Cour de cassation de Belgique
Arret
4621
NDEG F.11.0132.F
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Bruxelles I, dont les bureaux sontetablis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50,
demandeur en cassation,
contre
1. C. H. et
2. B. B.,
defendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maitre Reginald Bribosia, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Uccle, rue de Nieuwenhove, 46.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 septembre2010 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 7 novembre 2012, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.
Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
Articles 7, S: 1er, 1DEG, a), et 16, S:S: 1er et 5, du Code des impotssur les revenus 1992, applicables pour les exercices d'imposition 1998,1999 et 2000, plus particulierement l'article 7, S: 1er, 1DEG, a), telqu'il resulte de la modification apportee par l'article 2, 1DEG, del'arrete royal du 20 decembre 1996 portant des mesures fiscales diversesen application des articles 2, S: 1er, et 3, S: 1er, 2DEG et 3DEG, de laloi du 26 juillet 1996 visant à realiser les conditions budgetaires de laparticipation de la Belgique à l'Union economique et monetaire europeenne
Decisions et motifs critiques
Apres avoir observe que :
« Les (defendeurs) font valoir que depuis leur achat, en 1979/1980, duflat litigieux au rez-de-chaussee de leur immeuble, ils l'ont toujoursaffecte à l'extension de leur habitation familiale situee dansl'appartement du quatrieme etage à la meme adresse à ..., notamment eny installant leurs bureaux respectifs (comme professeurs), leursordinateurs, un dressing, une salle de jeux et que le fait que leur fils,devenu majeur mais restant domicilie avec eux et continuant à vivre enfamille, y ait installe ensuite son lit de 1997 à 1999, est sans aucunepertinence et ne peut s'analyser comme une modification de l'affectationen fait des lieux, comme le soutient l'administration pour justifier sesrectifications.
Il n'est pas serieusement conteste que, jusqu'aux exercices litigieux, les(defendeurs) ont regulierement declare les revenus cadastraux cumules deleurs deux appartements sis à la meme adresse sous le code 100, en tantqu'une seule maison d'habitation et ont ete taxes sur la base de leurdeclaration »,
l'arret considere que :
« A tort (...), [le demandeur] estime (...) que c'est illegalement queles (defendeurs) ont pu beneficier pour les exercices anterieurs de lataxation comme maison d'habitation egalement pour ce qui concerne le flatdu rez-de-chaussee, au motif que les (defendeurs) auraient eu deuxhabitations et ne peuvent beneficier du regime de la maison d'habitationque pour l'une des deux, ce qui se deduirait du seul fait de l'existencede deux revenus cadastraux distincts (etablis alors qu'à l'origine, il yavait deux proprietaires differents) repris dans la matrice cadastralesous le meme numero de parcelle cadastrale, numero unique pour toutl'immeuble à appartements.
La cour [d'appel] note neanmoins que c'est aussi le montant cumule desdeux revenus cadastraux en question qui est repris comme revenu cadastralservant de base au calcul du precompte immobilier sur lesavertissements-extraits de role en matiere de precompte immobilierproduits par les (defendeurs) à titre exemplatif pour les exercicesd'imposition 1985, 1997 et 2003 [...].
Ainsi que le reconnait [le demandeur] (...), l'article 16 du Code desimpots sur les revenus 1992, tel qu'il etait applicable pour les exercicesd'imposition litigieux, n'exige nullement qu'il n'y ait qu'un seul revenucadastral pour la maison d'habitation qui y est visee. [Il] pretends'appuyer sur l'article 471 du Code des impots sur les revenus 1992,lequel ne permet cependant pas d'aboutir à la conclusion que la maisond'habitation - sise dans un immeuble à appartements -, telle qu'elle estvisee à l'article 16 du Code des impots sur les revenus 1992, ne peutavoir qu'un seul revenu cadastral.
Sauf pour trois exercices d'imposition qu'il a rectifies, [il] a toujoursconsidere le contraire, calculant aussi bien le precompte immobilier quel'impot des personnes physiques sur les revenus cadastraux cumules del'appartement et du flat consideres avec leurs annexes comme une seulemaison d'habitation pour le menage des (defendeurs) et de leur filsjusqu'à son depart du domicile familial.
