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09/11/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0146.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 novembre 2012, C.12.0146.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0146.N

C. A.,

Me Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,

contre

A. D. J.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 septembre2011 par la cour d'appel d'Anvers.

L'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusions ecrites le 5octobre 2012.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens lib

elles comme suit :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 887, 888, 2044, 2048, 2049, 2052 à 2058 du Code ci...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0146.N

C. A.,

Me Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,

contre

A. D. J.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 septembre2011 par la cour d'appel d'Anvers.

L'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusions ecrites le 5octobre 2012.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles comme suit :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 887, 888, 2044, 2048, 2049, 2052 à 2058 du Code civil ;

- articles 1287 et 1288 du Code judiciaire, modifies par les lois des 1erjuillet 1972, 30 juin 1994, 13 avril 1995 et 20 mai 1997 mais avant leurmodification par la loi du 27 avril 2007 et, pour autant que de besoin,modifies par cette loi.

Decisions et motifs critiques

Par confirmation du jugement du premier juge, l'arret rejette la demandedu demandeur tendant à la rescision, pour cause de lesion de plus duquart, fondee sur les articles 887 et 888 du Code civil, de la conventionprealable au divorce par consentement mutuel passee devant notaire le 6juin 2002.

Il motive cette decision de la maniere suivante :

« Le demandeur soutient qu'il a ete lese pour plus du quart par leditacte et en demande la rescision sur la base des articles 887 et 888 duCode civil.

C'est à tort que la defenderesse, suivie par le premier juge, invoque queces dispositions ne s'appliquent pas à d'autres partages que ceux quiresultent d'une succession.

L'egalite entre les indivisaires est, en effet, fondamentale dans toutesles indivisions, meme celles qui resultent de la dissolution du patrimoinecommun (voir notamment H. De Page, Traite elementaire de droit civilbelge, t. IX, 1974, nDEG 1479, p. 1055 ; article 1476 (ancien), du Codecivil).

C'est aussi à tort que la defenderesse, egalement suivie par le premierjuge, invoque que ces dispositions ne seraient pas applicables des lorsqu'il s'agit, en l'espece, d'une transaction.

Un coheritier peut s'opposer, en raison d'une lesion de plus du quart àson prejudice, à une transaction qui a pour but de mettre fin àl'indivision, (voir notamment Cass., 28 janvier 2012 ; Cass., 21 octobre1943 ; De Page, Traite elementaire de droit civil belge, t. IX, 1974, nDEG1474, pp. 1048-1055 ; comp. Pintens, `De vernietiging van deovereenkomsten bij echtscheidingen door onderlinge toestemming', R.W.,2000-2001, 241).

La convention prealable au divorce par consentement mutuel implique unetransaction qui vise non seulement à mettre fin à l'indivision maiscomporte aussi quelques autres stipulations, notamment en ce qui concerneles obligations alimentaires. En outre, il faut aussi tenir compte desconcessions eventuellement importantes qu'un epoux est dispose à faireafin d'obtenir coute que coute le divorce.

Meme si les clauses relatives à la reglementation des droits reciproqueset à la pension apres divorce sont soumises aux regles du droit desobligations, l'appreciation de l'equivalence des prestations exige quel'on tienne compte de la nature speciale et du contexte de cette sorte deconvention, en raison, plus specialement, de ce qu'un prix peut etreconvenu pour que le conjoint puisse recuperer integralement ses droitspersonnels. En ce sens - restreint - les conventions prealables au divorcepar consentement mutuel ne sont pas des conventions comme les autres (comp. P. Senaeve, `De nietigverklaring van een beding van eenovereenkomst voorafgaand aan de echtscheiding door onderlinge toestemmingna de ontbinding van het huwelijk', E.J., 2001/2, p. 29, nDEG 12 ; voiraussi W. Pintens, `De vernietiging van de overeenkomsten bij echtscheidingdoor onderlinge toestemming', R.W., 2000-2001, 241).

Le rescision pour cause de lesion est donc exclue en ce qui concerne cetteconvention prealable (...).

La convention prealable prevoit en effet `que, pour regler les droits, lesparties declarent partager les biens qui leur appartiennent de la manieresuivante'. Il ne ressort, toutefois, d'aucun element objectif produit enquoi consistent lesdits biens meubles et comptes d'epargne et bancaires,de sorte qu'on ne sait en quoi consistent les actifs à partager ».

