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08/11/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0026.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 novembre 2012, C.12.0026.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3932



NDEG C.12.0026.F

WILBOIS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Houffalize(Mabompre), Vellereux, 4,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. I.B.V. & CIE, societe anonyme dont le siege social est etabli àHerstal, Parc industriel des Hauts Sarts, 4e avenue, 66,

defenderesse en cassation,

representee

par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3932

NDEG C.12.0026.F

WILBOIS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Houffalize(Mabompre), Vellereux, 4,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. I.B.V. & CIE, societe anonyme dont le siege social est etabli àHerstal, Parc industriel des Hauts Sarts, 4e avenue, 66,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

2. F. H., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Wilforest,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 septembre2011 par la cour d'appel de Liege.

Le 16 octobre 2012, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Andre Henkesa ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 5, 7 et 56 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuitedes entreprises

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare irrecevable l'appel forme conjointement par lademanderesse et le defendeur en sa qualite de curateur de la societeanonyme Wilforest contre le jugement ayant homologue le plan dereorganisation de la defenderesse, fondant cette decision sur ce que :

« Selon l'article 56 de la loi relative à la continuite des entreprises,l'appel `est dirige contre le debiteur ou contre les creanciers, selon lecas'.

1. L'article 5 de la loi relative à la continuite des entreprisesprevoit, en son alinea 2, que, ` sauf dispositions contraires, lesdecisions du tribunal sont susceptibles de recours selon les modalites etdans les delais prevus par le Code judiciaire' tandis que, en ses alineas5 et 6, il precise que ` tout interesse peut intervenir dans lesprocedures prevues par la presente loi, conformement aux articles 812 à814 du Code judiciaire', mais qu'à defaut d'une telle intervention, lesimple fait d'etre entendu ou de deposer un ecrit ne fait pas acquerir `laqualite de partie'.

Il en resulte que `le terme « creanciers » dont question à l'article 56de la loi à propos de la procedure d'appel doit s'entendre, à defaut dederogation expresse au Code judiciaire et [en vertu] de l'article 5 de laloi, des creanciers ayant fait intervention à la cause. Seul le creancierayant fait intervention au sens de l'article 5 de la loi est recevable àformer appel contre le debiteur dans les conditions prevues à l'article56 de la loi' (Liege, 24 juin 2010, RG 2009/1947).

De la meme fac,on, en cas de refus d'homologation, le debiteur quiinterjette appel doit le diriger contre les seuls creanciers qui ont faitintervention à la cause en [premiere] instance.

2. Lorsque l'auteur du recours est, non le debiteur, mais un creancier quia la qualite de partie, doit-il diriger son recours contre le seuldebiteur ou, ainsi que le prevoit le droit commun de l'article 1053 duCode judiciaire lorsqu'il s'agit d'un litige indivisible, egalement contreles parties qui ont un interet oppose au sien, les autres parties ni dejàintimees ou appelees devant par ailleurs etre mises à la cause ?

Lors des travaux preparatoires, le legislateur a insiste, à propos del'article 5 de la loi sur la continuite [des entreprises], sur ce qu' `engeneral, les dispositions du Code judiciaire seront applicables auxprocedures decrites dans cet amendement. Ceci vaut notamment en ce quiconcerne les voies de recours, sauf quand une disposition expresse yderoge' (Doc. parl., Chambre, 52 0160/002, p. 47). Le legislateur atraduit cette volonte en soulignant, à l'article 5, alinea 2, de la loi,que les recours sont organises selon les modalites du Code judiciaire`sauf dispositions contraires'.

Par ailleurs, il a ete rappele que la disposition relative àl'intervention `etait necessaire pour eviter toute ambiguite quant austatut de « partie » que peuvent avoir les interesses à la suite decontacts informels ou plus ou moins formalises avec le tribunal. Cecipermettra de leur assurer une plus grande liberte dans leur action et, enmeme temps, evitera à ceux qui sont dejà partie de devoir se demanderqui il faut impliquer lors de l'exercice d'une voie de recours' (Doc.parl., Chambre, 52 0160/002, p. 47).

La formulation adoptee à l'article 56 de la loi sur la continuite [desentreprises] ne permet pas de conclure qu'il deroge à l'article 1053 duCode judiciaire. En ce qu'il prevoit que le recours du creancier estdirige contre le debiteur, et non `contre le seul debiteur', l'article 56n'exclut pas que, lorsque d'autres creanciers ont fait intervention enpremiere instance, ceux-ci doivent, le cas echeant, etre mis à la causeselon le droit commun de l'article 1053 du Code judiciaire.

