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05/11/2012 | BELGIQUE | N°S.12.0020.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 novembre 2012, S.12.0020.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

719



NDEG S.12.0020.F

Z. M.,

demanderesse en cassation,

admise au benefice de l'assistance judiciaire par ordonnance du premierpresident du 14 fevrier 2012 (nDEG G.12.0016.F),

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

Centre Public d'Action Sociale de Liege, dont les bureaux sont etablis àLiege, place Saint-Jacques, 13,

defendeur en cassation,
r>represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de C...

Cour de cassation de Belgique

Arret

719

NDEG S.12.0020.F

Z. M.,

demanderesse en cassation,

admise au benefice de l'assistance judiciaire par ordonnance du premierpresident du 14 fevrier 2012 (nDEG G.12.0016.F),

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

Centre Public d'Action Sociale de Liege, dont les bureaux sont etablis àLiege, place Saint-Jacques, 13,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 novembre2011 par la cour du travail de Liege.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 3 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'integrationsociale ;

- article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, approuvee par la loi du 13 mai 1955 ;

- articles 10, 11, 23, 149, 159 et 191 de la Constitution ;

- principe general du droit dit principe dispositif, en vertu duquelseules les parties ont la maitrise des limites du litige ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret « dit pour droit que durant la periode allant du 1er decembre2009 au 27 janvier 2011, [la demanderesse] ne pouvait se voir octroyer nirevenu d'integration sociale ni aide sociale ; dit, en consequence, lerecours introduit par [la demanderesse] contre la decision prise par le[defendeur] le 22 decembre 2009 non fonde ; decharge le [defendeur] de lacondamnation d'avoir à payer à [la demanderesse] un revenu d'integrationsociale au taux isole à partir du 1er decembre 2009 ; dit non fondee lademande formulee à titre subsidiaire d'octroi d'une aide socialeequivalente au revenu d'integration sociale au taux isole à partir du 1erdecembre 2009 ; condamne le [defendeur] aux depens liquides pour [lademanderesse] en premiere instance à 109,32 euros et fixes en appel parla cour [du travail] à 160,30 euros ».

L'arret se fonde sur les motifs suivants :

« 5. La periode litigieuse

La periode litigieuse doit effectivement etre limitee du 1er decembre 2009au 27 janvier 2011, date à partir de laquelle le [defendeur] decidel'octroi d'un revenu d'integration sociale au profit de [la demanderesse]dont le sejour a ete regularise ;

Les decisions prises le 22 fevrier 2011 ne peuvent etre considerees commemettant un terme à la periode litigieuse des lors qu'elles ne constituentque la mise à execution du jugement dont appel nanti de l'executionprovisoire et non une decision par laquelle le [defendeur] apprecie ledroit au revenu d'integration sociale ;

5.1. Du droit à l'integration sociale

5.1.1. L'article 3 de la loi du 26 mai 2002 determine les conditions quidoivent toutes etre remplies cumulativement pour ouvrir le droit àl'integration sociale pour tout demandeur ;

Il n'y a en l'espece aucune difficulte en ce qui concerne la conditionvisee à l'article 3, 2DEG (age de plus de 18 ans), et 3, 3DEG (conditiondite `de nationalite'), puisque [la demanderesse] est apatride reconnue ;

5.1.2. La premiere difficulte qui doit etre rencontree concerne ladisposition de l'article 3, 1DEG, qui impose que la personne ait saresidence effective en Belgique, dans le sens à determiner par le Roi ;

En application de ce pouvoir confere au Roi de definir la notion deresidence effective, l'article 2 de l'arrete royal du 11 juillet 2002dispose : `Est considere comme ayant sa residence effective en Belgique ausens de l'article 3, 1DEG, de la loi, celui qui sejourne habituellement eten permanence sur le territoire du royaume, meme s'il ne dispose pas d'unlogement ou s'il n'est pas inscrit dans les registres de la populationvises à l'article 1er, S: 1er, 1DEG, de la loi du 19 juillet 1991relative aux registres de la population, pour autant qu'il soit autoriseau sejour sur le territoire du royaume' ;

Aussi longtemps que [la demanderesse] n'etait pas autorisee au sejour surle territoire du royaume, c'est-à-dire pour la periode qui precede le 27janvier 2011, elle ne peut etre consideree comme remplissant la conditionde residence effective visee à l'article 3, 1DEG, de la loi du 26 mai2002 ;

[La demanderesse] estime que la disposition de l'article 2 de l'arreteroyal du 11 juillet 2002 devrait etre ecartee en raison de soninconstitutionnalite ;

[La demanderesse] developpe à ce sujet un raisonnement qui articulediverses dispositions, partant de sa qualite d'apatride pour considerersur la base d'un arret prononce le 17 decembre 2009 par la Courconstitutionnelle (nDEG 198/2009) qu'il existe une discrimination frappantles apatrides en matiere de droit au sejour par rapport à la situationdes refugies reconnus, avec pour consequence selon elle qu'il existe enmatiere de revenu d'integration une discrimination de meme ordre des lorsque les refugies reconnus se trouvent ipso facto en sejour autorise,justifiant des lors d'une residence effective, ce qui n'est pas le cas desapatrides ;

