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22/11/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0443.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 novembre 2012, C.11.0443.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

940



NDEG C.11.0443.F

SCANTRAX, societe anonyme dont le siege social est etabli à Couvin, ruedes Pres fleuris, 8,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. F. R.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine

, 11,ou il est fait election de domicile,

2. M. N.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Antoine De Br...

Cour de cassation de Belgique

Arret

940

NDEG C.11.0443.F

SCANTRAX, societe anonyme dont le siege social est etabli à Couvin, ruedes Pres fleuris, 8,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. F. R.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

2. M. N.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 septembre2010 par la cour d'appel de Liege.

Le 24 octobre 2012, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a deposedes conclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et le procureur generalJean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

* articles 1134, 1135, 1142 et 1146 à 1155 du Code civil ;

* article 1138, specialement 3DEG, du Code judiciaire ;

* article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que la demanderesse, bailleressse, et le defendeur,preneur, etaient « lies par un contrat de location d'un engin agricoled'occasion (...) pour une duree determinee », precisement du 26 aout 1996au 25 aout 2001, c'est-à-dire pendant une periode de cinq ans, que leloyer mensuel convenu etait de 64.247 francs et qu'une option d'achat aete consentie par la demanderesse au defendeur, à un prix egal à 3 p.c.de la valeur locative du materiel, à lever au terme de la periode delocation, que « les conditions generales de location signees par lelocataire enoncent en leur article 8.2 les modalites de levee de l'optiond'achat en fin de contrat, l'article 8.3 enonce les conditions parlesquelles le locataire peut prolonger la location et l'article 8.4 enonceque, si une des options precitees n'est pas levee, et si le materiel donneen location n'est pas restitue au bailleur, le contrat de location serareconduit aux conditions particulieres du contrat de location », la courd'appel, saisie notamment (en sus de la demande de restitution du materielauquel le premier juge avait fait droit) de la demande de la demanderessede condamnation provisionnelle du defendeur et de la defenderesse(laquelle s'etait engagee en qualite de caution des obligationscontractuelles du defendeur) au paiement de la somme de 5.561,81 euros, autitre de loyers echus au cours de la periode contractuelle de cinq annees,c'est-à-dire anterieurement au 26 aout 2001, et impayes, et de la sommeprovisionnelle de 167.227,20 euros, soit (demande principale) au titre deloyers echus et impayes apres la periode contractuelle de cinq ans,c'est-à-dire posterieurement au 25 aout 2001, et sur le fondement de latacite reconduction de la convention (decompte arrete au 30 avril 2010sous reserve de demander condamnation au paiement de loyers echusulterieurement), soit (demande subsidiaire) au titre d'indemnited'utilisation du materiel non restitue posterieurement au 25 aout 2001(decompte arrete au 30 avril 2010 et sous la meme reserve) et des interetssur ces montants, a dit non fonde l'appel de la demanderesse de ladecision du premier juge qui l'avait deboutee de toutes les demandesformees devant lui (à l'exception de la restitution du materiel), par lesmotifs suivants :

« Ce dernier article (l'article 8.4 du contrat) n'a pas de sens parrapport au contrat negocie par les parties ; en effet elles sont convenuesd'un contrat à duree determinee avec option d'achat et le silence del'une d'elles, à la fin de la convention, ne peut emporter une tacitereconduction, en vertu de l'application de l'article 8.4 des conditionsgenerales qui priverait de sens la convention negociee. Il faut en outreconstater que, si le locataire avait leve l'option d'achat, il luisuffisait de payer la somme de 2.866,74 euros, outre le montant des loyerspendant cinq ans, alors qu'en faisant application de l'article 8.4 de sesconditions generales, (la demanderesse) en vient à reclamer la somme de172.788,51 euros (c'est-à-dire le montant total, en principal, des loyersdus apres l'expiration de la periode initiale de cinq ans et ce, parapplication de l'article 8.4 des conditions generales de ce contrat).

