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29/11/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0094.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 novembre 2012, C.10.0094.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

6254



NDEG C.10.0094.F

1. FUTEBOL CLUB PORTO S.A.D, en abrege « F.C. Porto », dont le siegeest etabli à Porto (Portugal), Estàdio do Dragao, via FC Porto, EntradaPoetente Porte 1, Piso 3,

2. V. B.,

3. R. C.,

4. D. R. D. C.,

5. P.S.V. N.V., societe de droit neerlandais dont le siege est etabli àEindhoven ( Pays-Bas), Mathildelaan, 81,

6. JUVENTUS FOOTBALL CLUB, en abrege « Juventus », societe de droititalien dont le siege est etabli à Turin (Italie), corso GalileoFerraris, 32,r>
demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

6254

NDEG C.10.0094.F

1. FUTEBOL CLUB PORTO S.A.D, en abrege « F.C. Porto », dont le siegeest etabli à Porto (Portugal), Estàdio do Dragao, via FC Porto, EntradaPoetente Porte 1, Piso 3,

2. V. B.,

3. R. C.,

4. D. R. D. C.,

5. P.S.V. N.V., societe de droit neerlandais dont le siege est etabli àEindhoven ( Pays-Bas), Mathildelaan, 81,

6. JUVENTUS FOOTBALL CLUB, en abrege « Juventus », societe de droititalien dont le siege est etabli à Turin (Italie), corso GalileoFerraris, 32,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. SPORTING EXCHANGE Ltd, en abrege « Sporting Exchange », societe dedroit anglais dont le siege est etabli à Londres (Royaume-Uni), nr3770548, The Waterfront, Hammersmith Embankment,

2. W. H. CREDIT LIMITED, societe de droit anglais dont le siege est etablià Leeds (Royaume-Uni), Mark Lane, 15,

3. V. C. (International) Ltd, societe de droit anglais dont le siege estetabli à Gibraltar (Royaume-Uni), Main Street, 143,

4. GLOBAL ENTERTAINMENT Ltd, denommee « UNIBET », societe de droitantiguais, dont le siege est etabli à Antigua, St John's, Church Street,44,

5. BWIN INTERNATIONAL Ltd (BETANDWIN), societe de droit anglais dont lesiege est etabli à Gibraltar (Royaume-Uni), Europort Suite, 611,

defenderesses en cassation,

representees par Maitre Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est faitelection de domicile,

en presence de

LADBROKE BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àUccle, chaussee de Waterloo, 753 B 3,

partie appelee en declaration d'arret commun,

representee par Maitre Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 juin 2009par la cour d'appel de Liege.

Le 21 septembre 2012, l'avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalAndre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen :

Dispositions legales violees

- article 5.3 du reglement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000concernant la competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution desdecisions en matiere civile et commerciale ;

- articles 92, a), 93, S: 5, et 94, S: 2, du reglement (CE) 40/94 duConseil du 20 decembre 1993 sur la marque communautaire ;

- articles 95 et 96 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques ducommerce et sur l'information et la protection du consommateur.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que Sporting Exchange Ltd, W. H. Credit Limited, V.C. (International) Ltd, Bwin International Ltd, ici premiere, deuxieme,troisieme et cinquieme defenderesses, resident toutes dans l'Unioneuropeenne, l'arret attaque declare les juridictions belgesterritorialement incompetentes - sauf en ce qui concerne les demandes deP.S.V. fondees sur ses marques Benelux - pour connaitre des demandesdirigees contre ces societes, fondees sur l'utilisation sans autorisation,dans le cadre de leurs paris en ligne, du nom, du nom commercial, desmarques ou encore de l'image des demandeurs.

Cette decision est fondee sur les motifs suivants :

« 1. Les differentes societes (defenderesses) proposent des parissportifs en ligne :

- Sporting Exchange sur le site `www.betfair.com', en vertu d'une licencede jeux etablie au Royaume-Uni ; le site est disponible en 22 languesparmi lesquelles ne figurent ni le franc,ais ni le neerlandais ;

- W. H. Credit Ltd sur le site `www.W..com' en vertu d'une licence de jeuxetablie au Royaume-Uni ; le site est disponible en 8 langues parmilesquelles figure le franc,ais mais pas le neerlandais ;

- V. C. sur le site `www.vcbet.com', en vertu d'une licence delivree parles autorites de Gibraltar ; le site est disponible en 14 langues parmilesquelles ne figurent ni le franc,ais ni le neerlandais ;

- Unibet sur le site `www.mrbookmaker.com' devenu `www.unibet.com', envertu de licences delivrees par les autorites de Malte, du Royaume-Uni etd'Italie ; le site est disponible notamment en franc,ais et enneerlandais ;

(...) - Bwin International Ltd sur le site `www.bwin.com', en vertu d'unelicence delivree par les autorites de Gibraltar ; le site est disponibleen 21 langues parmi lesquelles figure le franc,ais mais pas leneerlandais. (...)

1.1. Application à la cause du reglement (CE) 44/2001

En vertu de l'article 2 du reglement, le juge du domicile du defendeur esten principe le juge naturel du litige. `Le considerant nDEG 11 revet unegrande importance. Il declare que les regles de competence doiventpresenter un haut degre de previsibilite et s'articuler autour de lacompetence de principe du domicile du defendeur et que cette competencedoit toujours etre disponible, sauf dans quelques cas bien determines oula matiere en litige ou l'autonomie des parties justifie un autre criterede rattachement' (G.A.L. Droz et H. Gaudemet-Tallon, La transformation dela Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 en reglement du Conseilconcernant la competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution desdecisions en matiere civile et commerciale, p. 609, nDEG 8). `Comme l'asouvent declare la Cour de justice, cette regle de competence, qui « estl'expression de l'adage actor sequitur forum rei » et qui « s'expliquepar le fait qu'elle permet au defendeur de se defendre, en principe, plusaisement » (C.J.C.E., 19 fevrier 2002, Besix, C-256/00, Rec., I, 1699),est « la regle generale » (v. par ex. C.J.C.E., 11 janvier 1990,Dumez-France c/ Hessische Landesbank et autres, C-220/88, Rec., I, 49) ou« constitue le principe general » (v. par ex. C.J.C.E., 13 juillet 2000,Group Josi Reinsurance c/ Universal General Insurance, C-412/98, Rec., I,5925)' (D. Alexandre et A. Huet, Competence, reconnaissance et execution(Matieres civile et commerciale), 2003, Rep. communautaire Dalloz, p. 26,nDEG 133).

Aucune des societes (defenderesses) n'a pourtant ete attraite devant sonjuge naturel, les parties demanderesses ayant choisi au contraire de lesassigner devant les juridictions belges dont elles soutiennent qu'ellessont competentes pour connaitre de la cause en application de l'article5.3 en ce que la Belgique est un des lieux de realisation du dommage subipar (elles) et que seul le dommage subi en Belgique est invoque dans lecadre de la presente action.

L'article 5.3 dispose en effet qu'une personne domiciliee sur leterritoire d'un Etat membre peut etre attraite dans un autre Etat membre,en matiere delictuelle ou quasi delictuelle, devant le tribunal du lieu oule fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

La Cour de justice des Communautes europeennes a eu l'occasion de preciserdans un arret du 30 novembre 1976 (Handelskwekerij G.J.Bier BV c/ Mines depotasse d'Alsace s.a., 21-76) que l'expression `lieu ou le faitdommageable s'est produit' doit etre entendue en ce sens qu'elle vise àla fois le lieu ou le dommage est survenu et le lieu de l'evenementcausal, le defendeur pouvant etre attrait, dans le cas ou ces lieux nesont pas identiques, au choix du demandeur, devant le tribunal de l'un oul'autre lieu.

Enfin, l'arret Shevill prononce par la meme cour le 7 mars 1995 (C-68/93)a par ailleurs enonce que dans le cas de diffamation au moyen d'un articlede presse diffuse dans plusieurs Etats contractants, l'expression `lieu oule fait dommageable s'est produit' devait etre interpretee en ce sens quela victime pouvait intenter contre l'editeur une action en reparation,soit devant les juridictions de l'Etat contractant du lieu d'etablissementde l'editeur de la publication diffamatoire, competentes pour reparerl'integralite des dommages resultant de la diffamation, soit devant lesjuridictions de chaque Etat contractant dans lequel la publication a etediffusee et ou la victime pretend avoir subi une atteinte à sareputation, competentes pour connaitre des seuls dommages causes dansl'Etat de la juridiction saisie.

Les parties (demanderesses) entendent faire application de ces principesdans le cas de sites internet `.com' ayant vocation à etre accessibles àtous en tout endroit du monde.

Elles fondent la competence des juridictions belges pour connaitre desdommages qui auraient ete causes à leurs droits dans cet Etat sur laconstatation, qu'elles estiment decisive, que des paris peuvent etre prisen Belgique sans aucune restriction sur les sites web litigieux des(defenderesses). Elles estiment accessoires tous les autres criteres dansle debat relatif à la competence des lors qu'il est indiscutable pourelles que les sites web en cause visent le marche belge.

L'article 5.3 du reglement (CE) 44/2001 est une regle de competencecomplementaire optionnelle tout comme les autres regles qui figurent auxarticles 5, 6 et 7 du reglement. Ces regles `sont fondees sur l'existenced'un lien de rattachement particulierement etroit entre la contestation etdes juridictions autres que celles de l'Etat du domicile du defendeur quijustifie une attribution de competence à ces juridictions pour desraisons de bonne administration de la justice et d'organisation utile duproces' (C.J.C.E., arret susmentionne du 11 janvier 1990). `C'est à lalumiere de ce fondement que ces regles doivent etre interpretees ; mais,comme elle derogent au principe general de l'article 2, la Cour de justicea declare, souvent, qu'« elles ne sauraient donner lieu à uneinterpretation allant au-delà des hypotheses envisagees par laconvention » (v. par ex. C.J.C.E., 19 janvier 1993, Shearson LehmanHutton, C-89/91, Rec., I, 139) et meme parfois, qu'elles « sontd'interpretation stricte » (C.J.C.E., 27 septembre 1988, Kalfelis c/Banque Schro:der et autres, 189/87, Rec., 5565)' (D. Alexandre et A. Huet,op. cit., p. 26, nDEG 135).

C'est là que le bat blesse dans le raisonnement des parties(demanderesses).

