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05/11/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0187.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 novembre 2012, C.12.0187.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

225



NDEG C.12.0187.F

T. D.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

F.D. V., avocat, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Houba deStrooper, 748, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete privee à responsabilite limitee Oka & CDEG, dont le siege socialest etabli à Ixelles, rue Blanche, 14,

defende

ur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

225

NDEG C.12.0187.F

T. D.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

F.D. V., avocat, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Houba deStrooper, 748, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete privee à responsabilite limitee Oka & CDEG, dont le siege socialest etabli à Ixelles, rue Blanche, 14,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 15 novembre2011 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles, statuant en degred'appel.

Par ordonnance du 18 septembre 2012, le premier president a renvoye lacause devant la troisieme chambre.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 9, 17, 18, 574, 2DEG, 602, 1DEG, 639 et 640 du Codejudiciaire ;

- article 17, specialement 1DEG, de la loi du 8 aout 1997 sur lesfaillites ;

- articles 6, 1131 et 1133 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque dit « l'appel [du defendeur] agissant qualitate quarecevable et fonde ; met à neant le jugement entrepris et, statuant ànouveau, condamne [la demanderesse] à payer [au defendeur] en sa qualitede curateur à la faillite de la s.p.r.l. Oka & CDEG la somme de 108.000euros (cent huit mille euros) augmentee des interets judiciaires ; [la]condamne à [lui] payer la somme de 10.288,52 euros ».

Le jugement attaque commence par constater que :

« Le 1er mai 2005, [la demanderesse] donne en location à la s.p.r.l.Oka & CDEG (egalement identifiee dans ce jugement comme etant le preneur)le rez-de-chaussee, le premier etage et une cave d'un immeuble situe 14,rue Blanche, à Ixelles, dans le cadre d'un contrat de bail commerciald'une duree de neuf ans prenant cours le 1er mai 2005 et `finissant deplein droit le 30 avril 2013' (lire : 2014). Le bail est enregistre le 19juin 2006 ;

Les lieux sont loues à usage commercial de `restaurant, traiteur etorganisateur de banquets' (articles 1er et 13 du contrat de bail) ;

Le loyer de base est fixe à 3.000 euros par mois ;

Il est expressement stipule que `le preneur ne paiera pas de loyer pendantles premiers six mois, c'est-à-dire jusqu'au 30 octobre 2005' (article 3,alinea 2, du contrat de bail) et que le bailleur placera de nouveauxchassis en contrepartie de travaux d'amenagement, d'electricite, deplomberie et de chauffage que le preneur s'engage à executer (article 21du contrat de bail) ;

Une garantie locative de 12.000 euros, correspondant à quatre mois deloyer, est constituee (article 9 du contrat de bail) ;

Comme le permet l'article 3, alinea 5, de la loi du 30 avril 1951 sur lesbaux commerciaux, l'article 19, a), du contrat de bail autorise lebailleur à mettre fin au bail à l'expiration de chaque triennatmoyennant un preavis d'un an, en vue d'exercer effectivement lui-meme dansl'immeuble un commerce ou d'en permettre l'exploitation effective par unepersonne visee par la loi ;

En avril 2006, le restaurant est ouvert sous la denomination Oriad ;

Cependant, les travaux executes par [le preneur] ont dure plus longtempsque prevu et les premiers loyers, dont le paiement etait prevu à partirdu mois de novembre 2005, n'ont pas ete payes. Le 11 juin 2006, [lademanderesse] assigne la s.p.r.l. Oka & CDEG devant le juge de paixd'Ixelles en vue de recouvrer judiciairement les arrieres, qui s'eleventà 24.000 euros, et d'obtenir la resolution du bail aux torts [dupreneur] ;

Par jugement rendu par defaut le 27 juin 2006, le magistrat cantonalcondamne la societe Oka & CDEG au paiement d'une somme provisionnelle de20.000 euros ;