La cour [du travail] considere qu'il n'y a pas lieu d'ecarter pour motifd'inconstitutionnalite la disposition de l'article 2 de l'arrete royal du11 juillet 2002 ;

Cette disposition ne comporte en elle-meme aucune forme de discriminationou de difference de traitement entre les apatrides et les refugiesreconnus mais uniquement une difference de traitement entre les personnesautorisees au sejour et celles qui ne le sont pas, quel qu'en soit lemotif ;

Cette difference de traitement entre ces categories de personnes reposesur un critere objectif, la legalite du sejour, et est, à l'estime de lacour [du travail], raisonnablement justifiee : en effet, la situation deresidence de la personne qui n'est pas autorisee au sejour est par natureprecaire, ce qui atteint au caractere permanent de cette residence etpartant à son effectivite, des lors que la destinee logique d'unepersonne se trouvant en sejour illegal se resout à une alternative : soitson sejour cesse d'etre illegal et elle peut resider de fac,on permanenteet partant effective, soit son sejour demeure illegal et elle doit quitterle territoire du royaume ;

L'octroi du droit à l'integration, tel qu'il est conc,u dans la dynamiquede la loi du 26 mai 2002, notamment au travers de la recherche d'untravail et de la mise au travail, ne peut s'envisager qu'à l'egard depersonnes devant demeurer de fac,on permanente ou, à tout le moins,durant une tres longue periode et non à l'egard de personnes qui, à plusou moins breve echeance, devront quitter le territoire du royaume enraison du caractere illegal perdurant de leur sejour ;

Le Roi n'a nullement ajoute à la loi une condition, la legalite dusejour, que la loi comporte d'ailleurs expressement en son article 3,3DEG, qui impose au citoyen de l'Union europeenne de justifier d'un droitde sejour de plus de trois mois, ce qui illustre, là encore, le caracterenecessairement durable du sejour de la personne qui sollicite l'octroi dudroit à l'integration sociale ;

Le Roi n'a nullement excede l'habilitation que lui confere l'article 3,1DEG, de la loi du 26 mai 2002 en definissant la notion de residenceeffective dans les termes que comporte l'article 2 de l'arrete royal du 11juillet 2002 dans le respect de l'esprit de la loi du 26 mai 2002 ;

Le Roi n'a par ailleurs pas `combine' les dispositions de l'article 2 del'arrete royal du 11 juillet 2002 avec celles de l'article 98 de l'arreteroyal du 8 octobre 1981, la `combinaison' evoquee par le premier jugeetant le seul fait de plaideurs habiles qui echafaudent un raisonnement`à tiroirs' ;

Il est exact que la Cour constitutionnelle, dans son arret nDEG 198/2009du 17 decembre 2009, a estime qu'il existait, sous certaines conditions,une difference de traitement non raisonnablement justifiee en matiere dedroit au sejour entre l'apatride et le refugie reconnu, jugeant :

`B.7. Lorsqu'il est constate que l'apatride s'est vu reconnaitre cettequalite parce qu'il a involontairement perdu sa nationalite et qu'ildemontre qu'il ne peut obtenir un titre de sejour legal et durable dans unautre Etat avec lequel il aurait des liens, la situation dans laquelle ilse trouve est de nature à porter une atteinte discriminatoire à sesdroits fondamentaux.

Il en resulte que la difference de traitement, en ce qui concerne le droitde sejour, entre l'apatride qui se trouve sur le territoire belge dans unetelle situation et le refugie reconnu n'est pas raisonnablement justifiee.

B.8. Cette discrimination ne provient toutefois pas de l'article 49 de laloi du 15 decembre 1980, qui ne concerne que les refugies reconnus enBelgique, mais de l'absence d'une disposition legislative accordant auxapatrides reconnus en Belgique un droit de sejour comparable à celui dontbeneficient ces refugies.

B.9. C'est au juge a quo et non à la Cour [constitutionnelle] qu'ilappartient, en application de l'article 159 de la Constitution, decontroler le cas echeant la constitutionnalite de l'article 98 de l'arreteroyal du 8 octobre 1981 precite' ;

Il faut toutefois observer que, meme si la cour [du travail] devaitretenir l'inconstitutionnalite de l'article 98 de l'arrete royal du 8octobre 1981, ce qui, en regard des considerants emis par la Courconstitutionnelle, implique qu'elle verifie que [la demanderesse] ainvolontairement perdu sa nationalite et, egalement, qu'elle ne peutobtenir un titre de sejour legal et durable dans un autre Etat avec lequelelle aurait des liens, encore ne pourrait-elle ecarter la disposition del'article 98 [precite] sans pouvoir lui substituer quelque regle que cesoit ni reconnaitre à [la demanderesse] un droit au sejour ;

En l'etat actuel de la legislation, la cour [du travail] ne peut enconsequence reconnaitre un quelconque droit au sejour de [la demanderesse]durant la periode litigieuse fonde sur sa qualite d'apatride ;