C'est donc à bon droit que la demande originaire relative aux revenusimmobiliers a ete accueillie par le premier juge »,
et dit pour droit que « le revenu cadastral du flat sis aurez-de-chaussee de l'immeuble situe à ..., rue ..., doit etre declare aucode 100 comme revenu cadastral de la maison d'habitation au meme titreque le revenu cadastral relatif au quatrieme etage du meme immeuble ».
Griefs
L'article 7, S: 1er, 1DEG, a), du Code des impots sur les revenus 1992,applicable aux exercices litigieux, dispose que :
« S: 1er. Les revenus des biens immobiliers sont :
1DEG pour les biens immobiliers qui ne sont pas donnes en location :
a) pour les biens sis en Belgique :
le revenu cadastral lorsqu'il s'agit de biens immobiliers non batis ou del'habitation visee à l'article 16 ;
le revenu cadastral majore de 40 p. c. lorsqu'il s'agit d'autres biens ».
Cet article 7, S: 1er, 1DEG, a), se refere donc à l'habitation visee àl'article 16 du Code des impots sur les revenus 1992 aux fins dedeterminer la maniere dont les biens immobiliers batis doivent etreimposes (et declares).
Ledit article 16, applicable aux exercices litigieux, dispose que :
« S: 1er. Lorsqu'un contribuable occupe une habitation dont il estproprietaire, possesseur, emphyteote, superficiaire ou usufruitier, unededuction pour habitation est operee sur le revenu cadastral de cettehabitation, sans pouvoir le depasser, d'un montant de 120.000 francs,majore de 10.000 francs pour le conjoint et pour toute personne à chargedu contribuable au premier janvier de l'annee dont le millesime designel'exercice d'imposition. [...]
S: 5. Lorsque le contribuable occupe plus d'une habitation, la deductionpour habitation n'est accordee que pour une seule habitation à sonchoix ».
En l'espece, il est constant que le flat et l'appartement dont lesdefendeurs sont proprietaires dans le meme immeuble sont separes l'un del'autre par trois etages et qu'ils sont dotes chacun de leur proprecuisine, leur propre salle de bain, leur propre boite aux lettres, etc.,ainsi que de leur propre cave et de leur propre emplacement de parking.
La notion d' « habitation », telle qu'elle figure à l'article 16 duCode des impots sur les revenus 1992, n'etant pas definie dans [ce code],il convient d'avoir egard à son sens usuel.
Or, par « habitation », au sens usuel du terme, il y a lieu d'entendreessentiellement un immeuble destine à l'habitation et au logement.
Partant, c'est la nature du bien immobilier qui prime et non l'utilisationqui en est faite par la personne concernee.
Toute autre solution apparait comme contraire au texte legal et à lavolonte du legislateur telle que celle-ci a ete exprimee lors del'adoption de l'article à l'origine de cette deduction.
En effet, s'agissant du texte legal, celui-ci prevoit l'octroi d'unededuction pour habitation operee sur « le » revenu cadastral de cettehabitation.
Or, en l'occurrence, il est constant que les deux appartements litigieuxavaient un revenu cadastral different.
Il n'aurait d'ailleurs pu en aller autrement puisque l'arrete royal du 12avril 1966 modifiant le reglement pour la conservation du cadastre annexeà l'arrete royal du 26 juillet 1877 dispose, en son article 9, S: 2, qu'« un batiment compose de deux ou plusieurs entites d'habitation oud'exploitation superposees, appartenant ou non au meme proprietaire etn'ayant entre elles aucune communication par l'interieur du batiment, neforme qu'une parcelle au plan, mais qu'il est attribue un revenu bati àchaque partie distincte de la construction. Ces entites sont designeesdans la matrice cadastrale, aux articles des proprietaires respectifs, parle meme numero cadastral inscrit à l'encre rouge et accompagne de sadenomination propre, comme il suit : souterrain ; sous-sol ; souterrain etsous-sol ; rez-de-chaussee ; souterrain, sous-sol et rez-de-chaussee ;entresol, etc. ».