Griefs

1. L'article 887, alinea 2, du Code civil dispose qu'il peut y avoir lieuà rescision d'un partage lorsqu'un des coheritiers etablit, à sonprejudice, une lesion de plus du quart.

L'article 888, alinea 1er, de ce meme code dispose que l'action enrescision est admise contre tout acte qui a pour objet de faire cesserl'indivision entre coheritiers, encore qu'il fut qualifie de vente,d'echange et de transaction, ou de toute autre maniere.

Ces principes s'appliquent à tous les partages et particulierement aupartage de l'indivision resultant de la dissolution d'un patrimoineconjugal.

Sur la base de ces dispositions, un coproprietaire partageant peutattaquer une transaction pour cause de lesion de plus du quart si elle apour objectif de mettre fin à l'indivision (Cass., 21 octobre 1943, Pas.,1944, I, 18, avec les conclusions du procureur general R. Hayoit deTermicourt ; 21 novembre 1946, J.T., 1947, 68, et la note signee Ferrier ;R.C.J.B., 1947, 96, et la note signee R. Piret ; Cass., 28 janvier 2012,C.09.0036.N). Il ne ressort pas des articles 2044, 2048, 2049, 2052 à2058 du Code civil, qui qualifient et reglent la transaction, etspecialement pas de l'article 2052, alinea 2, en vertu duquel on ne peutattaquer la transaction pour cause de lesion, que les articles 887 et 888ne s'appliqueraient pas à une transaction qui a pour but ou pour effet demettre fin à une indivision.

2. L'article 1287, alinea 1er, du Code judiciaire dispose que les epouxdetermines à operer le divorce par consentement mutuel sont tenus deregler prealablement leurs droits respectifs, sur lesquels il leur seraneanmoins libre de transiger.

L'article 1288 de ce meme code dispose que les epoux determines à opererle divorce par consentement mutuel sont tenus de constater par ecrit leurconvention sur certains points.

Les conventions prealables prevues par ces deux articles sont soumises audroit des obligations et au droit general des contrats (Cass., 16 juin2000, nDEG 374, avec les conclusions contraires de monsieur l'avocatgeneral Dubrulle ; R.C.J.B., 2002, 400, et la note signee H. Casman).

Si la convention prealable reglant les droits reciproques des parties apour objectif ou pour effet de mettre fin à une indivision entre lesepoux, un ancien epoux peut attaquer cette convention pour cause de lesionde plus du quart.

3. L'arret constate que la convention prealable litigieuse avait declareque les biens appartenant aux parties devaient etre partages. L'arret, quidecide que « les actifs à partager » ne resultent d'aucun elementobjectif, mais qui ne nie pas que la convention prealable avait pourobjectif ou pour effet de partager les actifs, n'a pu legalement deciderque le demandeur n'etait pas autorise à attaquer la convention prealablesur la base des articles 887 et 888 du Code civil.

L'arret viole, des lors, les articles 887 et 888 du Code civil et toutesles autres dispositions legales visees au moyen.

Second moyen

Disposition legale violee

Principe general du droit relatif au respect des droits de la defense

Decisions et motifs critiques

Par confirmation du jugement du premier juge, l'arret rejette la demandedu demandeur tendant à la rescision, pour cause de lesion de plus duquart, fondee sur les articles 887 et 888 du Code civil, de la conventionprealable au divorce par consentement mutuel passee devant notaire le 6juin 2002.

Il motive cette decision de la maniere suivante :

« En outre, et de maniere surabondante, il y a lieu de remarquer que ledemandeur, à qui incombe la charge de la preuve, ne demontre pas qu'il aete lese de plus du quart dans le partage des biens.

La convention prealable prevoit en effet que les parties `se sontattribues mutuellement et de maniere detaillee, à la demande du notairesoussigne, l'ensemble de leurs biens communs meubles et immeubles ettoutes leurs dettes, indemnites et conventions en cours devant etrereglees conformement à l'article 1287 du Code judiciaire' et, qu' àfinde regler tous les droits, les parties declarent partager les biens quileur appartiennent de la maniere suivante : les meubles et objetsmobiliers, les comptes d'epargne et les comptes en banque, partages entreles parties, et que chacune declare avoir en sa possession'. Il ne ressorttoutefois d'aucun element objectif en quoi consistent les biens meubles etles comptes d'epargne et comptes bancaires precites, de sorte qu'iln'apparait pas quels sont les actifs à partager et que l'on ne peutdecider que le demandeur a ete lese de plus du quart lors du partage ».

