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09/11/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0051.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 novembre 2012, C.12.0051.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0051.N

R. C.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

A. B.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 septembre2011 par la cour d'appel de Gand.

L'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusions ecrites le 5octobre 2012.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. le moyen de cassat

ion

Le demandeur invoque un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* principe general du droi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0051.N

R. C.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

A. B.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 septembre2011 par la cour d'appel de Gand.

L'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusions ecrites le 5octobre 2012.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. le moyen de cassation

Le demandeur invoque un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* principe general du droit relatif à l'autonomie des parties dans leproces civil, dit principe dispositif, en vertu duquel les partiesont en matiere civile le droit de determiner elles-memes les limitesdu litige, consacre notamment par l'article 1138, 2DEG, du Codejudiciaire ;

* principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense ;

* articles 774, alinea 2, et 1287 du Code judiciaire ;

* pour autant que de besoin, articles 1118, 2044, 2052, alinea 2, et2053 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont decide que la demande de la defenderesse tendant àl'annulation des accords patrimoniaux contenus dans l'acte de divorce parconsentement mutuel est admissible et ont rejete la defense invoquee parle demandeur suivant laquelle l'acte de divorce par consentement mutuelconcerne en l'espece une transaction et qu'un tel acte ne peut etreattaque ni sur la base de l'erreur de droit ou de la lesion ni meme surla base du dol ou de la violence et ce, sur la base de la motivationsuivante :

« 1.3. Il est admis de maniere generale depuis la loi du 30 juin 1994que la convention reglant prealablement les droits respectifs des epouxetablie dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel est soumise auxregles du droit des obligations.

Une clause de la convention prealable peut etre declaree nulle des lorsque la nullite de cette clause ne porte pas atteinte au divorce lui-meme(voir dans le meme sens : Cass., 16 juin 2000, R.W., 2000-2001, 238).

L'article 2052 du Code civil ne s'applique à la convention prealable quesi elle est consideree comme une veritable transaction au sens del'article 2044 du Code civil ; cette disposition legale exclut l'erreur dedroit et la lesion comme cause de nullite.

Cela implique qu'en application de l'article 2053 du Code civil, lalegalite de l'acte prealable vise à l'article 1287 du Code judiciaire -en l'espece les clauses patrimoniales qu'elle contient - peut etreattaquee sur la base de certains vices de consentement pour autant que cetacte ne puisse etre considere comme une veritable transaction.

Des lors que rien n'empeche que les epoux conviennent d'un partage tout àfait inegal de l'actif et du passif dans la convention prealable, latheorie de la lesion ordinaire ne peut toutefois s'appliquer.

Cela n'exclut toutefois pas l'application de la lesion qualifiee ou del'abus de circonstances ».

Les juges d'appel ont ensuite decide que la defenderesse etait capable etqu'elle n'apporte pas la preuve que l'acte aurait ete etabli à la suited'une violence exercee par le demandeur à son egard, qu'il n'est pasdavantage etabli que le demandeur se serait rendu coupable de dolprincipal, mais ils ont neanmoins decide ensuite que le demandeur a abusede la position de faiblesse de la defenderesse à l'epoque ou lesdispositions patrimoniales de l'acte de divorce par consentement mutuel du7 septembre 1995 ont ete etablies et ont decide, par ces motifs, qu'ilexiste, en l'espece, des indices serieux que le reglement global desdroits patrimoniaux des epoux est entache d'une lesion qualifiee, mais onten outre decide que, eu egard à l'absence d'inventaire et compte tenu dufait que les parties ont prealablement procede à des attributions oupartages partiels, il est indique qu'un expert soit designe en vue del'etablissement d'un inventaire complet. Enfin, les juges d'appel ontrejete la demande de la defenderesse fondee sur un pretendu detournementet accorde à la defenderesse un montant provisionnel de 5.000 euros.

Griefs

Conformement au principe general du droit relatif à l'autonomie desparties dans le proces civil, dit principe dispositif, les parties ont ledroit, en matiere civile, de determiner elles-memes les limites du litigequ'elles soumettent au juge. Ce principe est consacre notamment parl'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire.

Il ressort de la lecture des dernieres conclusions de synthese des partiesqu'il n'existait pas de contestation entre elles sur le fait que l'acte dedivorce par consentement mutuel du 7 septembre 1995 qu'elles ont concludevait etre considere comme une transaction. Le demandeur a ainsi invoquedans ses conclusions de synthese II du 13 fevrier 2009 que :

« La convention de divorce par consentement mutuel doit etre qualifiee detransaction.

La doctrine et la jurisprudence conviennent que la transaction concluedans le cadre d'un divorce par consentement mutuel ne peut etre attaqueeni pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lesion, ni meme en casde dol ou de violence. Cela implique une derogation à l'article 2053 duCode civil. Cette interpretation est fondee sur le fait que la procedureprend un certain temps, les epoux ayant ainsi l'opportunite de constatereux-memes les vices eventuels, et sur la consideration que les sanctionsà appliquer pourraient porter atteinte à un divorce dejà definitivementprononce.