De fac,on superfetatoire, la cour [du travail] doit en outre constater, enl'espece, qu'il n'est pas etabli à suffisance que [la demanderesse]remplisse les conditions visees par la Cour constitutionnelle dans sonarret precite, à savoir, d'une part, avoir involontairement perdu sanationalite et, d'autre part, ne pouvoir obtenir un titre de sejour legalet durable dans un autre Etat avec lequel elle aurait des liens ;

[La demanderesse] fait etat du jugement prononce par le tribunal depremiere instance de Liege le 28 juillet 2006 qui la declare apatride,dont elle met en avant l'autorite de la chose jugee, mais la cour [dutravail] observe que ce jugement porte que `tres probablement' la perte desa nationalite par [la demanderesse] est liee au fait qu'elle a etelongtemps absente de son pays et n'est pas volontaire en raison descirconstances, tout en retenant qu'une disposition de la loi kazakhe liela perte de nationalite au fait qu'un ressortissant de ce pays sejournedurant plus de trois ans à l'etranger sans se faire inscrire à sonconsulat et egalement que, dans une lettre, l'ambassade kazakhe signaleque la perte de nationalite n'est pas automatique ;

Il n'existe en consequence aucune certitude, aucun fait prouve de fac,onindiscutable, que la perte de la nationalite kazakhe, si tel est le cas,soit totalement involontaire dans le chef de [la demanderesse], la cour[du travail] estimant ne pouvoir s'arreter à un fait `tres probablement'etabli ;

Les pieces deposees par [la demanderesse] indiquent au contraire quecelle-ci, pour des motifs sans doute comprehensibles de crainte du sortqui serait le sien en cas de retour au Kazakhstan, ne desirait nullementretourner dans ce pays et conserver des liens avec ce pays ;

[La demanderesse] n'apporte d'ailleurs aucune preuve de ce qu'elle auraitvainement tente de retourner au Kazakhstan, notamment qu'elle auraitsollicite le renouvellement de son passeport ; on rappellera que lejugement belge reconnaissant à [la demanderesse] le statut d'apatridevaut erga omnes en Belgique seulement et qu'il n'est nullement opposableà la republique du Kazakhstan qui est tout à fait susceptible, en depitde ce jugement, de reconnaitre [la demanderesse] comme l'une de sesressortissantes ;

5.1.3. La verification des conditions d'octroi determinees à l'article 3,4DEG, et à l'article 3, 5DEG, de la loi du 26 mai 2002 s'avere en l'etatdifficile, voire impossible, les parties ne documentant guere la cour [dutravail] tant en ce qui concerne l'absence de ressources suffisantes qu'ence qui concerne la disposition au travail ;

Tout au plus apprend-on par le dossier d'enquete sociale que [lademanderesse] est aidee par des personnes privees, notamment pour lepaiement de son loyer, et egalement qu'elle suit des cours à Hazinelle,apparemment à horaire decale ;

C'est evidemment un peu court pour permettre de conclure que lesconditions d'octroi visees aux articles 3, 4DEG, et plus encore 3, 5DEG,sont remplies mais, des lors que la condition visee à l'article 3, 1DEG,ne l'est pas, il ne s'indique pas d'examiner plus avant le respect desautres conditions d'octroi ».

L'arret en deduit que « le revenu d'integration ne [peut] etre accordedurant la periode litigieuse ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 3 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit àl'integration sociale,

« Pour pouvoir beneficier du droit à l'integration sociale, la personnedoit simultanement et sans prejudice des conditions specifiques prevuespar cette loi :

1DEG avoir sa residence effective en Belgique, dans le sens à determinerpar le Roi ;

2DEG etre majeure ou assimilee à une personne majeure en application desdispositions de la presente loi ;

3DEG appartenir à une des categories de personnes suivantes :

- soit posseder la nationalite belge ;

- soit beneficier en tant que citoyen de l'Union europeenne, ou en tantque membre de sa famille qui l'accompagne ou le rejoint, d'un droit desejour de plus de trois mois, conformement aux dispositions de la loi du15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers ;

- soit etre inscrite comme etranger au registre de la population ;

- soit etre un apatride et tomber sous l'application de la Conventionrelative au statut des apatrides, signee à New York le 28 septembre 1954et approuvee par la loi du 12 mai 1960 ;

- soit etre un refugie au sens de l'article 49 de la loi du 15 decembre1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers ;

4DEG ne pas disposer de ressources suffisantes, ni pouvoir y pretendre, nietre en mesure de se les procurer, soit par ses efforts personnels, soitpar d'autres moyens. Le centre calcule les ressources de la personneconformement aux dispositions du titre II, chapitre II ;

5DEG etre disposee à travailler, à moins que des raisons de sante oud'equite l'en empechent ;

6DEG faire valoir ses droits aux prestations dont elle peut beneficier envertu de la legislation sociale belge et etrangere ».