La circonstance que, sur un plan general, le legislateur ait apporte desderogations ponctuelles au droit commun du Code judiciaire - tout en ayantpris soin de rappeler qu'il demeurait applicable `sauf dispositionscontraires'-, qu'il ait organise une mesure de publicite specifique en cequi concerne le jugement d'homologation ou encore qu'il n'ait pas entendunecessairement faire participer `toutes les personnes affectees par lesprocedures visees dans la loi à ces dernieres' n'est pas de nature àmodifier la lecture de l'article 56 precite.

Il reste des lors à determiner si la cause relative à l'homologation duplan de reorganisation judiciaire constitue un litige indivisible »,question à laquelle l'arret attaque repond par l'affirmative pourdifferents motifs qu'il enonce.

Faisant des lors application de l'article 1053 du Code judiciaire, l'arretattaque conclut ainsi à l'irrecevabilite de l'appel sur la base notammentdes considerations suivantes :

« Par leur requete en intervention volontaire, qui s'est egalementtraduite par leur vote favorable lors de l'assemblee des creanciers, lasociete anonyme BNP Paribas Fortis Banque, la societe anonyme ING Belgiqueet la societe anonyme Fortis Lease ont marque un interet oppose à celui[de la demanderesse et du defendeur], qui sont intervenus à la cause pourentendre refuser l'homologation du plan et ont vote negativement.L'interet oppose ne requiert pas que les parties intervenantes aientformule une demande à l'encontre [de la demanderesse et du defendeur] -ce qui pour le surplus n'est guere compatible avec l'objet de la procedureen cause -, l'existence d'une contestation sous-jacente entre les parties,traduite, d'une part, par l'intervention des organismes precites visant àdonner acte de leur accord sur le plan (moyennant une reserve non admisepar les premiers juges) et, d'autre part, par une intervention [de lademanderesse et du defendeur] visant à voir refuser l'homologation duplan, etant suffisante.

Ces parties intervenantes n'ont pas ete mises à la cause en degred'appel.

Elles ne pourraient plus l'etre utilement : le delai d'appel est en effetde huit jours à partir de la notification du jugement (article 56, alinea2, de la loi), laquelle a en l'espece eu lieu par la publication dujugement d'homologation prevue à l'article 55, alinea 5, de la loi, etce, par application de l'article 6, alinea 2, de la loi. Le jugement ayantete publie au Moniteur belge du 15 septembre 2010, le delai de huit joursest expire ».

Griefs

Il est exact qu'en vertu de l'article 1053 du Code judiciaire, « lorsquele litige est indivisible, l'appel doit etre dirige contre toutes lesparties dont l'interet est oppose à celui de l'appelant ».

Il decoule cependant des articles 5 et 7 de la loi du 31 janvier 2009relative à la continuite des entreprises que les voies de recours contreles decisions rendues dans le cadre des procedures qu'elle organise nesont soumises aux regles de droit commun prevues par le Code judiciaireque pour autant qu'il n'y soit pas deroge par cette loi.

Or, celle-ci dispose en son article 56 :

« Le jugement statuant sur la demande d'homologation n'est passusceptible d'opposition.

L'appel en est forme par requete deposee au greffe de la cour d'appel dansles huit jours de la notification du jugement et est dirige contre ledebiteur ou contre les creanciers, selon le cas. Le greffier de la courd'appel notifie la requete sous pli judiciaire aux parties interessees et,le cas echeant, à leur avocat, au plus tard le premier jour ouvrable quisuit son depot.

Si le jugement refuse l'homologation, l'appel est suspensif ».

Il suit de ce texte que l'appel contre le jugement statuant sur la demanded'homologation « est dirige contre le debiteur ou contre les creanciers,selon le cas », c'est-à-dire selon que l'appelant est le creancier ou ledebiteur.

Cette disposition prevoit ainsi clairement que lorsque l'appelant est ledebiteur, l'appel doit etre dirige contre tous les creanciers à la cause,mais que lorsqu'il s'agit, comme en l'espece, d'un creancier, il suffitque celui-ci dirige son recours contre le seul debiteur.

Ce faisant, l'article 56 de la loi du 31 janvier 2009 relative à lacontinuite des entreprises deroge expressement à la regle prevue àl'article 1053 du Code judiciaire en cas de litige indivisible des lorsqu'il prevoit contre qui le creancier doit diriger son appel, enl'occurrence le debiteur, le dispensant des lors de mettre à la cause lesautres creanciers parties intervenantes à la cause.

En considerant que l'appel de la demanderesse devait etre dirige nonseulement contre le debiteur, en l'occurrence la [defenderesse], maisaussi contre les autres creanciers à la cause en premiere instance, àsavoir la societe anoyme ING Belgique, la societe anonyme Fortis Lease etla societe anonyme BNP Paribas Fortis Banque, alors que l'article 56 de laloi du 31 janvier 2009 relative à la continuite des entreprises, en nel'imposant pas, deroge à la regle prevue à l'article 1053 du Codejudicaire, l'arret attaque viole l'article 56 de ladite loi du 31 janvier2009 et, pour autant que de besoin, les articles 5 et 7 de cette loi.