La societe Oka & CDEG fait opposition à ce jugement le 22 aout 2006 ;

La mise en etat du dossier dans le cadre de la procedure sur opposition seprolonge au moins jusqu'en juin 2007, puis un accord est trouve entre lesparties car, dans le cadre de l'opposition, qui sera jugee le 16 decembre2008, [la demanderesse] se contente de solliciter la condamnation de lasociete Oka & CDEG aux seuls depens. La suite de la chronologie des faitsconduit le tribunal à constater qu'à ce moment, en decembre 2008, lasociete Oka & CDEG est dejà en faillite ;

La teneur de l'accord n'est pas communiquee au tribunal ;

Ulterieurement, [la demanderesse] informera [le defendeur] `qu'iln'entrait pas dans [ses] intentions de poursuivre la recuperation de sesdepens vu les excellents contacts maintenus avec son ex-locataire' ;

Entre-temps, par lettre du 15 decembre 2006, [la demanderesse] signifie àla societe Oka & CDEG qu'elle met fin au bail à l'echeance du premiertriennat àfin d'y exercer personnellement une activite commercialedifferente de celle exercee aujourd'hui'. Le preavis prend fin le 30 avril2008 ;

Quelques semaines apres la lettre de rupture du bail, le restaurant fermeses portes en janvier 2007. De nouveaux travaux d'amenagement sont ensuiteeffectues pour transformer les lieux en `bar à champagne' ;

Le 29 janvier 2007, une demande de permis d'urbanisme est introduite parla societe Oka & CDEG en vue du `changement d'affectation [du] restauranten debit de boisson et salle de spectacle de charme et du placement d'uneenseigne'. Cette demande est contresignee `pour accord' par [lademanderesse] ;

La nouvelle activite debute en juin 2007 ;

Le 30 avril 2008, le bail de la societe Oka & CDEG prend fin par l'effetdu preavis signifie le 15 decembre 2006 ;

Le 22 mai 2008, [la demanderesse] conclut un nouveau contrat de bailcommercial avec la societe anonyme V.D.Z. Invest. Le bail prend coursretroactivement le 1er mai 2008 (contrat de bail commercial du 22 mai2008) ;

Sur les copies produites au tribunal, le montant du loyer est `biffe', ensorte qu'il n'est pas possible de savoir quel est le montant du nouveauloyer perc,u par [la demanderesse] pour les lieux loues ;

Le lendemain, la societe Oka & CDEG renonce à l'indemnite d'evictionprevue aux articles 25, 3DEG, et 26 de la loi sur les baux commerciaux parconvention du 23 mai 2008 ;

Le 3 septembre 2008, la societe Oka & CDEG fait aveu de faillite ;

Le 8 septembre 2008, la faillite est prononcee par jugement du tribunal decommerce de Bruxelles et [le defendeur] est designe aux fonctions decurateur ;

La date de la cessation des paiements est fixee au 8 mars 2008 parjugement du tribunal de commerce du 20 fevrier 2009. Le passif privilegies'eleve à 34.000 euros et le passif chirographaire, à 90.000 euros ;

Les elements suivants sont encore portes à la connaissance du tribunal :

En 2007, un litige a oppose les deux associes-gerants de la societe Oka &CDEG, monsieur K. et madame I.. Ce litige a ete tranche le 19 octobre 2007par le tribunal de commerce de Bruxelles qui, siegeant comme en refere, aordonne l'exclusion de madame I. comme associee et gerante et la cessionforcee de l'integralite de ses parts sociales au profit de monsieur K.. Lejugement etait executoire. Il a fait l'objet d'un appel dont l'issue n'estpas communiquee ;

Quelques semaines plus tard, le 5 decembre 2007, monsieur K. demissionnede sa fonction de gerant et a ete remplace à cette fonction par monsieurG. M.. Il n'est pas conteste que monsieur M. est employe dans la societeanonyme Vander Zijpen qui appartient principalement à monsieur M.V. Z.,dont il sera question ci-apres ;