La seule circonstance, determinante à leurs yeux, que les sites weblitigieux sont accessibles au public belge est impuissante à rendrecompte de l'existence d'un lien de rattachement particulierement etroitentre la contestation et les juridictions belges de nature à justifierune attribution de competence à ces dernieres pour la simple et bonneraison que, s'agissant de sites web `.com', ceux-ci sont, des le placementdu materiel en ligne, instantanement et automatiquement accessibles danstous les Etats membres de l'Union europeenne, pour ne parler que de ce quiinteresse celle-ci.

Les internautes de chacun des autres Etats contractants peuvent, àl'instar des internautes belges, faire enregistrer leurs paris sur cessites, en sorte qu'à suivre l'interpretation que les (demanderesses)veulent donner de l'article 5.3, les juridictions de tous les Etatsmembres se retrouveraient simultanement competentes pour connaitre deseventuels dommages causes sur le territoire de leur Etat, à cote desjuridictions naturelles appelees à connaitre de l'entierete du prejudiceallegue que sont les tribunaux du domicile des (defenderesses).

Le resultat aboutirait donc à consacrer une base de competencepan-europeenne. Or, cette consequence va clairement à l'encontre desobjectifs poursuivis par le reglement et, avant lui, par la Convention deBruxelles, dans la mesure ou ces instruments cherchent imperativement àfavoriser la reconnaissance et l'execution des decisions judiciaires endehors de l'Etat dans lequel elles ont ete rendues, ce qui implique qu'ilest indispensable d'eviter la multiplication des juridictions competentessous peine d'accentuer au contraire les risques d'inconciliabilite de cesdecisions.

C'est ce que rappelle explicitement l'arret precite de la Cour de justicedu 11 janvier 1990 (Dumez France et Tracoba c/ Hessische Landesbank) pourrefuser que l'article 5.3 puisse etre interprete comme autorisant undemandeur qui invoque un dommage qu'il pretend etre la consequence duprejudice subi par d'autres personnes, victimes directes du faitdommageable, à attraire l'auteur de ce fait devant les juridictions dulieu ou il a lui-meme constate le dommage dans son patrimoine :

`17. Ce n'est que par exception à la regle generale de la competence desjuridictions du domicile du defendeur que la section 2 du titre II prevoitun certain nombre d'attributions de competences speciales, parmilesquelles figure celle de l'article 5, point 3, de la convention. Ainsique la Cour l'a dejà constate (...), ces competences speciales, dont lechoix depend d'une option du demandeur, sont fondees sur l'existence d'unlien de rattachement particulierement etroit entre la contestation et desjuridictions autres que celles du domicile du defendeur, qui justifie uneattribution de competence à ces juridictions pour des raisons de bonneadministration de la justice et d'organisation utile du proces.

18. Pour satisfaire à cet objectif, lequel revet une importancefondamentale dans une convention qui doit essentiellement favoriser lareconnaissance et l'execution des decisions judiciaires en dehors del'Etat dans lequel elles ont ete rendues, il est indispensable d'eviter lamultiplication des juridictions competentes, laquelle accentue les risquesd'inconciliabilite, motif de refus de reconnaissance ou d'exequatur selonl'article 27, point 3, de la convention.

19. Cet objectif s'oppose, en outre, à toute interpretation de laconvention qui, en dehors des cas expressement prevus, pourrait aboutir àreconnaitre la competence des tribunaux du domicile du demandeur et qui,par là, permettrait à celui-ci, par le choix de son domicile, dedeterminer la juridiction competente'.

Il resulte par ailleurs de ces considerations de la Cour de justice, d'unepart, que la notion de `lieu ou le fait dommageable s'est produit' quifigure à l'article 5.3 ne peut etre comprise que comme designant le lieuou s'est manifeste un dommage presentant un rapport etroit avec les autreselements constitutifs de la responsabilite et, d'autre part, que cettememe notion ne peut donner lieu à des interpretations qui permettraientau demandeur, en dehors des cas expressement prevus, de choisir lajuridiction competente.

En l'espece, la these des (demanderesses) que la fourniture d'un serviceà un internaute localise en Belgique constitue un acte couvert par lesfacteurs de rattachement de l'article 5.3 du reglement 44/2001 des lorsque, si le lieu de diffusion d'une publication permet de fonder lacompetence internationale, selon la Cour de justice, cela doit etre afortiori le cas en ce qui concerne le lieu de fourniture d'un servicerevient à faire un amalgame entre des situations objectivementdifferentes et ouvre la porte, en matiere d'internet, à une veritabletactique de `forum shopping' clairement condamnee par la Cour de justicecomme contraire aux objectifs du reglement.

Il n'echappe en effet point que dans l'arret Shevill, auquel les(demanderesses) font ainsi reference, la Cour de justice a precise que,`dans le cas d'une diffamation internationale par voie de presse,l'atteinte portee par une publication diffamatoire à l'honneur, à lareputation et à la consideration d'une personne physique ou morale semanifeste dans les lieux ou la publication est diffusee, lorsque lavictime y est connue' (considerant 29).

Or, en l'espece,

- non seulement la diffusion d'une publication sur papier se distingue dela diffusion d'un site web precisement en ce que la premiere requiertnecessairement de l'editeur l'accomplissement d'autant d'actions qu'ilveut gagner de marches differents, ce qui implique qu'il garde unemaitrise des lieux sur lesquels il veut diffuser, à l'inverse de ladiffusion d'un site web qui se fait de maniere immediate et automatiquesur toute la superficie geographique visee par le nom de domaine par leseul fait du placement du materiel en ligne,

- mais encore Fiona Shevill avait-elle attrait l'editeur franc,ais devantles juridictions d'Angleterre et du pays de Galles ou elle etait connuepour y vivre tandis que les (demanderesses) ont assigne devant lestribunaux de Belgique ou elles sont, certes, pour la plupart connues dereputation, sans pour autant l'etre particulierement à defaut de touteattache avec cet Etat.

Ces deux constatations sont de nature à renforcer l'impression de `forumshopping'.

La cour d'appel de Paris, ayant à connaitre d'un litige en tout pointcomparable, a decline la competence des juridictions franc,aises dans unarret du 14 fevrier 2008. Considerant que l'existence d'un faitdommageable susceptible de s'etre produit en France suppose que soitconstatee la realite d'un lien suffisant, substantiel ou significatif desfaits delictuels invoques avec le territoire franc,ais, elle a relevequ'aucun des sites de paris en ligne n'etait heberge en France, que lessites `ladbrokes' et `betfair' ne comprenaient aucune rubrique enfranc,ais nonobstant l'utilisation de nombreuses autres langues, que lesite `miapuesta' etait exclusivement en espagnol, que le site `w.' neproposait pas de pari sur les matchs franc,ais, les autres sites enproposant mais en proportion extremement reduite, que les fonds verses parles parieurs etaient places à l'etranger et que les paris realises enFrance avaient un caractere marginal selon les chiffres. Elle en a concluque, par leur mode de fonctionnement et leur contenu, les sites interneten cause n'etaient pas destines au public franc,ais autrement que defac,on marginale et qu'en consequence, le fait dommageable invoque nepresentait pas un lien suffisant, substantiel ou significatif avec leterritoire franc,ais pour asseoir la competence des juridictions de cetEtat.

Marta Pertegàs Sender souligne que, si, `à l'occasion de l'adoption dureglement Bruxelles I, les questions specifiques posees par le commerceelectronique en matiere de competence internationale furent abordees pourla premiere fois (...), on constate cependant que certains aspects lies àl'utilisation d'internet n'ont pas ete traites, notamment l'application dela regle de competence en matiere delictuelle'. Elle est d'avis que, `surla base d'une application coherente des chefs de competence prevus par laConvention', le simple fait qu'il y ait diffusion sur internet dans unEtat membre ne peut suffire à etablir que le fait fautif y ait ete commiset que le dommage s'y soit produit, l'ubiquite d'internet necessitant quesoit de surcroit constatee l'existence d'un lien suffisant avec leterritoire concerne pour fonder la competence de ses tribunaux (obs. sousPres. commerce Nivelles, 14 septembre 2001, `Concurrence deloyale liee àl'utilisation d'internet : quel est le juge competent ?', AnnuairePratiques du Commerce & Concurrence, 2001, p. 764).

Les (demanderesses) font valoir qu'il n'y a pas de fatalite du web et quesi les (defenderesses) voulaient reellement limiter la portee territorialede leur offre de services sur le web, elles seraient parfaitement enmesure de le faire au point de vue technique, à l'instar de l'operateureconomique franc,ais, dont elles citent l'exemple, qui a limite son sitetransactionnel `.com' au seul marche franc,ais. Elles ne sont pascontredites quant à ce. Faisant observer que les (defenderesses) n'ontpris aucune mesure technique pour limiter la portee territoriale de leursite et que, par leurs conditions generales, elles n'excluent de manieregenerale que les Etats dans la juridiction desquels le recours aux parisest illicite, elles soulignent que, loin d'etre des victimes du caracteremondial d'internet, les (defenderesses) entendent tirer pleinement partide cette portee mondiale et doivent donc assumer le fait qu'elles offrentdes services sur le web à destination de tous les marches, y compris lemarche belge, car il s'agit d'un choix delibere de leur part.

L'argument est interessant sans etre toutefois determinant. Contrairementaux ecrits qui ne peuvent etre diffuses sur des marches internationauxsans actions positives de l'editeur, il demeure que les sites web `.com'ont automatiquement une portee mondiale, sauf au responsable du site àprendre des mesures negatives pour limiter sa portee. Par ailleurs,l'absence d'exclusion du marche belge n'est en l'occurrence pas de natureà rendre compte d'un lien particulierement etroit avec le territoirebelge puisque, de l'aveu meme des (demanderesses), il en va de meme pourla plupart des Etats membres de l'Union europeenne.

En realite, les donnees propres aux sites litigieux ne fondent pasl'existence d'un lien de rattachement particulierement etroit entre lacontestation et la Belgique.

Il a ete rappele qu'aucune des societes attraites qui gerent ces sites n'ason siege social en Belgique et qu'aucun des sites en cause n'est hebergeen Belgique.

Du cote des (demanderesses), aucune n'est domiciliee en Belgique ni n'y aune attache particuliere. Leur reputation fait qu'elles y sont plus oumoins connues, sans qu'il y ait là rien de particulier.

Les sites de paris sont accessibles aux internautes belges qui peuvent yfaire enregistrer leurs paris dans la meme mesure qu'ils sont accessiblesaux internautes des autres Etats membres puisqu'il s'agit de sites `.com'qui ont vocation à elargir leur marche à l'Europe entiere.