Il s'en deduit que (le defendeur) est debiteur des loyers convenus pendantune duree de cinq ans, de l'obligation de restitution de l'engin loue etd'une indemnite pour usage de l'engin » et « que les sommesprincipales sont reglees depuis longtemps » et, plus loin, s'agissant de« l'action dirigee contre la caution » :

« Cette action manque d'objet puisque le debiteur principal s'estacquitte de toutes ses obligations contractuelles. L'obligation que ledebiteur principal doit encore executer, la restitution du materiel loue,ne fait pas l'objet de la garantie qu'aurait donnee (la defenderesse). »

Griefs

Premiere branche

Des lors qu'elle releve que les parties « etaient liees par un contrat delocation d'un engin agricole (...) pour une duree determinee commenc,antle 26 aout 1996 pour se terminer le 25 aout 2001, moyennant un loyermensuel de 64.247 francs », et que le defendeur est debiteur des loyersconvenus pendant cette periode contractuelle de cinq ans, en se bornant àconsiderer que « les sommes principales sont reglees depuis longtemps »et « que le debiteur s'est acquitte de toutes ses obligationscontractuelles » pour debouter la demanderesse de sa demande decondamnation, en principal et interets, de paiement des loyers reclamespar elle pour cette periode, sans constater que ces loyers auraient etepayes, contrairement à ce que soutenait la demanderesse, et, enconsequence, qu'aucun solde n'etait du ou que la dette du defendeur seraiteteinte, s'agissant de ces loyers, pour la raison qu'il indiquerait,l'arret meconnait l'effet obligatoire de la convention (violation desarticles 1134 et 1135 du Code civil).

A tout le moins, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de verifier lalegalite de sa decision : l'arret n'est donc pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

L'arret releve, d'une part, que « les conditions generales de locationsignees par le locataire enoncent en leur article 8.2 les modalites delevee de l'option d'achat en fin de contrat, l'article 8.3 enonce lesconditions par lesquelles le locataire peut prolonger la location etl'article 8.4 enonce que, si une des options precitees n'est pas levee, etsi le materiel donne en location n'est pas restitue au bailleur, lecontrat de location sera reconduit aux conditions particulieres du contratde location », d'autre part, qu'à l'issue du contrat de location, « lelocataire est reste en possession du materiel loue, n'a pas leve l'optiond'achat ».

Les parties à une convention de bail à duree determinee sont en droit deprevoir sa tacite reconduction, à l'echeance et à defaut d'initiative del'une d'elles, sans qu'une telle clause prive de sens la convention.

Et la circonstance que la levee de l'option d'achat consentie au locatairepar la convention lui aurait ete plus favorable, au plan pecuniaire, quela reconduction prevue ne saurait, non plus, conduire à refuser effet àune telle convention.

Les parties ont toute liberte de conclure leur convention comme ellesl'entendent et ce qu'elles conviennent a force de loi.

En decidant le contraire, par les motifs critiques, et en deboutant enconsequence, la demanderesse de sa demande de condamnation des defendeurs,en principal et interets, sur le fondement de la tacite reconduction de laconvention, au paiement des loyers echus apres la periode contractuelle decinq ans, c'est-à-dire posterieurement au 25 aout 2001, l'arret meconnaità nouveau l'effet obligatoire de la convention et ne justifie donc paslegalement sa decision (violation des articles 1134 et 1135 du Codecivil).

Troisieme branche

En constatant que « le debiteur s'est acquitte de toutes ses obligationscontractuelles » et en deboutant la demanderesse de sa demandesubsidiaire de condamnation des defendeurs au paiement de la sommeprovisionnelle de 167.227,02 euros augmentee d'interets « à titred'indemnite d'utilisation du materiel non restitue depuis le 26 aout2001 », alors qu'elle constate qu' « à l'issue du contrat de location,le locataire est reste en possession du materiel loue », qu'il n'a pasleve, au terme du contrat de location, l'option d'achat qui lui avait eteconsentie, que la condamnation du defendeur a ete prononcee par le premierjuge de restituer le materiel, sans que cette condamnation soit infirmeepar la cour d'appel, et que le defendeur « est debiteur (...) del'obligation de restitution de l'engin loue et d'une indemnite pour usagede l'engin », ce dont il se deduit au contraire que le defendeur n'a pasrespecte ses obligations contractuelles, l'arret est entache decontradiction (violation de l'article 149 de la Constitution). En outre,il meconnait, une fois encore, l'effet obligatoire de la convention(violation des articles 1134 et 1135 du Code civil) et viole, de surcroit,les dispositions legales qui reglent la responsabilite contractuelle(violation des articles 1142 et 1146 à 1155 du Code civil), lesquellesobligent à reparation le debiteur qui n'a pas execute ses obligationscontractuelles.