Cinq jours plus tard, le 10 decembre 2007, monsieur K. cede 50 p.c. de sesparts sociales dans la societe Oka & CDEG à monsieur Michel V. Z. avecoption d'achat sur les 50 p.c. de parts sociales restantes. Cette optionest levee le 10 janvier 2008, date à laquelle monsieur V. Z. achete les50 p.c. de parts sociales restantes. Le prix total paye pour l'acquisitionde la societe s'eleve à 51 euros (1 euros + 50 euros) ;

Lors de la conclusion du contrat de bail du 22 mai 2008, la societeanonyme V.D.Z. Invest, nouveau locataire, etait representee par sonadministrateur delegue, monsieur M. V. Z., egalement administrateur de lasociete anonyme Vander Zijpen ;

Lors de la convention de renonciation à l'indemnite d'eviction du 23 mai2008, la societe Oka & CDEG etait representee par son gerant, monsieur G.M. ;

Le 22 avril 2008, monsieur M. V. Z. a constitue une s.p.r.l. Intersizdont le siege social est etabli à l'adresse des lieux qui font l'objet dupresent litige, 14, rue Blanche, societe dont il possede toutes les partssociales et dont il est le gerant. Cette societe a pour objet sociall'exploitation de `discotheques, dancings et similaires', selon lesdonnees de l'Office national de securite sociale figurant à labanque-carrefour des entreprises ;

Bien que la gerance de la societe Oka & CDEG fut exercee par monsieur G.M., les frais de gerance etaient factures à cette societe par la societeanonyme V.D.Z. Invest ;

Il n'est pas conteste qu'il existe des liens importants entre le locataireevince et le nouveau locataire ».

Il releve ensuite que :

« Le 27 janvier 2009, [le defendeur], en sa qualite de curateur de las.p.r.l. Oka & CDEG, a cite [la demanderesse] à comparaitre devant lejuge de paix du canton d'Ixelles en vue d'obtenir sa condamnation à luipayer la somme principale de 108.000 euros à titre d'indemnited'eviction, outre les interets judiciaires et les depens ;

[Il] sollicitait egalement l'execution provisoire du jugement àintervenir ;

[La demanderesse] sollicitait reconventionnellement la condamnation [dudefendeur] au paiement d'une indemnite de 3.500 euros pour proceduretemeraire et vexatoire ;

Par jugement prononce contradictoirement le 5 janvier 2010, le juge depaix a deboute [le defendeur] q.q. de sa demande originaire et l'acondamne aux depens liquides à 5.000 euros à titre d'indemnite deprocedure. Il a egalement deboute [la demanderesse] de sa demandereconventionnelle et l'a condamnee aux depens liquides à 650 euros àtitre d'indemnite de procedure ;

Le premier juge a declare le jugement executoire ;

[Le defendeur] q.q. a interjete appel par requete du 19 janvier 2010 ;

Aux termes de ses conclusions d'appel, [le defendeur] qualitate quareitere sa demande originaire. En consequence, il demande de condamner [lademanderesse] au paiement de la somme de 108.000 euros augmentee desinterets judiciaires. En outre, il sollicite [sa] condamnation aux entiersdepens `de l'instance', qu'il liquide à la somme de 10.288,52 euros ;

[La demanderesse] conclut au non-fondement de l'appel. En consequence,elle demande de debouter [le defendeur], de confirmer le jugemententrepris et de condamner [le defendeur] qualitate qua aux depens `del'instance, y compris l'indemnite de procedure, soit une somme de 5.000euros augmentee des interets legaux à dater du prononce du jugement àintervenir (Cass., 30 mars 2001)'. Elle fixe l'indemnite de procedure à5.000 euros par degre de juridiction », et encore que :

« [Le defendeur] q.q. soutient que [la demanderesse] n'ayant pas exploitepersonnellement les lieux est tenue au paiement de l'indemnited'eviction ;