Le fait que ces sites n'ont pas exclu le territoire belge de leur porteene temoigne d'aucune attention particuliere au marche belge des lors quetel est le cas pour la grande majorite des autres Etats. Par ailleurs, ilsn'ont pas non plus cree d'extension `.be' propre à la Belgique.

Ils sont disponibles en plusieurs langues sans que s'y retrouventsystematiquement les deux langues les plus usitees en Belgique.

Ils proposent certes des paris sur des matchs belges mais au meme titreque sur les championnats etrangers.

Les (demanderesses) ne prouvent pas l'utilisation de technologieparticuliere ou de technique de demarchage revelant une reelle politiquede marketing à l'egard du public belge. Elles etablissent dans le seulchef de Bwin International l'envoi de mailings publicitaires adaptes auprofil du client, l'internaute belge enregistre comme client recevant parexemple de la publicite pour le championnat belge. Cette demarche isoleen'est pas propre au marche belge, selon ce que les (demanderesses) endisent elles-memes, mais participe de la politique commerciale generale deBwin à l'egard de sa clientele.

Enfin, au point de vue des chiffres, il n'est pas discute que le nombre deparis pris par le public belge est tout à fait marginal par rapport aunombre total de paris enregistres par ces sites.

Selon les chiffres donnes par les societes de paris pour l'annee 2005, quine sont pas contestes de part adverse, les paris belges sur les matchs defootball representent :

- 0,20 p.c. pour `bwin.com',

- 0,19 p.c. pour `w.com',

- 0,15 p.c. pour `betfair.com',

- 0,13 p.c. pour `ladbrokes.com',

- `vcbet.com' faisant etat quant à elle de 40 parieurs belges pour tousses paris confondus.

Les (demanderesses) objectent que la question de l'importance de lapresence (principale ou accessoire) n'est pas pertinente en ce quiconcerne la question de la competence internationale et rappellent quedans l'affaire Fiona Shevill, la competence internationale a ete consacreealors que seulement cinq exemplaires de la publication litigieuse (sur250.000) avaient ete diffuses dans la ville ou siegeait le tribunal saisi.

C'est oublier que, dans l'affaire Fiona Shevill, il existait de toutefac,on un lien de rattachement particulierement etroit entre l'atteinte àla reputation dont se plaignait la requerante et les tribunaux saisis,quel que soit le nombre d'exemplaires diffuses dans le for, des lors quela plaignante vivait à l'endroit et subissait donc principalementl'atteinte denoncee là-bas ; l'importance quantitative de la diffusionn'intervenait donc logiquement qu'au plan du dommage.

Ici, au contraire, le critere quantitatif est examine pour voir s'ilpourrait fonder la realite d'un lien de rattachement particulierementetroit du litige avec 1a Belgique des lors qu'il n'en existe aucun autre.La reponse est negative à cet egard-là aussi ; les (defenderesses) sontfondees à conclure en effet que leurs relations commerciales avec laBelgique sont `de minimis'.

Les (demanderesses) font appel in fine à la nature meme de certains desdroits qu'elles invoquent, à savoir les signes distinctifs dont laprotection a un caractere territorial.

Il en va ainsi des noms et des marques des clubs de football P.S.V., F.C.Porto et Juventus, ainsi que des noms de certains joueurs, dont les(demanderesses) soutiennent qu'ils sont en fait, de fac,on evidente, desnoms commerciaux.

Les noms commerciaux sont proteges dans la zone de leur rayonnement,c'est-à-dire là ou ils sont connus (D. Dessard et J. Ligot, `Nomcommercial et enseignes belges', in Les droits intellectuels, Larcier2007, p. 209). Les (demanderesses) ne justifient pas en quoi les nomscommerciaux dont elles se prevalent auraient en Belgique un rayonnementtel qu'il fonderait un lien de rattachement particulierement etroit aveccet Etat.

Le F.C. Porto, le P.S.V. et la Juventus font etat de marquescommunautaires. La Juventus invoque aussi une marque internationale.Enfin, le P.S.V. invoque des marques Benelux.

La protection des marques communautaires et internationale s'etend àl'espace de l'Union europeenne. Ce critere ne change donc rien àl'analyse ci-avant : il n'est pas de nature à justifier à lui seul quele litige entretient avec la Belgique un lien particulierement etroit ».

Griefs

Premiere branche

L'article 5.3 du reglement, (CE) 44/2001 dispose qu'une personnedomiciliee sur le territoire d'un Etat membre peut etre attraite dans unautre Etat membre, « en matiere delictuelle ou quasi delictuelle, devantle tribunal du lieu ou le fait dommageable s'est produit ou risque de seproduire ».

Les demandes mettant en jeu la responsabilite du defendeur en raison deviolation du droit au nom, au nom commercial, à l'image d'une personne ouaux marques dont elle est titulaire sont des demandes en matieredelictuelle ou quasi delictuelle qui relevent de l'article 5.3 dureglement 44/2001.

Lorsque le lieu ou se situe le fait susceptible d'entrainer uneresponsabilite delictuelle ou quasi delictuelle et le lieu ou ce fait aentraine ou risque d'entrainer un dommage ne sont pas identiques, ledefendeur peut etre attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal,soit du lieu ou le dommage est survenu, soit du lieu de l'evenement causalqui est à l'origine de ce dommage, chacun d'eux etant susceptible defournir des indications utiles en ce qui concerne la preuve du fait ou dudommage et à l'organisation du proces tandis que l'option pour le seullieu de l'evenement causal enleverait, dans un nombre appreciable de cas,à l'article 5.3 son effet utile.

Il resulte de l'arret de la Cour de justice des Communautes europeennes du7 mars 1995, Shevill (affaire C-68/93), que l'expression « lieu ou lefait dommageable s'est produit » « doit, en cas de diffamation au moyend'un article de presse diffuse dans plusieurs Etats contractants, etreinterpretee en ce sens que la victime peut intenter contre l'editeur uneaction en reparation, soit devant les juridictions de l'Etat contractantdu lieu d'etablissement de l'editeur de la publication diffamatoire,competentes pour reparer l'integralite des dommages resultant de ladiffamation, soit devant les juridictions de chaque Etat contractant danslequel la publication a ete diffusee et ou la victime pretend avoir subiune atteinte à sa reputation, competentes pour connaitre des seulsdommages causes dans l'Etat de la juridiction saisie ».

Il resulte encore de cet arret que les conditions d'appreciation ducaractere dommageable du fait litigieux et les conditions de preuve del'existence et de l'etendue du prejudice allegue ne relevent pas dureglement 44/2001 mais sont regies par le droit materiel designe par lesregles de conflit de lois du droit national de la juridiction saisie.

Il s'en deduit qu'en cas d'atteinte aux droits d'une personne au nom, aunom commercial, à l'image ou aux marques dont elle est titulaire, aumoyen de sites web proposant des paris sportifs en ligne accessibles aupublic belge et ou des paris sont enregistres ou peuvent etre enregistres,la victime peut, selon l'option qu'elle choisit, intenter contre leresponsable du site une action en reparation ou en cessation devant lesjuridictions de l'Etat membre du lieu d'etablissement de celui-ci,competentes pour reparer l'integralite des dommages resultant desviolations aux droits de la personnalite ou de la propriete intellectuelleou industrielle au moyen du site web, soit devant les juridictions dechaque Etat contractant dans lequel le site web est accessible et lesparis peuvent etre enregistres et ou le demandeur pretend avoir subi uneatteinte à ses droits patrimoniaux ou extrapatrimoniaux, competentes pourconnaitre des seuls dommages causes dans l'Etat de la juridiction saisie.

La Cour de justice des Communautes europeennes a dejà rappele que laregle de competence speciale de l'article 5.3 est fondee sur l'existenced'un lien de rattachement particulierement etroit entre la contestation etdes juridictions autres que celles du domicile du defendeur (arret du 30novembre 1976, Mines de potasse d'Alsace, 21/76, Rec., p. 1735, point 11;arret du 11 janvier 1990, Dumez France et Tracoba, C-220/88, Rec., I, 49,point 17; arret du 7 mars 1995, Shevill, point 19). Le lieu ou le dommages'est produit ou risque de se produire est ainsi, en soi, un facteur derattachement suffisant pour justifier la competence des juridictions decet Etat pour reparer ou prevenir les dommages subis sur son territoire,sans que le demandeur doive justifier de l'existence d'un autre lien derattachement entre la contestation et ces juridictions et, partant, sansque la competence de ces dernieres depende d'un quelconque criterequantitatif, d'une attention particuliere au public de cet Etat ou detechnologies ou techniques revelant une politique de marketingparticuliere à l'egard du public dudit Etat.

L'arret attaque admet que les sites litigieux des defenderesses sontaccessibles au public belge et que des paris sur ces sites sontenregistres en Belgique.

Il exclut neanmoins la competence internationale des juridictions belgessur la base de l'article 5.3 du reglement (CE) 44/2001 aux motifs, ensubstance, que « les donnees propres aux sites litigieux ne fondent pasl'existence d'un lien de rattachement particulierement etroit entre lacontestation et la Belgique », soit « aucune des societes qui gerent cessites n'a son siege en Belgique » et « aucun des sites en cause n'estheberge en Belgique », « aucune (des demanderesses) n'est domiciliee enBelgique ni n'y a une attache particuliere. Leur reputation fait qu'ellesy sont plus ou moins connues, sans qu'il y ait là rien de particulier »,le fait que ces sites n'ont pas exclu le territoire belge de leur portee« ne temoigne d'aucune attention particuliere au marche belge », cessites « n'ont pas cree d'extensions `.be' propres à la Belgique » ;« ces sites sont disponibles en plusieurs langues sans que s'y retrouventsystematiquement les deux langues les plus usitees en Belgique », « ilsproposent (...) des paris sur les matchs belges mais au meme titre que surles championnats etrangers », « l'utilisation de technologieparticuliere ou de technique de demarchage revelant une reelle politiquede marketing à l'egard du public belge » n'est pas prouvee, l'envoi demailings publicitaires adaptes au profil de l'internaute belge par BwinInternational n'etant « qu'une demarche isolee » qui « n'est pas propreau marche belge » ; « au point de vue des chiffres », le « nombre deparis pris par le public belge est tout à fait marginal par rapport aunombre total de paris enregistres sur ces sites », le « criterequantitatif » etant « examine pour voir s'il pourrait fonder la realited'un lien de rattachement particulierement etroit du litige avec laBelgique des lors qu'il n'en existe aucun autre », enfin, « laprotection des marques communautaires et internationale s'etend àl'espace de l'Union europeenne » en sorte que « ce critere ne change(...) rien à l'analyse ci-avant : il n'est pas de nature à justifier àlui seul que le litige entretient avec la Belgique un lienparticulierement etroit ».