En ce qui concerne la lesion, il faut encore remarquer que rien n'empecheles epoux de convenir d'un partage tout à fait inegal des actifs et dupassif. Il en resulte qu'un des epoux ne peut invoquer la lesion ».

La defenderesse avait admis que l'acte de divorce par consentement mutueldevait etre considere comme une transaction, ainsi qu'il ressort de sesconclusions de synthese du 12 janvier 2009 dans lesquelles elle faisaitvaloir : « La transaction conclue entre la defenderesse et le demandeurafin de mettre fin à leur mariage est entachee, des l'origine, d'un vicede consentement ». Elle poursuivait : « Outre la nullite du contrat duchef de dol, la convention de divorce pour consentement mutuel, en tantque transaction, pourrait aussi etre rescindee pour cause de lesionqualifiee ».

Il ressort, des lors, de la lecture conjointe des conclusions de synthesedes deux parties qu'elles admettaient que l'acte de divorce parconsentement mutuel conclu entre elles devait etre qualifie detransaction. Les juges d'appel ont toutefois decide que « l'article 2052du Code civil ne s'applique à la convention prealable que si elle peutetre consideree comme une veritable transaction au sens de l'article 2044du Code civil : cette disposition legale exclut l'erreur de droit et lalesion en tant que causes de nullite. Cela implique qu'en application del'article 2053 du Code civil, la legalite de la convention prealable,visee à l'article 1287 du Code judiciaire, en l'espece, les clausespatrimoniales qu'elle contient - pour autant que cette convention ne soitpas consideree comme une veritable transaction - , peut etre attaquee surla base de certains vices de consentement. Des lors que rien n'empeche queles epoux aient convenu d'un partage tout à fait inegal des actifs et despassifs, la lesion ordinaire n'est toutefois pas applicable. Cela n'excluttoutefois pas l'application de la lesion qualifiee et d'abus descirconstances ». Toutefois, les juges d'appel ont ensuite decide que lesparties n'ont pas conclu de transaction au sens de l'article 2044 du Codecivil et que, des lors, l'annulation des clauses patrimoniales contenuesdans l'acte de divorce par consentement mutuel peut etre demandee sur labase du dol, de la violence et de la lesion qualifiee. Les juges d'appelont ainsi souleve d'office un litige qui n'existait pas entre les partiesdes lors que celles-ci s'accordaient pour admettre que l'acte de divorcepar consentement mutuel conclu entre elles devait etre qualifie detransaction. En soulevant ainsi d'office un litige qui etait exclu par lesparties dans leurs conclusions, les juges d'appel ont viole le principe del'autonomie des parties dans le proces civil, dit principe dispositif, envertu duquel, en matiere civile, les parties ont le droit de fixerelles-memes les limites du litige qu'elles soumettent au juge, qui estconsacre par l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire. En statuant plusavant sur la demande de nullite introduite par la defenderesse, partant del'hypothese que l'acte de consentement mutuel ne peut etre considere commeune transaction, sans permettre au demandeur de conclure en la cause, lesjuges d'appel ont viole, en outre, les droits de defense du demandeur(violation du principe general du droit relatif au respect des droits dela defense) et, en omettant aussi d'ordonner la reouverture des debats,ils ont aussi viole l'article 774, alinea 2, du Code judiciaire.

En decidant enfin que le demandeur a abuse de la position de faiblesse dela defenderesse, ils ont, en outre, viole les dispositions des articles1118, 2052, alinea 2, et 2053 du Code civil.

III. la decision de la Cour

Sur le moyen :

Sur la fin de non-recevoir :

1. La defenderesse oppose au moyen une fin de non-recevoir deduite de ceque la critique suivant laquelle les juges d'appel ont decide que laconvention prealable au divorce par consentement mutuel ne constitue pasune transaction alors que cette qualification n'etait pas en cause, estsans interet des lors qu'un tel acte, quelle que soit sa qualification,peut toujours etre attaque sur la base de la lesion qualifiee.

2. Une convention prealable au divorce par consentement mutuel restesoumise aux regles du droit des obligations comme toute convention dedroit patrimonial. Une telle convention, fut-elle qualifiee detransaction, peut etre attaquee sur la base de la lesion qualifiee,c'est-à-dire le prejudice qui consiste en une disproportion manifesteentre les prestations stipulees entre les parties et qui resulte du faitqu'une des parties abuse de la position de faiblesse de l'autre.

3. Les juges d'appel ont, des lors, pu legalement decider, independammentde la qualification donnee à la convention, que la defenderesse pouvaitattaquer l'acte sur la base de la lesion qualifiee, de sorte que le moyenest sans interet.

La fin de non-recevoir est fondee.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, les conseillers BeatrijsDeconinck, Alain Smetryns, Koen Mestdagh et Mireille Delange, et prononceen audience publique du neuf novembre deux mille douze par le president desection Eric Dirix, en presence de l'avocat general Guy Dubrulle, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president,

9 novembre 2012 C.12.0051.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0051.N
Date de la décision : 09/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-09;c.12.0051.n ?
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