredit n'a ete presente auxnotaires par les parties », l'arret donne de ce document uneinterpretation inconciliable avec ses termes et viole, partant, la foi quilui est due.

Le moyen est fonde.

Et il n'y a pas lieu d'examiner le deuxieme moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur « la contribution de [ladefenderesse] dans le paiement de l'emprunt hypothecaire du 1er juillet1995 au 23 fevrier 1996 » et sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Condamne le demandeur à la moitie des depens ; en reserve l'autre moitiepour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens taxes à la somme de cinq cent trente-deux euros quarante-sixcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de centcinquante-cinq euros cinquante-neuf centimes en debet envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du six decembre deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

6 DeCEMBRE 2012 C.12.0161.F/18


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0161.F
Date de la décision : 06/12/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-12-06;c.12.0161.f ?
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