Ce faisant, l'arret attaque viole l'article 5.3 du reglement (CE) 44/2001.

Le moyen soulevant la question de l'interpretation de cette dispositionimplique que soit posee à la Cour de justice des Communautes europeennes,sur la base de l'article 234 du Traite instituant la Communaute economiqueeuropeenne, version consolidee à Amsterdam le 2 octobre 1997, approuveepar la loi du 10 avril 1998, la question prejudicielle suivante :

Dans le cas d'une demande fondee sur la reparation ou la cessation desprejudices ou menaces de prejudices causes à la suite de la violation,par une societe de paris ayant choisi de vendre des services de parissportifs dans tous les Etats membres de l'Union europeenne au moyen d'unsite web `.com', des droits au nom, au nom commercial, à l'image d'unepersonne ou aux marques dont elle est titulaire, l'article 5.3 dureglement (CE) 44/2001 doit-il etre interprete en ce sens que lesjuridictions d'un Etat membre ou sont realisees des transactions sur cesite sont certainement competentes pour connaitre des dommages visant àla reparation des atteintes à son nom, son nom commercial ou ses marquesque la victime pretend subir sur le territoire de cet Etat ?

Dans la negative ou lorsque aucune transaction n'est encore constatee surle site litigieux, l'article 5.3 du reglement (CE) 44/2001 doit-il etreinterprete en ce sens qu'il faut, pour determiner le lieu ou le dommages'est produit ou risque de se produire, prendre en consideration

- le choix de la societe de paris de rendre le site accessible sur leterritoire de l'Etat membre dont la juridiction a ete saisie ?

- l'hebergement du site ?

- la quantite des transactions enregistrees au depart du territoire del'Etat membre dont la juridiction a ete saisie par rapport à l'ensembledes transactions enregistrees sur le site ?

- une attention particuliere du responsable du site à l'egard du marchedudit Etat membre, se traduisant par une technologie particuliere ou unetechnique de demarchage visant specifiquement le public de celui-ci ?

- le domicile du demandeur à l'action ?

Seconde branche

L'article 93, S: 5, du reglement (CE) 40/94 sur la marque communautaireregle la competence internationale pour les actions en contrefac,on oumenace de contrefac,on d'une marque communautaire si la loi nationale lesadmet, ce qui est le cas en Belgique en vertu des articles 95 et 96 de laloi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'informationet la protection du consommateur.

Il prevoit que ces procedures « peuvent egalement etre portees devant lestribunaux de l'Etat membre sur le territoire duquel le fait decontrefac,on a ete commis ou menace d'etre commis ».

L'article 94, S: 2, du meme reglement prevoit, quant à l'etendue de lacompetence, qu' « un tribunal des marques communautaires dont lacompetence est fondee sur l'article 93, S: 5, est competent uniquementpour statuer sur les faits commis ou menac,ant d'etre commis sur leterritoire de l'Etat membre dans lequel est situe ce tribunal ».

Il s'en deduit que, en matiere de marque communautaire, l'action encessation de contrefac,on sur internet peut etre introduite, soit devantles juridictions de l'Etat membre ou se situe le fait generateur dudommage, soit devant les juridictions de l'Etat membre ou la victimepretend subir une atteinte ou une menace d'atteinte à sa marquecommunautaire.

L'arret attaque, qui constate, d'une part, que « le F.C. Porto, le P.S.V.et la Juventus font etat de marques communautaires » et, d'autre part,que des paris belges ont ete enregistres sur les sites litigieux meme si« le nombre de paris pris par le public belge est tout à fait marginalpar rapport au nombre de paris enregistres par ces sites », mais qui, parles motifs rappeles au moyen, exclut la competence internationale desjuridictions belges pour connaitre des demandes fondees par le F.C. Porto,le P.S.V. et la Juventus sur leurs marques communautaires, viole, outrel'article 5.3 du reglement (CE) 44/2001, les articles 92, a), 93, S: 5, et94, S: 2, du reglement (CE) 40/94 ainsi que les articles 95 et 96 de laloi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'informationet la protection du consommateur.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 2.20, 1, a), b), c), et 2.23, 1, a), b), c), de la ConventionBenelux en matiere de propriete intellectuelle (marques et dessins oumodeles) du 25 fevrier 2005, en abrege C.B.P.I., approuvee par la loi du22 mars 2006, et, pour autant que de besoin, article 13, A, 1, a), b), c),et A, 7, a), b), c), de la loi uniforme Benelux sur les marques, en abregeL.B.M., instauree et approuvee par la loi du 30 juin 1969, tel qu'il a eteremplace par le Protocole du 11 decembre 2001, approuve par la loi du 24decembre 2002 ;

- articles 5, S:S: 1er, 2, 3, et 6.1 de la directive du ConseilnDEG 89/104/CEE du 21 decembre 1988 rapprochant les legislations des Etatsmembres sur les marques ;

- article 49 du Traite instituant la Communaute europeenne et documentsannexes, signes à Rome le 25 mars 1957, approuves par la loi du 2decembre 1957, version consolidee à Amsterdam le 2 octobre 1997,approuvee par la loi du 10 aout 1998.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que les demanderesses P.S.V. et Juventus sont desclubs de football « internationalement connus », que les marques encause dont la cour [d'appel] reste saisie « sont, d'une part, les marquesBenelux du P.S.V. à l'egard de toutes les societes de paris (icidefenderesses) et, d'autre part, la marque internationale de la Juventusà l'egard de la seule (defenderesse) Unibet » et que « l'usage, partoutes les societes de paris à la cause, des marques verbales P.S.V. eten outre de la Juventus en ce qui concerne Unibet, n'est (...) pasconteste », l'arret attaque decide que « c'est à bon droit que lespremiers juges ont retenu qu'il n'y avait pas dans le chef des societes deparis d'utilisation des signes proteges en tant que marques, pourdistinguer leurs produits ou leurs services, en sorte que les clubs defootball concernes n'etaient pas fondes à agir sur la base de l'article2.20, 1, a), b) et c), de la Convention Benelux » et deboute lademanderesse P.S.V. de son action dirigee contre toutes les defenderesseset la demanderesse Juventus de son action dirigee contre Unibet, sauf ence qu'elles sont dirigees contre cette derniere societe en ce qu'elle aenfreint leurs droits sur leurs marques en faisant usage de celles-ciau-delà de ce qui est necessaire à la formulation des paris eux-memes.

Cette decision est fondee sur les motifs suivants :

« En aucun cas en effet, les societes de paris n'utilisent ces marquespour distinguer leurs services de paris en ligne des services de paris enligne d'autres societes. Bien au contraire, autant ces societes prennentgrand soin d'offrir leurs services sous leurs propres denominations etsignes distinctifs apparaissant à tout moment sur leurs sites, autantcelles-ci recourent toutes, à l'occasion des paris qu'elles proposent, àl'utilisation du nom des clubs afin d'identifier clairement l'objet dupari sur lequel les internautes sont invites à parier.

Le P.S.V. et la Juventus confondent l'objet des services proposes par lessocietes de paris avec les services eux-memes lorsqu'ils croient pouvoirdeceler une contradiction dans le raisonnement des premiers juges. Il n'ya aucune contradiction, d'une part, à relever que l'utilisation des nomsdes clubs est indissociable des paris dont ils sont l'objet, dans lamesure ou il ne serait pas concevable de presenter ces paris de maniereanonyme, et, d'autre part, à considerer que l'utilisation de ces noms,qui sont en meme temps des marques, n'est pas effectuee afin de designerles services offerts par les societes de paris.

Contrairement à ce que soutiennent encore ces clubs, le public concerneà prendre en consideration pour examiner la maniere dont est perc,ul'usage du signe n'est pas tant celui des amateurs de football, etnotamment des supporters des clubs concernes, que celui des amateurs deparis en ligne, notamment sportifs.

L'internaute qui frequente le site de telle ou telle societe de paris etqui parcourt les differents paris que celle-ci offre chaque fois sous sapropre denomination, par exemple en matiere de football, ne va pas croireau fur et à mesure des paris citant tel ou tel nom de clubs que ces parissont à chaque fois proposes par le club en question. Il feranecessairement la part des choses entre la societe qui organise les parissous son nom et les noms cites par ces paris, fussent-ils enregistrescomme marques, qui n'en sont que l'objet. Le recours au simple bon sensexclut qu'il puisse y avoir confusion dans l'esprit du public concerneface au nombre de clubs qui se succedent dans les paris au gre desevenements sportifs.

C'est en vain que le P.S.V. et la Juventus se prevalent de l'arret Arsenalrendu par la Cour de justice des Communautes europeennes le 12 novembre2002 (...). Les faits de la cause sont à ce point differents que lareference à cette jurisprudence n'est pas pertinente. Dans l'affaire dontla Cour de justice a eu à connaitre, un tiers fabriquait et vendait desecharpes sur lesquelles etait apposee la marque verbale Arsenal, sans leconsentement du club de football. Appliquer une marque sur un bien estl'usage le plus basique d'une marque en tant que marque. L'interesse s'endefendait toutefois, soutenant n'avoir utilise le signe Arsenal qu'en tantque symbole d'attachement et de soutien au club et avoir appose dans sonechoppe un panneau indiquant que les mots ou les logos reproduits sur lesobjets vendus n'etaient que des ornements qui n'indiquaient pas unerelation quelconque avec les fabricants ou distributeurs de tout autreobjet et que seuls les produits revetus d'etiquettes attestant qu'ils'agissait de produits officiels d'Arsenal etaient des produits officielsd'Arsenal. Il demeure que ses propres produits se presentaient sous leseul signe distinctif d'Arsenal.

Il se comprend parfaitement dans ce contexte que la Cour de justice, apresavoir rappele que la fonction essentielle de la marque est de garantir auconsommateur ou à l'utilisateur final l'identite d'origine du produit oudu service designe par la marque en lui permettant de distinguer sansconfusion possible ce produit ou ce service de ceux d'une autreprovenance, ait estime en l'occurrence qu'il y avait bien usage dans lechef de ce tiers de la marque d'Arsenal en tant que marque.

Les faits de la presente cause sont tres differents puisque les societesde paris offrent leurs services sous leurs propres signes distinctifs dontelles se prevalent à profusion sur leurs sites. Il n'y a aucune confusionpossible dans le chef de l'utilisateur final quant à l'origine desservices qui lui sont ainsi proposes et, si les paris en eux-memes portentsur des noms de clubs de football, l'utilisateur perc,oit bien que cesnoms ne sont utilises qu'aux seules fins d'identifier l'equipe surlaquelle on l'invite à parier.