Partant, l'arret accorde une deduction pour habitation, non pas sur unrevenu cadastral, mais sur deux revenus cadastraux, ce qui apparait commecontraire au texte meme de l'article 16 du Code des impots sur les revenus1992 tel qu'il etait applicable aux exercices d'imposition en litige.
S'agissant des travaux preparatoires ayant preside à l'adoption del'article 4, S: 1er, 4DEG, de la loi du 20 novembre 1962, lequelconstitue l'ancetre de l'article 16 du Code des impots sur les revenus1992, ceux-ci precisaient : « La reduction s'applique au revenu cadastralde toute la maison, y compris la partie eventuellement donnee en location.Cependant, elle n'est accordee à chaque beneficiaire que pour une seuleparcelle cadastrale. Pour celui qui occupe un appartement dans un`building' lui appartenant, la reduction ne s'applique donc pas auxrevenus cadastraux des appartements de l'immeuble qui sont donnes enlocation et qui sont cadastres separement, mais uniquement au revenucadastral de l'appartement que le proprietaire, possesseur, etc., occupepersonnellement ».
Or, un appartement situe dans un immeuble à appartements s'identifie, envertu de l'article 9 de l'arrete royal du 12 avril 1966 modifiant lereglement pour la conservation du cadastre annexe à l'arrete royal du 26juillet 1877, à une seule parcelle cadastrale (matrice), seul l'immeubledans son ensemble etant considere comme une parcelle cadastrale (plan)unique.
En l'occurrence, les defendeurs sont proprietaires, non de l'immeuble àappartements dans son ensemble, mais uniquement de deux appartementssitues dans celui-ci, lesquels ne peuvent, n'ayant entre eux aucunecommunication par l'interieur du batiment, constituer qu'une seuleparcelle cadastrale.
Partant, des l'instant ou la volonte du legislateur, telle qu'elle ressortdes travaux preparatoires, n'a ete d'accorder le benefice de la deductionpour habitation qu'à une seule parcelle cadastrale, les defendeurs nepouvaient donc beneficier de cet avantage que s'agissant d'un seul deleurs deux appartements.
De ce qui precede, il resulte qu'en « (disant) pour droit que le revenucadastral du flat sis au rez-de-chaussee de l'immeuble situe à ..., rue..., doit etre declare au code 100 comme revenu cadastral de la maisond'habitation au meme titre que le revenu cadastral relatif au quatrieme etage du meme immeuble » aux motifs que, « à tort (...), [le demandeur]estime (...) que les [defendeurs] auraient eu deux habitations et nepeuvent beneficier du regime de la maison d'habitation que pour l'une desdeux, ce qui se deduirait du seul fait de l'existence de deux revenuscadastraux distincts (etablis alors qu'à l'origine, il y avait deuxproprietaires differents) repris dans la matrice cadastrale sous le memenumero de parcelle cadastrale, numero unique pour tout l'immeuble àappartements », et que « l'article 16 du Code des impots sur les revenus1992, tel qu'il etait applicable aux exercices d'imposition litigieux,n'exige nullement qu'il n'y ait qu'un seul revenu cadastral pour la maisond'habitation qui y est visee », l'arret viole les dispositions visees aumoyen.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
L'article 16, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992, applicableaux exercices d'imposition litigieux, prevoit que, lorsqu'un contribuableoccupe une habitation dont il est proprietaire, possesseur, emphyteote,superficiaire ou usufruitier, une deduction pour habitation est operee surle revenu cadastral de cette habitation, sans pouvoir le depasser, d'unmontant de 120.000 francs, majore de 10.000 francs pour le conjoint etpour toute personne à charge du contribuable au premier janvier del'annee dont le millesime designe l'exercice d'imposition.
Il ne ressort pas de cette disposition, lue à la lumiere des travauxpreparatoires, que l'habitation ne pourrait etre composee de plusieursparcelles cadastrales.
Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux depens.
Les depens taxes à la somme de cent dix-huit euros quarante-cinq centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de nonante euros envers lesparties defenderesses.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Gustave Steffens et Michel Lemal, et prononceen audience publique du vingt-neuf novembre deux mille douze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | G. Steffens |
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| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
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29 NOVEMBRE 2012 F.11.0132.F/9