L'article 2 de l'arrete royal du 11 juillet 2002 portant reglement generalen matiere de droit à l'integration sociale enonce qu'« est considerecomme ayant sa residence effective en Belgique au sens de l'article 3,1DEG, de la loi, celui qui sejourne habituellement et en permanence sur leterritoire du royaume, meme s'il ne dispose pas d'un logement ou s'iln'est pas inscrit dans les registres de la population vises à l'article1er, S: 1er, 1DEG, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres dela population, pour autant qu'il soit autorise au sejour sur le territoiredu royaume ».

Selon l'article 9 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, « pour pouvoirsejourner dans le royaume au-delà du terme fixe à l'article 6,l'etranger qui ne se trouve pas dans un des cas prevus à l'article 10doit y etre autorise par le ministre ou son delegue. Sauf derogationprevue par un traite international, par une loi ou par un arrete royal,cette autorisation doit etre demandee par l'etranger aupres du postediplomatique ou consulaire belge competent pour le lieu de sa residence oude son sejour à l'etranger ».

En outre, il est prevu, à l'article 9bis, S: 1er, alinea 1er, de cetteloi que, « lors de circonstances exceptionnelles et à la condition quel'etranger dispose d'un document d'identite, l'autorisation de sejour peutetre demandee aupres du bourgmestre de la localite ou il sejourne, qui latransmettra au ministre ou à son delegue. Quand le ministre ou sondelegue accorde l'autorisation de sejour, celle-ci sera delivree enBelgique ».

Aux termes de l'article 98 de l'arrete royal du 8 octobre 1981 sur l'accesau territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers,« l'apatride et les membres de sa famille sont soumis à lareglementation generale. Toutefois, lorsque l'apatride est autorise àsejourner plus de trois mois dans le royaume, l'administration communalelui remet un certificat d'inscription au registre des etrangers dont ladate d'echeance est anterieure de trois mois à celle du titre de voyage.Les articles 85 et 92 sont applicables à l'apatride autorise à sejournerdans le royaume ».

A la suite d'une question prejudicielle posee par la cour du travail deBruxelles, la Cour constitutionnelle a decide dans un arret nDEG 198/2009prononce le 17 decembre 2009 que :

« B.3.1. La question prejudicielle porte sur la compatibilite avec lesarticles 10 et 11 de la Constitution, lus isolement ou en combinaison avecl'article 3 de la Convention [de sauvegarde] des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, de l'article 49 de la loi du 15 decembre 1980,[...] en ce qu'il etablit une difference de traitement entre l'etrangerauquel la qualite de refugie est reconnue et qui, par là, est admis ausejour ou à l'etablissement dans le royaume et l'apatride qui, n'etantpas vise par cette disposition, ne peut tirer de la reconnaissance dont ila fait l'objet en cette qualite le droit d'etre admis au sejour ou àl'etablissement dans le royaume.

B.4.3. En l'espece, il resulte de la difference de traitement en B.3.1 queles refugies reconnus, contrairement aux apatrides reconnus, peuvent,grace au titre de sejour qu'emporte leur reconnaissance en tant querefugies, beneficier du droit à l'integration sociale qui est octroye parla loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'integration sociale et quifait l'objet du litige dont est saisi le juge a quo (...).

B.4.4. L'action dont est saisi le juge a quo porte sur l'octroi d'unrevenu d'integration sociale. L'examen des conditions d'octroi de cerevenu comporte, notamment, celui du caractere regulier du sejour dudemandeur apatride et peut amener le juge à s'interroger sur unedifference de traitement qu'il constaterait à cet egard entre descategories d'etrangers.

Il n'apparait pas que le juge a quo ait pose à la Cour[constitutionnelle] une question qui ne soit manifestement pas pertinentepour trancher le litige qui lui est soumis ou qui repose sur uneapplication ou une interpretation manifestement inexacte des dispositionsqu'il prend en compte.

B.5. La situation des apatrides en droit international est reglee par laConvention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre1954, approuvee par la loi du 12 mai 1960 ; celle des refugies l'est parla Convention de Geneve du 28 juillet 1951 relative au statut desrefugies, approuvee par la loi du 26 juin 1953.

Les deux conventions, qui procedent, historiquement, de la meme demarche,contiennent des dispositions dont la portee est similaire à plusieursegards. En vertu de l'article 7.1 de la Convention de Geneve et del'article 7.1 de la Convention de New York, la Belgique accorde auxrefugies et aux apatrides le regime qu'elle accorde aux etrangers engeneral. En vertu des articles 23 et 24 de la Convention de New York etdes articles 23 et 24 de la Convention de Geneve, la Belgique doitaccorder aux refugies residant regulierement sur son territoire et auxapatrides residant regulierement sur son territoire le meme traitementqu'aux nationaux en matiere de legislation du travail et de securitesociale et en matiere d'assistance publique ; ni les uns ni les autres nepeuvent, s'ils resident regulierement sur le territoire, etre expulses,sauf pour des raisons de securite nationale ou d'ordre public (article 31de la Convention de New York et article 32 de la Convention de Geneve).Aucune des deux conventions ne reconnait aux personnes qu'elles visent ledroit de sejour sur le territoire de l'Etat qui les reconnait commerefugies ou comme apatrides.