Il y a ici usage à titre descriptif et non à titre distinctif, lessocietes de paris affichant que les services proviennent de leur propre`fabrication' et n'utilisant les marques en cause qu'à la seule fin dedecrire les proprietes specifiques des paris qu'elles offrent, si bienqu'il est exclu que les marques utilisees soient interpretees comme sereferant à l'entreprise de provenance de leurs services (A. Braun et E.Cornu, opus citatus, nDEG 415quinquies ; C.J.C.E., Ho:lterhoff, 14 mai2002, C-2/00, Ing.-Cons., 2002, 129) ».

Griefs

L'article 5 de la directive nDEG 89/104/CEE dispose :

« 1. La marque enregistree confere à son titulaire un droit exclusif. Letitulaire est habilite à interdire à tout tiers, en l'absence de sonconsentement, de faire usage dans la vie des affaires :

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou servicesidentiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistree ;

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identite ou de sa similitudeavec la marque et en raison de l'identite ou de la similitude des produitsou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dansl'esprit du public, un risque de confusion, qui comprend le risqued'association, entre le signe et la marque.

2. Tout Etat membre peut egalement prescrire que le titulaire est habiliteà interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faireusage dans la vie des affaires d'un signe identique ou similaire à lamarque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires àceux pour lesquels la marque est enregistree, lorsque celle-ci jouit d'unerenommee dans l'Etat membre et que l'usage du signe sans juste motif tireindument profit du caractere distinctif ou de la renommee de la marque ouleur porte prejudice ».

La transposition de cette disposition a ete effectuee d'abord parl'article 13, A, 1, a), b), c), de la L.B.M. et ensuite par la ConventionBenelux en matiere de propriete intellectuelle (marques et dessins oumodeles) du 25 fevrier 2005 qui dispose en son article 2.20 :

« 1. La marque enregistree confere à son titulaire un droit exclusif.Sans prejudice du droit commun en matiere de responsabilite civile, ledroit exclusif à la marque permet au titulaire d'interdire à tout tiers,en l'absence de son consentement :

a) de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à lamarque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquelscelle-ci est enregistree ;

b) de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe pour lequel, enraison de son identite ou de sa similitude avec la marque et en raison del'identite ou de la similitude des produits ou services couverts par lamarque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque deconfusion, qui comprend le risque d'association, entre le signe et lamarque ;

c) de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ousimilaire à la marque pour des produits ou services qui ne sont passimilaires à ceux pour lesquels la marque est enregistree, lorsque cettemarque jouit d'une renommee à l'interieur du territoire Benelux et quel'usage du signe sans juste motif tire indument un profit du caracteredistinctif ou de la renommee de la marque ou leur porte prejudice ».

Parmi les fonctions de la marque, « figure non seulement la fonctionessentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs laprovenance du produit ou du service mais egalement les autres fonctions decelle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualite de ceproduit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement oude publicite » (arret C.J.C.E. du 19 juin 2004, Arsenal, C-487/07, point58).

Dans leurs conclusions, les demanderesses P.S.V. et Juventus faisaientvaloir que « les noms ou logos ou vareuses des clubs sont enregistrespour des produits dans les classes 28, 35, 38 et 41, soit les jeux, lesservices de publicite et la gestion des affaires commerciales, lesservices de telecommunication, services de diffusion des programmesradiophoniques et televises, les communications par terminaux d'ordinateuret les services d'education, de formation, de divertissement et deloisirs. Il y a donc identite de services avec l'activite des societesdefenderesses qui ont enregistre leurs marques au moins en classe 41, àsavoir l'organisation de paris en ligne sur des matchs de football » etque « l'organisation de paris sur un club constitue une veritableexploitation derivee de la marque correspondant au nom des clubs », que,« compte tenu du contexte particulier du monde du sport et del'importance du controle de toute exploitation derivee du nom des clubs,il faut considerer que l'usage des marques P.S.V. et Juventus par lessocietes de paris est fait `en tant que marque', dans la mesure ou elleest de nature à porter atteinte à la fonction essentielle des marqueslitigieuses, que les clubs doivent en effet pouvoir controlerl'exploitation derivee de leur nom (enregistre comme marque) » et que« les clubs (...) consentent d'importants efforts et investissements afinde developper la notoriete et, partant, la valeur economique etcommerciale de leurs noms, noms commerciaux et marques » pour s'opposerà l'exploitation derivee de leurs marques verbales.

Les demanderesses P.S.V. et Juventus faisaient ainsi valoir leur droitexclusif en vertu de l'article 2.20,1, de la C.B.P.I. et, partant, del'article 5, S:S: 1er et 2, de la directive nDEG 89/104/CEE, à l'usagedes marques verbales P.S.V. et Juventus pour l'organisation de paris enligne sur des matchs de football et leur droit d'en interdire l'usage sansleur consentement.

La notion d'« usage » de la marque dans la vie des affaires est unenotion communautaire visee aux articles 5 et 6 de la directive nDEG89/104/CEE et doit donner lieu à une interpretation uniforme (arretC.J.C.E. du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi, C-414/99 à C-416/99,point 39, et arret C.J.C.E. du 12 novembre 2002, Arsenal, C-206/01, point45).

Si, dans l'arret Ho:lterhoff du 14 mai 2002 (C-2/00, point 16), la Cour dejustice a dejà juge que certains usages à des fins purement descriptivessont exclus du champ d'application de l'article 5, S: 1er, de la directivenDEG 89/104 et ne relevent donc pas de la notion d'usage au sens de cettedisposition, la presente cause differe de celle ayant donne lieu à cetarret des lors que les marques verbales P.S.V. et Juventus ne sont pasutilisees à des fins purement descriptives du service offert par lesdefenderesses mais sont l'objet meme des paris organises, lesquelsconstituent ainsi une exploitation derivee de la marque tombant dans lechamp d'application des articles 2.20, 1, de la Convention Benelux et 5,S:S: 1er et 2, de la directive nDEG 89/104/CEE. Cet usage ne constitue pasun usage « necessaire » de la marque conforme aux usages honnetes enmatiere commerciale au sens des articles 2, 23, C.B.P.I. et 6, 1, C, de ladirective nDEG 89/104/CEE, des lors qu'il repose sur la renommee desclubs, objets des paris, acquise par leurs investissements.

L'arret attaque, qui, apres avoir constate, d'une part, que le P.S.V. seprevaut de la marque enregistree notamment pour la classe 41 sans denierl'enregistrement de la marque internationale verbale Juventus pour la memeclasse et, d'autre part, que « l'usage, par toutes les societes de parisà la cause, des marques verbales P.S.V. et en outre de la Juventus en cequi concerne Unibet n'est en revanche pas conteste », considere « qu'iln'y avait pas dans le chef des societes de paris d'utilisation des signesproteges en tant que marques, pour distinguer leurs produits ou leursservices, en sorte que les clubs de football concernes n'etaient pasfondes à agir sur la base de l'article 2.20, 1, a), b) et c), de laConvention Benelux » et « qu'il y a ici usage descriptif et non à titredistinctif », n'est pas legalement justifie.

Des lors qu'il y a lieu d'interpreter la notion d'usage de marque au sensde l'article 5, S:S: 1er et 2, de la directive nDEG 89/104/CEE, dans lescirconstances de la cause, il s'impose, conformement à l'article 234 duTraite C.E.E., de poser à la Cour de justice de l'Union europeenne laquestion prejudicielle suivante :

L'article 5, S:S: 1er et 2, de la directive nDEG 89/104/CEE doit-il etreinterprete en ce sens qu'un club de football de renommee mondiale etabliau sein d'un Etat membre de l'Union europeenne, dont la marque verbale estenregistree pour les services de communication par terminaux d'ordinateuret de divertissement et de loisirs, peut s'opposer à l'usage de cettemarque, sans son consentement, par des societes de paris en ligne dans lecadre de l'organisation de paris portant sur les performances dudit clubidentifie par sa marque ?

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 2.20, 1, d), et 2.23, 1, b), de la Convention Benelux enmatiere de propriete intellectuelle (marques et dessins ou modeles) du 25fevrier 2005, en abrege C.B.P.I., approuvee par la loi du 22 mars 2006,et, pour autant que de besoin, article 13, A, 1, d), et A, 7, c), de laLoi uniforme Benelux sur les marques, en abrege L.B.M., instauree etapprouvee par la loi du 30 juin 1969, tel qu'il a ete remplace par leProtocole du 11 decembre 2001, approuve par la loi du 24 decembre 2002 ;

- articles 5.5 et 6.1 de la directive du Conseil nDEG 89/104/CEE du 21decembre 1988 rapprochant les legislations des Etats membres sur lesmarques ;

- article 49 du Traite instituant la Communaute europeenne et documentsannexes, signes à Rome le 25 mars 1957, approuves par la loi du 2decembre 1957 - version consolidee à Amsterdam le 2 octobre 1997,approuvee par la loi du 10 aout 1998.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que les demandeurs P.S.V. et Juventus sont des clubsde football « internationalement connus », que les marques en cause dontla cour [d'appel] reste saisie « sont, d'une part, les marques Benelux duP.S.V. à l'egard de toutes les societes de paris (ici defenderesses) et,d'autre part, la marque internationale de la Juventus à l'egard de laseule (defenderesse) Unibet » et que « l'usage, par toutes les societesde paris à la cause des marques verbales P.S.V. et en outre de laJuventus en ce qui concerne Unibet, n'est (...) pas conteste », etconsidere que « c'est (...) bien l'article 2.20, 1, d), C.B.P.I.,disposant qu'il est interdit `de faire usage d'un signe à des fins autresque celle de distinguer les produits ou les services, lorsque l'usage dece signe sans juste motif tire indument profit du caractere distinctif oude la renommee de la marque ou leur porte prejudice' qui trouve às'appliquer », l'arret attaque decide que « les premiers juges ontconsidere que, dans la mesure ou les marques litigieuses s'identifient auxnoms des clubs de football, à savoir P.S.V. et Juventus, il n'est paspossible d'organiser un pari sur ces clubs sans les citer et que lessocietes de paris rencontraient l'exigence du juste motif leur permettantde faire usage des marques incriminees » et qu'« il y a lieu deconfirmer la decision des premiers juges uniquement en ce qu'elle portesur l'usage qui est necessaire au libelle des paris », rejette le moyendeduit de ce que pareil usage ne remplirait pas la condition de conformiteaux usages honnetes en matiere industrielle ou commerciale visee àl'article 2.23, 1, b), C.B.P.I. et, n'examinant le moyen deduit du« parasitisme » que dans le seul chef d'Unibet, decide qu'il n'y a pasen l'espece d'agissement parasitaire.