Il expose que la convention de renonciation à l'indemnite d'eviction(denommee `convention de renonciation indemnitaire' par les parties)signee le 23 mai 2008, soit pendant la periode suspecte, est inopposableà la masse des creanciers en application de l'article 17, 1DEG, de la loisur les faillites ;

Selon lui, la societe Oka & CDEG a renonce à une creance certaine,liquide et exigible. Il s'agit d'une renonciation sans contrepartie quitombe des lors sous le coup de l'article 17 de la loi sur les faillites ;

Il cite la doctrine selon laquelle `l'inopposabilite dont sont frappeesles operations enumerees à l'article 17 de la loi sur les faillites estobligatoire : le tribunal se borne à en verifier la date et la nature. Ildoit prononcer l'inopposabilite des lors que les operations qui lui sontsoumises sont visees par cette disposition et qu'elles ont ete commisespendant la periode suspecte, sans egard aux mobiles des parties ou à leurbonne foi. La loi etablit de fac,on irrefragable une presomption deconnaissance de l'etat de cessation de paiement dans le chef des partiesà l'operation. Elle presume de la meme maniere l'existence d'un prejudicepour la masse, sauf lorsque l'inopposabilite est demandee pour caused'equivalence des prestations reciproques, qui suppose evidemmentl'existence d'un dommage (A. Zenner, `Depistages, faillites etconcordats', Larcier, 1998, p. 741, S:S: 1044-1045) ;

[Le defendeur] q.q. observe que, contrairement à ce qu'allegue [lademanderesse], celle-ci n'etait plus en mesure d'exploiter personnellementles lieux lorsque la convention de renonciation à l'indemnite d'evictiona ete signee puisqu'elle avait donne les lieux en location, la veille, àla societe anonyme V.D.Z. Invest ;

Il releve que la chronologie des faits demontre que le projet de locationdes lieux par la societe anonyme V.D.Z. Invest etait bien anterieur à larenonciation par la societe Oka & CDEG à son droit à l'indemnite », etenfin que :

« [La demanderesse] soutient pour sa part que le premier juge disposaitd'un pouvoir d'appreciation sur les circonstances dans lesquelles desoperations ont ete mises sur pied pendant la periode suspecte et qu'enl'espece, il a à bon droit decide que les operations de location deslieux à la societe anonyme V.D.Z. Invest et de renonciation àl'indemnite d'eviction etaient `totalement indissociables' ;

[Elle] estime qu'il est `logique que la convention de renonciationindemnitaire soit posterieure à la conclusion du nouveau contrat de bail[...] puisque, l'article 25 de la loi sur les baux commerciaux etablissantune regle de droit imperative, le beneficiaire de la renonciation ne peutrenoncer à un tel droit qu'apres que celui-ci est ne' ;

Elle invoque l'article 1134 du Code civil, selon lequel les conventionslegalement formees tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Elle pretend qu'`[elle] avait la sincere intention d'occuperpersonnellement les lieux dans les delais prevus par l'article 25, 3DEG,de la loi sur les baux commerciaux' et allegue, à cet egard, qu'il neserait pas etabli que le projet de location à la societe. anonyme V.D.Z.Invest etait anterieur à la renonciation par la societe Oka & CDEG etque, du reste, selon elle, cet element ne serait pas pertinent ;

Elle expose qu' `il convient [...] en toute hypothese d'avoir egard aufait que la convention du 23 mai 2008 s'inscrit dans un contexteparticulier, à savoir qu'elle n'aurait pas donne le bien en location siaucun accord n'avait etre degage quant à la renonciation, par la societeOka & CDEG, à l'indemnite d'eviction precitee' ;