A tout le moins, à defaut de permettre à la Cour de verifier la legalitede sa decision, n'est-il pas regulierement motive (violation de l'article149 de la Constitution).

S'il fallait cependant deduire du dispositif de l'arret que la courd'appel aurait omis de statuer sur cette demande subsidiaire de lademanderesse, des lors qu'elle se borne à dire l'appel de la demanderessecontre le premier jugement non fonde et que cette demande n'aurait pas etesoumise, sur son fondement, au premier juge, encore la decision neserait-elle pas legalement justifiee (violation de l'article 1138,specialement 3DEG, du Code judiciaire).

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

* article 149 de la Constitution ;

* articles 6, 1108, 1131 à 1135, 1382 et 1383 du Code civil ;

* principe general du droit que nul ne peut abuser de son droit.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que la demanderesse, bailleresse, et le defendeur,preneur, etaient « lies par un contrat de location d'un engin agricoled'occasion (...) pour une duree determinee », et saisi notamment de lademande de la demanderesse (en sus du paiement en principal d'arrieres deloyers et, à titre subsidiaire, d'une indemnite d'utilisation du materielnon restitue à l'expiration de la convention, calculee sur base du loyermensuel) de condamnation des defendeurs (la defenderesse s'etait engageeen qualite de caution des obligations du defendeur) au paiement d'interetssur les sommes impayees ou payees avec retard, au taux contractuel de 1,5p.c. par mois, l'arret deboute la demanderesse par les motifs suivants :

« La demanderesse reclame des interets de retard de 1,5 p.c. par mois -article 2.3 des conditions generales - pour certains loyers payes au-delàdu delai conventionnel.

Elle ne tient toutefois aucun compte du produit de la vente de la grueconsentie par (le defendeur) à la (demanderesse) le 10 octobre 1994 pourle prix de 91.500 francs que celle-ci a conserve en garantie desobligations du locataire ; les interets generes par cette somme qui enoutre ont du etre capitalises et productifs d'interets ensuite compensentles interets dus pour retard de loyers et ce, d'autant que les sommesprincipales sont reglees depuis longtemps.

La stipulation conventionnelle selon laquelle la garantie n'est pasproductive d'interets sera consideree comme nulle pour contrariete àl'ordre public, les obligations de chacune des parties doivent etrereciproques et il est abusif pour le creancier de reclamer un interet deretard de 1,5 p.c. mois et de ne devoir aucun interet sur la garantielocative.

La (demanderesse) reste debitrice de la garantie et c'est ce montant que(le defendeur) est autorise à reclamer et non la grue qu'il a vendueselon les stipulations du contrat de location et selon la facture qu'il atracee. »

Griefs

La convention est la loi des parties.

Des lors qu'elle prevoit le paiement d'interets sur les sommes dues parune partie à l'autre, la partie creanciere de ces interets est en droitd'obtenir condamnation de l'autre partie au paiement de ceux-ci, enexecution de la convention.

La circonstance qu'en garantie de ses obligations, la partie debitrice desinterets ait constitue une garantie entre les mains de l'autre partie etque cette garantie, de nature pecuniaire (ou, s'il s'agit d'un bien, apressa realisation, le prix de vente demeurant affecte à la garantie), aitete productive d'interets, sans qu'il soit convenu que ces interets soientristournes ou que des interets soient payes à la partie qui a constituela garantie, n'ecarte pas cette regle : aucune disposition legale en effetn'oblige les parties à convenir que la partie à laquelle a ete procureela garantie sera tenue au paiement d'interets sur le montant de cettegarantie, au profit de la partie qui a constitue celle-ci.

Et il ne resulte d'aucune disposition legale que « les obligations dechacune des parties doivent etre reciproques ».

Et la convention qui ne prevoit pas le paiement d'interets sur la garantiepar la partie à laquelle elle est procuree à la partie qui l'aconstituee ne saurait etre, en tant que telle, constitutive d'un abus dedroit.

Il s'ensuit qu'en deboutant la demanderesse, par les motifs critiques, desa demande de condamnation des defendeurs au paiement d'interets et ce,conformement à l' « article 2.3 des conditions generales », ce dont ilse deduit que ces interets ont ete contractuellement convenus, l'arretmeconnait l'effet obligatoire de la convention (violation des articles1134 et 1135 du Code civil).