En consequence, l'arret attaque deboute la demanderesse P.S.V. de sesdemandes dirigees contre toutes les defenderesses et la demanderesseJuventus de son action dirigee contre Unibet, sauf en ce qu'elles sontdirigees contre cette derniere societe en ce qu'elle a enfreint leursdroits sur leurs marques en faisant usage de celles-ci au-delà de ce quiest necessaire à la formulation des paris eux-memes.

Cette decision est fondee sur les motifs suivants :

« C'est (...) bien l'article 2.20, 1, d), C.B.P.I. disposant qu'il estinterdit `de faire usage d'un signe à des fins autres que celles dedistinguer les produits ou les services, lorsque l'usage de ce signe sansjuste motif tire indument profit du caractere distinctif ou de la renommeede la marque ou leur porte prejudice' qui trouve à s'appliquer.

Les premiers juges ont considere que dans la mesure ou les marqueslitigieuses s'identifient aux noms des clubs de football, à savoir P.S.V.et Juventus, il n'est pas possible d'organiser un pari sur ces clubs sansles citer et que les societes de paris rencontraient donc l'exigence dujuste motif leur permettant de faire usage des marques incriminees.

Il y a lieu de confirmer la decision des premiers juges uniquement en cequ'elle porte sur l'usage qui est necessaire au libelle des paris.

Cette utilisation peut encore se revendiquer de l'article 2.23, 1, b),C.B.P.I., qui autorise l'usage d'une marque par un tiers dans la vie desaffaires lorsque celui-ci est necessaire pour indiquer lescaracteristiques de son service, pour autant que cette utilisation soitfaite conformement aux usages honnetes en matiere industrielle etcommerciale.

Le P.S.V. et la Juventus ne sont pas fondes à reprocher aux societes deparis d'avoir choisi de developper une activite rendant necessaire l'usagede leurs noms enregistres comme marques. Ce grief a dejà ete oppose parR. C. à Unibet et il a ete juge à ce propos que le choix d'Unibet etaitlegitime au regard de la liberte de commerce et de la liberted'expression. Ce qui a ete dit à ce sujet est tout aussi valable ici. Aurisque de se repeter, il convient de rappeler que les societes de parisqui sont à la cause ont en realite choisi de developper une activite dansla sphere de competences qui leur est propre et qui est celle del'organisation de paris. Elles ont chacune les licences necessaires àcette fin dans l'Union europeenne. Elles ont ensuite retenu comme domainede predilection ou offrir leurs paris le marche porteur de l'actualitesportive. Le P.S.V. et la Juventus n'ont aucun droit particulier sur cetteactualite. Dans ce cadre, les societes de paris font usage des noms desclubs mis à l'honneur par l'actualite comme objet de leurs paris. Cesnoms disparaissent au profit d'autres des que l'evenement qui les met enjeu est passe et est remplace par un autre.

Le tribunal de grande instance de Paris, dans le jugement qu'il a rendu le30 janvier 2008 en cause de la Juventus contre Unibet et W. H., dont seprevalent les clubs, n'a pas dit autre chose puisqu'il a retenu que, `si,effectivement, les societes defenderesses sont autorisees par cettedisposition à utiliser les marques designant les equipes de football àl'occasion des matchs sur lesquels elles proposent des paris en ligne,l'utilisation de periphrases pour designer ces equipes etant impossible,sauf à induire les consommateurs de ce genre de service en erreur, iln'en demeure pas moins que cette autorisation, qui constitue une exceptionau principe du monopole d'utilisation conferee à la societe Juventus parl'enregistrement de sa marque, doit etre limitee aux utilisationsstrictement necessaires à l'activite de paris en ligne ; que tel n'estpas le cas lorsque les societes defenderesses utilisent la marque Juventusà titre publicitaire pour promouvoir leur activite en exploitant lanotoriete des equipes ainsi que cela apparait dans les sloganspublicitaires precites'.

Enfin, le P.S.V. et la Juventus estiment que l'exigence du respect desusages honnetes n'est pas satisfaite dans la mesure ou l'utilisation quefont les (defenderesses) de leurs marques serait de nature à mettre enperil la garantie de provenance qui constitue la fonction essentielle dela marque et à tirer indument profit de leur renommee.

Il a dejà ete vu que le risque de confusion quant à la provenance desservices de paris en ligne n'existait pas et que l'internaute frequentantces sites de paris ne pouvait s'y tromper, meme face à des paris mettanten cause des clubs dont les noms avaient par ailleurs ete enregistrescomme marques. Ainsi en a aussi decide le tribunal de grande instance deParis dans cet autre jugement du 17 juin 2008 mettant en cause ParisSaint-Germain contre Unibet, Internet Opportunity Entertainment et Bwin :`La designation du club Paris Saint-Germain Football pour annoncer desrencontres et proposer des paris ne peut se faire en utilisant desperiphrases et necessite l'utilisation du nom du club, au meme titre qued'autres equipes dont les noms apparaissent egalement sur les sitesinternet litigieux comme l'Olympique Lyonnais, l'A.J. Auxerre, le F.C.Nantes ou l'A.S. Saint-Etienne ; dans la mesure ou les sites internet encause recelent les mentions tres apparentes « Unibet »,« Sportingbet » ou « Bwin », proposent de nombreux paris dans diversesactivites autres que le football et annoncent pareillement les matchsquelles que soient les equipes en cause, aucune confusion n'est possibledans l'origine du service offert par ces sites'.

Par ailleurs, les clubs n'etablissent pas qu'en proposant un pari surleurs noms parmi tant d'autres, les societes de paris tirent indumentprofit de la renommee de leurs marques. La cour [d'appel] partage à cetegard aussi l'avis de la juridiction parisienne dans le jugement precite :`en l'espece, la societe P.S.G., qui invoque des faits de parasitismecommercial du fait du libelle des paris, n'etablit pas en quoi lesdefenderesses se placent dans son sillage pour tirer profit de ses effortssans bourse delier ; il est constant que les defenderesses ne sont pas ensituation de concurrence commerciale avec la demanderesse, organisent desparis sur des evenements sportifs susceptibles d'interesser lesinternautes parieurs en matiere de football comme dans divers autressports ; il n'est pas etabli que les defenderesses, en annonc,antnotamment les matchs auxquels participe l'equipe du P.S.G., profitent desinvestissements de cette derniere en faisant plus de profits si davantagede parieurs misent sur ces matchs, d'autant moins que les evenementssportifs auxquels l'equipe de la societe demanderesse ne participe passont tout autant mis en avant sur les sites litigieux'.

(...) 3.5. Le parasitisme

Le moyen (...) ne doit etre examine que dans le chef d'Unibet.

Les parties s'accordent à considerer qu'il peut y avoir parasitisme sansqu'il y ait risque de confusion si un commerc,ant `tire indument etdirectement profit d'importants efforts ou investissements d'autrui sansdeployer de son cote pareils efforts ou investissements' (...).

En l'occurrence, ni les clubs ni les joueurs ne demontrent la realite desagissements parasitaires qu'ils pretent à Unibet.

Les parties travaillent dans des domaines differents et il est clairqu'Unibet n'a pu arriver à la reussite dont elle se targue dans sonsecteur sans avoir du consentir de son cote d'importants investissementset efforts qui ne doivent rien à ceux des clubs ou des joueurs en cause.

Compte tenu par ailleurs qu'Unibet ne focalise pas ses activites sur leseul domaine du football ni, au sein de celui-ci, sur quelques equipes defootball bien determinees mais qu'au contraire, elle offre ses paris dansde multiples sports et, dans le cadre de ceux-ci, sur le choix le plusvaste d'equipes, il n'est pas etabli qu'elle tire directement profit desefforts et investissements fournis par les clubs et les joueurs pourdevelopper leur notoriete personnelle.

Il a dejà vu qu'en realite, Unibet, comme les autres societes de paris,s'est inscrite dans le sillage de l'actualite sportive et non dans cellede tel ou tel club ou joueur en particulier. C'est cette actualitesportive que les societes de paris exploitent à leur niveau grace auxcompetences qu'elles ont developpees dans leur secteur d'activites, sansque les (demanderesses) prouvent qu'elles profitent directement desefforts qu'elles-memes deploient pour occuper personnellement le devant decelle-ci.

Il n'y a pas à proprement parler d'exploitation derivee et systematiquedes efforts faits par les clubs ou les joueurs pour promouvoir leur imagecar ce que recherchent par là essentiellement ceux-ci est de sepositionner de maniere favorable par rapport à leurs concurrents, afinnotamment d'attirer des sponsors. Or, ce qui interesse Unibet, quant àelle, est de coller à l'actualite sportive, quelle que soit la teted'affiche de celle-ci, et d'etendre ses activites au maximum d'equipespossibles pour attirer un public aussi large que possible.

Meme l'examen des mailings publicitaires d'Unibet confirme cette analyse :ceux-ci ne s'attachent pas à des clubs ou à des joueurs en particulierafin de tenter de tirer parti systematiquement de leur renommee maiss'adaptent aux competitions programmees afin de tirer parti de l'interetque celles-ci suscitent en elles-memes, fut-ce meme le cas echeant au planlocal, quelles que soient les equipes qu'elles concernent. Si l'usage quiest fait des marques dans ce contexte contrevient aux droits des clubs surces marques, il n'en constitue pas pour autant un agissement parasitaired'Unibet ».

Griefs

Dans leurs conclusions d'appel, les demanderesses P.S.V. et Juventusfaisaient valoir qu'à supposer meme que les societes defenderessesfassent usage du signe identique à leur marque verbale respective à desfins autres que celle de distinguer les produits et services, au sens del'article 2.20, 1, d), C.B.P.I., il s'agirait d'un usage enfreignant cettedisposition en l'absence de juste motif des lors qu'« il n'est pasconcevable que les societes de paris puissent invoquer une situation depretendue necessite dont l'origine est à trouver dans leur decision decommercialiser des services exploitant la notoriete des marquesd'autrui ».