Elle expose que la these de l'application automatique de l'article 17 dela loi sur les faillites doit etre nuancee, qu'il n'y aurait lieud'appliquer cette disposition `que lorsque les actes commis en periodesuspecte sont insolites ou anormaux' et que les elements constitutifs ducaractere insolite ne seraient en l'espece `pas etablis', la societe Oka &CDEG n'[ayant] en realite renonce à aucune somme dont elle aurait pubeneficier' puisque, `à defaut d'engagement de renonciation de sa part,les lieux auraient ete personnellement occupes par la [demanderesse]' ;

Selon [la demanderesse], l'article 18 de la loi sur les faillites netrouverait pas non plus à s'appliquer. En revanche, la convention derenonciation constituerait dans son chef `le motif grave, prevu parl'article 25, 3DEG, de la loi sur les baux commerciaux, l'ayant empecheede realiser le motif de la rupture du contrat de bail commercial de lasociete Oka & CDEG' ;

Selon elle, `la convention de renonciation à indemnite est doncparfaitement opposable à la masse' ;

Enfin, selon [la demanderesse], si meme cette convention etaitinopposable à la masse, quod non selon elle, elle resterait `parfaitementvalable en ce qui [la] concerne' ».

Le jugement attaque repose sur les motifs selon lesquels :

« Il resulte de ce qui precede que l'objet reel du litige est la questionde l'opposabilite à la masse de la convention de renonciation àl'indemnite d'eviction souscrite par la societe Oka & CDEG ;

L'article 17 de la loi sur les faillites organise plusieurs categoriesd'inopposabilites. Cette disposition est libellee comme suit :

`Sont inopposables à la masse lorsqu'ils ont ete faits par le debiteurdepuis l'epoque determinee par le tribunal comme etant celle de lacessation de ses paiements :

1. tous actes de disposition à titre gratuit portant sur des meubles oudes immeubles, ainsi que les actes, operations ou contrats commutatifs ouà titre onereux, si la valeur de ce qui a ete donne par le failli depassenotablement celle de ce qu'il a rec,u en retour ;

2. tous paiements, soit en especes, soit par transport, vente,compensation ou autrement, pour dettes non echues et pour dettes echues,tous paiements faits autrement qu'en especes ou effets de commerce ;

3. toutes hypotheques conventionnelles et tous droits d'antichrese ou degage constitues sur les biens du debiteur pour dettes anterieurementcontractees' ;

En l'espece, la [demanderesse] ne conteste pas qu'elle n'a pas exploitepersonnellement les lieux ;

Elle ne conteste pas non plus que le droit pour la societe Oka & CDEG dereclamer l'indemnite d'eviction est ne à la suite de la conclusion ducontratde bail commercial avec la societe anonyme V.D.Z. Invest (article 2 de laconvention de renonciation indemnitaire). Elle le repete à plusieursreprises dans ses conclusions, outre que cette deduction resulte del'enonce meme de l'article 2 de la convention de renonciationindemnitaire, qui est libelle comme suit : `Les parties reconnaissent quele droit pour la societe Oka & CDEG de reclamer l'indemnite d'evictioncorrespondant à trois annees de loyer à charge de la [demanderesse] estne suite à la conclusion, en date du 23 mai 2008, avec effet au 23 mai2008, du contrat de bail commercial entre [la demanderesse] et la societeV.D.Z. Invest' ;

Le tribunal deduit de ce qui precede que la [demanderesse] ne conteste deslors pas que les conditions d'application prevues pour l'indemnited'eviction par les articles 25 et 26 de la loi du 30 avril 1951 sur lesbaux commerciaux sont reunies en l'espece ;

Par consequent, en renonc,ant à l'indemnite d'eviction à laquelle elleavait droit en application de la loi sur les baux commerciaux, la societeOka & CDEG a renonce à une creance certaine, liquide et exigible ;

Il echet de souligner que la societe Oka & CDEG a consenti à cetterenonciation sans contrepartie, en raison seulement de ses liens avec lenouveau locataire, la societe anonyme V.D.Z. Invest, dont un desadministrateurs delegues etait entre-temps devenu proprietaire de las.p.r.l. Oka & CDEG, et des bons rapports de cette societe avec laproprietaire ;