Et, en decidant que « la stipulation conventionnelle selon laquelle lagarantie n'est pas productive d'interets sera consideree comme nulle pourcontrariete à l'ordre public », l'arret meconnait la notion d'ordrepublic (violation de l'article 6 du Code civil). Il meconnait aussi lanotion de cause d'une obligation contractuelle en decidant que « lesobligations de chacune des parties doivent etre reciproques », lesdispositions legales relatives à la cause n'exigeant pas reciprocite ou,à tout le moins, complete reciprocite entre les obligationscontractuelles imposees à chaque partie et notamment que la debitiond'interets de retard sur les sommes dues par une partie ait,necessairement et à peine de nullite de cette obligation au paiementd'interets, pour contrepartie la debition d'interets sur la garantiepecuniaire constituee par la partie à qui la garantie est procuree(violation des articles 1108 et 1131 à 1133 du Code civil). Il meconnaitenfin la notion d'abus de droit en decidant qu'il est abusif, pour lecreancier, « de reclamer un interet de retard de 1,5 p.c. par mois et dede ne devoir aucun interet sur la garantie locative » (violation desarticles 1382 et 1383 du Code civil et du principe general du droit vise).

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

* article 1138, specialement 2DEG, du Code judiciaire ;

* principe general du droit aux termes duquel le juge ne peut statuersur une contestation, etrangere à l'ordre public, que les partiesn'ont pas soulevee devant lui, dit principe dispositif.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que la demanderesse, bailleresse, et le defendeur,preneur, « etaient lies par un contrat de location d'un engin agricole »et que la demanderesse « a conserve en garantie des obligations dulocataire » une somme de 91.500 francs, etant le prix de vente d'une gruecedee par le defendeur à la demanderesse, l'arret condamne lademanderesse à « restituer l'equivalent en euros de la somme de 91.500francs en mains (du defendeur) des que celui-ci se sera acquitte de sonobligation de restitution du materiel loue » par le motif suivant :

« (La demanderesse) reste debitrice de la garantie et c'est ce montantque (le defendeur) est autorise à reclamer et non la grue qu'il a vendueselon les stipulations du contrat de location et selon la facture qu'il atracee. »

Griefs

Le defendeur a ete deboute, par le premier jugement, de toutes lesdemandes reconventionnelles qu'il a formees.

Il n'a pas interjete appel de ce jugement et n'a forme aucune demandenouvelle devant les juges d'appel.

En prononc,ant la condamnation du defendeur à « restituer » à lademanderesse, sous condition, « l'equivalent en euros de la somme de91.500 francs », l'arret statue donc sur chose non demandee.

III. La decision de la Cour

L'arret constate que la demanderesse etait liee au defendeur par uncontrat de location d'un engin agricole pour une duree de cinq ans ; queles conditions generales de location enonc,aient, en leur article 8.2, lesmodalites de levee de l'option d'achat en fin de contrat, en leur article8.3, les conditions par lesquelles le locataire peut prolonger la locationet, en leur article 8.4, que si une des options precitees n'etait paslevee et si le materiel n'etait pas restitue au bailleur, le contrat delocation serait reconduit aux conditions particulieres du contrat, etqu'au terme de ce contrat, le defendeur est reste en possession dumateriel loue sans lever l'option d'achat.

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Pour rejeter la demande de la demanderesse relative aux loyerscorrespondant à la duree de cinq ans initialement convenue, l'arretenonce que « les sommes principales sont reglees depuis longtemps » etque le defendeur « s'est acquitte de toutes ses obligationscontractuelles » à l'exception d'une obligation qu'il « doit encoreexecuter, [etant] la restitution du materiel ».

L'arret, qui donne ainsi les motifs de sa decision, permet à la Courd'exercer son controle, motive regulierement et justifie legalement sadecision.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Pour decider que, apres cette duree de cinq ans, le defendeur ne doit pluspayer des loyers mais des indemnites pour l'usage de l'engin loue, l'arretconsidere que les parties « sont convenues d'un contrat à dureedeterminee avec option d'achat » et que « le silence de l'une d'elles àla fin de la convention ne peut emporter une tacite reconduction, en [...]application de l'article 8.4 des conditions generales, qui priverait desens la convention negociee ».