Griefs

Dans ses conclusions de synthese prises en degre d'appel, le demandeuravait soutenu :

« Il a ainsi signe un acte notarie en date du 6 juin 2002 lui attribuantà peine quelque chose.

Les vetements et les objets personnels, l'argent, les meubles et lesobjets mobiliers lui appartenant, ainsi que les comptes d'epargne et lescomptes bancaires qu'il a conserve n'avaient aucune valeur. Leur valeurn'etait en tout cas pas superieure à ce que la defenderesse a obtenu pources postes.

La defenderesse a obtenu notamment le bien immeuble qui avait ete financepresque exclusivement par les fonds propres du demandeur ; ces fondspropres provenaient de la vente du seul bien immeuble du demandeur situeaux Pays-Bas.

La defenderesse evalue elle-meme, dans ses conclusions prises en premiereinstance, la valeur de ce bien immeuble à 200.000 euros. Cela demontreque le demandeur a ete lese de plus du quart.

La defenderesse ne peut d'ailleurs pas contester que la partie mobilieredu patrimoine conjugal etait insignifiante comparee à la valeur du bienimmeuble, ce qui ressort de ses conclusions prises en premiere instancedans lesquelles ces faits n'ont jamais ete contestes.

Meme si le demandeur avait obtenu une part plus importante - quod non - , cela n'aurait ete qu'une partie infime de la valeur du bien immeuble. A ladate de l'acte notarie du divorce par consentement mutuel ou à la date dujugement du divorce par consentement mutuel, la valeur totale des comptesbancaires attribues au demandeur etait largement inferieure à 2.500euros, ce que celui-ci offre de prouver, en ordre subsidiaire, endemandant à la banque une attestation à ce propos et en la presentant àla cour [d'appel].

Les vetements et les objets personnels ou l'argent disponible etaientminimes, comme dans la majorite des couples maries, vu le caracterenotoire et confirme du style de vie des parties au cours de leur mariage,le demandeur offrant, en ordre subsidiaire, d'en apporter la preuve.

La defenderesse a, en premiere instance, obtenu le bien immeuble, soit leseul element ayant de la valeur.

En utilisant une base de calcul erronee de 200.000 euros pour l'indemnitede procedure, la defenderesse reconnait la lesion invoquee ».

Dans ses conclusions deposees devant la cour d'appel, la defenderesse n'apas invoque que le demandeur n' a pas apporte la preuve de la lesion deplus du quart. La defenderesse n'a pas nie que le bien immobilier qui luia ete attribue, et qu'elle avait elle-meme evalue 200.000 euros, etait leseul bien de valeur.

En rejetant la demande du demandeur sur la base des motifs invoquesd'office auxquels le demandeur n'a pas pu repondre, l'arret meconnait leprincipe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

III. la decision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. L'article 1287, alinea 1er, du Code judiciaire dispose que les epouxdetermines à operer le divorce par consentement mutuel sont tenus deregler prealablement leurs droits respectifs, sur lesquels il leur seraneanmoins libre de transiger.

2. La convention prealable est une convention de droit familial de natureparticuliere, qui est soumise aux regles generales du droit desobligations, etant entendu que, eu egard à sa nature et à son economie,elle ne peut etre attaquee du chef d'erreur ou de lesion, les partiesetant censees avoir prevu ces risques au moment de la conclusion de laconvention.

3. En considerant que la convention prealable des parties ne vise pasuniquement à mettre fin à l'indivision mais qu'elle contient aussi uncertain nombre d'autres stipulations et que, « pour apprecierl'equivalence des prestations, on doit tenir compte de la nature specialeet du contexte d'une telle convention », l'arret justifie legalement sadecision qu'une rescision de la convention prealable pour cause de lesionen vertu des articles 887 et 888 du Code civil est exclue.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen

4. Dirige contre des motifs surabondants, le moyen, denue d'interet, estirrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, les conseillers BeatrijsDeconinck, Alain Smetryns, Koen Mestdagh et Mireille Delange, et prononceen audience publique du neuf novembre deux mille douze par le president desection Eric Dirix, en presence de l'avocat general Guy Dubrulle, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president,

9 novembre 2012 C.12.0146.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0146.N
Date de la décision : 09/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-09;c.12.0146.n ?
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