Pareille operation rentre sans conteste dans la categorie des operationsvisees par l'article 17 de la loi sur les faillites et doit etre declareeinopposable à la masse. `On ne peut tolerer qu'un commerc,ants'appauvrisse sans contrepartie à moins de six mois de sa faillite' (Fr.T'Kint et W. Derijcke, `La faillite', Repertoire notarial, Larcier, 2006,p. 260, nDEG 304) ;

Contrairement à ce qu'indique le jugement entrepris, le tribunal est tenude prononcer l'inopposabilite et ne benefice d'aucune marge d'appreciation(Fr. T'Kint et W. Derijcke, `La faillite', Repertoire notarial, Larcier,2006, p. 259, nDEG 300). La bonne foi eventuelle de [la demanderesse] estdes lors sans pertinence ;

Par consequent, c'est à tort que le jugement entrepris a estime que lesoperations de location à la societe anonyme V.D.Z. Invest et derenonciation par la societe Oka & CDEG `etaient totalementindissociables' ;

La circonstance que le bail commercial avec la societe anonyme V.D.Z.Invest n'aurait ete conclu par [la demanderesse] qu'à la conditionsine qua non de la renonciation à l'indemnite d'eviction par la societeOka & CDEG n'est pas de nature à empecher l'application de l'article 17de la loi sur les faillites ;

De surcroit, comme le soutient [le defendeur] q.q., plusieurs elements dudossier laissent penser que le projet de location des lieux par la societeanonyme V.D.Z. Invest etait anterieur à la renonciation par la s.p.r.l.Oka & CDEG à l'indemnite d'eviction ;

A cet egard, le tribunal releve que l'acquiescement de [la demanderesse]à la demande de changement d'affectation des lieux introduite par lasociete Oka & CDEG aupres du service de l'urbanisme n'est pas coherentavec le projet vante par elle d'exercer personnellement dans les lieux uneactivite commerciale differente ;

De meme, la chronologie des operations effectuees par le sieur V.Z. quiont conduit la societe anonyme V.D.Z. Invest à `reprendre' l'activite debar à champagne dans les lieux loues (demission de monsieur K. de safonction de gerant de la societe Oka & CDEG en decembre 2007, rachat de latotalite des parts sociales de la societe Oka & CDEG en janvier 2008,creation de la societe Intersiz en avril 2008) demontre que le projet dela societe anonyme V.D.Z. Invest etait anterieur à la renonciation par lasociete Oka & CDEG à son droit à l'indemnite, ce qui ne peut seconcevoir sans que des negociations aient ete menees avec la proprietairedes lieux ;

Le tribunal observe du reste que, si [la demanderesse] soutient enconclusions qu'à defaut de renonciation à l'indemnite d'eviction, `elleaurait occupe personnellement les lieux', elle ne soutient pas qu'elleaurait effectivement exerce dans les lieux une activite commerciale, commele requiert l'article 3, alinea 5, de la loi sur les baux commerciaux ;

Contrairement à ce que soutient [la demanderesse], la convention derenonciation à l'indemnite ne saurait etre constitutive d'un motif graveau sens de l'article 25, 3DEG, de la loi sur les baux commerciaux, laditeconvention etant le fait volontaire de l'interessee ;

Enfin, l'argument de [la demanderesse] selon lequel la convention derenonciation à l'indemnite d'eviction resterait en tout etat de causeparfaitement valable en ce qui la concerne est sans pertinence ;

S'il est avere que les actes rendus inopposables à la masse ne sont pasnuls, l'article 17 de la loi sur les faillites a pour effet de neutraliserl'acte litigieux dans la mesure de ce qui est necessaire à la sauvegardedes interets des creanciers ;

[La demanderesse] ne conteste pas que le montant de l'indemnited'eviction correspond à trois annees de loyer. L'article 2 de laconvention de renonciation indemnitaire enonce en effet que `les partiesreconnaissent que le droit pour la societe Oka & CDEG de reclamerl'indemnite d'eviction correspond à trois annees de loyer ».