B.6. Les apatrides reconnus et les refugies reconnus se trouvent ainsidans des situations largement comparables compte tenu, non seulement de ceque prevoient ces dispositions, mais aussi de ce qu'en leur accordant lareconnaissance en qualite, selon le cas, d'apatride ou de refugie,l'autorite se reconnait des devoirs vis-à-vis des interesses.

B.7. Lorsqu'il est constate que l'apatride s'est vu reconnaitre cettequalite parce qu'il a involontairement perdu sa nationalite et qu'ildemontre qu'il ne peut obtenir un titre de sejour legal et durable dans unautre Etat avec lequel il aurait des liens, la situation dans laquelle ilse trouve est de nature à porter une atteinte discriminatoire à sesdroits fondamentaux.

Il en resulte que la difference de traitement, en ce qui concerne le droitde sejour, entre l'apatride qui se trouve sur le territoire belge dans unetelle situation et le refugie reconnu n'est pas raisonnablement justifiee.

B.8. Cette discrimination ne provient toutefois pas de l'article 49 de laloi du 15 decembre 1980, qui ne concerne que les refugies reconnus enBelgique, mais de l'absence d'une disposition legislative accordant auxapatrides reconnus en Belgique un droit de sejour comparable à celui dontbeneficient ces refugies.

B.9. C'est au juge a quo et non à la Cour [constitutionnelle] qu'ilappartient, en application de l'article 159 de la Constitution, decontroler le cas echeant la constitutionnalite de l'article 98 de l'arreteroyal du 8 octobre 1981 precite.

B.10. La question prejudicielle appelle une reponse negative ».

Il decoule de cet arret qu'est inconstitutionnelle l'absence dereconnaissance à l'apatride du droit au sejour ou à l'etablissement lieà sa qualite.

Cette situation, engendree par l'application de l'article 98 de l'arreteroyal du 8 octobre 1981 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers, est contraire nonseulement aux articles 10 et 11 de la Constitution mais egalement àl'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, qui dispose que la jouissance des droits etlibertes reconnus dans cette convention doit etre assuree, sansdistinction aucune, fondee notamment sur le sexe, la race, la couleur, lalangue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions,l'origine nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

De surcroit, le refus, dans des circonstances engendrant unediscrimination non raisonnablement justifiee, de l'octroi du revenud'integration sociale entraine une violation de l'article 23 de laConstitution, qui reconnait à chacun « le droit de mener une vieconforme à la dignite humaine. A cette fin, la loi, le decret ou la reglevisee à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligationscorrespondantes, les droits economiques, sociaux et culturels, etdeterminent les conditions de leur exercice ».

Ces droits comprennent notamment « le droit à la securite sociale, à laprotection de la sante et à l'aide sociale, medicale et juridique ».

De meme, l'article 191 de la Constitution est egalement viole, qui enonceque tout etranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit dela protection accordee aux personnes et aux biens, sauf les exceptionsetablies par la loi.

En consequence, l'application par les cours et tribunaux de l'article 98de l'arrete royal du 8 octobre 1981 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers emporte une meconnaissancede l'article 159 de la Constitution.

En l'espece, par les motifs reproduits au moyen, l'arret refuse l'octroià la demanderesse du revenu d'integration sociale vise à l'article 3 dela loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'integration sociale etreconnu par les articles 23 et 191 de la Constitution, pour le motif, ensubstance, que la demanderesse, dont il admet qu'elle presente la qualited'apatride, ne peut se prevaloir d'un quelconque droit au sejour au regardde l'article 98 de l'arrete royal du 8 octobre 1981 sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers.

En consequence, l'arret, en considerant que, « en l'etat actuel de lalegislation, la cour [du travail] ne peut [...] reconnaitre un quelconquedroit au sejour [à la demanderesse] durant la periode litigieuse, fondesur sa qualite d'apatride », viole les articles 10, 11 et 159 de laConstitution et, en en deduisant que le revenu d'integration sociale nepeut lui etre accorde pendant la meme periode, viole l'article 3 de la loidu 26 mai 2002 concernant le droit à l'integration sociale ainsi que lesarticles 23 et 191 de la Constitution.

Deuxieme branche

Selon les articles 23, 24, 25, 26 et 27 du Code judiciaire, l'autorite dela chose jugee est attachee aux decisions definitives ainsi qu'à tout cequi, en raison de la contestation portee devant le juge, et soumis à lacontradiction des parties, constitue, fut-ce implicitement, le fondementnecessaire de la decision.

L'arret admet que, « par jugement du 28 juillet 2006, le tribunal depremiere instance de Liege a reconnu [à la demanderesse] le statutd'apatride ».

Ce jugement, annexe à la requete en copie certifiee conforme, enonceexpressement, comme fondement necessaire de la decision de declarer lademanderesse apatride, que la perte de la nationalite d'origine « n'estpas volontaire en raison des circonstances particulieres de sa venue enEurope ».