Elles soutenaient encore que « le fait d'exploiter la renommee d'un signeappartenant à un tiers n'est pas conforme à la morale des affaires. Lacirconstance que le pari soit base sur l'usage du nom des clubs confere àcet usage toutes les apparences du parasitisme economique. A cet egard, ilest (...) piquant de relever que la Franc,aise des Jeux (...) a decide denegocier une licence d'exploitation avec les autorites responsables del'organisation des competitions sportives sur lesquelles des paris enligne sont offerts. Pour autant que de besoin, cette prise de positiond'un operateur ayant pignon sur rue (plutot qu'etabli off-shore) confirmeque l'exploitation (non autorisee) par les societes de paris en ligne desnoms, marques, images... d'autrui constitue du parasitisme economique etn'est en tout cas pas conforme à la deontologie des affaires. Enl'espece, l'usage que (font les societes defenderesses) des marques desclubs est des lors manifestement deloyal et contraire aux usageshonnetes ».

Ainsi, les demanderesses P.S.V. et Juventus ne soutenaient-elles pas queles demanderesses tiraient plus indument profit de l'usage de leur marqueque de celles des autres clubs renommes mais que l'organisation de parisportant sur les matchs de tels clubs de football, en utilisant leursmarques verbales, consistait, en soi, à tirer indument profit de larenommee des marques utilisees.

Les demanderesses P.S.V. et Juventus soutenaient ainsi que ni la conditionde juste motif visee à l'article 2.20, 1, d), de la C.B.P.I. ni celle deconformite aux usages honnetes en matiere industrielle ou commercialevisee à l'article 2, 23, c), de ladite convention n'etaient remplies.

L'article 5.5 de la directive 89/104/CEE dispose que :

« Les paragraphes 1 à 4 n'affectent pas les dispositions applicablesdans un Etat membre et relatives à la protection contre l'usage qui estfait d'un signe à des fins autres que celles de distinguer les produitsou services, lorsque l'usage de ce signe sans justes motifs tire indumentprofit du signe distinctif ou de la renommee de la marque ou leur porteprejudice ».

L'article 6 de ladite directive dispose :

« 1. Le droit confere par la marque ne permet pas à son titulaired'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, (...)

c) de la marque lorsqu'elle est necessaire pour indiquer la destinationd'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoires ou piecesdetachees, pour autant que cet usage soit fait conformement aux usageshonnetes en matiere industrielle ou commerciale ».

La transposition de l'article 5.5 de la directive nDEG 89/104/CEE a eteassuree d'abord par l'article 13, A, 1, d), de la loi uniforme Benelux etensuite par l'article 2.20, 1, de la C.B.P.I. qui dispose :

« La marque enregistree confere à son titulaire un droit exclusif. Sansprejudice de l'application eventuelle du droit commun en matiere deresponsabilite, le droit exclusif à la marque permet au titulaired'interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement :

(...) d) de faire usage d'un signe à des fins autres que celles dedistinguer les produits ou services, lorsque l'usage de ce signe sansjustes motifs tire indument profit du caractere distinctif ou de larenommee de la marque ou leur porte prejudice ».

La transposition de l'article 6.1, c), de la directive nDEG 89/104/CEE aete effectuee d'abord par l'article 13, A, 7, c), de la loi uniformeBenelux et ensuite par l'article 2.23, 1, c), de la C.B.P.I. qui disposeque :

« Le droit exclusif n'implique pas le droit de s'opposer à l'usage parun tiers dans la vie des affaires :

(...) c) de la marque lorsqu'elle est necessaire pour indiquer ladestination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoireou piece detachee, pour autant que cet usage soit fait conformement auxusages honnetes en matiere industrielle ou commerciale ».

Si le droit confere par la marque ne permet pas à son titulaired'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, de la marquelorsqu'elle est necessaire pour indiquer la destination d'un produit oud'un service, ce n'est que pour autant, en vertu de l'article 6.1, c), dela directive nDEG 89/104/CEE, que « cet usage soit fait conformement auxusages honnetes en matiere industrielle et commerciale ».

La condition d'« usages honnetes », au sens de cette disposition,« constitue en substance l'expression d'une obligation de loyaute àl'egard des interets legitimes du titulaire de la marque » et un usagen'est pas conforme à cette condition « notamment lorsqu' (...) ilaffecte la valeur de la marque en tirant indument profit de son caracteredistinctif ou de sa renommee » (arret BMW du 23 fevrier 1999, C-63/97).

En effet, l'article 6.1, c), de la directive vise à concilier lesinterets fondamentaux de la protection des droits des marques, d'une part,et ceux de la libre prestation de services dans le Marche commun,consacree par les articles 4 et 49 du Traite de Rome, d'autre part, et ce,de maniere telle que le droit de marque puisse remplir son role d'elementessentiel du systeme de concurrence non faussee que le Traite CEE entendetablir et maintenir (arret BMW precite, point 62).

Il se deduit des dispositions des articles 5.5. et 6.1, c), de ladirective nDEG 89/104/CEE, que l'usage d'une marque à des fins autres quede distinguer les produits ou services, fut-il necessaire pour indiquer ladestination d'un produit ou d'un service, est fait sans juste motiflorsqu'il tire indument profit de la renommee de la marque et n'est,ainsi, pas conforme aux usages honnetes en matiere industrielle oucommerciale.

La Cour de justice des Communautes europeennes a precise que :

« L'existence d'un profit indument tire du caractere distinctif ou de larenommee de la marque, au sens de [l'article 5, S: 2, de la directive nDEG89/104], ne presuppose ni l'existence d'un risque de confusion ni celled'un risque de prejudice porte à ce caractere distinctif ou cetterenommee ou, plus generalement, au titulaire de celle-ci. Le profitresultant de l'usage par un tiers d'un signe similaire à une marquerenommee est tire indument par ce tiers desdits caractere distinctif ourenommee lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillagede la marque renommee afin de beneficier du pouvoir d'attraction de lareputation, et d'exploiter, sans compensation financiere, l'effortcommercial deploye par le titulaire de la marque pour creer et entretenirl'image de celle-ci » (arret du 19 juin 2009, L'Oreal, C-487/07, point50, R.D.C., 2009/8, p. 788, note Cornu).

Si la conformite de l'usage d'un signe aux usages honnetes en matierecommerciale depend des circonstances de la cause, cette notion doitrecevoir une interpretation uniforme en tant qu'elle vise une condition dela limitation des effets de la marque, prevue à l'article 6.1, c), de ladirective nDEG 89/104/CEE, eu egard aux objectifs poursuivis, à savoirque le droit de marque puisse remplir son role essentiel du systeme deconcurrence non fausse. Ainsi, l'obligation de loyaute envers les interetslegitimes du titulaire de la marque doit-elle, notamment, s'apprecier entenant compte de « la circonstance qu'il s'agit d'une marque ayant unecertaine renommee dans l'Etat membre ou elle est enregistree et saprotection demandee et dont le tiers pourrait tirer profit pour lacommercialisation de ses produits » (arret C.J.C.E. du 16 novembre 2004,Anhauser-Buch, C-245/02, point 83).

Des lors qu'il est acquis que la marque n'a pas pour seule fonction celle,essentielle, de garantir la provenance du produit ou du service maisegalement des fonctions « de communication, d'investissement ou depublicite » (arret du 19 juin 2004, L'Oreal, precite, point 58), en sorteque la marque renommee a, en elle-meme, une valeur economique et qu'il estconstant que les noms des demanderesses P.S.V. et Juventus, enregistrescomme marques, sont « internationalement connus », l'utilisation, sansleur consentement, de la marque verbale des clubs de football P.S.V. etJuventus, pour l'organisation de paris en ligne portant precisement surles performances de ces clubs en raison de leur notoriete, tire indumentprofit de la renommee des signes identiques aux marques utilises et cetusage, fut-il necessaire pour indiquer la destination des services dessocietes de paris, n'est pas conforme aux usages honnetes en matierecommerciale.

L'arret attaque, qui considere que les societes de paris rencontrentl'exigence prevue à l'article 2.20, 1, d), de la C.B.P.I. du juste motifleur permettant de faire usage des marques incriminees, que pareil usagen'est pas contraire aux usages honnetes en matiere industrielle oucommerciale et qu'il n'y a pas en l'espece agissement parasitaire, violeles dispositions visees au moyen.

Des lors qu'il s'agit de determiner les conditions dans lesquelles l'usaged'un signe identique ou similaire à la marque est effectue sans justemotif et sans tirer indument profit de la renommee de la marque, au sensde l'article 2.20, 1, d), de la C.B.P.I. transposant l'article 5.5 de ladirective nDEG 89/104/CEE et d'interpreter la notion d'« usageshonnetes » en matiere commerciale ou industrielle au sens de l'article2.23, 1, b), de la C.B.P.I. transposant l'article 6.1, c), de la memedirective, il convient de poser à la Cour de justice des Communauteseuropeennes les questions prejudicielles suivantes :

1. L'usage d'un signe à des fins autres que celle de distinguer lesproduits ou services tire-t-il, sans juste motif, profit de la renommee dela marque, au sens de l'article 5.5 de la directive 89/104/CEE, lorsqu'ilest effectue en utilisant la marque verbale de clubs de footballinternationalement connus pour l'organisation de paris en ligne sur lesmatchs de ces clubs ?

La reponse est-elle differente selon que l'usage est effectue à titrepublicitaire dans des textes d'annonce figurant dans une page d'accueil etse rapportant à un match dispute par le club sur lequel des paris sontproposes ?

2. Doit-on considerer que pareil usage concilie la liberte d'entreprise,consacree aux articles 4 et 49 du Traite CEE et dont peut aussi seprevaloir le titulaire de la marque, et les interets legitimes dudittitulaire de la marque, en sorte que celle-ci joue son role essentiel dansun systeme de concurrence non fausse, et est, partant, conforme aux usageshonnetes en matiere industrielle et commerciale au sens de l'article 6.1,d) de la meme directive ?

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

1. Aux termes de l'article 5.3 du reglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseildu 22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, la reconnaissanceet l'execution des decisions en matiere civile et commerciale, unepersonne domiciliee sur le territoire d'un Etat membre peut etre attraitedans un autre Etat membre, en matiere delictuelle ou quasi delictuelle,devant le tribunal du lieu ou le fait dommageable s'est produit ou risquede se produire.

2. Dans l'arret Mines de potasse d'Alsace du 30 novembre 1976 (nDEG21/76), la Cour de justice des Communautes europeennes a precise quel'expression « lieu ou le fait dommageable s'est produit » vise à lafois le lieu de la materialisation du dommage et celui de l'evenementcausal.