III. La decision de la Cour

Sur la premiere fin de non-recevoir opposee au pourvoi par la defenderesseet deduite de ce qu'il est tardif pour avoir ete introduit plus de troismois apres la notification par le greffe de l'arret attaque :

L'article 5, alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009 relative à lacontinuite des entreprises dispose que, sauf dispositions contraires, lesdecisions du tribunal sont susceptibles de recours selon les modalites etdans les delais prevus par le Code judiciaire.

Aux termes de l'article 7 de la loi precitee, sauf lorsqu'une modificationou une derogation resulte d'un texte expres de cette loi, celle-ci n'a paspour objet de modifier des lois anterieures ni d'y apporter unederogation.

Suivant l'article 55, dernier alinea, de cette loi, le jugement qui statuesur l'homologation est publie par extrait au Moniteur belge par les soinsdu greffier.

Cette disposition s'applique egalement à l'arret qui statue sur l'appelde ce jugement.

En vertu des articles 5, alinea 3, et 6, alinea 2, de la meme loi, lorsquecelle-ci dispose que des decisions sont publiees par extrait au Moniteurbelge, cette publication vaut notification et les delais commencent àcourir du jour de la publication.

Ces dispositions ne derogent pas expressement à l'article 1073 du Codejudiciaire, selon lequel, hormis les cas ou la loi etablit un delai pluscourt, le delai pour introduire le pourvoi en cassation est de trois moisà partir du jour de la signification de la decision attaquee ou de lanotification de celle-ci faite conformement à l'article 792, alineas 2 et3.

Il s'ensuit que la signification ou la publication au Moniteur belge del'arret qui statue sur l'appel fait courir le delai de pourvoi encassation mais que tel n'est pas le cas de la notification par le greffe,qui n'est d'ailleurs prescrite par aucune disposition legale.

L'arret attaque n'a fait l'objet d'aucune publication au Moniteur belge etil a ete signifie le 19 octobre 2011.

Des lors, le pourvoi en cassation, introduit le 19 janvier 2012, n'est pastardif.

Sur la seconde fin de non-recevoir opposee au pourvoi par la defenderesseet deduite de ce qu'il n'est pas dirige contre la decision critiquee :

En faisant valoir qu'il resulte des motifs de l'arret d'avant dire droitdu 12 mai 2011 que la cour d'appel aurait dejà decide definitivement quel'article 56 de la loi du 31 janvier 2009 ne deroge pas à l'article 1053du Code judiciaire, la defenderesse n'oppose pas une fin de non-recevoirau pourvoi mais conteste le fondement du moyen.

Les fins de non-recevoir ne peuvent etre accueillies.

Sur le moyen :

L'arret attaque considere, sans etre critique, que le litige relatif àl'homologation du plan revet un caractere indivisible.

Aux termes de l'article 1053, alineas 1er et 2, du Code judiciaire,lorsque le litige est indivisible, l'appel doit etre dirige contre toutesles parties dont l'interet est oppose à celui de l'appelant. Ce dernierdoit, en outre, dans les delais ordinaires de l'appel et au plus tardavant la cloture des debats, mettre en cause les autres parties nonappelantes ni dejà intimees ou appelees.

L'article 5, alinea 2, de la loi du 31 janvier 2009 dispose que, saufdispositions contraires, les decisions du tribunal sont susceptibles derecours selon les modalites et dans les delais prevus par le Codejudiciaire.

En vertu de l'article 56 de cette loi, l'appel du jugement statuant sur lademande d'homologation est dirige contre le debiteur ou contre lescreanciers, selon le cas. Cette disposition ne deroge pas à l'article1053 precite.

Il s'ensuit que, lorsque l'appel d'un tel jugement est interjete par unepartie autre que le debiteur, l'appelant doit diriger son appel contretoutes les parties dont l'interet est oppose au sien et doit, en outre,mettre à la cause les autres parties non appelantes ni dejà intimees ouappelees.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la defenderesse aux depens du memoire en replique et lademanderesse aux autres depens.

Les depens taxes à la somme de mille six cent vingt euros vingt et uncentimes envers la partie demanderesse, dont cent trente et un eurosvingt-quatre centimes concernant le memoire en replique, et à la somme decent trente et un euros vingt-quatre centimes envers la premiere partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout etMichel Lemal, et prononce en audience publique du huit novembre deux milledouze par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

8 NOVEMBRE 2012 C.12.0026.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0026.F
Date de la décision : 08/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-08;c.12.0026.f ?
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