Neanmoins, l'arret estime qu' « il n'existe [...] aucune certitude, aucunfait prouve de fac,on indiscutable, que la perte de la nationalitekazakhe, si tel est le cas, soit totalement involontaire ».

En consequence, l'arret meconnait l'autorite de la chose jugee attachee aujugement du 28 juillet 2006 (violation des articles 23, 24, 25, 26 et 27du Code judiciaire).

Troisieme branche

Le juge du fond peut suppleer d'office aux moyens invoques par les partiesdes lors qu'il n'eleve aucune contestation dont celles-ci ont exclul'existence, qu'il se fonde uniquement sur des faits regulierement soumisà son appreciation et qu'il ne modifie pas l'objet de la demande. Ildoit, ce faisant, respecter les droits de la defense.

L'arret declare que :

« 5.1.3. La verification des conditions d'octroi determinees à l'article3, 4DEG, et à l'article 3, 5DEG, de la loi du 26 mai 2002 s'avere enl'etat difficile, voire impossible, les parties ne documentant guere lacour [du travail] tant en ce qui concerne l'absence de ressourcessuffisantes qu'en ce qui concerne la disposition au travail ;

Tout au plus apprend-on par le dossier d'enquete sociale que [lademanderesse] est aidee par des personnes privees, notamment pour lepaiement de son loyer, et egalement qu'elle suit des cours à Hazinelle,apparemment à horaire decale ;

C'est evidemment un peu court pour permettre de conclure que lesconditions d'octroi visees aux articles 3, 4DEG, et plus encore 3, 5DEG,sont remplies mais, des lors que la condition visee à l'article 3, 1DEG,ne l'est pas, il ne s'indique pas d'examiner plus avant le respect desautres conditions d'octroi, le revenu d'integration sociale ne pouvantetre accorde durant la periode litigieuse ».

Or, ni la demanderesse ni le [defendeur] n'examinaient dans leursconclusions regulierement deposees devant la cour du travail quellesetaient les ressources dont disposait la demanderesse ni n'invoquaient ledossier d'enquete sociale.

En consequence, l'arret retient comme l'un des elements determinants de ladecision un fait non invoque par les parties et eleve une contestationdont celles-ci avaient exclu l'existence (violation du principe general dudroit dit principe dispositif, en vertu duquel seules les parties ont lamaitrise des limites du litige), sans soumettre ce fait et cettecontestation à la contradiction des parties (violation du principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense).

Second moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

L'arret decide qu' « en application de l'article 57, S: 2, de la loi du 8juillet 1976, [la demanderesse] ne pourrait beneficier d'une aide socialeautre que l'aide medicale durant la periode litigieuse ».

L'arret attaque repose sur les motifs suivants :

« 5.2. Du droit à l'aide sociale

L'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976 dispose que,`parderogation aux autres dispositions de la presente loi, la mission ducentre public d'action sociale se limite à 1DEG l'octroi de l'aidemedicale urgente, à l'egard d'un etranger qui sejourne illegalement dansle royaume' ;

Comme cela a ete precise ci-dessus, [la demanderesse] se trouve en sejourillegal durant la periode litigieuse ;

Contrairement à ce que soutient [la demanderesse], il n'existe pasd'impossibilite pour elle d'executer l'ordre de quitter le territoirequ'elle a rec,u ; comme cela a ete precise ci-dessus, le jugement qui ladeclare apatride n'a d'effet qu'en Belgique et rien n'etablit que leKazakhstan refuserait necessairement de l'accueillir sur son sol, aucunepiece n'etant produite qui justifierait d'un tel refus ;

Le fait que [la demanderesse] ait introduit une demande de regularisationde sejour ne fait pas davantage obstacle à ce qu'elle execute l'ordre dequitter le territoire qui lui avait ete notifie. [La demanderesse] evoqueune instruction ministerielle qui imposerait un sejour ininterrompu deplus de cinq ans, sejour dont elle a atteint la duree des le 24 juillet2004, soit bien avant la periode litigieuse, puisqu'elle est arrivee enBelgique le 16 juillet 1997 ;

Le fait que [la demanderesse] ait sollicite une autorisation de sejour deplus de trois mois en application des dispositions des articles 9, alinea3, et 9bis de la loi du 15 decembre 1980 n'a pas pour effet de rendre sonsejour legal, aussi longtemps que le ministre ou son delegue n'a pas faitdroit à sa demande d'autorisation de sejour ;

La situation de la personne qui a sollicite une autorisation de sejourpour motif exceptionnel en application de l'article 9, aliena 3, de la loidu 15 decembre 1980 ou en application de l'article 9bis n'est en riencomparable à la situation de l'etranger qui a sollicite la regularisationde son sejour sur la base des dispositions de la loi du 22 decembre 1999 ;en ce qui concerne l'effet d'une demande d'autorisation de sejour baseesur la disposition de l'article 9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980sur l'application ou non de l'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet1976, la Cour de cassation s'est prononcee à plusieurs reprises,jugeant :