En statuant de la sorte, l'arret interprete la convention en recherchantla commune intention des parties et lui reconnait l'effet qu'elle alegalement entre elles dans l'interpretation qu'il en donne ; il n'enmeconnait pas, des lors, la force obligatoire.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

Apres avoir considere que le defendeur est debiteur d'une indemnite pourusage de l'engin, l'arret rejette, par confirmation du jugement entrepris,la demande subsidiaire de la demanderesse contre le defendeur en paiementd'une indemnite pour l'usage du bien loue apres la duree de cinq ansinitialement convenue.

Il n'indique pas, toutefois, les motifs de cette decision et ne permet deslors pas à la Cour d'exercer son controle de legalite.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le deuxieme moyen :

Pour rejeter la demande de la demanderesse en paiement d'interets deretard sur les loyers echus pendant la duree initiale de cinq ans, l'arretconsidere que « la stipulation conventionnelle selon laquelle la garantien'est pas productive d'interets sera consideree comme nulle pourcontrariete à l'ordre public, que les obligations de chacune des partiesdoivent etre reciproques et qu'il est abusif pour le creancier de reclamerun interet de retard de 1,5 p.c. et de ne devoir aucun interet sur lagarantie » et decide que des interets produits par la garantie locativecompensent ceux qui sont dus sur les loyers.

Aucune disposition legale d'ordre public ne prevoit que les obligationsreciproques des parties à un contrat de location d'engin doivent etreequivalentes au point que, des lors qu'une clause du contrat prevoit quele preneur est debiteur d'interets de retard sur les loyers, d'une part,la clause suivant laquelle la garantie locative constituee par le preneurne porte pas d'interets est nulle, d'autre part, le bailleur doit payer aupreneur des interets sur cette garantie locative.

Le principe general du droit prohibant l'abus de droit ne justifie pasl'octroi au preneur d'interets sur la garantie locative conservee par lebailleur, malgre une clause du contrat stipulant que cette garantie neproduit pas d'interets, pour le seul motif qu'une autre clause met àcharge du preneur des interets de retard sur les loyers.

En rejetant la demande en paiement d'interets de retard pour les motifsprecites, l'arret meconnait le principe general du droit prohibant l'abusde droit et viole les articles 6, 1134 et 1135 du Code civil.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Sur le troisieme moyen :

Le jugement dont appel ordonnait au defendeur de restituer l'engin loue àla demanderesse et deboutait les parties de leurs demandes pour lesurplus.

Dans ses conclusions d'appel, le defendeur soutenait « que la restitution[de l'engin loue] ne peut se concevoir que pour autant que [lademanderesse] s'engage egalement à restituer la grue » remise à lademanderesse en garantie du respect de ses obligations de locataire ; ildeclarait, « pour le surplus, solliciter confirmation du jugement dontappel ».

Par ces conclusions, le defendeur formait un appel incident demandant lacondamnation de la demanderesse à lui restituer la grue, en contrepartiede son obligation de restituer l'engin loue.

Dans ses conclusions d'appel et de synthese, la demanderesse repondait quec'etait « la valeur [de la grue], 91.500 francs, et non [la grue, quiavait] ete affectee à la constitution de la garantie locative » ; ellecontestait devoir restituer cette garantie, au motif que le defendeur luidevait encore des loyers.

L'arret considere que la garantie locative est constituee du montant de91.500 francs et non de la grue meme ; il admet que le defendeur a payeles loyers en principal et il deboute la demanderesse de sa demanderelative aux interets de retard.

En condamnant dans ces circonstances la demanderesse à restituer audefendeur l'equivalent en euros de la somme de 91.500 francs des que cedernier aura remis l'engin loue à la demanderesse, l'arret ne viole pasla disposition legale et ne meconnait pas le principe general du droitinvoques au moyen.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il rejette la demande formee par lademanderesse contre les defendeurs en paiement, d'une part, d'interets deretard sur les loyers echus pendant la duree de cinq ans initialementconvenue et, d'autre part, d'une indemnite pour l'usage du bien loue aprescette duree, et qu'il statue sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du vingt-deux novembre deux mille douze par le presidentChristian Storck, en presence du procureur general Jean-Franc,oisLeclercq, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

22 NOVEMBRE 2012 C.11.0443.F/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0443.F
Date de la décision : 22/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-22;c.11.0443.f ?
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