Le jugement attaque en conclut que « la demande originaire et l'appelsont des lors fondes ».

Griefs

Aux termes de l'article 574, 2DEG, du Code judiciaire, le tribunal decommerce connait, meme lorsque les parties ne sont pas commerc,antes, desactions et contestations qui decoulent directement des faillites,conformement à ce qui est prescrit par la loi sur les faillites du 8 aout1997, et dont les elements de solution resident dans le droit particulierqui concerne le regime des faillites.

Releve du droit particulier qui concerne le regime des faillites au sensde cette disposition, l'action en inopposabilite pouvant etre intenteeexclusivement par le curateur au benefice de la masse des creanciers dufailli et tendant, sur pied de l'article 17, 1DEG, de la loi sur lesfaillites, à entendre declarer « inopposables à la masse, lorsqu'ilsont ete faits par le debiteur depuis l'epoque determinee par le tribunalcomme celle de la cessation de ses paiements, tous actes de disposition àtitre gratuit portant sur des meubles ou immeubles ainsi que les actes,operations ou contrats commutatifs ou à titre onereux, si la valeur de cequi a ete donne par le failli depasse notablement celle de ce qu'il arec,u en retour ».

La competence d'attribution exclusive octroyee en cette matiere autribunal de commerce releve de l'ordre public, au regard des articles 9,639 et 640 du Code judiciaire, ainsi que 6, 1131 et 1133 du Code civil.

En effet, en vertu des articles 9, alinea 2, 639 et 640 du Codejudiciaire, le tribunal de premiere instance qui, à defaut dedeclinatoire de competence ratione materiae, n'ordonne pas le renvoi de lacause devant le tribunal d'arrondissement, se declare, de maniereimplicite mais certaine, competent pour connaitre en degre d'appel de ladecision rendue au premier degre par le juge de paix.

Or, suivant l'article 602, 1DEG, du Code judiciaire, c'est la cour d'appelqui connait de l'appel des decisions rendues en premier ressort dans deslitiges dont les elements de solution resident dans le droit particulierqui concerne le regime des faillites et qui relevent des lors de lacompetence d'attribution exclusive du tribunal de commerce.

En application de l'article 640 du Code judiciaire, le tribunal depremiere instance appele à decliner d'office sa competence en degred'appel est tenu d'ordonner le renvoi de la cause devant le tribunald'arrondissement.

La violation des regles precitees peut etre invoquee pour la premiere foisdevant la Cour de cassation pour autant que le demandeur dispose à cettefin d'un interet legitime au sens des articles 17 et 18 du Codejudiciaire.

Selon la jurisprudence de la Cour, tel ne serait pas le cas d'une partiequi critiquerait « une decision rendue en conformite avec sesconclusions », cette partie etant « sans grief contre le jugement dutribunal de premiere instance qui, sur son propre appel et conformement àses conclusions, declare le tribunal competent pour connaitre del'appel » (voir Cass., 31 janvier 2008, Pas., 2008, 294 ; R.C.J.B., 2008,558, note J.-Fr. van Drooghenbroeck, « L'interdiction d'abjurer encassation meme au nom de l'ordre public »).

De la meme maniere, est considere comme sans interet le demandeur quicritique un arret recevant, conformement à ses conclusions, l'actionqu'il a introduite devant le tribunal de premiere instance (Cass., 10octobre 2002, Pas. 2002, 1902 ; 22 octobre 2001, Pas., 2001, 1680).

Dans le meme ordre d'idees, est irrecevable, à defaut d'interet dudemandeur, le moyen dirige contre la decision de recevoir la demanded'interpretation d'une decision lorsque le demandeur lui-meme a demandel'interpretation de celle-ci (Cass., 26 avril 2001, Pas., 2001, 710).