`Que, dans un premier arret non attaque, la cour du travail a constate quele defendeur s'est vu notifier des le 22 aout 1990 un ordre de quitter leterritoire le 11 fevrier 1994 ; qu'il a introduit divers recours, àsavoir le 11 aout 1994 une demande d'autorisation exceptionnelle de sejoursur la base de l'article 9, alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980, unedemande de reconnaissance de statut d'assimile aux refugies conformementà l'article 57 de la loi du 15 decembre 1980 et qu'il a depose, le 10juin 1994, une demande de naturalisation ;

Que ces demandes ne constituent pas des recours suspensifs, au sens desarticles precites de la loi du 15 decembre 1980 ;

Qu'en decidant que « l'ensemble de ces recours suspensifs permettent deconsiderer que le sejour (du defendeur) est regulier », l'arret viole lesdispositions legales citees par le demandeur ;

Que le moyen est fonde' (Cass., 21 avril 1997, R.G. S.96.0138.F) ;

`Qu'il resulte de l'economie de l'ensemble des dispositionsconstitutionnelles et legales precitees que la limitation du droit àl'aide sociale prevue à l'article 57, S: 2, alinea 1er, de la loi du 8juillet 1976 ne s'applique pas à un etranger contre qui il ne peut pasetre procede materiellement à un eloignement en vertu de l'article 14 dela loi du 22 decembre 1999 ;

Qu'il resulte des constatations de l'arret que les defendeurs, qui sontregulierement entres en Belgique, ont obtenu le 15 juillet 1999 le titrede sejour vise à l'article 20 de l'arrete royal du 8 octobre 1981 surl'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers, dont il ne precise pas la date d'expiration mais dont lavalidite n'excede pas trois mois ; qu'ils ont, sur la base de l'article 9,alinea 3, de la loi du 15 decembre 1980, introduit le 24 aout 1999 unedemande tendant à l'autorisation de sejourner plus de trois mois dans leroyaume ; que cette demande a, en vertu de l'article 15 de la loi du 22decembre 1999, ete commuee en une demande de regularisation de sejour ausens de cette loi ;

Qu'il suit du rapprochement de ces constatations et des principesconstitutionnels et legaux ci-avant rappeles que la decision de l'arret decondamner le demandeur à octroyer aux defendeurs l'aide socialeequivalant au minimum de moyens d'existence n'est legalement justifieequ'en ce qui concerne la periode ayant pris cours le 10 janvier 2000'(Cass., 7 octobre 2002, R.G. S.02.0165.F) ;

Il resulte des dispositions de ce dernier arret que la Cour de cassationopere nettement la distinction entre les effets d'une demanded'autorisation de sejour fondee sur l'article 9, alinea 3, de la loi du 15decembre 1980 et ceux d'une demande de regularisation de sejour basee surles dispositions de la loi du 22 decembre 1999, dans le cas evoque dansl'arret, lorsque la demande fondee sur l'article 9, alinea 3, setransforme par l'effet de l'article 15 de la loi du 22 decembre 1999 enune demande de regularisation au sens de cette derniere loi ;

L'enseignement qui decoule de l'ensemble des arrets precites de la Cour decassation est que le fait d'introduire une demande d'autorisation desejour, fondee sur les dispositions de l'article 9, alinea 3, de la loi du15 decembre 1980, est sans effet en ce qui concerne la legalite du sejourtant que l'autorisation n'a pas ete accordee et que, par consequent, lesejour demeurant illegal, l'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976s'applique et fait obstacle à l'octroi d'une aide sociale autre quel'aide medicale urgente ;

Les motifs qui sous-tendent l'arret prononce par la Cour de cassation le17 juin 2002 ne se retrouvent nullement en regard d'une demanded'autorisation de sejour fondee sur l'article 9, alinea 3, de la loi du 15decembre 1980, aucune disposition comparable à celle de l'article 14 dela loi du 22 decembre 1999 ne se retrouvant en l'espece, alors que c'estcette disposition qui avait amene la Cour de cassation à retenir que`l'etranger qui a introduit une demande de regularisation se trouve ainsiautorise par la loi [...] à prolonger sur le territoire du royaume sonsejour pourtant entache d'illegalite' ;

Le fait que l'Office des etrangers ne procede pas à l'eloignement del'etranger durant l'examen de sa demande de regularisation, ou encore lefait que l'on ne puisse contraindre l'apatride à introduire sa demanded'autorisation de sejour dans son pays d'origine sont, en l'espece, sansincidence : rien n'empeche l'apatride reconnu en Belgique de quittervolontairement ce pays ou de se rendre volontairement dans son paysd'origine parfaitement susceptible, le cas echeant, de l'accueillir surson sol ».

L'arret en deduit qu' « en application de l'article 57, S: 2, de la loidu 8 juillet 1976, [la demanderesse] ne pouvait beneficier d'une aidesociale autre que l'aide medicale urgente durant la periode litigieuse ».

Griefs

Dans ses conclusions regulierement prises en degre d'appel la demanderesseinvoquait le risque de poursuites penales à son encontre que provoqueraitsa situation dans l'Etat de la republique du Kazakhstan, ainsi que lasituation humanitaire et le sort de la minorite des Ouigours (à laquelleappartient la demanderesse) au Kazakhstan.