3. Dans l'arret Shevill du 7 mars 1995 (C-68/93), la meme cour a considereque, en cas de diffamation au moyen d'un article de presse diffuse dansplusieurs Etats contractants, la victime peut intenter contre l'editeurune action en reparation, soit devant les juridictions de l'Etatcontractant du lieu d'etablissement de l'editeur de la publicationdiffamatoire, competentes pour reparer l'integralite des dommagesresultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque Etatcontractant dans lequel la publication a ete diffusee et ou la victimepretend avoir subi une atteinte à sa reputation, competentes pourconnaitre des seuls dommages causes dans l'Etat de la juridiction saisie.

4. Dans l'arret e-Date Advertising du 25 octobre 2011 (C-509/09 etC-161/10), la Cour de justice de l'Union europeenne, apres avoir considerequ'Internet reduit l'utilite du critere tenant à la diffusion, dans lamesure ou la portee de la diffusion de contenus mis en ligne est enprincipe universelle, et qu'il y a donc lieu d'adapter les criteres derattachement definis par l'arret Shevill, a decide que l'article 5.3 dureglement (CE) 44/2001 precite « doit etre interprete en ce sens que, encas d'atteinte alleguee aux droits de la personnalite au moyen de contenusmis en ligne sur un site Internet, la personne qui s'estime lesee a lafaculte de saisir d'une action en responsabilite, au titre del'integralite du dommage cause, soit les juridictions de l'Etat membre dulieu d'etablissement de l'emetteur de ces contenus, soit les juridictionsde l'Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses interets », etque « cette personne peut egalement, en lieu et place d'une action enresponsabilite au titre de l'integralite du dommage cause, introduire sonaction devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoireduquel un contenu mis en ligne est accessible ou l'a ete » mais que, dansce cas, « celles-ci sont competentes pour connaitre du seul dommage causesur le territoire de l'Etat membre de la juridiction saisie ».

5. Apres avoir rappele les principes enonces par l'arret Shevill precite,l'arret attaque releve que « les [demandeurs] [...] fondent la competencedes juridictions belges pour connaitre des dommages qui auraient etecauses à leurs droits dans cet Etat sur la constatation [...] que desparis peuvent etre pris en Belgique sans aucune restriction sur les sitesweb litigieux des [defenderesses] ».

L'arret attaque enonce que la seule circonstance « que les sites weblitigieux sont accessibles au public belge est impuissante à rendrecompte de l'existence d'un lien de rattachement particulierement etroitentre la contestation et les juridictions belges de nature à justifierune attribution de competence à ces dernieres », qu'en realite, « lesdonnees propres aux sites litigieux ne fondent pas l'existence d'un liende rattachement particulierement etroit entre la contestation et laBelgique. [...] Les sites de paris sont accessibles aux internautes belgesqui peuvent y faire enregistrer leurs paris dans la meme mesure qu'ilssont accessibles aux internautes des autres Etats membres puisqu'il s'agitde sites `.com' qui ont vocation à elargir leur marche à l'Europeentiere. Le fait que ces sites n'ont pas exclu le territoire belge de leurportee ne temoigne d'aucune attention particuliere au marche belge deslors que tel est le cas pour la grande majorite des autres Etats. Parailleurs, ils n'ont pas non plus cree d'extension `.be' propre à laBelgique. Ils sont disponibles en plusieurs langues sans que s'yretrouvent systematiquement les deux langues les plus usitees enBelgique ».

Il considere enfin qu'« il n'est pas discute que le nombre de paris prispar le public belge est tout à fait marginal par rapport au nombre totalde paris enregistres par ces sites », que, si, dans l'affaire Shevill,seulement cinq exemplaires des 250.000 de la publication litigieuseavaient ete diffuses dans la ville ou siegeait le tribunal saisi, « ilexistait de toute fac,on [dans cette affaire] un lien de rattachementparticulierement etroit entre l'atteinte à la reputation dont seplaignait la requerante et les tribunaux saisis, quel que soit le nombred'exemplaires diffuses dans le for, des lors que la plaignante vivait àl'endroit et subissait donc principalement l'atteinte denoncee là-bas »et que « les [defenderesses] sont fondees à conclure en effet que leursrelations commerciales avec la Belgique sont `de minimis' ».

6. Ni par ces enonciations et considerations ni par aucune autre, l'arretattaque ne justifie legalement sa decision d'accueillir les declinatoiresde competence internationale souleves en application du reglement (CE)44/2001 sauf en ce qui concerne les demandes que le P.S.V. fonde sur sesmarques Benelux.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le troisieme moyen :

7. En vertu de l'article 2.23.1, b), de la Convention Benelux en matierede propriete intellectuelle (marques et dessins ou modeles) du 25 fevrier2005 (ci-apres CBPI), le droit exclusif confere au titulaire par la marquen'implique pas le droit de s'opposer à l'usage par un tiers dans la viedes affaires, d'indications relatives aux caracteristiques de son service,pour autant que cet usage soit fait conformement aux usages honnetes enmatiere industrielle ou commerciale.

8. L'arret attaque constate, sans etre critique, que les defenderessesrecourent « à l'utilisation du nom des clubs afin d'identifierclairement l'objet du pari sur lequel les internautes sont invites àparier » et qu' « il n'est pas possible d'organiser un pari sur cesclubs sans les citer ».

Il decide que « le P.S.V. et la Juventus ne sont pas fondes à reprocheraux societes de paris d'avoir choisi de developper une activite rendantnecessaire l'usage de leurs noms enregistres comme marques » et, enreponse aux critiques des cinquieme et sixieme demandeurs que l'exigencedu respect des usages honnetes n'est pas satisfaite dans la mesure oul'utilisation que font les defenderesses de leurs marques serait de natureà mettre en peril la garantie de provenance qui constitue la fonctionessentielle de la marque et à tirer indument profit de leur renommee, quele « risque de confusion quant à la provenance des services de paris enligne n'existait pas » et que les clubs « n'etablissent pas qu'enproposant un pari sur leurs noms parmi tant d'autres, les societes deparis tirent indument profit de la renommee de leurs marques ».

Il considere plus particulierement, en se referant à l'avis du tribunalde grande instance de Paris, qu'il n'est pas etabli en quoi lesdefenderesses se placeraient dans le sillage d'un club de football pourtirer profit de ses efforts sans bourse delier, ou profiteraient desinvestissements de ce club et que la quatrieme defenderesse, « comme lesautres societes de paris, s'est inscrite dans le sillage de l'actualitesportive et non dans celle de tel ou tel club ou joueur en particulier ».

9. Par ces motifs, qui gisent en fait, l'arret attaque constate quel'usage des signes incrimines par les defenderesses n'est pas contraireaux usages honnetes en matiere industrielle ou commerciale. En tant qu'ilinvoque la violation de l'article 2.23.1, CBPI, le moyen est dirige contreune appreciation en fait des juges d'appel.

10. En s'appuyant sur ces constatations de fait, l'arret considere quel'utilisation des marques invoquees « peut encore se revendiquer del'article 2.23.1, b), precite, qui autorise l'usage d'une marque par untiers dans la vie des affaires lorsque celui-ci est necessaire pourindiquer les caracteristiques de son service, pour autant que cetteutilisation soit faite conformement aux usages honnetes en matiereindustrielle et commerciale ».

Ce motif, vainement critique par le present moyen, constitue un fondementdistinct et suffisant de la decision de l'arret attaque que le P.S.V. etla Juventus ne sont pas fondes à reprocher aux societes de parisdefenderesses d'avoir choisi de developper une activite rendant necessairel'usage de leurs noms enregistres comme marques.

Dans la mesure ou il invoque la violation de l'article 2.20.1, d), CBPI,le moyen ne saurait des lors entrainer la cassation de la decisionattaquee et est, partant, denue d'interet.

11. Pour le surplus, le moyen reproche à l'arret attaque un defaut dereponse sans invoquer la violation de l'article 149 de la Constitution etune violation de l'article 49 du traite C.E. sans preciser en quoi cettedisposition a ete violee.

12. Le moyen est, partant, irrecevable en tous ses griefs.

13. Les questions prejudicielles proposees par les demandeurs sontetrangeres à la recevabilite du moyen et ne doivent des lors pas etreposees à la Cour de justice de l'Union europeenne.

Sur le deuxieme moyen :

14. Le motif vainement critique par le troisieme moyen, que l'utilisationdes marques invoquees « peut encore se revendiquer de l'article 2.23.1,b), CBPI, qui autorise l'usage d'une marque par un tiers dans la vie desaffaires lorsque celui-ci est necessaire pour indiquer lescaracteristiques de son service, pour autant que cette utilisation soitfaite conformement aux usages honnetes en matiere industrielle etcommerciale », constitue un fondement distinct et suffisant de ladecision de l'arret attaque que le P.S.V. et la Juventus ne sont pasfondes à reprocher aux societes de paris defenderesses d'avoir choisi dedevelopper une activite rendant necessaire l'usage de leurs nomsenregistres comme marques.

Dans la mesure ou il invoque la violation de l'article 2.20.1, a), b) etc), CBPI, le moyen ne saurait entrainer la cassation de la decisionattaquee et est, partant, denue d'interet.

15. Pour le surplus, le moyen reproche à l'arret attaque de violer lesarticles 2.23.1 CBPI et 49 du Traite C.E. sans preciser en quoi consistecette violation.

16. Le moyen est, partant, irrecevable en tous ses griefs.

17. La question prejudicielle proposee par les demandeurs est etrangere àla recevabilite du moyen et ne doit des lors pas etre posee à la Cour dejustice de l'Union europeenne.

Sur les autres griefs :

18. Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du premier moyen, quine saurait entrainer une cassation plus etendue.

Et les demandeurs ont interet à ce que l'arret soit declare commun à lapartie appelee à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, en tant qu'il declare les juridictions belgesterritorialement incompetentes pour connaitre des demandes dirigees contreles premiere, deuxieme et troisieme defenderesses et, sauf en ce quiconcerne les demandes fondees sur ses marques Benelux, pour connaitre desdemandes dirigees contre la cinquieme demanderesse ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Declare le present arret commun à la societe anonyme Ladbroke Belgium ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne les demanderesses P.S.V. et Juventus à la moitie des depens etreserve à statuer sur le surplus pour qu'il soit statue sur celui-ci parles juges du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Les depens taxes à la somme de trois mille deux cent trente et un eurosvingt-deux centimes envers les parties demanderesses et à la somme detrois cent quarante-neuf euros cinquante-cinq centimes envers les partiesdefenderesses et la partie appelee en declaration d'arret commun.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononceen audience publique du vingt-neuf novembre deux mille douze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
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| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
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29 novembre 2012 C.10.0094.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0094.F
Date de la décision : 29/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-29;c.10.0094.f ?
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