En l'espece, il ressort des constatations du jugement attaque que 1. c'estle curateur qui a fait citer [la demanderesse] « à comparaitre devant lejuge de paix du canton d'Ixelles en vue d'obtenir sa condamnation à luipayer la somme principale de 108.000 euros à titre d'indemnited'eviction, outre les interets judiciaires et les depens » ; 2. devant lejuge de paix, [la demanderesse] « sollicitait reconventionnellement lacondamnation [du curateur] au paiement d'une indemnite de 3.500 euros pourprocedure temeraire et vexatoire » ; 3. ayant ete deboute de sa demandepar le jugement entrepris, le curateur seul a interjete appel, portantl'affaire devant le tribunal de premiere instance ; 4. devant ce dernier,[la demanderesse] a reitere les contestations qu'elle avait anterieurementopposees à la demande ; 5. aucune des parties n'a conclu sur lacompetence d'attribution du juge de paix et du tribunal de premiereinstance siegeant en degre d'appel ; 6. la these du curateur reposeexclusivement sur l'application de l'article 17 de la loi sur lesfaillites ; 7. le tribunal de premiere instance conclut qu' « il resultede ce qui precede que l'objet reel du litige est la question del'opposabilite à la masse de la convention de renonciation à l'indemnited'eviction souscrite par la s.p.r.l. Oka & CDEG ».

Il ressort de ces enonciations que 1. l'objet de la demande formulee parle curateur tant devant le juge de paix que devant le tribunal de premiereinstance releve de la competence d'attribution exclusive et d'ordre publicdu tribunal de commerce et que 2. [la demanderesse] n'a jamais adopte uneposition dans le cadre de la procedure pouvant entrainer la disparition deson interet à critiquer le jugement attaque qui lui porte grief.

En consequence, en declarant recevable et fonde l'appel forme par lecurateur d'une decision rendue sur une contestation relevant de lacompetence d'attribution exclusive du tribunal de commerce et enconsiderant de la sorte le tribunal de premiere instance competent pour enconnaitre en degre d'appel, sans decliner d'office sa competence, lejugement attaque viole l'ensemble des dispositions legales visees aumoyen.

III. La decision de la Cour

La competence d'attribution determinee en raison de l'objet de la demandes'apprecie en fonction de la demande telle qu'elle est formulee par ledemandeur.

Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que la demandeformee par le defendeur devant le juge de paix tendait à la condamnationde la demanderesse à l'indemnite dont, en vertu de l'article 25, alinea1er, 3DEG, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, en vue dela protection du fonds de commerce, elle serait redevable pour n'avoir pasrealise l'intention pour laquelle elle avait pu evincer la societe failliedes lieux qu'elle lui avait donnes en location.

Pareille demande ressortit au juge de paix en vertu de l'article 591,1DEG, du Code judiciaire.

La circonstance que, pour apprecier la defense deduite par la demanderessede la renonciation de la societe faillie à l'indemnite reclamee, le jugeeut à se prononcer sur l'opposabilite de cette renonciation à la masse,contestee par le defendeur sur la base de l'article 17, 1DEG, de la loi du8 aout 1997 sur les faillites, est sans incidence sur la competenced'attribution du juge de paix.

En ne soulevant pas l'incompetence de ce juge et, des lors, celle dutribunal de premiere instance pour connaitre de l'appel du jugement qu'ila rendu, le jugement attaque ne viole aucune des dispositions legalesvisees au moyen.

Celui-ci ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent septante-deux euros huitcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de centquatre-vingt-huit euros quarante-neuf centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange et prononce en audiencepublique du cinq novembre deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general delegue Michel Palumbo, avecl'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+--------------------------------------+
| F. Gobert | M. Delange | A. Simon |
|-----------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
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5 novembre 2012 C.12.0187.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0187.F
Date de la décision : 05/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-05;c.12.0187.f ?
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