La demanderesse deduisait de ces elements, comme circonstance juridique,qu'elle se trouvait dans l'impossibilite d'obtenir un titre de sejour dansun autre Etat.

C'est sans avoir egard à ce moyen et à son soutenement lie auxdifficultes concretes rencontrees par la demanderesse que l'arret estimeque rien ne fait obstacle à ce que la demanderesse execute un ordre dequitter le territoire.

En consequence, l'arret n'est pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

En vertu de l'article 3, 1DEG, de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale, pour pouvoir beneficier de ce droit, lapersonne doit avoir sa residence effective en Belgique, dans le sens àdeterminer par le Roi.

L'article 2 de l'arrete royal du 11 juillet 2002 portant reglement generalen matiere de droit à l'integration sociale dispose qu'est considerecomme ayant sa residence effective en Belgique au sens de l'article 3,1DEG, de la loi, celui qui sejourne habituellement et en permanence sur leterritoire du royaume, meme s'il ne dispose pas d'un logement ou s'iln'est pas inscrit dans les registres de la population vises à l'article1er, S: 1er, 1DEG, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres dela population, pour autant qu'il soit autorise au sejour sur le territoiredu royaume.

Alors que tout etranger considere comme refugie en vertu de l'article 49,S: 1er, de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers est du fait meme,aux termes de cette disposition, admis au sejour dans le royaume, aucunedisposition legale similaire n'existe en faveur de l'apatride reconnu tel,que l'article 98, alinea 1er, de l'arrete royal du 8 octobre 1981 surl'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers soumet à la reglementation generale.

Par ses arrets nDEGs 198/2009 du 17 decembre 2009 et 1/2012 du 11 janvier2012, la Cour constitutionnelle a decide que, lorsque l'apatride s'est vureconnaitre cette qualite parce qu'il a involontairement perdu sanationalite et qu'il demontre qu'il ne peut obtenir un titre de sejourlegal et durable dans un autre Etat avec lequel il aurait des liens, lasituation dans laquelle il se trouve est de nature à porter une atteintediscriminatoire à ses droits fondamentaux, de sorte que la difference detraitement entre cet apatride et le refugie reconnu n'est pasraisonnablement justifiee.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutenement qu'il estcontraire à la Constitution de ne pas reconnaitre à tout apatride ledroit au sejour lie à sa qualite, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par ledefendeur et deduite du defaut d'interet :

Il ressort de la reponse à la premiere branche du moyen qu'il n'estcontraire à la Constitution de refuser à l'apatride le droit au sejourlie à sa qualite que lorsqu'il a, d'une part, involontairement perdu sanationalite et qu'il demontre, d'autre part, qu'il ne peut obtenir untitre de sejour legal et durable dans un autre Etat avec lequel il auraitdes liens.

Apres avoir, par les motifs que critique le moyen, en cette branche,decide qu' « il n'existe [...] aucune certitude [...] que la perte [parla demanderesse] de la nationalite kazakhe [...] soit totalementinvolontaire », l'arret considere que « [la demanderesse] n'apporte[...] aucune preuve qu'elle aurait vainement tente de retourner auKazakhstan, notamment qu'elle aurait sollicite le renouvellement de sonpasseport, [et] que le jugement belge [lui] reconnaissant le statutd'apatride vaut erga omnes en Belgique seulement et n'est nullementopposable à la republique du Kazakhstan, qui est tout à faitsusceptible, en depit de ce jugement, de [la] reconnaitre comme l'une deses ressortissantes ».

Le moyen, qui, en cette branche, ne critique pas ces considerations, nesaurait, des lors, entrainer la cassation de la decision de l'arret de nepas reconnaitre de droit de sejour à la demanderesse et est, partant,denue d'interet.

La fin de non-recevoir est fondee.

Quant à la troisieme branche :

Les motifs vainement critiques par les deux premieres branches du moyensuffisent à justifier la decision de la cour du travail de refuser à lademanderesse le benefice du droit à l'integration sociale.

Dirige contre des considerations surabondantes, le moyen, qui, en cettebranche, ne saurait entrainer la cassation, est denue d'interet, partant,irrecevable.

Sur le second moyen :

En enonc,ant que « rien n'etablit que le Kazakhstan refuseraitnecessairement [d'] accueillir [la demanderesse] sur son sol, aucune piecen'etant produite qui justifierait un tel refus », l'arret repond auxconclusions de la demanderesse soutenant qu'elle ne pourrait se voiraccorder un droit de sejour au Kazakhstan.

Le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le defendeur auxdepens.

Les depens taxes en debet à la somme de trois cent septante-neuf eurosquatre-vingt-un centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent vingt euros soixante centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce en audiencepublique du cinq novembre deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general delegue Michel Palumbo, avecl'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+--------------------------------------+
| F. Gobert | M. Delange | A. Simon |
|-----------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------+

5 novembre 2012 S.12.0020.F/20


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0020.F
Date de la décision : 05/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-05;s.12.0020.f ?
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